L’appel de Mars. Index

Après 175* articles publiés sur ce blog, j’ai réalisé qu’un index était indispensable pour permettre à mes lecteurs d’y rechercher un sujet d’intérêt déjà traité ou pour y rechercher si un sujet déjà traité pouvait les intéresser. Vous trouverez donc cet index en pièce jointe.

*200 le 06 04 2019

Il est tout simplement constitué de la liste des titres des articles par ordre chronologique mais chaque titre est muni d’un lien et en cliquant sur ce titre vous accéderez à l’article choisi, le titre devant, je l’espère, vous donner une indication suffisante de la teneur de l’article.

Vous remarquerez qu’au cours du temps certains sujets ont été traités plusieurs fois et qu’il y a quelques répétitions, une suite d’articles n’est en effet pas un vrai livre, c’est-à-dire un ouvrage structuré, même si cela y ressemble quand même beaucoup (comme un tapis microbien ressemble à un édiacarien!).

Quand j’aurai (ou je prendrai) le temps, j’irai plus loin en regroupant les articles par thèmes : l’observation de l’univers, la planétologie, Mars, la vie. Petit à petit j’arriverai peut-être à ce qu’on pourra nommer un livre, ce sera « L’appel de Mars ». C’aurait pu être « L’appel de l’espace » mais cela aurait été trop général et pas assez constructif. En effet notre porte vers l’espace, c’est Mars. Le seul lieu de l’espace où nous pouvons envisager de nous installer physiquement avec les technologies d’aujourd’hui (moyennant quelques mises au point!), c’est Mars. Si nous refusons d’y aller physiquement, de passer par cette entrée qui nous est proposée par Dame Nature, la Porte restera éternellement entrouverte et l’espace en fin de compte, inaccessible. Vu autrement et plus sévèrement, on pourrait dire que la porte est actuellement entrouverte mais qu’elle se refermera si nous choisissons passivement (par indifférence) ou activement (par principe) de ne pas y aller. Grâce à notre technologie nous disposons d’une fenêtre temporelle pour quitter la Terre, aller vers et franchir cette porte spatiale.

Les fenêtres s’ouvrent et se ferment et ce n’est pas qu’une question de technologie, c’est aussi une question de désir et de volonté.

ci-joint : Index du blog Exploration Spatiale (copyright © Pierre Brisson, sur tous les articles):

Index L’appel de Mars 21 06 18

La Mars Society, une organisation transversale à une multitude de disciplines scientifiques et ingénieuriales

Ceux qui lisent mon blog depuis le début (175 articles publiés depuis le 4 septembre 2015) peuvent aisément réaliser que notre organisation, la Mars Society, couvre un spectre extrêmement étendu d’intérêts, principalement scientifiques et ingénieuriaux. Cela est logique car notre but est de promouvoir et d’accélérer l’exploration d’un monde nouveau et l’implantation d’une nouvelle bouture de l’humanité sur ce monde alors qu’il évolue à une distance allant de 56 à 400 millions de km, que ses conditions d’habitabilité sont extrêmement exigeantes et que les infrastructures nécessaires à toute vie y sont inexistantes. Il faut donc tout prévoir et rechercher les meilleures solutions à la pointe des différentes disciplines concernées, avec toujours en tête l’efficacité, la fiabilité et ses corollaires la redondance et la réparabilité, la réutilisabilité, le recyclage.

Pour commencer nous pensons au voyage par vol habité et cela implique la recherche du meilleur lanceur, c’est-à-dire celui qui emportera autant de passagers que possible dans des conditions sanitaires (hygiène, nourriture, radiations) et de sécurité (fiabilité du lancement, fiabilité des trajectoires, résistance aux épreuves de l’EDL -Entry, Descent, Landing) aussi bonnes que possible et dans un délai aussi court que possible (pour limiter les doses de radiations) mais en préservant un trajet de libre-retour en cas d’échec de l’approche ou de l’atterrissage, tout ceci à un coût aussi faible que possible. Pour le moment le BFR d’Elon Musk « tient la corde ». C’est celui qui est le plus adapté au projet car voulu et conçu pour lui, et c’est pour cela que nous en soutenons la réalisation.

Ensuite nous pensons à la survie des hommes que ce lanceur emportera et cela implique de prévoir les conditions physiques et psychologiques auxquelles ils seront soumis pendant le voyage et le séjour, 30 mois minimum d’éloignement (avant de parler d’établissement permanent), durée correspondant aux exigences de la mécanique planétaire qui dicte les dates de nos fenêtres de tirs aussi bien à partir de Mars que de la Terre. C’est nos connaissances et nos ressources médicales qu’il faut adapter à ces situations d’isolement et de confinement ; les locaux habitables seront exigus et les ressources en air et en eau devront être recyclées au maximum ; la circulation microbienne (interaction des microbiotes au sein de microbiomes contigus et souvent interpénétrés) pose des problèmes de contrôle et de « pilotage » d’autant plus délicats que l’espace viabilisé sera réduit et qu’il y aura d’autant moins d’effet tampon. Des médecins s’occuperont de leur co-voyageurs mais ils auront peu d’instruments, peu de médicaments et ils seront peu nombreux. Il faudra faire des choix entre les ressources à emporter, très vite engager une production locale de médicaments et d’instruments (ceux qu’il sera possible de produire avec des moyens limités mais avec les espoirs ouverts par l’impression 3D), utiliser les conseils à distance de la communauté médicale internationale et accepter quand même plus de risques que ceux encourus par une population restée sur Terre.

