Vénus a-t-elle pu engendrer la Vie ?

La détection de phosphine dans l’atmosphère de Vénus a suscité beaucoup d’intérêt puisqu’on nous dit que ce gaz implique la présence de vie. J’ai voulu me reporter aux sources, c’est-à-dire lire l’article scientifique paru dans la revue « Nature Astronomy » sur la présence de ce gaz dans l’atmosphère de Vénus et l’article scientifique plus général paru dans la revue « Astrobiology » sur ce gaz comme marqueur d’une activité biologique dans les atmosphères planétaires. Voici ce que j’ai compris et les conclusions que j’en tire.

La phosphine est une molécule combinant le Phosphore et l’Hydrogène (PH3). On l’a trouvé en petite quantité (20 ppb), dans les régions tempérées (pour ne pas dire « habitables ») de l’atmosphère vénusienne. L’identification de la raie spectrale correspondante en a été effectuée par les télescopes JCMT (James Clerk Maxwell, sur le Mauna Kea à Hawai) et ALMA (Désert d’Atacama, Chili). Elle semble sûre.

La phosphine n’est pas exceptionnelle dans l’Univers. On la trouve aussi dans les atmosphères de Jupiter et de Saturne mais sur les planètes telluriques (comme la Terre ou Vénus) aucun processus abiotique connu aujourd’hui ne peut expliquer sa présence (les mots « abiotique » et « connu aujourd’hui » sont pesés). Plus précisément dit, sur ces planètes il n’y a pas de faux-positifs de source abiotique pouvant générer les flux élevés requis pour sa détection (à noter cependant que la quantité de 20 ppb constatée, est dans le bas de la fourchette qui va de dizaines à centaines de ppb).

Sur Terre, son processus de formation se développe dans les intestins des animaux mais, si on sait , dans quel contexte elle se forme, on ne sait toujours pas exactement comment. De récents travaux postulent que sa production pourrait être associée au cycle microbien de l’acide tricarboxylique des entérobactéries. Mais sur Vénus nous ne sommes pas sur Terre !

La présence de phosphine n’est donc pas directement une preuve de vie. Aussi bien que de la vie, elle pourrait provenir d’un processus photochimique ou géochimique dans un environnement extrême, mal connu (comme celui de Vénus). Souvenons nous qu’une autre énigme, la présence de méthane dans l’atmosphère martienne, n’est toujours pas élucidée bien que les missions martiennes avec instruments dédiés, aient été nombreuses et longues, et que l’on doute desormais beaucoup de possibles causes biologiques.

Il faut maintenant donner quelques indications sur cet environnement vénusien : La température de surface est de 470°C (assez égal partout avec deux « colliers » un peu moins chauds lorsqu’on s’approche des pôles), la pression atmosphérique est de 90 bars (égale partout). Son atmosphère est composée à 95% de gaz carbonique et 3,5% d’azote plus quelques autres gaz à l’état de traces y compris un peu de vapeur d’eau résiduelle (il y en a eu beaucoup avant que l’effet de serre bouleverse tout). Elle comprend d’importants nuages de dioxyde de souffre (anhydride sulfureux) pouvant évoluer en acide sulfurique avec la vapeur d’eau en suspension. Jusqu’à 48 km d’altitude le CO2 dépasse son pourcentage moyen et la consistance de l’« air » est plutôt celle d’un « fluide-supercritique », intermédiaire entre liquide et gazeux. Entre 50 et 60 km, on est dans la zone des nuages d’acide sulfurique (gouttelettes en suspension), évidement plus nombreux vers 50 km (« lower clouds ») que vers 60 km (« middle clouds »), avec une sous-zone moins « encombrée » entre deux*. Ils contiennent aussi du sulfate de fer, du chlorure d’aluminium et de l’anhydride phosphorique (P2O5, différent de la phosphine). Dans cette zone la pression est de l’ordre de celle que l’on connait à la surface de la Terre mais les températures chutent rapidement, de +70°C à -10°C (lorsque la région est dans l’ombre de la planète par rapport au Soleil).

*NB : C’est dans cet endroit charmant au climat idyllique (je plaisante) que certains envisagent de mener des missions habitées ! Il ne faut pas trop rêver, la bande d’altitude favorable est étroite (quelques km) et n’oublions pas que les avions en vols moyens/longs courriers circulent à 10 km du sol, monter ou descendre de 4 ou 5 km va très vite. De plus les nuages d’acide sulfurique sont évidemment très dangereux ! Mais la pénétration de l’homme dans ce monde hostile n’est pas le sujet de cet article.

Pour revenir à Vénus, compte tenu des caractères très particuliers de l’environnement il est vraiment trop tôt pour exclure que la phosphine puisse résulter d’un processus abiotique. En avoir trouvé dans l’atmosphère de Vénus est donc une piste intéressante qui mérite d’être poursuivie mais « ne nous emballons pas ». On peut envisager (pour ne pas dire rêver) d’organismes de type vessies aéroportées (pas forcément intelligentes) flottant dans un joli ciel bleu parsemé de nuages mais on est très loin de pouvoir dire qu’on en a trouvés. Il faut aller voir de plus près. A noter que les scientifiques qui ont envisagé la phosphine comme marqueur biologique, nous disent que la production de ce gaz constaté dans l’atmosphère proviendrait du sol de ces planètes. Dans le cas de Vénus, il est difficile d’imaginer que ce puisse être le cas, tant les conditions au sol sont hostiles. Alors Vénus avec son atmosphère si massive, ne serait-elle pas une planète tellurique avec quelques caractères de géante gazeuse ?

