J’ai évoqué récemment le phénomène de coévolution de la vie et de la matière minérale. Je voudrais aujourd’hui insister d’une part sur l’inévitabilité de la synchronisation de ces deux lignes d’évolution entre elles sur une même planète et d’autre part sur l’impossibilité de la synchronisation de notre évolution avec celle d’autres formes de vie qui pourraient exister ailleurs dans l’Univers. Cela a des conséquences déterminantes sur la possibilité que nous avons de rencontrer un jour dans l’Espace une forme de vie intelligente et communicante n’appartenant pas à l’espèce humaine.
Il faut d’abord bien avoir conscience que la vie tout comme les minéraux sont des formes d’organisation de la même matière. Ensemble, nous sommes la Terre.
Il faut aussi bien voir qu’il n’y a nul automatisme pour aller de la matière d’une planète quelconque jusqu’à notre équivalent (un organisme vivant et a fortiori un être de type humain) ou plutôt que s’il y a automatisme, c’est-à-dire possibilité de répétition, il résulte de l’interaction simultanée et/ou échelonnée dans le temps d’un grand nombre de facteurs dont nous ne comprenons pas encore suffisamment les composants et les processus. Autrement dit, pour simplifier à l’extrême, il ne suffit pas de verser de l’eau liquide sur une roche stérile pour déclencher le processus de vie mais il ne suffit pas non plus pour l’obtenir, de projeter quelques éclairs dans une atmosphère d’hydrogène, de méthane et d’ammoniac (comme voulait le démontrer Stanley Miller en 1953). Et il ne suffit pas davantage qu’une exoplanète soit située dans la zone dite habitable d’une étoile proche ou lointaine pour qu’elle soit habitée de petits-hommes-verts (ou autres).
La combinaison nécessaire est à considérer à plusieurs niveaux : présence des éléments chimiques et environnementaux indispensables, accès à une énergie suffisante, durée suffisante permettant à l’évolution de se développer et d’aboutir, accidents endogènes ou exogènes créant les embranchements permettant l’orientation adéquate de l’évolution; persistance suffisante dans le temps du phénomène, pour permettre la coexistence et la communication entre plusieurs processus biotiques similaires sur des planètes différentes.
Concernant les éléments et l’énergie (on pourrait presque dire « les ingrédients »), si la vie n’était pas possible dans un Univers jeune donc pauvre en « métaux » (puisque ceux-ci ont été accumulés par les nucléosynthèses stellaires au fil de l’Histoire), on peut supposer qu’elle a/aurait pu se manifester ailleurs à notre époque (au sens large), sur une planète tellurique dans la zone habitable d’un système comparable au nôtre (étoile de masse moyenne c’est-à-dire suffisamment stable et durable dans le temps, ce qui exclut d’une part les naines rouges et d’autre part les étoiles géantes). Cette similitude nécessaire doit être étendue à la présence suffisante d’eau, ce qui suppose déjà une anomalie dans l’histoire planétaire : la réhydratation du disque des planètes proches de leur étoile (i.e. en recevant suffisamment d’énergie) après leur accrétion et un certain refroidissement de leur croûte, par averses provoquées de météorites glacées*. Nous avons bénéficié du rebroussement du couple Jupiter-Saturne mais un phénomène ayant le même effet est-il si fréquent ailleurs dans l’Univers ?
*même si aujourd’hui certains (comme Laurette Piani du CNRS) pensent que l’eau provient surtout de roches très riches en hydrogène (chondrites à enstatite -CE) incorporées à la Terre lors de son accrétion. Il faut peut-être attendre un peu avant d’en être vraiment certains. Quoi qu’il en soit les planètes voisines, Vénus et Mars, soit n’ont pas bénéficié des mêmes apports (ce qui semble peu crédible), soit n’ont pas su les transformer en eau par réaction des CE avec les roches riches en oxygène (on ne voit pas pourquoi), soit on perdu très tôt leur eau (la totalité pour Vénus et une très grande partie pour Mars) pour une raison ou une autre; ce qui fait toujours de la Terre une planète probablement exceptionnelle.
