Si l’on va sur Mars, l’établissement que l’on y créera recherchera inéluctablement son autonomie

Certains de mes amis, partisans comme moi de l’exploration de Mars par vols habités, ne partagent pas mon opinion sur le caractère indispensable et quasiment inéluctable d’un établissement permanent et autonome sur la planète-rouge (du moins autant qu’il lui sera techniquement possible de l’être). Je leur réponds.

Il y a plusieurs raisons de vouloir envoyer des hommes sur Mars. La première ou plutôt la plus immédiate, c’est l’exploration scientifique de la planète. On voit bien qu’avec le décalage temporel résultant de la finitude de la vitesse de la lumière, l’exploration robotique est difficile puisque la distance de 56 à 400 millions de km entre les deux planètes couplée avec les 300.000 km/s de la lumière, impose un temps minimum de 5 à 45 minutes entre l’envoi d’un ordre et le retour de l’information sur Terre rendant compte de ses conséquences. Il en résulte qu’aucune action ne peut être menée en direct sur Mars, contrairement à ce qu’on peut faire sur la Lune. Puisqu’on peut quasiment aujourd’hui envoyer des hommes sur Mars et surtout qu’on devrait pouvoir le faire demain, notamment grâce au Starship d’Elon Musk, une présence humaine représenterait donc un avantage difficilement contestable par rapport à la situation présente, au moins dans ce domaine.

Mais si on va sur Mars, je suis convaincu qu’on aura de plus, intérêt à s’y installer et voici pourquoi.

1) Le premier voyage sera hasardeux et de toute façon dangereux car il n’y aura pas de « comité d’accueil » à l’arrivée. Cela posera problème notamment pour aider les passagers à effectuer les tâches les plus basiques dans le contexte d’une pesanteur retrouvée. Une équipe restant après cette « première » sera plus que bienvenue pour que l’arrivée de la seconde mission se passe dans de meilleures conditions.

2) La mission « n » devra repartir de Mars avant que la mission « n+1 »y parvienne. En effet les départs vers Mars à partir de la Terre ne peuvent avoir lieu que dans une fenêtre d’un mois tous les 26 mois, le voyage dure 8 à 9 mois dans un rapport idéal masse transportée/énergie dépensée (orbite de transfert de Hohmann) mais on peut le réduire à 6 mois en consommant plus d’énergie et en transportant moins de masse, tout en gardant une trajectoire de libre-retour. Ensuite le séjour sur Mars ne peut durer moins de 18 mois (à moins de repartir après deux ou trois semaines seulement mais au prix d’un séjour dans l’espace beaucoup plus long qu’à l’aller, d’un passage périlleux dans l’environnement de Vénus et d’une vitesse plus élevée, dangereuse, à l’approche de la Terre). Et à nouveau le retour sur Terre mettra six mois. On aura donc une mission de 6 + 18 + 6 mois = 30 mois. En clair la mission « n » quittera Mars 24 mois après son lancement mais surtout la mission « n+1 » ne pourra arriver sur Mars qu’après 32 mois (26 + 6). Donc, il ne faut pas rêver, il y aura un hiatus de temps important entre le départ de Mars et l’arrivée de la mission suivante sur Mars. Ceci implique, outre l’absence du comité d’accueil déjà mentionné, l’absence d’une présence pour entretenir les équipements laissés sur place (et les conditions environnementales martiennes sont très dures, selon les critères terrestres).

3) Toute importation depuis la Terre sera impossible entre deux fenêtres de lancements. Il faudra donc disposer de stocks mais surtout faire le maximum avec les ressources locales pour produire les ressources dont on aura besoin. En effet, outre la contrainte des fenêtres, et la nécessité pour certains produits de n’être pas trop vieux pour être consommés, le transport de masse et de volume depuis la Terre posera toujours problème car la capacité d’emport de nos fusées n’est pas illimitée et ne le sera jamais. Je rappelle que le Starship ne pourra transporter que cent tonnes jusqu’à la surface de Mars ; c’est à la fois beaucoup par rapport à aujourd’hui et très peu par rapport aux besoins d’une communauté installée sur place. Il faudra donc développer au maximum l’ISRU (In Situ Resources Utilisation) y compris l’ISPP (In Situ Propellant Production), deux principes mis en évidence par Robert Zubrin au début des années 1990 et repris ensuite par la NASA qui restent incontournables.

L’ISRU servira à produire à partir de matières martiennes, le maximum de produits semi-finis dont on aura besoin, telles que poutres et poutrelles en métal, plaques de verres, plaque de silicium (pour les panneaux solaires) mais aussi matières plastiques, tissus, nourriture, poudres pour les imprimantes 3D (objets divers et pièces de rechange) et, dans la mesure du possible, les machines pour obtenir ces produits ou du moins les éléments les plus massifs dont on aura besoin pour les encadrer, supporter ou protéger.

L’ISPP, ce sera la production à partir du gaz carbonique de l’atmosphère martienne, et le stockage, de méthane et d’oxygène qui seront les ergols utilisés par les fusées interplanétaires (le retour sur Terre !) ou planétaires (pour aller n’importe où sur Mars). Le méthane brûle très bien dans l’oxygène (bonne Isp) et la production des deux gaz utilise une technique éprouvée et facile à mettre en œuvre (réaction de Sabatier) moyennant un peu d’hydrogène (une partie pour dix-huit) que l’on trouvera dans la glace d’eau martienne (électrolyse).