Une préoccupation voisine est celle de la nutrition et de l’alimentation. Compte tenu des contraintes des fenêtres de tir, c’est-à-dire de la durée minimum des missions, l’approvisionnement alimentaire représente des masses / volumes importants à transporter et la conservation sur cette durée est possible mais difficile. Il faut donc prévoir de pouvoir utiliser aussi vite que possible l’eau martienne et produire en surface de Mars une « nourriture » satisfaisante tant au point de vue qualitatif que quantitatif (diététique). Cela pose des problèmes de volumes viabilisés pour la culture des plantes (serres), d’accès à l’eau et de recyclage de l’eau, d’énergie (l’ensoleillement peut être un peu faible et il peut y avoir des tempêtes de poussière planétaires qui l’occulte pendant plusieurs semaines). C’est aussi un problème d’équilibre phytosanitaire, d’agriculture/horticulture, d’aquaculture (d’élevage, un jour), de préservation des récoltes, de recyclage des déchets (et du contrôle bactérien de ce recyclage) et un problème de ressources à y consacrer (travail humain et robotique, temps passé).

Nous devons penser aux sources d’énergie, à leur captation, à leur stockage et à leur transport/distribution (sous forme de chaleur ou d’électricité). Nous utiliserons l’énergie solaire autant que possible et la géothermie si nous trouvons des différentiels de température exploitables mais aussi ou plutôt surtout, l’énergie nucléaire et l’énergie chimique (méthane/oxygène) puisqu’elles sont indépendantes des conditions environnementales.

Nous devons penser à l’architecture et à l’ingénierie des constructions. Compte tenu de la ténuité de l’atmosphère, de son irrespirabilité, des températures très basses la nuit, de la possibilité de tempêtes de poussière et aussi des radiations, les habitats, les lieux de travail et de production, les lieux de convivialité et de loisir devront être construits avec des caractéristiques particulières, un soin maximum et la prise en compte des nécessités d’entretien, d’intervention et de réparabilité (modularité). Il est évidemment exclu pour des raisons de volume et de masse, d’importer des matériaux de construction, sauf éléments peu pondéreux/volumineux et très difficile à produire (par exemple panneaux solaires du fait de l’exigence de pureté du silicium !). Nous devons donc penser à la chimie et à la physique des matériaux, à la mécanique pour les structures ou les revêtements ; nous pensons à la plomberie, aux réseaux électriques et informatiques, à la climatisation. Nous pensons encore ici à l’impression 3D.

Nous devons penser à la mobilité en surface d’une planète dépourvue de routes, de rivières ou de mers, et dans la mesure du possible, dans l’atmosphère (possibilité évidemment très réduite pour les véhicules utilisant la portance atmosphérique mais possibilité « normale » des déplacements par propulsion) et nous pensons aux télécommunications en atmosphère raréfiée (importance donc des systèmes satellitaires) ainsi qu’aux véhicules robotisés effectuant les sorties des bases viabilisées à la place des hommes qui resteront au maximum dans un environnement protégé pour les commander en direct.

Nous devons penser à la protection du corps humain, aux vêtements d’intérieur, aux combinaisons de sortie, aux casques, aux chaussures, à leur conception adaptée aux conditions extérieures, à leur étanchéité, à leur climatisation, à leur résistance à l’usure et aux déchirures, à leurs qualités protectrices contre les radiations, à la visibilité à partir du casque, de nuit comme de jour, à leur confort (jointures, souplesse et mobilité, inaccessibilité de l’intérieur pour les bras et les mains pendant les sorties, impossibilité d’uriner et de déféquer à l’extérieur du vêtement, extraction en sas à la fin des sorties), à leur nettoyage (poussière, électricité statique), donc à leurs matériaux et à leur assemblages, à leur aspect esthétique et à leur recyclage.

Nous devons penser au traitement des déchets, au gaspillage que nous devons éviter absolument, au recyclage maximum, toute production, toute transformation devant être pensée comme un processus ayant coûté de l’énergie, du temps, des efforts qui doivent être économisés et réutilisés, et toute molécule organique comme élément utile à notre survie et à l’amélioration de nos conditions de vie, dans le cadre de la protection planétaire que nous devons à cet astre, notre hôte, pour lui-même et dans notre intérêt propre.

Nous pensons en effet à l’écologie et au-delà à l’exobiologie puisque la recherche d’une « autre » forme de vie est l’une des motivations scientifiques principales pour aller sur Mars. Nous nous doutons que cette planète a permis une évolution poussée des molécules organiques et cela suscite inévitablement au delà d’un intérêt scientifique évident, des soucis de contamination dans les deux sens (Terre vers Mars et réciproquement). Nous pensons aussi à la géologie et à la planétologie puisque l’application de nos capacités d’observation, de réflexion et de déduction dans ces domaines est l’autre objet scientifique principal de notre installation envisagée sur cette planète. Nous pensons à l’astronomie, à l’astrophysique, à la cosmologie puisque cette nouvelle base de notre activité et de notre réflexion pourra être utilisée comme la Terre, pour observer l’univers, mais avec les avantages d’une pesanteur moindre et d’une atmosphère plus transparente, et que nous pourrons peut-être le faire en interférométrie ou au moins en complément avec d’autres installations dans l’espace et sur Terre.

Nous devons penser à la communication sur et à partir de ce nouveau monde vers la Terre car pendant très longtemps il en sera dépendant et il faudra donc maintenir le lien et l’intérêt de façon proactive. Et pour continuer dans le temps, pour que la « bouture » continue à pousser et donne des fruits, pour pérenniser notre implantation, il faudra aussi cultiver/adapter les sciences de l’accompagnement des jeunes, puériculture, éducation, enseignement. Les enfants des nouveaux Martiens ne devront pas être élevés comme des sauvages sinon l’entreprise n’aurait pas de sens.

Nous pensons encore à l’économie car sans production pas d’échanges et sans échanges pas de ressources pour se procurer les biens non productibles sur place. Les Martiens devront toujours se soucier de proposer « quelque chose » (biens et services quasi exclusivement immatériels) en échange de ce qu’ils demanderont et recevront de la Terre, autrement ils devraient abandonner leur installation et retourner sur leur planète d’origine.