Une mission dédiée à la collecte d’échantillons serait certainement intéressante (et pas seulement pour cet objet mais aussi pour l’étude des différents environnements vénusiens). Pour l’instant certains (comme Robert Zubrin) pensent à prendre quelques mesures avec la sonde BepiColombo (ESA + JAXA), partie de la Terre vers Mercure en Octobre 2018. Elle doit faire deux survols (« flyby ») de Vénus le 16 octobre 2020 et surtout le 11 août 2021 (pour insertion en orbite de Mercure le 5 décembre 2025) car le 16 octobre est un peu trop rapproché pour entreprendre quoi que ce soit. De toute façon je vois mal quels instruments dédiés à l’observation d’une planète sans atmosphère comme Mercure pourraient être utilisés précisément pour analyser plus finement qu’on ne l’a jamais fait à distance, la composition de l’atmosphère de Vénus !

Il serait plus sérieux d’accélérer la préparation de la mission Venera-D* initiée par les Russes, spécialistes de la planète car ils y ont mené avec succès plusieurs missions (séries nommées Venera et Vega, depuis les années 1970, les deux dernières étant Vénéra 13 et 14 en 1982), en équipant les ballons atmosphériques déjà prévus, de détecteurs adéquats. La mission dont l’origine remonte à 2009 et dont le lancement est actuellement prévu pour après 2026, comprend un orbiteur, un atterrisseur (durée de vie 60 jours, précédentes respectivement une et deux heures) et deux ballons pour évoluer dans l’atmosphère. Les ballons comprennent notamment un « néphélomètre » (instrument dont l’objet est de mesurer la teneur des particules en suspension). La NASA s’y est associée en 2014 (voir ci-dessous le « phase II final report publié le 31 janvier 2019, le premier rapport – « phase I » – date de janvier 2017).

*« D » est l’initiale de « Dolgozhivuschaya », « longévité » en Russe car le projet est de mettre en situation des collecteurs de données dont la vie sera nettement plus longue que ceux qui les ont précédés. On veut des instruments qui fonctionnent pendant plusieurs semaines et non plus seulement quelques heures.

Cependant les Russes n’ont plus les moyens, seuls, de leurs ambitions et il est possible que les Américains leur faussent compagnie pour mener seuls leur propre projet, DAVINCI (Deep Atmosphere Venus Investigation of Noble gases, Chemistry, and Imaging). Ce dernier figure dans la préselection de la NASA de février 2020 (programme Discovery). Il est plus modeste que VENERA-D puisqu’il consiste simplement en une descente jusqu’au sol qui doit durer 63 minutes, au cours desquelles des mesures seront faites sur la composition de l’atmosphère. Il est donc moins cher (les missions Discovery doivent coûter moins de 450 millions de dollars). Le choix final doit être fait en 2021.

Si la médiatisation générée par la découverte de phosphine pouvait avoir cet effet d’accélération, ce serait une excellente chose. Il serait préférable que dans ce contexte VENERA-D soit préférée à DAVINCI mais cela dépendra sans doute, malheureusement, des relations politiques entre Les Etats-Unis et la Chine et celle-ci seront également dépendantes du résultat des élections américaines. La seule chose que l’on puisse dire c’est qu’une nouvelle mission vers Vénus sera décidée l’an prochain.

Références / liens :

* NATURE ASTRONOMY, « Phosphine gas in the cloud decks of Venus », par Greaves, J.S., Richards, A.M.S., Bains, W. et al. Nat Astron (2020). https://doi.org/10.1038/s41550-020-1174-4

*ASTROBIOLOGY, Volume 20, Number 2, 2020 ª Mary Ann Liebert, Inc. DOI: 10.1089/ast.2018.1954, « Phosphine as a Biosignature Gas in Exoplanet Atmospheres » par Clara Sousa-Silva, et al. (Departments of Earth, Atmospheric, and Planetary Sciences, Physics, and Aeronautics and Astronautics, Massachusetts Institute of Technology (MIT), Cambridge, Massachusetts).

*Lien vers l’étude conjointe Russo-Américaine sur le projet Venera-D (la meilleure description à ce jour de ce que l’on sait de Vénus et des projets qu’on pourrait y mener : http://www.iki.rssi.ru/events/2019/Venera-DPhaseIIFinalReport.pdf

Projet Calypso de la NASA : https://www.space.com/venus-calypso-surface-survey-idea.html?utm_source=notificati

Projet DAVINCI de la NASA: https://en.wikipedia.org/wiki/DAVINCI

Illustration de titre : Vénus sous ses voiles et Vénus dévoilée. La première, blanche et douce, est celle que l’on voit depuis la Terre et même lorsque l’on s’en approche ; la seconde, rougeoyante et brûlante, est celle que l’on voit au radar (mission Magellan 1989 – 1994), l’image même de l’enfer. Crédit : NASA (PIA10124 et PIA00104).