Dans ce contexte il a fallu passer par plusieurs étapes, possibles puisqu’elles ont été franchies sur Terre, mais elles étaient non prévisibles ou programmables. Une des plus importantes, celle que je prendrai comme exemple en la développant ci-dessous, est la formation de notre LUCA, Last Universal Common Ancestor, ou peut-être de son semblable, antérieur mais sans descendance.
Pour qu’elle soit possible, il a fallu certains éléments chimiques, principalement du carbone et de l’hydrogène mais aussi de l’oxygène, de l’azote, du phosphore, du souffre et autres, de l’énergie, un dispositif de réplication (ARN), une compartimentation (cavité puis membrane), un dispositif d’évacuation des rejets métaboliques hors du « compartiment ». Mais il a fallu aussi un environnement favorable : de l’eau liquide en flux continu (dès le début, le mouvement c’est la vie !), à une certaine pression et à une certaine température et un différentiel de pH accélérant les échanges d’électrons, dans un environnement riche en minéraux catalyseurs (comme du fer ferreux ou certains sulfures métalliques).
De plus en plus, l’hypothèse que les conditions nécessaires et suffisantes au démarrage du processus biotique conduisant à la vie se seraient déroulées sur Terre au fond de l’Océan dans l’environnement des « fumeurs gris », apparait comme la plus séduisante. Je parle ici non pas des « fumeurs noirs », cheminées qui courent le long des dorsales océaniques, crées dans la violence par l’eau enrichie de minéraux mafiques provenant quasi directement du sous-sol magmatique, mais de ces autres « fumeurs », concrétions plus discrètes mais plus pérennes se développant sur des périodes beaucoup plus longues, des dizaines de millénaires, à quelques km de ces lignes de monstres noirs. Les flux d’eau provenant par fissures proches des dorsales du sous-sol qui en est imprégné, auraient interagi avec divers silicates (très abondant dans l’écorce terrestre) dont l’olivine pour donner de la serpentinite et pour en même temps libérer de l’hydrogène dans des fluides alcalins chauds contenant des hydroxydes de magnésium. Encore aujourd’hui, puisqu’ils sont chauffés par un magma peu éloigné (mais plus que celui sous-jacent aux fumeurs noirs !), ces flux montent vers la surface alors que l’eau de l’Océan, froide, chargée en sels divers et relativement acide, descend. Au contact, les sels précipitent et des édifices se forment (la première de ces formations, découverte en 2000, fut nommée « Lost City »). Comme les flux de liquides sortant des fumeurs gris sont beaucoup moins violents que ceux qui sortent des fumeurs noirs, les structures sont plus délicates et elles sont microporeuses (des éponges plutôt que des cheminées). Le milieu est idéal pour la concentration de certaines molécules organiques lourdes (carbone avec hydrogène et « autres ») et la dissipation à l’extérieur d’autres molécules plus légères et bien sûr les interactions de tous ordres entre elles. C’est très probablement ce qui a dû se passer…mais qui ne pourrait plus se passer aujourd’hui pour conduire à l’aboutissement qu’a été notre LUCA.
Vous avez vu la particularité du processus. Déjà beaucoup de facteurs différents et très particuliers sont impliqués. Mais comme je l’évoquais, ce n’est pas tout car aujourd’hui ce milieu serait loin d’être aussi incitatif qu’il l’était. Ce qui a changé entre la fin de l’éon Hadéen (il y a 4 milliards d’années) et aujourd’hui ce n’est pas le flux d’eau chaude alcaline du sous-sol vers l’Océan, c’est le pH de l’eau de mer…et c’est très important. Dans l’Océan primitif il n’y avait pas d’oxygène mais beaucoup de gaz carbonique (100 à 1000 fois plus). Le fer porté par les flux s’échappant des fumeurs noirs s’y dissolvait sous forme de fer ferreux (« BIF », formations de fer rubanées) et précipitait sous forme d’hydroxyde et de sulfure de fer, excellents catalyseurs. Avec sa teneur en gaz carbonique, l’eau de l’Océan était acide (pH 5 à 6) alors qu’elle est neutre à légèrement basique aujourd’hui. On avait donc à la fin de l’Hadéen entre les flux alcalins provenant des fumeurs gris et l’eau acide de l’Océan, un différentiel important (d’au moins 4 nombres) qui facilitait l’échange d’électrons entre l’hydrogène et le gaz carbonique pour permettre la formation d’énormément de matières organiques. Aujourd’hui après l’oxygénation de l’Océan, ce différentiel est devenu très faible et la réaction chimique n’est plus possible avec la même intensité. Mais le créneau pendant lequel ce même différentiel a été optimum (suffisamment incitatif) a été très court puisque l’interaction entre la roche et l’eau l’a rapidement modifié.