Nous pensons enfin à la réflexion qui mène toute entreprise humaine, à la philosophie, au roman, à la poésie, à toute représentation artistique, nous pensons au rêve.

Vous pouvez déduire de ce long examen de tout ce que nous devons prendre en compte (ai-je oublié quelque chose ?), l’éventail extraordinairement ouvert des différents sujets qui nous intéressent et qui animent nos discussions pour élaborer des solutions aux différents défis posés par ce projet martien. Ils sont le plus souvent en interactions les uns avec les autres et leurs combinaisons stimulent l’imagination et l’innovation. S’investir au sein de la Mars Society c’est, pour simplifier, s’investir dans une entreprise passionnante pour une meilleure maîtrise de notre vie demain, sur Mars, dans l’espace et indirectement sur Terre.

Pour être efficace, il faut transformer la pensée en action. Ce n’est évidemment pas notre organisation qui va construire et financer les infrastructures nécessaires à la réalisation de notre rêve. Notre arme est donc l’information, autant que possible l’innovation, la discussion, la persuasion et le rapprochement des réflexions des uns et des autres en vue d’une action. Beaucoup de personnes au sein des grandes agences partagent nos idées. L’un des anciens administrateurs de la NASA, Mike Griffin, a été membre fondateur de la Mars Society aux Etats-Unis, Elon Musk est un proche et a soutenu également notre organisation. Des idées de la Mars Society telles que la production sur Mars des ergols de retour (ISPP) ou plus généralement l’utilisation des ressources locales (ISRU) et l’architecture de mission Mars Direct ont été repris par la NASA. Nous poussons l’expérimentation de la création de conditions de gravité artificielle pendant le voyage (lors de notre prochain Congrès, Claude Nicollier va parler du comportement des filins dans l’espace, son expérience sur le sujet est fondamentale pour la validation de notre concept). Partout où l’on parle raisonnablement* de l’exploration de Mars par vols habités, nous sommes là.

*NB : nous ne soutenons pas l’initiative « Mars One » qui envisage des premiers vols Terre/Mars sans retour.

Image à la Une: Cratère Gusev photographié du haut des Columbia Hills par le rover Spirit (crédit NASA). Incontestablement une terre vierge!

N’oubliez pas notre congrès EMC18 (18th European Mars Convention) au Musée International d’Horlogerie (MIH) de la Chaux-de-Fonds, du vendredi 26 octobre (14h00) au dimanche 28 Octobre (12h00). Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Mars au long de 24 exposés de spécialistes sur (1) la Planète, (2) le Temps, (3) le Voyage interplanétaire et (4) l’installation de l’homme (en Anglais). Nous aurons aussi un débat avec Claude Nicollier et Robert Zubrin sur le thème “Robots and Men on Mars under the Look of Time”. Vous pouvez encore vous inscrire.

Plus que quelques jours pour vous inscrire à EMC18, la 18ème Conférence sur Mars en Europe

La 18ème European Mars Conference se déroulera du 26 au 28 octobre à la Chaux-de-Fonds*. Vous avez encore quelques jours pour vous y inscrire. A défaut il vous faudra attendre plusieurs années pour avoir l’occasion, en Suisse, de vous « nourrir » aussi intensément de connaissances martiennes (l’EMC suisse précédente a eu lieu en 2011 à l’Université de Neuchâtel et la date de la prochaine n’est pas fixée).

*au Musée International d’Horlogerie (MIH). Nos sponsors sont le MIH, Space-X (Neuchâtel), Spectratime, la BCN, Banque Cantonale Neuchâteloise, Trax-L (Sites Internet, Photographie, Graphisme) .

Ceux qui me suivent régulièrement savent bien que la planète Mars n’est pas un astre comme les autres. Vue « de chez nous » elle brille à peu près comme eux (même si lorsque nous nous trouvons en opposition on peut distinguer son disque à l’œil nu, ce qui n’est guère possible que pour le Soleil, la Lune et Vénus) mais ce qui fait son intérêt c’est une série d’« avantages » qui, tous ensemble, la rendent incomparablement plus attractive aujourd’hui que n’importe laquelle de ces lumières qui nous intriguent et nous appellent depuis la nuit des temps. On peut en faire la liste : sa localisation à la limite de la zone d’habitabilité de notre système solaire, la nature rocheuse de sa surface, l’intensité de la force de gravité générée à cette surface par sa masse, la présence d’une atmosphère, la présence d’eau, une histoire géologique à l’origine très semblable à celle de la Terre, des cycles circadien et saisonnier proche du nôtre, la possibilité d’une longue évolution vers la vie de ses molécules organiques et enfin sa proximité relative. Détaillons les :

Sa localisation à la limite de la zone d’habitabilité signifie qu’en fonction de la température et de la pression atmosphérique, l’eau peut y être liquide et l’on sait que dans le passé lointain puis au cours d’épisodes volcaniques encore relativement récents, de changements périodiques d’obliquité ou de variations dans l’excentricité de l’orbite, elle l’a bien été. Les traces évidentes d’écoulements fluviaux, surtout en zone intertropicale, en sont la preuve indiscutable.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il y a donc eu de l’eau sur Mars comme sur la Terre et, malgré la perte d’une forte proportion d’éléments volatiles dans l’espace, il en reste encore beaucoup, sous forme de glace, un tout petit peu dans l’atmosphère et surtout en grandes quantités en surface du sol (aux pôles) et dans le sous-sol immédiat (un peu partout ailleurs).

La planète tourne sur elle-même en 24h39. Comparez à la Lune qui tourne sur elle-même en 28 jours, vous réaliserez tout de suite les conséquences ! Sur Mars les écarts de températures sont quelque peu lissés par l’alternance rapide des jours et des nuits. Il est possible d’envisager la croissance des plantes sous serre en lumière naturelle (même s’il faudra probablement un peu l’aider). Imaginez la culture des fraises en lumière naturelle avec des nuits de 14 jours (et la différence en consommation d’énergie) !