4) Mais ce ne seront pas seulement les produits que l’on ne pourra faire venir de la Terre quand on le voudra, ce seront aussi les personnes. En effet il faudra contrôler les robots, faire fonctionner les machines, surveiller les cultures (algues, poissons, plantes), organiser les constructions, contrôler leur viabilité et leur salubrité. Par ailleurs, les personnes vivant sur Mars seront évidemment le bien le plus précieux de l’établissement. Pour les maintenir en bonne santé, il faudra non seulement disposer de médicaments et d’instruments médicaux divers mais aussi de médecins dans toutes les spécialités possibles. Il s’agira d’abord de chirurgiens car il est quand même délicat de confier son corps à des machines non contrôlées en direct par l’homme, mais aussi des infirmiers pour appliquer les directives de médecins examinant depuis la Terre les diverses données biologiques recueillies sur place. Enfin, les scientifiques venant sur Mars auront besoin de toutes sortes de services techniques, dont en particulier ceux de spécialistes des télécommunications ou d’informaticiens. Et « tout le monde » aura besoin de « bricoleurs », c’est-à-dire d’ingénieurs/mécaniciens/chimistes capables de résoudre un problème apparemment insoluble et qu’on n’aura pas prévu, parce qu’ils auront les capacités intellectuelles et manuelles pour le faire.

Enfin il faudra des services pour s’occuper de toutes ces personnes : des conditionneurs pour les produits alimentaires (pasteurisation, appertisation, congélation, gestion des stocks), des cuisiniers-restaurateurs, des administrateurs, des conseillers financiers, des assureurs, des personnes capables de s’occuper de l’éducation des enfants…ou des défunts.

En fait nous avions calculé avec Richard Heidmann (dans une étude publiée en 2018 dans le Journal of the British Interplanetary Society), qu’une base martienne opérationnelle devrait compter quelques 1000 personnes (y compris environ 500 visiteurs renouvelées à chaque cycle et pourvoyeurs de revenus pour la colonie). C’est sans doute ce qu’il faut envisager « pour tourner » en conditions de sécurité acceptables tout en générant une rentabilité suffisante pour continuer.

Toutes ces personnes nécessaires à l’entretien des hommes et des équipements, c’est à dire au fonctionnement de la base, ne pourront pas venir en même temps que les clients et repartir avec eux. Cela ne serait pas rationnel compte tenu de ce qui a été dit plus haut (entretien des équipements et accueil des nouveaux arrivants) et cela demanderait trop de vaisseaux qui ne pourraient rien transporter d’autre (la recherche de l’autonomie ne veut pas dire qu’on l’atteindra tout de suite ni que des échanges n’auront pas lieu).

5) Un dernier facteur à prendre en considération, lié à la distance, à l’espace et à Mars, est le fait que les hommes qui iront sur Mars devront subir les contraintes d’un long voyage (dans tous les cas plusieurs mois), d’une exposition non négligeable aux radiations spatiales (on pourra en supporter la dose sans problème pour un seul voyage ou deux, mais certainement pas pour cinq ou six), et les conséquences d’une accoutumance à une pesanteur nettement plus faible que sur Terre. Il y aura donc des personnes, spécialistes des sciences martiennes, économiquement intéressées à vivre sur Mars parce qu’ils y auront leur activité et leurs liens sociaux (le boulanger !) ou simplement amoureux de Mars, qui après un premier séjour, décideront de revenir et d’y rester. Ces personnes-là voudront un maximum de confort et de commodités et ils s’efforceront, dans leur intérêt propre, de disposer de tous les équipements nécessaires.

Mars ne sera ni la Station Spatiale Internationale d’où il est possible de revenir en moins de 30 heures, ni l’Antarctique qui, certes peut se trouver isolée mais dont l’isolement ne va durer que quelques semaines ou, au pire, quelques petits mois d’hiver. C’est pour cet isolement que naturellement de plus en plus d’autonomie sera souhaitable voire indispensable pour l’établissement humain sur Mars.

Illustration de titre : la Base Alpha imaginée par Elon Musk, crédit SpaceX

Lecture : The Case for Mars chez Free Press, dernière édition, 2011 (Robert Zubrin, créateur de la Mars Society aux Etats-Unis, marssociety.org)

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur:  Index L’appel de Mars 22 06 10

Le troisième catalogue de données de la mission Gaia de l’ESA nous donne une cartographie plus précise que jamais de l’espace qui nous entoure

Le 13 juin 2022, Gaia a publié la seconde partie de la troisième livraison (« release ») de son « catalogue » de données, la « DR3 »*. C’est une nouvelle avancée, considérable, dans la connaissance des astres qui nous entourent. Nous disposons maintenant du plus gros catalogue d’objets spatiaux jamais réalisé et, cerise sur le gâteau, de la vitesse-radiale d’un très grand nombre d’entre eux. Cela nous permet d’avoir non seulement une carte du ciel, précise comme jamais, pour deux milliards d’objets, quasars, galaxies, étoiles, nuages de gaz et de poussière, astéroïdes de notre système (156.000 répertoriés), mais aussi la vitesse-radiale de 33 millions d’entre eux. Cette dernière information nous donne la direction, le sens du déplacement (venant vers nous ou s’éloignant de nous) et la vitesse du déplacement, une vraie carte en quatre dimensions (puisque le temps est pris en compte dans la vitesse).

*DR = Data Release.

En dehors de cette carte, la DR3 de Gaia nous donne la plus grande collection de données astrophysiques sur les étoiles de la Voie-lactée jamais réalisée ; le plus grand relevé de spectroscopie à basse résolution (220 millions) ou haute résolution (1 million) jamais réalisé (qui peuvent être utilisés pour déterminer avec précision les luminosités, les températures, les masses et les compositions chimiques des astres observés) ; l’étude la plus précise de nos astéroïdes, combinant leurs compositions avec leurs orbites ; le plus grand recensement jamais effectué d’étoiles-variables (10 millions) ; une étude des étoiles-binaires (813.000), qui surpasse tous les travaux sur ces étoiles réalisés durant les deux derniers siècles ; un relevé photométrique de la Galaxie d’Andromède. NB: pour comparaison, nous ne pouvons voir à l’œil nu dans le ciel qu’environ 3.000 étoiles.