Tout ce long développement pour mettre en lumière le fait que « les choses changent » et que l’évolution de l’environnement n’a pu interagir avec celui de la vie que si le processus y conduisant a commencé quand les conditions étaient favorables et qu’il ait eu le temps de se développer. Imaginez une planète plus sèche que la Terre primitive ou une planète dont la croûte est devenue rapidement plus épaisse que celle de la Terre (Mars peut-être ?), et on n’aurait pas eu suffisamment de temps pour que ces molécules s’assemblent dans les porosités des fumeurs gris avec suffisamment d’essais et d’erreurs et de transformations / enrichissements pour qu’un jour une cellule autoreproductrice apparaisse et amorce le processus dont nous venons et que nous perpétuons, nous tous les êtres vivants, générations après générations. La synchronisation efficace suppose non seulement une coévolution mais aussi une abondance de matière susceptible d’être utilisée par l’énergie mise en œuvre par le réacteur planétaire et un temps d’évolution suffisant.
L’histoire de la vie, notre Histoire, est jalonnée de passages comme celui-ci : d’abord l’accumulation d’oxygène par rejet métabolique des algues bleues-vertes proliférant dans l’Océan atteignant un pic et déclenchant une glaciation planétaire parce que l’irradiance solaire n’est pas encore suffisamment forte ; deux milliards d’années après la fin de l’Hadéen, l’« invention » extraordinaire des eucaryotes, êtres symbiotiques improbables utilisateurs de cet oxygène, solution énergétique miracle pour gagner en puissance et permettre la constitution de métazoaires puis d’animaux il y a environ 600 millions d’années ; par ailleurs, un peu après la fin de l’Hadéen, le déclenchement d’une tectonique des plaques horizontales plissant la croûte terrestre pour y créer des surfaces émergées; depuis l’apparition des premiers continents, leur dérive continue à la surface du globe, modifiant les interactions atmosphériques avec cette surface et le climat ; et de temps en temps un astéroïde pour réorienter le rôle ou l’importance des taxons d’espèces vivantes les uns par rapport aux autres.
Ces différents passages ou événements ont entraîné la coévolution vie/minéraux sur une certaine trajectoire. La synchronisation de l’évolution de la vie avec celle des minéraux est parfaite, à terme, car à chaque écart « intolérable » par l’environnement, le réajustement se fait brutalement après une certaine latence. Cette trajectoire nous est donc propre. Maintenant si nous parvenons à greffer notre vie sur une autre planète, une nouvelle coévolution commencera et de nouveaux ajustements dans la synchronisation de ses deux branches d’évolution se fera inévitablement (taille des futurs martiens, puissance de leur pompe cardiaque, etc…sans oublier une nouvelle évolution de la minéralogie martienne à partir de l’existant et des éléments que nous apporterons par notre vie même et notre action sur la matière locale).
Si le phénomène de la vie a émergé « ailleurs » que sur Terre, des accidents différents par rapport à une base planétaire forcément différente, ont créé une Histoire différente. Il serait « miraculeux » qu’elle ait donné un « produit fini » ayant la plupart des caractéristiques de l’espèce humaine (ce qui n’exclut pas a priori des organes sensoriels ou moteurs ayant les mêmes fonctions chez ces hypothétiques êtres vivants « semblables »). Mais imaginons que tel soit le cas, il n’y a quasiment aucune chance que dans notre petit coin du ciel (disons à moins d’une dizaine d’années-lumière pour que nous puissions communiquer), une coévolution ait produit une espèce intelligente et communicante au même moment que sur Terre. Cette autre espèce, si elle existe, peut être apparue il y a une centaine de millions d’années ou n’apparaitra que dans une centaine de millions d’années. Cela ne change rien si, voulant être plus optimiste on ne « prend » que 10 millions, c’est-à-dire l’équivalent d’une seule de nos secondes sur des échelles de temps qui s’allongent sur quelques milliards d’années. Notre espèce ne s’est séparée du singe qu’il y a un peu plus de 7 millions d’années. Il y a cent millions d’années les dinosaures étaient « en pleine forme » ; que serons-nous devenus dans 100 millions d’années ou dans 10 !