L’atmosphère n’est pas épaisse (6 millibar en moyenne) et à 95% constituée de COmais elle a « le mérite d’exister », c’est-à-dire qu’elle procure un certain écran contre les radiations solaires et galactiques et qu’elle peut être exploitée relativement facilement pour son carbone et son oxygène (presque tout brûle dans le comburant oxygène, notamment le méthane, carburant que l’on peut obtenir à partir du carbone de l’air et de l’hydrogène de l’eau !). Elle peut également être utilisée pour freiner les véhicules venus de la Terre (d’où des économies d’énergie et de masse, importantes) et, dans les régions basses, pour la portance de drones ultralégers, transportant quelques petits équipements ou de ballons d’exploration. Rien de comparable ailleurs dans notre univers proche, sauf autour de Vénus mais évoluer dans la zone habitable de la haute atmosphère de cette planète serait extrêmement périlleux compte tenu du risque d’atterrissage catastrophique sur une surface ou règnent des conditions environnementales infernales.

Toute vie sur Terre est le fruit de matière, d’eau et d’énergie du Soleil. On a constaté dans les météorites des molécules organiques simples mais variées. Nul doute qu’un environnement planétaire relativement comparable au nôtre (minéraux, eau liquide, énergie) a conduit beaucoup plus loin l’évolution de ces molécules et Mars est la planète accessible dont l’évolution planétologique a été la plus semblable à la nôtre. Jusqu’où la complexification organique a-t-elle été poussée reste la grande question posée à notre génération et elle mérite d’être étudiée !

La proximité relative des deux planètes est très importante puisque nos lanceurs modernes nous permettent d’accéder à Mars dans un délai raisonnable. Ce délai est cependant à la limite de nos possibilités et on ne peut pas envisager de vols habités sensiblement plus longs. Six mois c’est déjà beaucoup pour rester enfermé dans quelque lieu confiné que ce soit mais, surtout, les doses de radiations de GCR (Galactic Cosmic Rays) deviendraient problématiques au-delà. Non pas que l’on ne pourrait faire le voyage Terre-planète « x » (distante au mieux de trois ans comme Jupiter, par exemple) aller et retour, mais parce que notre « capital d’irradiation » serait quand même sérieusement entamé et que les possibilités de plusieurs de ces voyage seraient trop limitées (on peut envisager deux ou trois voyages vers Mars au cours d’une vie sans risques majeurs pourvu qu’on évite ou se protège d’une éventuelle tempête solaire).

A côté de Mars, la Lune, astre mort-né, fait très pâle figure. Il n’y a pas d’atmosphère, très peu d’eau, (si peu qu’il vaut mieux la garder pour étudier l’histoire de notre environnement spatial proche qui s’est inscrite dans sa glace) ; la gravité est si faible (moitié moins que celle de Mars) que les problèmes de santé pouvant en résulter pour l’homme qui y séjournerait longtemps, seraient presqu’aussi graves que ceux qui sont la conséquence de long séjours en apesanteur dans l’espace. Vénus comme mentionné plus haut, présente trop de danger, Mercure difficilement accessible est trop près du Soleil, les lunes de Jupiter ou de Saturne sont très inhospitalières (radiations de Jupiter) et/ou trop lointaines, les exoplanètes « proches » sont, pour encore longtemps, inaccessibles à nos fusées (Proxima Centauri est à 4,3 années-lumière !).

Donc nous pouvons aller physiquement sur Mars et, dans un avenir prévisible, nous ne pourrons nous établir que sur Mars ; nous pourrons y approfondir nos recherches sur l’origine, la préhistoire de la vie, peut-être ses premiers balbutiements. Nous avons commencé à le faire avec des robots, remarquables produits de l’intelligence humaine, et nous continuerons. Mais il faut faire mieux : nous pouvons aussi y envoyer des astronautes puis des colons ; nous pouvons tenter d’y donner une « seconde chance » à notre espèce, à la vie terrestre et à notre civilisation. S’intéresser à Mars, c’est s’intéresser à ces recherches fondamentales, c’est s’intéresser à des projets dont la réalisation est possible même si elle est difficile ; c’est s’intéresser à demain, se projeter dans un avenir proche, et c’est aussi repousser infiniment plus loin qu’aujourd’hui notre horizon et celui de l’humanité.

Puisque le défi « relevable » de notre époque est donc d’y aller. Ne tergiversons pas d’avantage, allons-y !

En attendant, pour connaître mieux cette planète, les possibilités de voyage et d’établissement temporaire ou permanent, faire le point sur les recherches biologiques, venez nous rejoindre le 26 octobre au Musée International d’horlogerie de la Chaux-de-Fonds! Inscrivez vous.

Image à la Une : affiche d’annonce de la 18ème Conférence sur la Planète Mars en Europe (crédit Mars Society Switzerland, graphisme Trax-L)

Le télescope Planck nous approche de l’origine de l’Univers autant que le permettent les rayonnements électromagnétiques

Vers quelque direction que l’on orienterait nos télescopes, en supposant qu’ils soient suffisamment puissants pour collecter les rayonnements électromagnétiques émis il y a plus de 13,799 milliard d’années-lumière, nous ne pourrions « regarder » plus loin dans l’espace ou avant dans le passé car la surface dite de « dernière-diffusion » (les photons interagissant immédiatement avec les électrons encore « libres ») constitue un mur infranchissable à l’observation utilisant ces rayonnements. En effet, avant d’arriver au volume correspondant à cette surface (quelques dizaines de millions d’années-lumière de diamètre), dilaté par l’inflation puis l’expansion, l’Univers né du Big-bang 380.000 ans auparavant, ne pouvait émettre aucune radiation électromagnétique (c’était un « corps-noir » parfait), sa densité étant jusque-là trop élevée. C’est alors seulement, l’expansion continuant à réduire la densité, qu’apparaît la « première lumière » résultant de la libération des photons de la matière (les protons disposant alors de suffisamment d’espace pour prendre le contrôle des électrons). Théorisée par George Gamow dans les années 1940, découverte fortuitement par Arno Penzias et Robert Wilson en 1965, on a nommé cette surface le « Fond-diffus-cosmologique », en Anglais « Cosmic Microwave Background » ou communément « CMB », et c’est ce CMB qui a constitué le premier objet d’étude du télescope Planck.