Les données à la base de ces informations ont été collectées entre le 25 juillet 2014 et le 28 mai 2017, donc 34 mois de collectes pour la DR3 (y compris la phase préliminaire EDR3 -“E” pour “Early”), contre 22 mois pour la DR2 et 14 mois pour la DR1, toujours à partie du 25 juillet 2014. Le nombre de ces données est extrêmement élevé (il faut compter en térabits) et il faut beaucoup de temps pour les traiter. Par ailleurs la pandémie de covid a très sensiblement retardé le travail.

Tout a commencé en 1993 quand Lennart Lindegren (Université de Lund, Suède) et Michael Perryman (ESA/University College Dublin) ont voulu donner une suite à l’observatoire spatial Hipparcos en orbite depuis 1989 et qui arrivait cette année-là en fin de mission. Il avait relevé par astrométrie la position de 118.000 étoiles proches avec une précision de 0,001 secondes d’arc (cent fois mieux que précédemment) et de 2,54 millions d’étoiles jusqu’à la magnitude-apparente 11* avec une précision de 20 millisecondes d’arc. Leur projet, la mission GAIA (à l’origine « Global Astrometric Interferometer for Astrophysics » puis simplement « Gaia », après avoir fait “sauter” “interferometer”), était beaucoup plus ambitieux. Il s’agissait de dresser une carte en trois dimensions de notre environnement sur une population d’étoiles appartenant à une gamme de luminosité beaucoup plus étendue, allant jusqu’à la magnitude-apparente 20 donc couvrant une population stellaire de la Galaxie beaucoup plus importante (1% de ses quelques 200 milliards d’étoiles).

*L’échelle des magnitudes va de -26,7 pour le Soleil à 6,5 pour les astres discernables à l’œil nu et 30 pour les astres les plus éloignés. Hipparcos avait identifié 99% des étoiles allant jusqu’à 11.

Gaia comme tout grand projet d’exploration spatiale a connu des vicissitudes. Il a été modifié en cours de conception pour des raisons budgétaire et d’évolution technologique (notamment abandon de l’interférométrie…sans que son beau nom soit changé). Sur recommandation du « SSAC » (Comité du conseil scientifique spatial) de l’ESA, il a finalement été sélectionné en 2000 par le « SPC » (Science Program Committee) composé des représentants des Etats membres (qui financent !) comme « pierre angulaire » n°6 de son programme « Horizon 2000+ ». Il a été ensuite construit par EADS Astrium* (aujourd’hui une composante d’Airbus Defense and Space) pour un budget de 740 millions d’euros, lancé en décembre 2013 et est devenu opérationnel en mai 2014.

*avec Mersen Boostec (France) pour la structure du télescope et E2v (Grande Bretagne) pour la fourniture des CCD (« Charge Coupled Devices », dispositifs à transfert de charges, utilisés pour lire les signaux lumineux, comme dans les appareils photos digitaux).

Le 25 Juillet 2014 est la date de départ de sa mission scientifique de 5 ans mais avec suffisamment de consommables pour fonctionner 9 ans. Elle a été prolongée une première fois d’une année jusqu’en 2020 puis une nouvelle fois jusqu’à fin 2024 puisqu’on estime aujourd’hui qu’on aura toujours suffisamment d’azote liquide pour refroidir le satellite jusqu’en Novembre 2024. Quatre publications de données ont été faites (en 2016, DR1 ; en 2018, DR2 ; en décembre 2020, EDR3, en juin 2022, DR3) ; deux autres doivent avoir lieu. Ces données sont mises à la disposition des chercheurs du monde entier qui peuvent les exploiter gratuitement pour en tirer une meilleure compréhension de notre environnement et de notre Galaxie.

En tant que satellite, Gaia a plusieurs particularités qui lui permettent d’être le moins perturbé possible par son environnement, il le faut pour la précision recherchée des mesures. Il devait d’abord être extrêmement rigide et léger et cela a déterminé le choix de la matière qui constitue sa structure ou ses miroirs (carbure de silicium). Il évolue dans un environnement à l’écart de tout trouble qui pourrait résulter du voisinage de la Terre (lumineux, thermique, radiatif), autour du point de Lagrange « L2 », en opposition au Soleil par rapport à nous, à 1,5 million de km. Son orbite de 380.000 km autour de L2, parcourue en 6 mois, est exposée au Soleil en permanence selon un éclairage constant. Son bouclier thermique de 10 mètres de diamètre constitue son pare-Soleil, l’objectif de ses télescopes est donc en permanence protégé de la lumière solaire et sa température est stable. Mais comme le Soleil doit aussi être source d’énergie, il est partiellement revêtu de panneaux solaires, fournissant une puissance de 2 kW

Gaia a embarqué plusieurs instruments qui lui donnent toutes les capacités nécessaires pour la détermination de la position, de la distance, du mouvement et autres caractéristiques (spectre lumineux) de tous les objets célestes dont il reçoit la lumière.

La lumière est collectée par deux télescopes rectangulaires de 1,45 m sur 0,50 m avec un écart entre leur ligne de visée de 106,5 degrés. La mesure précise des positions relatives d’objets observés simultanément dans deux directions séparées par un angle obtus, permet d’éviter les erreurs qui pourraient résulter de références trop proches. Les mouvements de l’observatoire sont complexes : Il effectue une rotation sur lui-même en 6 heures (1 degré d’angle par minute de temps) ce qui permet qu’une observation effectuée par le premier télescope soit répétée par le second 106 minutes et 30 secondes plus tard. De plus l’axe de rotation de l’observatoire est incliné de 45° par rapport à la direction du Soleil et il décrit un cercle de précession en 63,12 jours autour de cette direction. La combinaison des mouvements du satellite avec la rotation du point L2 autour du Soleil permet de couvrir la totalité de la voûte céleste. Finalement chaque objet a été vu au minimum 60 fois au cours des 5 ans.