La synchronisation avec la planète où nous vivons est obligatoire et elle ne garantit pas l’éclosion de la vie. La synchronisation de notre parcours biologique avec une vie intelligente et communicante sur d’autres planètes accessibles par un moyen de communication quelconque, apparaît extrêmement improbable.
Illustration de titre : la spirale des temps géologiques vue par Graham, Joseph, Newman, William and Stacy, John (United States Geological Survey);
Lectures :
The vital question par Nick Lane, University College, Londre, Dept de Génétique, Evolution et Environnement, publié chez Profile Books, Angleterre, 2015.
L’Unique Terre habitée ? par le Professeur André Maeder (Université de Genève), publié chez Favre, 2012.
Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :
Blog intéressant par sa manière d’approche mais un peu trop basé sur le principe d’actualisme a mon goût (je parle des conditions exercées sur terre qui ont permis la vie, il peut y avoir un champ de possibles que nous ne connaissons pas encore. Après ce n’est qu’un avis bien entendu ^^.)
L’explication de pourquoi la rencontre avec une forme de vie extraterresse est quasi voir totalement nulle est bien résumée. J’aurais expliqué d’un différente façon: celle des obstacles a franchir tel des murs ou des escaliers que nous devons respectivement passer ou sauter. Expliquer sous cet angle aurait peut-être permis a cet article d’être moins imposant et plus adapté pour un article “tout public”.
Cependant, l’article est très riche et bien expliqué même s’il est imposant. Je vous félicite pour cela. Ça fait tout de même plaisir de voir des articles aussi poussés de temps en temps.
Autre chose: il aurait été interessant de développé la partie “finale” de la communication entre notre espèce et une extra-terrestre, avec le concept de civilisation (l’espèce extra-terrestre doit pouvoir se développer et grandir) , de développement spatial (capacité a quitter la planète extra-terrestre, a explorer, le tout en pouvant survivre/vivre, et à constituer une civilisation interplanetaire ?) et de la capacité a interagir avec nous (par l’utilisation de procédés similaires pour communiquer) si nous sommes des civilisations qui existent au même moment. (Une civilisation extra-terresse aurait pu mourrir il y a quelques siècles, il nous serait alors impossible d’avoir une rencontre entre nos deux espèces).
Merci de votre commentaire. L’article est déjà long et je ne voulais pas le développer davantage. Mais patience, une suite est prévue!
Concernant la remarque finale, “l’interaction”. Je crois l’évoquer suffisamment en disant pourquoi la simultanéité me semble quasiment impossible.
NB: je suis toujours surpris par les gens qui cachent leur identité pour commenter. Pourquoi ne pas le faire en votre nom? Vous pouvez avoir le courage de vos opinions…surtout quand elles sont bien argumentées.
C’est dommage, j’aurai aime rencontrer des petits bonhommes verts.
Raison pour laquelle, sans doute, “La soupe aux choux” est un de mes films cultes
🙂
Votre article rend justice à la complexité des phénomènes ayant menés à la vie telle que nous la connaissons sur Terre. Je pense qu’il est intéressant de projeter l’échelle de temps de ces enchaînements, qui paraît extrêmement longue dans votre billet sur celle de l’univers. On s’y rend compte, à l’opposé, de la rapidité extrême avec laquelle ces phénomènes se sont passés.
Si on admet que l’ère des étoiles (je ne suis pas sûr de la traduction de Stelliferous Era) s’étend de 100’000’000 à 100’000’000’000’000 soit, de 100 millions à 100 billions d’année, il ne s’est écoulé jusque là que 13.7 milliards d’années, soit 0.014%… L’univers est encore… jeune.
De là, la probabilité d’une “collision” avec une civilisation développée dans un voisinage de quelques dizaines ou centaines d’années-lumière paraît encore plus improbable tant la distanciation temporelle est grande.