Illustration ci-dessous, le sol de Vénus dans Eistla Regio (d’après les données de la mission Magellan), crédit NASA. Les termes “sol” (ou “surface”) sont trompeurs car l’atmosphère qui le recouvre est tellement épais et dense sur une trentaine de km (pression 10 bars à 30 km d’altitude, 22 à 20 km et 47 à 10 km) , qu’il s’apparente davantage à un liquide qu’à notre “air” terrestre. Il faut plutôt voir cette surface comme le fond d’un Océan global hyperchaud.

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Pour votre information, je donnerai une conférence via Zoom le 29 Septembre de 18h00 à 19h00, sur le thème “Faut-il aller sur Mars?

Cette conférence est un des “événements” organisés par le journal Le Temps.

L’introduction et l’intermédiation avec les participants sera faite par le journaliste scientifique du journal, Fabien Goubet. Inscrivez-vous pour participer :

https://www.letemps.ch/evenements/fautil-aller-mars

 

Co-évolution et technologie permettent d’envisager le saut des Terriens vers Mars

Je voudrais revenir sur la problématique de la synchronisation et de la coévolution de la biologie avec la minéralogie ou, plus généralement, de l’environnement, en ce qui concerne les perspectives de l’établissement de l’espèce humaine sur Mars.

La coévolution est la résultante sur le long terme des forces chimiques et physiques qui interagissent, la synchronisation est constituée par les ajustements qui se produisent de temps en temps pour ramener l’une des lignes d’évolution dans les limites des possibilités offertes ou plutôt permises par l’autre. Cela devrait inciter les être intelligents que nous sommes au réalisme dans les anticipations.

Sur Terre, pendant très longtemps, plus précisément jusqu’au développement de l’agriculture, la coévolution s’est déroulée en dehors de toute volonté émanant d’un organisme (qui ne pouvait être qu’humain du fait que nous sommes les seuls êtres conscients et « fabers ») du fait des limites de capacité de nos technologies. L’agriculture a été la première expression d’un déséquilibre en faveur de l’homme, entre l’homme et les « forces de la nature ». La synchronisation ou « le rappel à l’ordre », n’intervenant que par les mouvements de population vers les zones les plus productives conduisant à un rééquilibrage de la productivité du fait de la dégradation de la technologie ou plutôt de son usage (cf. les grandes invasions de l’Empire-romain entre les 3ème et 5ème siècles*), ou lors de l’épuisement des sols, s’exprimant alors par la régression de la population (cf. la civilisation Maya vers le 9ème siècle ou la civilisation Khmère vers le 14ème siècle*).

*vous pouvez avoir vos propres références !

Ce n’est qu’avec l’ère industrielle que la vie intelligente devint une contrainte vraiment forte pour l’environnement (mines, charbon, machines à vapeur, travail de l’acier, transports) et elle correspond à l’expansion exponentielle de la population humaine. A partir de ce saut technologique (milieu du 19ème siècle) l’impact sur l’environnement est de plus en plus marqué. Cela ne veut pas dire que la ligne d’évolution environnementale ait perdu sa puissance coercitive sur la ligne d’évolution biologique, cela veut simplement dire que la technologie a repoussé la contrainte, infléchissant la coévolution à l’intérieur d’une marge de fluctuations beaucoup plus large.

Bien entendu la Nature est toujours là et ne peut donner que ce qu’elle a. Le réajustement est inévitable à terme comme le montre les divers signes qui se manifestent dans l’environnement : montée des pollutions de toutes sortes, montée des pourcentages de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, montée des températures au sol, destructions des environnements naturels, disparition des espèces vivantes en concurrence avec l’homme pour leur territoire.

Avec le temps, nous nous sommes habitués à dominer la matière et l’environnement de manière générale et nous pensons que cela nous sera toujours possible. Nous avons évidemment tort non pas tant en ce qui concerne la puissance de la technologie mais plutôt en ce qui concerne la rapidité de la capacité de la nature à s’adapter. La synchronisation de la ligne biologique avec l’évolution environnementale se fera inévitablement. Le problème dans ces phénomènes de masse c’est l’inertie. Le balancier va toujours plus loin que l’ajustement le nécessite et dans ce cas comme dans les précédents, la synchronisation, c’est-à-dire le retour à une situation acceptable par les parties en présence, se fera dans la douleur.

Cependant, ce que tous ne voient pas c’est que nos capacités technologiques nous donnent actuellement les moyens de vivre dans un environnement beaucoup plus difficile que celui qui était le nôtre « à l’origine » (avant la floraison des technologies), ne serait-ce que du fait de l’augmentation exponentielle de la population. Je veux parler ici des différentes formes de production et de transport d’énergie que nous maitrisons (y compris l’énergie nucléaire), des résultats prodigieux de la recherche agronomique (y compris les fameux et trop mal jugés « OGM »), des progrès médicaux, des transports, des télécommunications, de l’industrialisation (qui permet la production unitaire à faible coût), de la mondialisation (qui permet la spécialisation et la concurrence), et tout cela dans un environnement informatique (qui permet la versatilité dans l’immédiateté).