Les signaux lumineux reçus par chacun des télescopes forment des images se superposant sur un plan focal commun de 100 cm composé de 106 capteurs CCD de 4500 X 1966 pixels, soit un total de 1 giga-pixels, organisés en 16 colonnes. Trois traitements sont donnés à ces signaux grâce à un jeu de 6 miroirs, un réseau de diffraction, deux prismes et différents types de CCD.

Le traitement par un instrument astrométrique (« Astrometric Field »), comme celui d’Hipparcos mais beaucoup plus performant (capacité de discernement encore 100 fois supérieure), donne la localisation de l’objet. Il s’agit de sa position sur la sphère céleste c’est-à-dire de son « ascension droite » (équivalent de la longitude) et de sa « déclinaison » (équivalent de la latitude). A cela s’ajoute la distance donnée par la parallaxe (angle entre deux visées à partir des points extrêmes de l’orbite d’observation) et le « mouvement propre » (déplacement apparent) des astres les plus proches. La localisation de l’observatoire dans l’espace, sans aucune perturbation, et la puissance des télescopes ainsi que la capacité des capteurs CCD donnera en fin de mission une précision de 24 micro-arcs-seconde (µas) pour des sources de magnitude-apparente 15 (et jusqu’à 7 µas pour les étoiles proches).

Le traitement par les instruments spectrophotométriques couplant un prisme pour la lumière bleue, « BP » (pour « Blue Photometer ») dans les longueurs d’onde allant de 330 à 680 nm et un prisme pour la lumière rouge (RP) allant de 640 à 1050 nm, donne pour chaque objet un spectre qui permet de mesurer l’intensité lumineuse, la température, la gravité, l’âge et la composition chimique.

La dispersion de la lumière par un spectromètre, « RVS » (pour « Radial Velocity Spectrometer »), utilisant l’effet Doppler-Fizeau, permet de mesurer la vitesse radiale (éloignement ou rapprochement en profondeur, dans l’axe de visée) des 150 millions d’objets les plus lumineux et donc, conjuguée avec l’astrométrie, permettra de connaître la dynamique de la galaxie.

Les résultats sont spectaculaires. La DR1 donnait la position de 1,1 milliards d’objets, la DR2 publiée le 25 avril 2018 pour des observations allant du 25 juillet 2014 au 23 mai 2016, donnait la position de 1,7 milliards d’objets. Avec la DR3 utilisant les données collectées jusqu’au 28 mai 2017, nous avons atteints les 2 milliards d’objets. Cela représente des dizaines de milliards de données.

Ces chiffres énormes impliquent une difficulté évidente, celle du traitement de ces données. Quelques 100 téraoctets sont attendus. A noter que les deux premières colonnes de CCD constituent pour chaque télescope un « Sky Mapper » (« SM »), sélecteur qui permet d’effectuer une détection des sources lumineuses avant transmission aux autres cellules CCD. Un consortium de laboratoires, le « DPAC » (« Data Processing and Analysis Consortium »), véritable « quatrième instrument » (comme dit François Mignard, responsable Gaia pour la France), a développé des programmes très complexes pour les traiter avec des moyens informatiques très importants. Avec la publication de la DR1, de la DR2 puis de la DR3 on peut constater qu’il a pu faire face. Le nombre de pays impliqués est considérable : Autriche, Belgique, Croatie, République tchèque, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Italie, Pologne, Portugal, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, Pays-Bas, Royaume-Uni…plus quelques autres qui « participent » : Algérie, Brésil, Chili, Chine, Israël, États-Unis, et l’ESO. Face à l’espace et dans un cadre scientifique, les hommes sont souvent frêres.

Il y aura une DR4 pour la période allant jusqu’en 2020. Le catalogue final (DR5) pour couvrir les dix ans d’observations pourrait être publié en 2028. A chaque nouveau stade les mesures seront plus précises. Pour la suite, un “GaiaNIR” (Gaia Near Infra-Red) est envisagé.

Nous ne sommes pas encore capables de nous déplacer physiquement ou robotiquement dans l’espace au-delà de nos très proches astres voisins mais nos capacités en astronomie nous permettent de presque le faire virtuellement. Saluons la performance !

Illustration de titre : Mouvement des étoiles dans les 400.000 prochaines années.

Les étoiles sont en mouvement constant. Pour l’œil humain, ce mouvement – connu sous le nom de mouvement-propre – est imperceptible, mais Gaïa le mesure avec de plus en plus de précision. Les traits sur cette image montrent comment 40.000 étoiles, toutes situées à moins de 100 parsecs (326 années-lumière) du système solaire, se déplaceront dans le ciel au cours des 400.000 prochaines années. Ces mouvements propres ont été publiés dans le cadre de l’EDR3 en décembre 2020. Ils sont deux fois plus précis que les mouvements propres publiés dans le précédent DR. L’augmentation de la précision est due au fait que Gaia a maintenant mesuré les étoiles plus de fois et sur un intervalle de temps plus long. Cela représente évidemment une amélioration majeure.

Crédit : ESA/Gaia/DPAC; CC BY-SA 3.0 IGO. Acknowledgement: A. Brown, S. Jordan, T. Roegiers, X. Luri, E. Masana, T. Prusti and A. Moitinho.