Si en Anglais on parle de « micro-ondes », c’est que le pic d’émission du CMB se situe, aujourd’hui, dans la bande du spectre électromagnétique, qui se trouve dans la zone des micro-ondes, entre le rayonnement infrarouge-lointain et les ondes-radio. Si on a estimé qu’il provient de l’origine de l’Univers c’est qu’il est « isentropique » c’est-à-dire qu’il ne dépend pas d’un astre, d’une galaxie ou d’un système de galaxies mais qu’il est partout à peu près égal avec en moyenne une température de 2,725 K, une longueur d’onde de 3 mm, un pic de fréquence à 100 GHz, avec quelques irrégularités que l’on appelle « anisotropies », qui sont de très faibles différences de température selon la direction des micro-ondes (de l’ordre de 1/10000 par rapport à la moyenne). Ces différences de température témoignent de différences de densité de la matière, sur lesquelles ensuite a joué la pesanteur (la force gravitationnelle). Elles témoignent de ce qui s’est passé « avant », lorsque les photons n’avaient pu encore échapper à la matière et elles annoncent ce qui va se passer « après » (formation des diverses concentrations de matière de notre Univers). L’objectif du télescope Planck était donc de dresser une carte aussi précise que possible de ces inhomogénéités et d’en déduire des indications sur la structure et l’évolution de l’Univers. NB : le CMB est un rayonnement dit « fossile » car sa source, l’événement qui l’a créé, remonte à 13,799 milliards d’années. Il était à l’origine beaucoup plus chaud (3000 K) et se situait dans le proche infrarouge. C’est le passage du Temps et la dilatation de l’Univers avec l’accroissement constant de la vitesse de fuite, qui a étiré de plus en plus les longueurs d’onde (effet Doppler).

Mais le télescope Planck a aussi étudié la phase d’après le CMB, qu’on appelle « le fonds diffus infrarouge », « CIB » (Cosmic Infrared Background), provenant de la période de formation des grandes structures de l’Univers. Le CIB comprend aussi bien le rayonnement des premières étoiles que celui des nuages de poussière échauffés par le rayonnement des étoiles. Comme le CMB, le CIB est un rayonnement très ancien, soumis de ce fait à un très fort effet Doppler. On voit tout de suite l’intérêt de cette seconde représentation du jeune Univers pour comprendre la première puisqu’elle donne une ébauche de l’évolution qui a conduit jusqu’à nous.

Le télescope Planck, nommé en hommage au physicien allemand, Max Planck, découvreur en 1900 de la forme du spectre du corps-noir, est un télescope spatial développé par l’ESA avec une participation NASA. Il remonte à 1993 et a sa source dans deux projets, l’un italien COBRA (Cosmic Background Radiation Anisotropy Satellite) qui prévoyait pour sa surface focale l’utilisation de transistors et l’autre français, SAMBA (SAtellite for Measurement of Background Anisotropies) qui prévoyait l’utilisation de bolomètres (des absorbeurs qui convertissent l’énergie cinétique du rayonnement électromagnétique incident en énergie interne. Les absorbeurs sont liés à des « thermomètres » qui traduisent les variations de température dans les variations de leurs propriétés électriques ou magnétiques). Sélectionné en 1996 en un projet combiné qui devient alors « Planck », le télescope comprend deux instruments, le HFI d’origine SAMBA et le TFI d’origine COBRA. Il est réalisé par un ensemble de plusieurs dizaines d’entreprises et de centres de recherches, sous la direction scientifique de l’IAS (Institut d’Astrophysique Spatiale, d’Orsay, en France) et de l’IASC (Istituto di Astrofisica Spaziale et Cosmica de Bologne), et sous la direction technique de Thalès Alenia Space. La NASA a participé (bolomètres, refroidisseurs, amplificateurs). La mission a été lancé en 2009. Elle avait pour objectif d’améliorer en précision de 20 à 30 fois les résultats obtenus par les deux missions précédentes visant le CMB, les missions COBE, lancée en 1989 et WMAP, lancée en 2001. Elle s’est terminée officiellement en juillet 2018 (bien après que les instruments aient cessé d’être opérationnels).

Le HFI pour High Frequency Instrument avait pour P.I. Jean-Loup Puget de l’IAS. Il opérait dans des bandes allant de 100 GHz à 850 GHz. Il utilisait 54 bolomètres, qui fonctionnaient d’autant mieux qu’ils étaient plus froids et il fallait évidemment descendre le plus possible en dessous de 2,725°K (température moyenne du CMB). On a atteint 0,1°K, par un dispositif complexe utilisant l’hélium liquide, ce qui permettait au HFI de percevoir beaucoup mieux que ses prédécesseurs les fluctuations autour du rayonnement du CMB. Bien entendu cela ne pouvait durer que tant qu’il y avait de l’hélium liquide disponible ; ce fut le cas jusqu’en janvier 2012.

Le LFI pour Low Frequency Instrument avait pour P.I. Nazzareno Mandolesi de l’IASC. Il opérait dans des fréquences allant de 30 à 70 GHz. Ce sont des fréquences inférieures au pic du CMB (100 GHz) mais cela a permis d’améliorer les observations du HFI et de leur donner un avant plan (le CIB). Ses radiomètres fonctionnaient avec une température de 20°K et il n’avait donc pas les mêmes exigences de refroidissement que le HFI.