C’est pour cela qu’il nous est possible aujourd’hui d’envisager d’aller sur Mars et d’y vivre. Les contraintes environnementales sur Mars seront très fortes mais leurs valeurs étant connues, la population locale étant par la force des choses (limitation des volumes et des masses transportables) très limitée, l’organisation de la survie et ensuite de la vie, sera moins difficile que sur Terre où le contrôle des diverses parties intervenantes est presqu’impossible du fait de leur nombre et de la pression que chacune exerce (on peut le constater par la difficulté que nous avons à résoudre la crise sanitaire actuelle). Il n’est pas certain que nous survivions à la brutalité de la synchronisation de la vie avec son environnement sur Terre dans les décennies qui viennent (du fait de toutes les complications qu’elle peut engendrer) mais il est possible d’envisager grâce à nos acquis technologiques de greffer une bouture de la vie humaine (et des formes de vie associées) sur Mars. Cela sera possible si suffisamment de ressources créées sur Terre sont affectées au projet. Et au départ ces ressources sont relativement modestes (elles le seront d’autant plus que la motivation pour aller sur Mars sera forte et donc que les « lever » posera moins de problème).

A partir de là une nouvelle coévolution de la vie avec un nouveau partenaire planétaire, pourra commencer avec inévitablement des synchronisations lorsque nous voudrons, encore une fois, aller « plus vite que la musique » comme par exemple aller jusqu’où bout du rêve d’Elon Musk et nous retrouver un million d’hommes sur Mars à la fin du siècle. Pourquoi ne pas s’engager prudemment dans cette nouvelle coévolution en se contentant de quelques milliers puis de quelques dizaines de milliers de personnes ? Son hubris a toujours causé le malheur de l’homme.

*****

NB, petite allégorie ou parabole : il y a bien longtemps, plus de 2 milliards d’années, les premiers « habitants » de la Terre, des algues bleues-vertes, qu’on appelle les cyanobactéries, avaient proliféré à la surface des océans, comme l’homme aujourd’hui à la surface de la Terre. Le processus vital qu’elles utilisaient, la photosynthèse, était nouveau et fonctionnait avec un succès extraordinaire car il disposait d’un environnement extrêmement favorable, l’eau de la mer et le gaz carbonique de l’atmosphère. Leur rejet métabolique était l’oxygène. Petit à petit cet oxygène occupa un pourcentage non négligeable de l’atmosphère, sans doute plus élevé qu’aujourd’hui car il n’y avait « personne », c’est-à-dire, pour se replacer à l’époque, aucun processus biologique, pour l’utiliser. A son pic, lors du « Great Oxydation Event », ce pourcentage parvint à réduire considérablement l’effet de serre résultant du gaz carbonique qui avait été utilisé par la vie. Le jeune Soleil n’était pas assez puissant pour réchauffer suffisamment le sol de la planète sans cette enveloppe et assez rapidement la Terre entière se couvrit de glace (premier épisode de « snowball Earth »), détruisant la quasi-totalité de la vie ancienne de surface (mais pas toute !). La vie avait failli tuer la vie.

Heureusement les volcans se remirent à cracher leur gaz carbonique et leur chaleur depuis les profondeurs, et quelques êtres vivants bizarres, les premiers eucaryotes, se mirent à consommer le poison qu’était jusqu’alors l’oxygène. Ils s’en trouvèrent fort bien car l’oxygène était un excellent oxydant utilisable dans les réactions redox permettant de libérer puis de capter beaucoup d’énergie. Petit à petit la glace fondit et la vie repartit, avec des composants quelque peu différents. C’était il y a deux milliards d’années. La coévolution entre les cyanobactéries et l’atmosphère avait pu se dérouler un certain temps jusqu’à ce que le système environnemental qui l’avait favorisé au début, ne puisse plus le supporter ce qui conduisit à une brutale synchronisation et mit en route de nouvelles lignes de coévolution.

Lecture : “A new history of Life” par Peter Ward et Joe Kirschvink, publié par Bloomsbury Press en 2015.

Illustration de titre: l’homme sur Mars, vue d’artiste, crédit NASA/CalTech. L’homme en scaphandre contemple le paysage de son nouveau monde. Il est arrivé sur ce promontoire avec un rover préssurisé. Le cercle qui encadre la vue est un des hublots du véhicule au travers duquel ses compagnons ont pris la photo. Au fond, loin devant, des lumières brillent, celles de la base, leur foyer.

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Synchronisation et coévolution ; nos chances de rencontrer des extraterrestres sont quasi nulles

J’ai évoqué récemment le phénomène de coévolution de la vie et de la matière minérale. Je voudrais aujourd’hui insister d’une part sur l’inévitabilité de la synchronisation de ces deux lignes d’évolution entre elles sur une même planète et d’autre part sur l’impossibilité de la synchronisation de notre évolution avec celle d’autres formes de vie qui pourraient exister ailleurs dans l’Univers. Cela a des conséquences déterminantes sur la possibilité que nous avons de rencontrer un jour dans l’Espace une forme de vie intelligente et communicante n’appartenant pas à l’espèce humaine.