Illustration ci-dessous : performances scientifiques attendues de Gaia à l’échelle de la Voie-lactée (1 kpc = 1 kiloparsec soit 3.261 années-lumière). En arrière-plan une photo du disque de la galaxie qui fait environ 25 kpc de long, telle que nous le voyons de la Terre, c’est-à-dire par la tranche. Crédit : Frédéric Arenou, Wikipedia commons

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NB: cet article reprend des éléments de mon article du 14 juin 2018 sur Gaia (après la DR2). Il avait été revu par le Professeur François Mignard, responsable du SNO (Service National d’Observation) au sein de l’OSU (Observatoire des Sciences de l’Univers) du CNRS pour la participation française au DPAC (“quatrième instrument”, mentionné plus haut).

Mars, le lieu où l’on a le plus de chances de trouver les traces prébiotiques les plus complexes

Une étude importante pour mieux comprendre le processus menant à la vie vient d’être publiée dans la revue scientifique « Astrobiology ». Dans cette étude, au titre un peu difficile*, les auteurs rapportent les expériences qu’ils ont menées et qui permettent de dire comment de l’ARN a pu/dû être créé sur Terre dans l’environnement de notre premier éon, l’Hadéen (avant -4 milliards d’années). C’est un pas de plus en science prébiotique (1) pour expliquer par un environnement planétologique analogue au nôtre, les premières phases du passage de l’inerte au vivant et donc (2) un pas de plus pour déterminer les contraintes qui peuvent délimiter les possibilités de trouver un jour de la vie sur d’autres planètes ; (3) une confirmation de la justification de l’exploration scientifique de la planète Mars.

*« Catalytic Synthesis of Polyribonucleic Acid on Prebiotic Rock Glasses » (voir ci-dessous, en « référence »).

Je rapporte ci-après la traduction en Français de l’abstract de cet article :

« On rapporte ici des expériences qui montrent que les ribonucléosides-triphosphates sont convertis en acides polyribonucléiques lorsqu’ils sont incubés avec des roches vitreuses similaires à celles vraisemblablement présentes il y a 4,3 à 4,4 milliards d’années à la surface terrestre pendant l’éon Hadéen où ils se sont formés par impacts et volcanisme. Ces acides polyribonucléiques ont une longueur moyenne de 100 à 300 nucléotides (ndt: longueur compatible avec celle des brins d’ADN), avec une fraction substantielle de liaisons dinucléotides, utilisant des atomes de carbone 3’ et 5’ (ndt : atomes de carbone du ribose). Les analyses chimiques, y compris les méthodes classiques qui furent utilisées pour prouver la structure de l’ARN, démontrent une structure d’acide polyribonucléique pour ces produits. L’acide polyribonucléique s’est accumulé et est resté stable pendant des mois, avec un taux de synthèse de 2×10-3 picomoles de triphosphate polymérisé chaque heure par gramme de verre (25°C, pH 7,5). Ces résultats suggèrent que la formation de polyribonucléotides était possible dans les environnements hadéens si ces environnements contenaient des triphosphates. Puisque de nombreuses propositions émergent actuellement décrivant comment les triphosphates auraient pu être fabriqués sur la Terre hadéenne, le processus observé offre ici une étape manquante importante dans les modèles de synthèse prébiotique d’ARN. »

NB : un ribonucléoside est une molécule biochimiques obtenue par la liaison d’une base-nucléique (pour la vie ARN : adénine, guanine, cytosine ou uracile) et d’un ribose (sucre). Lorsque ce ribonucléoside est phosphorilé (ses composants sont liés par un groupe phosphate), il devient un ribonucléotide (monophosphate, biphosphate ou triphosphate). Sous forme libre, le ribonucléotide peut constituer une molécule d’AMP/ADP/ATP (stockage d’énergie) ; enchainé à d’autres par des liaisons phosphodiester (5’,-3’), il peut former un  brin d’ARN ou d’ADN.

Il est évidemment beaucoup plus facile d’espérer que des ribonucléosides-triphosphatés se forment spontanément sur un sol planétaire, que de l’ARN (acide polyribonucléique) puisque cette dernière est une molécule plus complexe. Si donc, comme on le pense de plus en plus, un monde ARN a précédé le monde proprement « vivant » (cellule auto-reproductible construite autour d’une molécule d’ADN mémoire et donneur d’ordre), l’avancée de la compréhension de l’évolution de la matière inerte vers la vie est considérablement éclaircie par la démonstration que la molécule d’ARN peut apparaitre spontanément.

Il faut rappeler que la Terre comme Mars était à l’origine largement couvertes de roches mafiques et ultramafiques (ma = magnesium ; f = fer). Les principaux minéraux mafiques sont l’olivine, le pyroxène, l’amphibole et la biotite. Les roches mafiques (contenant des minéraux mafiques) les plus courantes sont le basalte, le gabbro, la diabase (analogue au basalte ou au gabbro, modifiée par un métamorphisme de faible degré).

A l’origine, la surface des deux planètes telluriques, Mars et la Terre, étaient constituées de roches semblables (formées des mêmes minéraux) dans un environnement atmosphérique semblable, en particulier avec beaucoup d’eau. Au cours de l’Hadéen (premier éon terrien, équivalent du Noachien sur Mars), le bombardement météoritique était intense aussi bien sur Mars que sur Terre et la vitrification des roches de surface du fait des impacts, dans un contexte aqueux, un phénomène banal (NB : le verre est un matériau amorphe issu du refroidissement rapide d’un magma ; avec du basalte on obtient de l’obsidienne).