Merci pour votre commentaire. Pour le moment la durée de l'”ère des étoiles” est évidemment une extrapolation reposant sur la quantité de “fuel” (matières combustibles) dont dispose les étoiles, la force de gravité et sur l’expansion de l’Univers (l’accélération étant prise en compte). Il me semble plus intéressant de regarder vers le passé et d’insister, comme je le fais, sur l’absence des éléments chimiques nécessaires à la vie jusqu’à, probablement, quelques “petits” milliards d’années (un ou deux? Difficile à dire) avant la naissance du Soleil.
Une étoile qui naitrait aujourd’hui dans notre environnement soit 4,57 milliards après le Soleil) aurait sans doute une métallicité plus élevée. Un tel “mixte” serait-il favorable à la vie (toutes choses étant égales par ailleurs)? C’est aussi à voir. L’Univers est peut-être “encore” jeune mais il est déjà très vieux, à notre échelle, et il est difficile de dire s’il pourrait encore donner la vie.
Comme le dit et fort a propos notre ami Pierre, en reponse a anonymous, il n’est pas necessaire de se cacher derriere un avatar (qui peut-etre, vous parait desopilant?).
Et encore moins pour essayer de passer pour un wikiintelleculte (ou uel) avec des formulations bien peu suggestives!
🙂
Article tres intéressant. Merci beaucoup.
Qu’ en est il de la théorie de la panspermie dans cette optique ? Si on part de présupposé que la vie a pu être “apportée” sur Terre via des météorites qui en contenaient les éléments de base, on peut supposer que des météorites identiques (provenant du même endroit) on pu se disséminer dans un environnement “relativement” proche et peut être y rencontrer des conditions permettant l éclosion de la vie comme sur notre planète bleue? Selon le degré de progrès en ce qui concerne la communication, cela pourrait aboutir à des environnements extra terrestres par trop lointain de notre système solaire et avec lesquels une éventuelle communication future pourrait un jour avoir lieu… Même si les échanges de messages risquent d être un peu long.
Recourir à la panspermie c’est repousser ailleurs la réponse au problème de l’origine de la vie qui se pose sur Terre.
Il est difficile de comprendre l’origine de la vie sur Terre mais on peut comprendre son émergence par un environnement évolutif favorable et quelques “accidents” survenus au “bon moment”.
Ce que je tente de demontrer dans cet article c’est que ce qui s’est produit sur Terre est très difficilement répétible ailleurs (pour ne pas dire “impossible”), justement du fait de la très grande difficulté de reproduire cet environnement et de l’impossibilité de reproduire les “accidents” au moment où ils sont survenus (avant c’était trop tôt, après c’était trop tard).
Maintenant si vous entendiez par “panspermie” la circulation dans l’espace proche de tous les éléments chimiques (y compris quelques molécules organiques en début de complexification) nécessaires à l’apparition de la vie, vous n’auriez pas tort mais ce n’est pas généralement ce qu’on entend par panspermie.
La différence enre la Terre et les planètes proches qui pourtant bénéficiaient du même matériel, c’est que la vie est apparue sur Terre et qu’elle n’est pas apparue ailleurs (aucun signe perçu à ce jour). La vie est un processus évolutif qui commence après une certaine complexification mais on ne voit pas du tout l’automaticité de ce processus.
C’est d’ailleurs pour cela qu’il est intéressant d’explorer la planète Mars: voir jusqu’où un environnement pas très différent de celui de la Terre, a pu conduire la complexification des matières organiques. Tout ce qu’on trouvera dans ce domaine sera passionnant mais il ne faut pas préjuger du résultat.
Effectivement la panspermie n explique pas l apparition de la vie, et ne fait que déplacer le problème, néanmoins c est une possibilité qui pourrait limiter le nombre d événement dû au hasard nécessaire à l emergence de la vie. Il semblerait que certains types de bactéries, voir même des tardigrades, arriveraient à survivre (au moins un temps) dans l espace. Si on imagine que la vie ait pu arriver sur Terre via un élément extérieur à son “écosystème”, alors cette vie a pu arriver ailleurs également. L étude d échantillons provenant de Mars pourrait être riche en enseignements. Pourquoi la vie a pu proliférer sur Terre et pas sur Mars. Les conditions locales ne s y prêtaient peut être pas, ou un autre élément aléatoire n y a pas eu lieu au bon moment, mais rien n empêche de penser qu elle a pu s épanouir ailleurs et à un autre rythme, pour aboutir à des formes de vie différentes. L étude de planètes extrasolaires et du spectre de leur atmosphère permettra peut être d y découvrir une forme de vie avec une origine commune, qui permettra peut être de mieux en cerner son origine, la communication avec elle ayant lieu (ou pas, ce qui sera sans doute plutôt la situation). Etant donné l immensité de l univers, il serait bien surprenant que notre planète bleue soit la seule où la vie s est developpée.