Il faut d’abord bien avoir conscience que la vie tout comme les minéraux sont des formes d’organisation de la même matière. Ensemble, nous sommes la Terre.

Il faut aussi bien voir qu’il n’y a nul automatisme pour aller de la matière d’une planète quelconque jusqu’à notre équivalent (un organisme vivant et a fortiori un être de type humain) ou plutôt que s’il y a automatisme, c’est-à-dire possibilité de répétition, il résulte de l’interaction simultanée et/ou échelonnée dans le temps d’un grand nombre de facteurs dont nous ne comprenons pas encore suffisamment les composants et les processus. Autrement dit, pour simplifier à l’extrême, il ne suffit pas de verser de l’eau liquide sur une roche stérile pour déclencher le processus de vie mais il ne suffit pas non plus pour l’obtenir, de projeter quelques éclairs dans une atmosphère d’hydrogène, de méthane et d’ammoniac (comme voulait le démontrer Stanley Miller en 1953). Et il ne suffit pas davantage qu’une exoplanète soit située dans la zone dite habitable d’une étoile proche ou lointaine pour qu’elle soit habitée de petits-hommes-verts (ou autres).

La combinaison nécessaire est à considérer à plusieurs niveaux : présence des éléments chimiques et environnementaux indispensables, accès à une énergie suffisante, durée suffisante permettant à l’évolution de se développer et d’aboutir, accidents endogènes ou exogènes créant les embranchements permettant l’orientation adéquate de l’évolution; persistance suffisante dans le temps du phénomène, pour permettre la coexistence et la communication entre plusieurs processus biotiques similaires sur des planètes différentes.

Concernant les éléments et l’énergie (on pourrait presque dire « les ingrédients »), si la vie n’était pas possible dans un Univers jeune donc pauvre en « métaux » (puisque ceux-ci ont été accumulés par les nucléosynthèses stellaires au fil de l’Histoire), on peut supposer qu’elle a/aurait pu se manifester ailleurs à notre époque (au sens large), sur une planète tellurique dans la zone habitable d’un système comparable au nôtre (étoile de masse moyenne c’est-à-dire suffisamment stable et durable dans le temps, ce qui exclut d’une part les naines rouges et d’autre part les étoiles géantes). Cette similitude nécessaire doit être étendue à la présence suffisante d’eau, ce qui suppose déjà une anomalie dans l’histoire planétaire : la réhydratation du disque des planètes proches de leur étoile (i.e. en recevant suffisamment d’énergie) après leur accrétion et un certain refroidissement de leur croûte, par averses provoquées de météorites glacées*. Nous avons bénéficié du rebroussement du couple Jupiter-Saturne mais un phénomène ayant le même effet est-il si fréquent ailleurs dans l’Univers ?

*même si aujourd’hui certains (comme Laurette Piani du CNRS) pensent que l’eau provient surtout de roches très riches en hydrogène (chondrites à enstatite -CE) incorporées à la Terre lors de son accrétion. Il faut peut-être attendre un peu avant d’en être vraiment certains. Quoi qu’il en soit les planètes voisines, Vénus et Mars, soit n’ont pas bénéficié des mêmes apports (ce qui semble peu crédible), soit n’ont pas su les transformer en eau par réaction des CE avec les roches riches en oxygène (on ne voit pas pourquoi), soit on perdu très tôt leur eau (la totalité pour Vénus et une très grande partie pour Mars) pour une raison ou une autre; ce qui fait toujours de la Terre une planète probablement exceptionnelle.

Dans ce contexte il a fallu passer par plusieurs étapes, possibles puisqu’elles ont été franchies sur Terre, mais elles étaient non prévisibles ou programmables. Une des plus importantes, celle que je prendrai comme exemple en la développant ci-dessous, est la formation de notre LUCA, Last Universal Common Ancestor, ou peut-être de son semblable, antérieur mais sans descendance.

Pour qu’elle soit possible, il a fallu certains éléments chimiques, principalement du carbone et de l’hydrogène mais aussi de l’oxygène, de l’azote, du phosphore, du souffre et autres, de l’énergie, un dispositif de réplication (ARN), une compartimentation (cavité puis membrane), un dispositif d’évacuation des rejets métaboliques hors du « compartiment ». Mais il a fallu aussi un environnement favorable : de l’eau liquide en flux continu (dès le début, le mouvement c’est la vie !), à une certaine pression et à une certaine température et un différentiel de pH accélérant les échanges d’électrons, dans un environnement riche en minéraux catalyseurs (comme du fer ferreux ou certains sulfures métalliques).