Les expériences ont constitué à recréer ce milieu (roches mafiques vitrifiées et brisées, eau de pH légèrement basique, températures moyennes de 25°C) avec des triphosphates. La roche la plus réactive a été la diabase (roche mafique légèrement métamorphisée) très représentative de ce qu’on pouvait trouver au sol à l’époque). La réaction a été très nette, montrant une polymérisation régulière, en masse et dans le temps, en acide polyribonucléique. Le rôle de catalyseur des roches mafiques vitrifiées était évident et puissant.

Il en découle qu’une petite région d’impact sur une surface hadéenne (ou équivalent) contenant quelques tonnes de de roches vitrifiées dans un milieu aqueux, pourraient produire près de 1 gramme d’ARN par jour, pourvu bien sûr qu’il y ait aussi du carbone, de l’hydrogène, de l’oxygène et de l’azote (C,H,O,N) dans ce milieu. Mais ces éléments constitutifs ne sont pas rares et leur formation en ribonucléotides-triphosphatés pourrait résulter simplement de la foudre (très fréquente dans les conditions hadéennes).

Cette recherche démontre qu’un milieu planétaire tellurique aqueux en zone habitable, comme la Terre ou Mars, est un véritable laboratoire permettant de pousser considérablement la complexification des matières organiques vers la vie, bien au-delà de ce à quoi peuvent contribuer les astéroïdes (sur certains desquels on a trouvé des sucres et même des acides aminés).

Par ailleurs, contrairement à la Terre, Mars qui n’a pas connu de tectonique des plaques (sinon très marginalement), a largement conservé sa surface d’origine, « noachienne », et cette surface a été relativement peu érodée/transformée depuis le Noachien, surtout dans son hémisphère Sud (l’hémisphère nord ayant été ultérieurement largement recouvert de laves). On doit donc pouvoir retrouver sur Mars les traces physico-chimiques des résultats de cette première phase de l’évolution de la matière vers la vie, si elle s’est bien produite comme sur Terre (surtout si on cherche dans le sous-sol aux environs de 2 mètres de profondeur, à l’abri des radiations, comme le propose l’ESA avec sa mission ExoMars). Si on ne les retrouvait pas c’est qu’une particularité de l’environnement martien, qu’il reste à déterminer, ne l’aurait pas permis.

Cela ne veut néanmoins pas dire que le processus conduisant à la vie et qui plus est à la vie animale ou consciente, a dû suivre facilement cette première phase ailleurs que sur Terre. Le passage de l’ARN à l’ADN est une autre complexification, l’assemblage dans une cellule avec sa membrane (constituée de lipides-membranaires) contenant du cytoplasme en est également une autre. Il faut en effet un volume à la fois fermé mais avec communication possible vers l’extérieur permettant des échanges ne serait-ce que pour se nourrir, et un liquide intérieur favorisant les échanges internes pour que les processus de vie puissent se dérouler « sous contrôle » d’une macromolécule d’ADN. La création d’une membrane et sa reproduction à l’infini par intégration des gènes nécessaires dans l’ADN n’est pas un phénomène évident. La suite, vers l’utilisation de l’oxygène, l’apparition des métazoaires, puis des animaux et enfin de l’homme, est un processus d’autant plus difficile à conduire à bien par la « Nature » que le niveau de complexité s’élève de plus en plus. Ce n’est pas encore demain qu’on découvrira des petits hommes verts.

Illustration de titre : Vue-d’artiste de la Lune vue de la surface de la Terre au début de l’éon Hadéen ; crédit Mark Garlick. NB : la Lune apparait très grosse dans le ciel terrestre. C’est une réalité car à cette époque elle n’était pas distante de plus de quelques 50.000 km (30.000 au minimum). Et, comme la Terre elle était encore extrêmement chaude avec un volcanisme et des impacts d’astéroïdes très nombreux, affectant sans cesse une croute de surface très mince (en formation du fait des différences de températures intérieur/extérieur).

Référence : « Catalytic Synthesis of Polyribonucleic Acid on Prebiotic Rock Glasses » par Craig A. Jerome, Hyo Joong Kim, Stephen J. Mojzsis, Steven A. Benner and Elisa Biondi ; Astrobiology, Volume 22, n°6, 2022, Mary Ann Liebert, Inc. DOI:10.1089/ast.2022.0027

Liens :

https://www.liebertpub.com/doi/10.1089/ast.2022.0027

https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/exobiologie-nouveau-origine-vie-arn-peut-former-spontanement-verre-volcanique-martien-51275/

https://www.theses.fr/2021GRALV055.pdf

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EPFL Xplore une aventure étudiante que nous soutenons

Aujourd’hui je passe la parole à une autre équipe d’étudiants de l’EPFL, “Xplore”, que mon association, la Mars Society Switzerland soutient. Il s’agit, avec l’encadrement de l’Ecole et les moyens qu’elle met à leur disposition, de développer un robot d’exploration planétaire, un “rover” dans notre langage devenu courant (avec l’exploration de la planète Mars). Travailler sur ce robot à la pointe de l’ingénierie revient à disposer d’un support de formation intellectuelle formidable. Il s’agit d’utiliser ou de développer des compétences dans un grand nombre de domaines techniques et aussi, c’est très important, de savoir s’organiser en équipes qu’il faut faire avancer de façon coordonnée.

Sur Terre, dans l’immédiat, ce travail a permis à nos étudiants de se mesurer avec succès, du premier coup, à plus de cinquante autres équipes universitaires en Europe. Nous leur devons toute notre admiration et aussi nos encouragements car l’aventure continue! Je vous laisse lire leur récit:   


Vue aérienne du rover sur le terrain où s’est jouée la première compétition universitaire à laquelle a participé Xplore. Il y avait des obstacles!

Il y a toujours l’espace à explorer !