La plateforme construite par Thalès Alenia Space était particulièrement étudiée pour éviter le réchauffement. Le télescope lui-même comprenait un miroir primaire et un miroir secondaire réfléchissant les rayonnements vers la surface focale comprenant les capteurs HFI et LFI, munis de leurs systèmes de refroidissement et de leurs réserves de liquide cryogénique (36.000 litres d’hélium 4 et 12.000 litres d’hélium 3 pour HFI ; de l’hydrogène recyclable pour LFI, ce qui a permis un fonctionnement beaucoup plus long). La localisation était une orbite autour du point de Lagrange L2 (derrière la Terre par rapport au Soleil), pour à la fois bénéficier en permanence de l’éclairage du Soleil sur les panneaux solaires couvrant le fond de la plateforme de l’observatoire et éviter les émissions thermiques de la Terre. Un peu d’hydrazine, 160 kg, était utilisé pour les ajustements de trajectoire (il fallait évidemment suivre un plan d’exploration de la voûte céleste en évitant tout angle trop ouvert vers le Soleil (15° maximum d’inclinaison par rapport à la direction du Soleil). HFI a ainsi fonctionné entre juillet 2010 et le 17 janvier 2012 (épuisement de l’hélium). LFI a fonctionné jusqu’en octobre 2013.

Les résultats scientifiques ont été publiés une première fois en mars 2013, une deuxième fois fin 2014, et la version intégrale, définitive, plus fiable, des données avec les articles associés, a été publiée sur le site Web de l’ESA le 17 juillet 2018. Ils ont apporté un progrès évident à la représentation du CMB (voir illustration de titre). Le CNES nous dit que cela renforce le « modèle standard » des cosmologues (qui repose sur une combinaison de matière ordinaire, matière noire et énergie noire). Une des conséquences importantes a été, grâce au HFI, la prise de connaissance de la polarisation du CMB (signaux 50 à 100 fois plus faible que ceux de la température et 10 à 20 fois plus faible que ceux du CIB) car elle détermine comment, au niveau microscopique, vibrent les ondes qui composent la lumière. C’est l’empreinte de la dernière interaction entre la lumière et la matière avant la libération des photons.

Mais toute réponse apporte de nouvelles questions ! On a ainsi constaté un taux d’expansion de l’Univers légèrement inférieur à ce qu’il devrait être d’après Hubble et une asymétrie des températures moyennes dans les deux hémisphères de la CMB. Elle est légèrement plus élevée au Sud qu’au Nord de l’écliptique. Le CMB n’est donc pas parfaitement isotrope et homogène entre régions (au-delà des anisotropies visibles sur la surface dans chaque région) ! Par ailleurs un point froid, bien plus important qu’une simple fluctuation apparaît dans le Sud-Est de l’hémisphère Sud. Les astrophysiciens réfléchissent ! Maintenant, ils pourraient être aidés par de nouveaux progrès technologiques. On pourrait construire un « super-Planck » pour observer encore plus finement la surface de dernière-diffusion. Si nous voulons aller encore plus loin, pour la transpercer, il nous faudrait utiliser d’autres rayonnements que les rayonnements électromagnétiques. Je pense évidemment, pour demain, à l’astronomie des ondes gravitationnelles et, pour après-demain, à celle du rayonnement des neutrinos.

Illustration de titre : comparaison de la précision de Planck par rapport à ses prédécesseurs COBE et WMAP constatée sur un même secteur de 10 degrés carrés du CMB (crédit NASA/JPL-CalTech/ESA). Les « grumeaux » sont les anisotropies.

Image ci-dessous (1) : Vue d’artiste du télescope Planck (crédit CNES, France).

Image ci-dessous (2): Les éléments du télescope Planck.

Liens :

https://planck.cnes.fr/fr

https://www.nasa.gov/mission_pages/planck

https://fr.wikipedia.org/wiki/Planck_(satellite)

contributions suisses au télescope:

https://www.esa.int/fre/ESA_in_your_country/Switzerland_-_Francais/Deux_firmes_suisses_contribuent_a_la_stabilite_du_telescope_Planck/(print)

N’oubliez pas notre congrès EMC18 (18th European Mars Convention) au Musée International d’Horlogerie (MIH) de la Chaux-de-Fonds, du vendredi 26 octobre (14h00) au dimanche 28 Octobre (12h00). Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Mars au long de 24 exposés de spécialistes sur (1) la Planète, (2) le Temps, (3) le Voyage interplanétaire et (4) l’installation de l’homme (en Anglais). Nous aurons aussi un débat avec Claude Nicollier et Robert Zubrin sur le thème “Robots and Men on Mars under the Look of Time”. Vous pouvez encore vous inscrire.

Après LISA-Pathfinder, LISA pourrait nous apporter une très riche moisson d’ondes gravitationnelles

L’espace-temps forme un tout solidaire ce qui implique que toute perturbation gravitationnelle s’y répercute mais son tissu est tellement stable et gigantesque que seules les plus grosses perturbations, des distorsions provenant de très grosses masses en accélération, générant de fortes ondes gravitationnelles, y peuvent être perçues, sous forme d’oscillations de très petites amplitudes. Depuis qu’on a pris conscience de la probabilité de l’existence de l’espace-temps et de ses propriétés (Albert Einstein puis Felix Pirani et Hermann Bondi), on a cherché à les vérifier en tentant d’observer ces ondes qui en sont une forme d’expression. Sur Terre on a conçu et réalisé les interféromètres LIGO* et Virgo*, dans l’espace on prépare LISA* (projet ESA avec la collaboration de la NASA) à l’horizon des années 30. Le satellite LISA-Pathfinder (ESA) en a testé des aspects essentiels en 2016 ; il est son précurseur.