De plus en plus, l’hypothèse que les conditions nécessaires et suffisantes au démarrage du processus biotique conduisant à la vie se seraient déroulées sur Terre au fond de l’Océan dans l’environnement des « fumeurs gris », apparait comme la plus séduisante. Je parle ici non pas des « fumeurs noirs », cheminées qui courent le long des dorsales océaniques, crées dans la violence par l’eau enrichie de minéraux mafiques provenant quasi directement du sous-sol magmatique, mais de ces autres « fumeurs », concrétions plus discrètes mais plus pérennes se développant sur des périodes beaucoup plus longues, des dizaines de millénaires, à quelques km de ces lignes de monstres noirs. Les flux d’eau provenant par fissures proches des dorsales du sous-sol qui en est imprégné, auraient interagi avec divers silicates (très abondant dans l’écorce terrestre) dont l’olivine pour donner de la serpentinite et pour en même temps libérer de l’hydrogène dans des fluides alcalins chauds contenant des hydroxydes de magnésium. Encore aujourd’hui, puisqu’ils sont chauffés par un magma peu éloigné (mais plus que celui sous-jacent aux fumeurs noirs !), ces flux montent vers la surface alors que l’eau de l’Océan, froide, chargée en sels divers et relativement acide, descend. Au contact, les sels précipitent et des édifices se forment (la première de ces formations, découverte en 2000, fut nommée « Lost City »). Comme les flux de liquides sortant des fumeurs gris sont beaucoup moins violents que ceux qui sortent des fumeurs noirs, les structures sont plus délicates et elles sont microporeuses (des éponges plutôt que des cheminées). Le milieu est idéal pour la concentration de certaines molécules organiques lourdes (carbone avec hydrogène et « autres ») et la dissipation à l’extérieur d’autres molécules plus légères et bien sûr les interactions de tous ordres entre elles. C’est très probablement ce qui a dû se passer…mais qui ne pourrait plus se passer aujourd’hui pour conduire à l’aboutissement qu’a été notre LUCA.

Vous avez vu la particularité du processus. Déjà beaucoup de facteurs différents et très particuliers sont impliqués. Mais comme je l’évoquais, ce n’est pas tout car aujourd’hui ce milieu serait loin d’être aussi incitatif qu’il l’était. Ce qui a changé entre la fin de l’éon Hadéen (il y a 4 milliards d’années) et aujourd’hui ce n’est pas le flux d’eau chaude alcaline du sous-sol vers l’Océan, c’est le pH de l’eau de mer…et c’est très important. Dans l’Océan primitif il n’y avait pas d’oxygène mais beaucoup de gaz carbonique (100 à 1000 fois plus). Le fer porté par les flux s’échappant des fumeurs noirs s’y dissolvait sous forme de fer ferreux (« BIF », formations de fer rubanées) et précipitait sous forme d’hydroxyde et de sulfure de fer, excellents catalyseurs. Avec sa teneur en gaz carbonique, l’eau de l’Océan était acide (pH 5 à 6) alors qu’elle est neutre à légèrement basique aujourd’hui. On avait donc à la fin de l’Hadéen entre les flux alcalins provenant des fumeurs gris et l’eau acide de l’Océan, un différentiel important (d’au moins 4 nombres) qui facilitait l’échange d’électrons entre l’hydrogène et le gaz carbonique pour permettre la formation d’énormément de matières organiques. Aujourd’hui après l’oxygénation de l’Océan, ce différentiel est devenu très faible et la réaction chimique n’est plus possible avec la même intensité. Mais le créneau pendant lequel ce même différentiel a été optimum (suffisamment incitatif) a été très court puisque l’interaction entre la roche et l’eau l’a rapidement modifié.

Tout ce long développement pour mettre en lumière le fait que « les choses changent » et que l’évolution de l’environnement n’a pu interagir avec celui de la vie que si le processus y conduisant a commencé quand les conditions étaient favorables et qu’il ait eu le temps de se développer. Imaginez une planète plus sèche que la Terre primitive ou une planète dont la croûte est devenue rapidement plus épaisse que celle de la Terre (Mars peut-être ?), et on n’aurait pas eu suffisamment de temps pour que ces molécules s’assemblent dans les porosités des fumeurs gris avec suffisamment d’essais et d’erreurs et de transformations / enrichissements pour qu’un jour une cellule autoreproductrice apparaisse et amorce le processus dont nous venons et que nous perpétuons, nous tous les êtres vivants, générations après générations. La synchronisation efficace suppose non seulement une coévolution mais aussi une abondance de matière susceptible d’être utilisée par l’énergie mise en œuvre par le réacteur planétaire et un temps d’évolution suffisant.

L’histoire de la vie, notre Histoire, est jalonnée de passages comme celui-ci : d’abord l’accumulation d’oxygène par rejet métabolique des algues bleues-vertes proliférant dans l’Océan atteignant un pic et déclenchant une glaciation planétaire parce que l’irradiance solaire n’est pas encore suffisamment forte ; deux milliards d’années après la fin de l’Hadéen, l’« invention » extraordinaire des eucaryotes, êtres symbiotiques improbables utilisateurs de cet oxygène, solution énergétique miracle pour gagner en puissance et permettre la constitution de métazoaires puis d’animaux il y a environ 600 millions d’années ; par ailleurs, un peu après la fin de l’Hadéen, le déclenchement d’une tectonique des plaques horizontales plissant la croûte terrestre pour y créer des surfaces émergées; depuis l’apparition des premiers continents, leur dérive continue à la surface du globe, modifiant les interactions atmosphériques avec cette surface et le climat ; et de temps en temps un astéroïde pour réorienter le rôle ou l’importance des taxons d’espèces vivantes les uns par rapport aux autres.