Qui n’a jamais rêvé de partir explorer le monde et ses paysages fabuleux étant enfant, ou bien même… de partir à la conquête de l’espace ? Depuis des décennies, nombreux sont les artistes nous ayant fait voyager à trouver les univers fantastiques des nouvelles et films de science-fiction. Ces univers où l’espèce humaine découvre de nouveaux mondes peuvent nous paraître lointains, voire inatteignables. Pourtant, cette réalité n’est plus aussi lointaine qu’on ne se l’imaginait il y a à peine 20 ans.

Le retour sur le devant de la scène des américains par le biais de compagnies de lancement privées et l’émergence de nouveaux programmes d’exploration à travers le monde montrent aujourd’hui un nouvel attrait pour l’exploration spatiale. Témoins du renouveau de ce secteur, des équipes d’étudiants se sont alors formées aux quatre coins du monde afin de se préparer pour ce merveilleux domaine. C’est donc dans cette lignée qu’un nouveau projet de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne s’est formé : EPFL Xplore.

Origine du projet

EPFL Xplore est un projet étudiant de l’EPFL fondé en 2020 visant à développer des robots d’exploration planétaires, communément appelés rovers, afin de participer à des simulations de missions robotiques spatiales.

L’idée de lancer le projet Xplore nous est venu de différents horizons. D’une part, une passion commune pour l’exploration spatiale a cultivé notre envie de prendre part à un projet ambitieux du domaine. D’autre part, la faible implication de la robotique dans les associations étudiantes du campus nous a conforté dans l’idée de lancer un nouvel axe des projets spatiaux de l’école.

Néanmoins, bien que bénéficiant d’expériences passées dans la gestion de projets, lancer un projet spatial à quatre étudiants ne fut pas facile. En avril 2020, nous concentrions nos efforts à établir les fondations techniques du projet, notamment la définition du cahier des charges et la décomposition fonctionnelle du rover que nous souhaitions développer, mais nous avions également besoin de l’expérience et du soutien de professeurs, de laboratoires et de premiers partenaires industriels. Ceci était en effet primordial : afin de devenir un projet technique éligible pour recevoir un soutien financier de la part de l’EPFL, nous devions montrer que des professeurs étaient prêts à nous aider techniquement. Nous devions par ailleurs trouver un laboratoire acceptant de superviser le projet, ce qui nous a donné le plus de fil à retordre. En outre, tout cela eut lieu en début de pandémie, ne facilitant pas toujours la tâche.

Après quelques semaines de recherches, nous avons finalement réussi à trouver un bon nombre de laboratoires, ce qui nous permit de recruter nos premiers membres en début d’année académique. Dès lors, une course contre la montre commença : développer un rover de A à Z en seulement une année et trouver le financement pour le faire.

Le (premier) rover Argos devant le logo de l’EPFL

Une seule limite : la passion d’une équipe

Un projet seulement limité par l’imagination, c’est souvent ce que les nouveaux membres racontent les avoir poussés à rejoindre l’aventure. Après une année intense et pleine de rebondissement, seule une équipe soudée par une passion commune permit à notre premier rover d’être finalisé en moins de 12 mois.

Afin de maximiser nos chances de réussite, nous nous sommes fortement inspirés de l’organisation et des designs des agences spatiales. Ceci nous a donc poussé à séparer le projet en différentes équipes techniques.

La Structure est responsable du châssis, de la suspension et des roues ainsi que du corps principal du rover tandis que Handling Device s’occupe du développement et du contrôle du bras robotique. Comme pour la structure, l’équipe doit réaliser tout le design mécanique du bras, mais aussi implémenter les logiciels de contrôle manuel et automatique qui seront utilisés durant la compétition.

Le sous-système suivant, la Navigation, est l’équipe responsable de tous les mouvements du rover. Non seulement est-elle tenue de programmer la navigation autonome, mais également de contrôler tous les moteurs des roues du rover.

Mais que serait un rover sans sa base de contrôle ? Notre Houston à nous, c’est la Control Station. L’équipe s’occupe de mettre en place l’interface graphique par laquelle nous pouvons contrôler le rover, mais aussi la communication entre la base et le rover.

Avionics, c’est toute l’électronique embarquée du rover. Des circuits électroniques sont conçus et manufacturés afin d’intégrer les capteurs et actuateurs du rover. Et enfin, la Science a pour but de développer une plateforme située à l’arrière du rover afin d’analyser sur place les échantillons récoltés.

Bien sûr, l’association ne pourrait pas exister sans le travail d’équipes non techniques, telles que l’équipe Finance, responsable de trouver des sponsors pour le projet, ou encore l’équipe Communication, mettant en avant l’image d’Xplore sur les réseaux sociaux.

Une question d’organisation

L’année est séparée en trois grandes phases : la Conception, la Production et la phase de Tests.

La première partie de l’année est donc dédiée au développement des plans et designs du rover. Bénéficiant du soutien de plusieurs laboratoires, de partenaires industriels ainsi que de l’appui de mentors impliqués dans le milieu spatial, l’équipe conçoit durant 4 mois son rover sur ordinateur.

La phase qui suit est sûrement la plus complexe à planifier. En pleine période de covid, assurer la production et la livraison de nos composants et pièces mécaniques en temps voulu constitua en 2021 un vrai défi. Les délais que nous avons alors subis nous ont forcés à repousser la période de test jusqu’à l’été, laissant seulement quelques semaines pour valider le fonctionnement du rover.

Pourtant, malgré les échéances de plus en plus courtes et la pression croissante face à l’annonce des finalistes de la compétitions européenne, c’est une fois de plus la motivation de l’équipe qui fit la différence. En juin 2021, la qualité du travail présenté dans les rapports techniques permit à l’équipe d’être sélectionnée parmi 58 projets mondiaux pour participer à l’European Rover Challenge (“ERC”) organisé chaque année en Pologne.