*LIGO = Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory (aux Etats-Unis, deux installations, en Louisiane et dans l’Etat de Washington) ; *Virgo = un interféromètre de même type, situé en Europe, à Cascina, près de Pise ; *LISA = Laser Interferometer Space Antena. LISA est une entreprise internationale avec une contribution majeure de la France ; pour ce pays, un participant essentiel est le Laboratoire Astroparticule et Cosmologie (CNRS/Université Paris Diderot/CEA/Observatoire de Paris) avec le soutien du CNES. Il y a aussi une contribution suisse prévue, notamment via l’ETHZ, l’Université de Zurich et l’Université de Genève (voir ci-dessous).

Les avantages du milieu spatial par rapport au support planétaire sont (1) l’absence de bruits parasites provenant de ce support ; (2) les très grandes dimensions pouvant être données à la structure du détecteur, ce qui permet de réduire l’importance relative des « bruits » et d’observer des ondes de beaucoup plus grandes longueurs ; (3) une capacité de détection des origines très affinée par rapport à celle des capteurs terrestres*. LISA est donc porteur d’un grand espoir d’autant que l’expérience de LISA-Pathfinder a été très positive.

*sur Terre les ondes gravitationnelles (“OG”) détectées sont de très courte durée et il faut donc plusieurs détecteurs (2 LIGO + 1 Virgo +…) pour effectuer une triangulation permettant d’en déduire la direction d’origine. Dans l’espace, les trois bras de LISA constituent deux détecteurs de Michelson indépendants ce qui donne très vite une première estimation de la direction. Ensuite, les OG étant observées sur une longue durée (semaines, mois), la rotation de LISA autour du Soleil permet d’affiner cette triangulation.

Les ondes gravitationnelles ne sont pas des ondes électromagnétiques mais elles sont suscitées par des événements qui peuvent générer également de telles ondes. Leur spectre couvre une très large étendue de longueurs d’ondes. LISA opérera entre 0,1 millihertz (mHz) et 0,1 Hz, donc sur des longueurs beaucoup plus grandes (et des fréquences beaucoup plus basses) que LIGO ou Virgo (10 Hz à 1kHz) ; c’est la bande de fréquences qui semble la plus riche en ondes gravitationnelles.

Le « détecteur » (difficile de parler d’un télescope pour un instrument ne recueillant pas de signaux sur un miroir) sera constitué de trois « bras » de laser à partir de trois jeux de deux masses inertielles enfermées dans des satellites situés à égale distance, au sommet de chaque angle d’un triangle à peu près équilatéral (il évoluera régulièrement dans le temps, sur une période de 12 mois, à cause de la trajectoire des satellites). Ces bras qui auront pour objet de mesurer les variations de distance entre les masses-témoins en chute libre et suivant une trajectoire purement gravitationnelle à l’intérieur des satellites, seront extrêmement longs, 1,5 million de km, ce qui permettra une sensibilité beaucoup plus forte aux ondes gravitationnelles que les interféromètres terrestres. Cela est nécessaire car les signaux attendus sont extrêmement petits (la taille d’un noyau d’hélium au bout de la longueur d’un des bras de l’instrument). A noter que, puisque les variations de distances dues aux ondes gravitationnelles sont de l’ordre de quelques dizaines à quelques milliers de secondes, l’évolution périodique de la longueur des bras de laser mentionnée plus haut, ne présentera pas une difficulté insurmontable. Le triangle de LISA suivra la Terre sur son orbite à une distance de 50 millions de km, et fera un tour complet autour de son propre centre pendant cette année. Il sera incliné sur l’écliptique selon un angle constant de 60°, déterminant ainsi un cône tronqué autour du Soleil. Les trois satellites seront « liés » entre eux par six rayons laser (deux à partir de chacun des satellites vers chacun des deux autres). Le système LISA est donc très voisin de celui des interféromètres terrestres, il est simplement beaucoup plus étendu. Tout passage d’une onde gravitationnelle suffisamment puissante pour passer au-dessus du seuil de bruit, allongera ou rétrécira la distance entre les satellites. Le « temps de vol » des photons des lasers y est sensible. On aura donc une mesure de la dilatation/contraction de l’espace-temps. Cela est possible car la vitesse de la lumière est constante. Selon l’importance et le lieu de la déformation on aura en plus, la force du signal et la direction de sa provenance ; selon la durée de sa répétition et sa forme, on pourra savoir si la source est un événement unique ou un phénomène continu.

LISA-Pathfinder a été un test de la faisabilité de LISA. Une sorte de modèle réduit avec des performances attendues moindres mais significatives (un ordre de grandeur en performance et trente en fréquences). Il a été lancé en 2015, positionné au point de Lagrange L1 en janvier 2016 et a terminé sa mission en juillet 2017. A son bord, le LTP (Lisa Technology Package) a testé avec satisfaction que les caractéristiques de bruits d’origines non gravitationnelles (vent solaire, pression de radiations) affectant deux cubes en or et platine de 1,96 kg et 46 mm de côté (métaux choisis pour leur susceptibilité magnétique très réduite) en chute libre à l’intérieur du satellite, étaient largement compatibles (suffisamment faibles) avec la possibilité de détecter des ondes gravitationnelles. Le DRS (Disturbance Reduction System) a vérifié l’adéquation des micropropulseurs* devant compenser l’ensemble des forces non gravitationnelle s’exerçant sur le satellite.

*deux systèmes ont été utilisés alternativement, l’un fourni par l’ESA, fonctionnant avec des gaz froids (comme pour Gaia), l’autre par la NASA, fonctionnant avec des colloïdes.