Ces différents passages ou événements ont entraîné la coévolution vie/minéraux sur une certaine trajectoire. La synchronisation de l’évolution de la vie avec celle des minéraux est parfaite, à terme, car à chaque écart « intolérable » par l’environnement, le réajustement se fait brutalement après une certaine latence. Cette trajectoire nous est donc propre. Maintenant si nous parvenons à greffer notre vie sur une autre planète, une nouvelle coévolution commencera et de nouveaux ajustements dans la synchronisation de ses deux branches d’évolution se fera inévitablement (taille des futurs martiens, puissance de leur pompe cardiaque, etc…sans oublier une nouvelle évolution de la minéralogie martienne à partir de l’existant et des éléments que nous apporterons par notre vie même et notre action sur la matière locale).

Si le phénomène de la vie a émergé « ailleurs » que sur Terre, des accidents différents par rapport à une base planétaire forcément différente, ont créé une Histoire différente. Il serait « miraculeux » qu’elle ait donné un « produit fini » ayant la plupart des caractéristiques de l’espèce humaine (ce qui n’exclut pas a priori des organes sensoriels ou moteurs ayant les mêmes fonctions chez ces hypothétiques êtres vivants « semblables »).  Mais imaginons que tel soit le cas, il n’y a quasiment aucune chance que dans notre petit coin du ciel (disons à moins d’une dizaine d’années-lumière pour que nous puissions communiquer), une coévolution ait produit une espèce intelligente et communicante au même moment que sur Terre. Cette autre espèce, si elle existe, peut être apparue il y a une centaine de millions d’années ou n’apparaitra que dans une centaine de millions d’années. Cela ne change rien si, voulant être plus optimiste on ne « prend » que 10 millions, c’est-à-dire l’équivalent d’une seule de nos secondes sur des échelles de temps qui s’allongent sur quelques milliards d’années. Notre espèce ne s’est séparée du singe qu’il y a un peu plus de 7 millions d’années. Il y a cent millions d’années les dinosaures étaient « en pleine forme » ; que serons-nous devenus dans 100 millions d’années ou dans 10 !

La synchronisation avec la planète où nous vivons est obligatoire et elle ne garantit pas l’éclosion de la vie. La synchronisation de notre parcours biologique avec une vie intelligente et communicante sur d’autres planètes accessibles par un moyen de communication quelconque, apparaît extrêmement improbable.

Illustration de titre : la spirale des temps géologiques vue par Graham, Joseph, Newman, William and Stacy, John (United States Geological Survey);

Lectures :

The vital question par Nick Lane, University College, Londre, Dept de Génétique, Evolution et Environnement, publié chez Profile Books, Angleterre, 2015.

L’Unique Terre habitée ? par le Professeur André Maeder (Université de Genève), publié chez Favre, 2012.

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Cinq ans de blog et toujours la même passion de comprendre

Il y a cinq ans exactement j’écrivais et publiais mon premier article dans ce blog.

Je vous invitais, chers lecteurs, « à vous placer par la pensée à mes côtés pour considérer la Terre sous nos pieds et la voûte céleste où brillent tous ces astres qui nous intriguent, nous émerveillent et nous appellent depuis l’aube des temps ». Il s’agissait et il s’agit toujours ici, ensemble, « de regarder, de réfléchir, pour tenter d’appréhender et de comprendre les grands mystères auxquels est confrontée l’humanité dans l’Univers, où elle n’est que poussière infime ».

J’espère avoir, tout au long des 270 articles publiés, fait un point utile sur nos connaissances, et sur les réponses qu’on peut apporter à ces grandes questions qui se posent ou plutôt qui s’imposent à nous, concernant l’Univers et notre place dans icelui, sans avoir bien entendu la prétention d’avoir maîtrisé ces connaissances dans toutes leurs complexités. Je m’y suis efforcé, sérieusement et sans crainte d’un « qu’en dira-t-on » quelconque relatif à ma présomption et je pense, avec l’aide bienveillante des nombreux spécialistes qui ont accepté de répondre à mes questions, en avoir bien perçu les grandes lignes. En dépit des difficultés et du temps passé que cela représente, j’ai osé me plonger dans des matières connues séparément par ces spécialistes qui utilisent pour communiquer entre eux, à l’intérieur de chacun de leur domaine, des présupposés et un langage élaboré comme véhicule de leur science, qui sont largement impénétrables aux profanes tant la Recherche s’est approfondie et en s’approfondissant s’est segmentée, chaque segment s’allongeant et s’élargissant considérablement comme les branches puis les ramures d’un arbre de plus en plus gigantesque. Je ne leur reproche pas cette complexité ; elle leur est nécessaire pour leur permettre de bien se comprendre entre eux, c’est-à-dire de se comprendre avec précision et efficacité dans leur communication « interne », mais elle a malheureusement pour effet négatif de compartimenter de plus en plus la communication générale entre les praticiens des différentes disciplines. Ma plus grande satisfaction personnelle aura été de parvenir à faire sauter ces cloisons pour obtenir une vue d’ensemble sur ce que l’on sait aujourd’hui, me rapprochant ainsi, en esprit, des humanistes de la Renaissance. J’espère avoir en même temps « clarifié les choses » pour mes lecteurs.