Cette annonce eu un impact retentissant au sein de l’équipe : participer à une compétition mondiale après seulement un an était une merveilleuse réussite.

Désormais, un but seul nous animait : aller le plus loin possible à la compétition ! C’est donc après un été entier passé à tester notre rover que nous avons finalement rejoint les 15 équipes participant à la compétition en septembre.

European Rover Challenge

La compétition à laquelle nous participons, vise à simuler un environnement martien afin de tester nos rovers dans des conditions les plus proches de celles rencontrées par les rovers actuellement en activité sur la planète rouge.

Cela prend la forme de 4 tâches techniques :

Tout d’abord, la tâche scientifique nous impose de récolter un ou plusieurs échantillons du sol à l’aide notre bras robotique. Ces échantillons devront être directement analysés à bord du rover afin de valider ou non des hypothèses précédemment établies à travers des études théoriques du sol martien. Des photos de l’environnement sont également prises afin d’appuyer les analyses scientifiques et de trouver d’éventuels éléments sortant de l’ordinaire.

Par la suite, le rover est évalué à travers une tâche de navigation autonome. En effet, les délais de communication imposés par la distance entre la Terre et Mars forcent les agences spatiales à doter leur rovers d’une certaine autonomie. Diriger un robot avec une latence pouvant aller jusqu’à 22 minutes serait parfaitement impensable, c’est la raison pour laquelle notre rover est équipé de nombreux capteurs et caméras lui permettant de se repérer dans son environnement et d’en analyser les obstacles et crevasses afin de planifier sa trajectoire.

Il faut noter qu’au cours de cette tâche, les étudiants n’ont pas accès aux données des caméras du rover et doivent donc compter entièrement sur l’autonomie programmée du rover.

Une tâche de sondage s’ensuit alors au cours de laquelle le rover dépose des sondes à des emplacements d‘intérêt scientifique sur le terrain martien. On pourrait par exemple décider d’étudier la composition minérale du sol à la base d’un volcan comme au centre d’un cratère afin d’en apprendre plus sur leur formation.

Enfin, c’est une tâche de manipulation qui constitue la dernière mission de la compétition. Dans l’optique de prévoir l’arrivée des premières missions habitées sur Mars, les robots que nous concevons devront pouvoir installer et entretenir les premières infrastructures d’une base martienne. Comptant sur la dextérité et la précision de notre bras robotique, cette mission nous impose de manipuler des éléments sur un panneau de contrôle et d’en déterminer les états et propriétés électriques. Il nous faudra alors actionner des boutons, mesurer des tensions ou encore brancher et débrancher des câbles de ce panneau.

La compétition se déroule sur une durée de trois jours sur le campus du Kielce University of Technology. De nombreux stands où des entreprises et des équipes d’étudiants et étudiantes exposent leurs produits s’y retrouvent, transformant le campus en une exposition du spatial très animée !

En Juin 2021, l’équipe participa donc à sa toute première compétition. Sur les trois jours intenses de celle-ci, notre premier rover, Argos, parcourut le terrain martien à la recherche de trace d’eau dans le but de prouver l’existence de vie passée ou actuelle.

Alors reconnu pour son avancée technique et la qualité de l’analyse scientifique menée au cours de la compétition, notre rover nous permit de décrocher la 3ème place mondiale ! Nous avons de plus été récompensé par le prix de la meilleure performance dans les tâches de Science et de Sondage du sol, faisant d’Xplore l’équipe la plus récompensée cette année-là.

L’équipe après l’annoncement de la 3e place à l’ERC 2021

Une nouvelle stratégie

À la suite de la compétition, un changement majeur s’est opéré dans la stratégie du projet. Jusqu’alors, le but d’EPFL Xplore avait été de prouver qu’une équipe d’étudiants pouvaient construire un rover en moins d’un an en ne partant de rien. Le design de celui-ci avait donc été simplifié de façon à optimiser son temps de développement.

Néanmoins, la compétition permit de révéler que ce choix d’un design simpliste et spécifique allait limiter son potentiel d’évolution pour les années à venir. C’est pourquoi, dès septembre 2021, la nouvelle équipe s’est entièrement dédiée à développer une nouvelle plateforme modulaire et adaptable pour les années à venir.

Astra, le rover de l’année académique 2021-2022 lors de son Unveiling

Cela fut également motivé par le souhait de réduire l’impact environnemental du projet : ne pas repartir de zéro chaque année et itérer sur une même base permettrait alors de limiter notre empreinte écologique tout en favorisant le développement sur le long terme de cette plateforme.

Futurs Projets

EPFL Xplore est un projet étudiant en constante évolution. Son but principal reste aujourd’hui de développer des rovers pour des compétitions internationales, jusqu’alors en Europe, mais les collaborations de plus en plus poussées avec ses partenaires le mènent progressivement vers le développement de technologies ayant une réelle application spatiale.

Notamment, un nouveau projet qui prendra forme durant la prochaine année académique est le développement d’un drone d’exploration. Ce dernier pourra assister le rover dans sa navigation et l’aider à se localiser sur différents types de terrains. On pourrait même imaginer le drone atterrissant sur le rover pour se recharger et repartir par la suite !

Finalement, un projet de cette ampleur nécessite un budget conséquent afin d’être mené à bien. Outre le soutien d’entreprises fournissant du budget ou du matériel, nous avons la chance et l’honneur de bénéficier de l’appui d’organisations telle la Mars Society Switzerland pour nous permettre de toujours aller plus loin !

Aujourd’hui, le support de nos partenaires permet à plus d’une septantaine d’étudiants et d’étudiantes de développer leur passion dans l’espoir de pouvoir un jour faire de nos fictions actuelles une réalité.

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