L’ensemble du dispositif est parvenu à obtenir une précision dans la mesure de la distance entre les deux masses tests de 30 millionièmes de milliardièmes de mètres (30 femtomètres) et à limiter l’accélération relative des masses témoins à 2 femtomètres par seconde au carré, soit 20 fois mieux que celles attendues et en deçà de ce qui est requis pour LISA. Cela veut dire que toute onde gravitationnelle générant une accélération relative supérieure à l’amplitude de cette variation maximum, pourra être perçue. Cela souligne en même temps le caractère prodigieux des technologies utilisées pour contrôler (1) les forces externes susceptibles de modifier la trajectoire du satellite (pression de radiations) et (2) les forces internes, magnétiques et gravitationnelles c’est-à-dire celles qui résultent de l’attraction gravitationnelle du satellite lui-même (les forces de gravité que génèrent ses composants se compensent au niveau des cubes). Le passage d’une onde gravitationnelle doit allonger d’une longueur infime la distance entre les masses inertielles enfermées dans les satellites. Dans la configuration LISA il y aura une masse inertielle aux deux bouts de chaque rayon laser, dans LISA-Pathfinder, elles n’étaient séparées que de 38 cm, avec entre elles deux rayons lasers, reflétés par elles. Cela ne permettait pas la détection d’ondes gravitationnelles (distance trop petite) mais ce n’était pas l’objet à ce stade.

Après le succès de LISA-Pathfinder et surtout la première observation directe d’ondes gravitationnelles le 14 septembre 2015 par les deux capteurs de LIGO (fusion de deux trous noirs à plus d’un milliard d’années-lumière de la Terre), la NASA qui avait quitté le projet en 2011 (début administration Obama) l’a rejoint à nouveau en 2016. L’ESA a sélectionné LISA en juin 2017 comme mission lourde (« L3 ») du programme Cosmic Vision, avec un lancement prévu en 2034. La mission qui doit durer 4 ans, est estimée à un milliard d’euros d’aujourd’hui pour l’ESA (et sans doute autant pour les contributions nationales).

Les ondes gravitationnelles sont extrêmement peu perturbées par la matière. Elles « passent partout », si l’on peut dire, et elles peuvent donc nous donner des informations non déformées sur les événements les plus lointains et les plus puissants. LISA le fera dans une partie du spectre différente de celle couverte par les interféromètres LIGO et Virgo au sol. Les sources privilégiées seront les fusions de trous-noirs supermassifs mais aussi les systèmes d’étoiles binaires ultra-compactes (à neutrons), les « EMRI » (systèmes de trous noirs).

On avance ainsi petit à petit dans un nouveau domaine, on pourrait dire une nouvelle dimension de l’exploration spatiale. Plus tard on continuera en utilisant les longueurs d’ondes encore inaccessibles (Pulsar Timing Arrays) pour rejoindre, tout au bout du spectre, l’observation de l’univers primordial effectuée aujourd’hui dans le domaine électromagnétique par le télescope Planck et au-delà même de ce que Planck peut voir, au-delà de la « surface de la dernière diffusion », avant le « temps de la recombinaison », lorsque les ondes électromagnétiques n’étaient pas encore libérées de la matière et que l’univers avait juste 380.000 ans d’existence.

Ces ondes gravitationnelles nous apporteront donc un complément d’informations extraordinaire en permettant de « voir » encore plus loin que (ou avant) les rayons électromagnétiques et aussi « voir » les phénomènes surpuissants de l’Univers sous un autre aspect que celui transmis par les ondes électromagnétiques. On parle d’« astronomie-multi-messager » et cette astronomie a de beaux jours devant elle. Maintenant, il faut construire LISA.

NB : ce texte a été revu (et quelque peu corrigé !) par (1) Eric Plagnol, physicien, chercheur émérite au CNRS, membre de l’équipe LISA/LISA Pathfinder au laboratoire Astroparticule et cosmologie (« APC »), responsable de la mission LISA Pathfinder pour la France jusqu’en 2015; par (2) Isabelle Petitbon, responsable programme Physique fondamentale au CNES.

Image à la Une: Vue d’artiste d’un des trois satellites composant LISA. On voit partir de ce satellite les deux rayons laser qui le relient aux deux autres. Les rayons partent de deux masses en chute libre à l’intérieur du satellite. Crédit AET/Mild Marketing/Exozet.

Image ci-dessous (1): parcours de LISA autour du Soleil, crédit ESA:

Image ci-dessous (2): Vue d’artiste de l’intérieur de LISA-Pathfinder (crédit ESA/ATG medialab) ou plus précisément, du LTP (voir ci-dessus). Vous remarquerez les deux rayons laser de l’interféromètre, chacun se reflétant sur l’une des deux masses (cubes) en chute libre. Ils relient l’une à l’autre par un jeu de 22 miroirs. Ces lasers avaient pour objet de mesurer très précisément les mouvements, la position et l’orientation des masses sans les toucher. De l’extérieur, LISA-Pathfinder ressemble beaucoup à l’un des satellites de LISA tel que représenté dans l’« illustration de titre ». Le « couvercle » des deux est le panneau solaire nécessaire au fonctionnement du satellite.

Liens :

https://lisa.nasa.gov/

http://sci.esa.int/lisa-pathfinder/

https://www.ligo.caltech.edu/page/press-release-gw170817

http://www.virgo-gw.eu/

https://directory.eoportal.org/web/eoportal/satellite-missions/l/lisa-pathfinder

https://lisa-pathfinder.cnes.fr/

contribution suisse :

https://www.sbfi.admin.ch/dam/sbfi/fr/dokumente/factsheet_lisa_pathfinderaufdemweginsweltall.pdf.download.pdf/factsheet_lisa_pathfinderenrouteverslespace.pdf

https://www.erdw.ethz.ch/content/dam/ethz/special-interest/erdw/department/dokumente/news/2015/11/LPF_Faktenblatt_en.pdf

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