Je ne vois évidemment pas l’Univers comme le voyaient ces hommes des 15ème et 16ème siècles. Pour résumer, il est beaucoup plus étendu, complexe et surtout évolutif qu’ils pouvaient le penser. Giordano Bruno puis Galilée avait retrouvé dans l’observation ou/et le raisonnement la voie entrouverte par Aristarque de Samos et refermée très vite par Aristote et l’Eglise, mais que de chemin parcouru depuis ! Que de chemin parcouru même depuis Einstein, Lemaître, Hubble au début du 20ème siècle quand mes propres parents étaient jeunes ! Ce n’est pas que ces très anciens et moins anciens prédécesseurs ne concevaient pas l’infini mais que n’ayant pas eu les possibilités technologiques d’observation que nous avons développées avec une rapidité prodigieuse ces dernières décennies et les connaissances que nous avons pu de ce fait accumuler, ils ne pouvaient imaginer l’impressionnante complexité de l’Espace et en déduire avec la finesse absolument extraordinaire dont nous sommes aujourd’hui capables, les lois qui en gouvernent l’évolution, ni concevoir notre si particulière situation en tant qu’êtres pensants en son sein.

Il ressort de tout cela, en ce qui me concerne, un sentiment mêlé d’émerveillement, d’admiration et de révérence que je ne puis éprouver qu’avec ferveur, comme devant le plus beau spectacle éducatif que l’on puisse imaginer et qui satisfait tous les sens et l’esprit, non pas jusqu’à satiété car l’esprit humain ne peut être rassasié de l’infini, mais jusqu’à une sorte de débordement, comme devant quelque chose en mouvement qui défile devant les yeux (par exemple les eaux d’un puissant fleuve tropical ou les nuages précurseurs de l’orage dans un ciel tumultueux), qu’on ne peut appréhender en totalité et dont on attend toujours la suite pour voir encore de plus près ce qu’il y a de plus lointain et/ou pour tenter de connaître ce qui dans le temps vient encore toujours « avant ».

Je pense que je resterai dans cet état d’esprit, insatiable, progressant sans cesse mais voulant toujours savoir plus, jusqu’à la fin non pas des temps, évidement, mais de mon temps à moi, possédé et emporté comme par une drogue, en tout cas une force irrésistible, jusqu’à ce tunnel de lumière que l’on dit être « la dernière perception que l’on a de ce monde », sans finalement pouvoir savoir ce qui éventuellement se révèlera ensuite.

C’est alors qu’apparaît naturellement dans la réflexion, le besoin de l’explication ultime et que beaucoup de nos contemporains utilisent, comme nos ancêtres, la réponse bien pratique pour tranquilliser son esprit, d’un Dieu « créateur de toutes choses ». La réalité c’est qu’honnêtement, on ne peut plus sortir ce « joker » si facilement aujourd’hui. La Science nous a appris à douter, à remettre en cause, à critiquer, à chercher toujours plus, avant d’adhérer. La pertinence de ce Dieu s’éloigne donc sans disparaître toutefois, au fur et à mesure que l’on s’approche c’est-à-dire que nos connaissances s’étendent, et il n’est plus acceptable comme explication ultime aux niveaux où on le faisait intervenir dans les temps plus anciens. Alors peut-être est-il dans son essence même de reculer indéfiniment, de se dissiper comme un brouillard au fur et à mesure que la Science progresse et finalement de ne pas être là-bas, à la sortie du tunnel de lumière ou « d’y être sans y être tout en y étant quand même », comme une sorte de phénomène quantique dont la réalité est insaisissable avec précision ou comme le vide que les spécialistes nous disent être riche d’une infinité de virtualités…A moins que ?

Nous verrons bien ou nous ne verrons rien !

Illustration de titre: image en tête d’article: Photo choisie pour les 25 ans du lancement du Télescope Spatial Hubble (le 24 avril 1990). Crédit: NASA (Hubble) :Amas d’étoiles « Westerlund 2 » de la nébuleuse « Gum 29 », dans la constellation de la Carène (à 20.000 années lumières de notre système solaire).

…”à moins que” à l’autre bout du tunnel, de l’autre côté du miroir du vide de l’espace-temps, le Christ en majesté ne nous empoigne pour nous arracher à la mort, comme sur la sublime fresque de la coupole de l’église Saint-Sauveur in Chora à Constantinople…mais nous ne saurons qu’après!

Crédit : Wikipedia commons.  NB : Les descendants des barbares qui ont pris et pillé la Ville en 1453 menacent aujourd’hui de détruire ce joyau de notre culture européenne sans que le gouvernement des Etats qui en sont les dépositaires aient le courage de riposter sinon de protester, sauf en Grèce bien entendu mais la Grèce seule n’est pas assez puissante pour empêcher le crime.

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