Cher Monsieur, merci pour ce second commentaire…que je préfère au premier.
Cependant, je ne suis pas d’accord avec vous sur la preuve par « l’immensité de l’Univers ». Je la trouve un peu du même type que la preuve par la panspermie, chercher ailleurs (dans « l’immensité ») la solution qu’on ne trouve pas sur Terre ou dans notre voisinage spatial proche.
Y recourir est en fait un aveu d’impuissance dans le raisonnement, une réponse « facile » (je ne veux pas être désobligeant en le disant) comme on recourt à un joker. Mais il n’y a pas plus de raison de trouver une réponse « très loin » plutôt qu’« ici ».
En fait je pense (cela bien sûr reste à démontrer mais on en a de plus en plus d’indices) que chaque planète est un peu comme une empreinte digitale, le résultat d’une histoire unique. Certes des traits sont communs à toutes. Mais au delà, de nombreuses caractéristiques particulières (qui leur sont propres) ont des conséquences très importantes: leur masse, leur composition, leur proximité à l’étoile, l’âge de leur système, l’époque de l’apparition de leur système dans l’Univers, leur place dans la galaxie, le type de galaxie, l’interaction avec les autres planètes du système, l’éventuelle survenance de supernova à proximité. Les particularités peuvent ainsi s’additionner, presque à l’infini, comme nous sommes tous différents ne serait-ce qu’avec nos personnalités, et je ne pense pas que deux personnes aient exactement les mêmes empreintes digitales (les vrais jumeaux peut-être ?).
bonjour, excellent article qui recoupe, qui met en perspective plusieurs théories qui tournent autour de l’apparition de la vie organique sur terre. On en discute ici sur la base du corona virus qu’une météorite aurait disséminé sur terre. Votre article apparait au msg #51. https://www.politiquebec.com/forum/science-et-technologie/163810-le-covid19-et-l-espace
Amusant! Merci Monsieur Bourassa. Je ne savais pas que j’avais été si loin par les ondes!
Comme vous l’avez bien compris, je ne réfute pas la possibilité de la panspermie, je réfute l’idée d’une source possible à la panspermie dans la mesure où je crois que le processus d’évolution de la matière qui conduit jusqu’à la vie, est extrêmement improbable car il suppose la réunion de conditions tout à fait particulières pratiquement impossibles à reproduire.
Ps: j’ajoute que la durée du voyage compte quand même. Une forme de vie de type bactérie, peut se mettre en mode “dormant” sous forme de spore pendant très longtemps (sans doute quelques petits millions d’années). Au delà, le système ne devrait pas pouvoir résister à une certaine évolution de la matière qui le compose. Cela exclut pratiquement la panspermie venue d’un autre système stellaire (et il ne reste pas beaucoup d’autres possibilités).
L’argument de la quasi-infinité de l’univers pour supporter l’idee que si la vie est née sur Terre elle devrait presque “nécessairement” être apparue aussi ailleurs me fait penser à celui (j’ai oublié qui a avancé cet argument, je m’en excuse auprès de lui) qui disait qu’en tirant au hasard “a l’infini” les lettres de l’alphabet on finirait “nécessairement” par reproduire une fois ou l’autre une des oeuvres de Shakespeare!
Article passionnant sur un sujet, l’évolution, que je suis depuis bien longtemps. On y retrouve des données qui montrent l’infime probabilité qui a néanmoins permis l’apparition de la vie consciente. Une autre illustration du “Principe anthropique” des physiciens ?
Peut-être. En tout cas l’espèce humaine me semble extrêmement improbable et donc extremement précieuse. Dommage que beaucoup n’en aient pas conscience.
Si l‘existence de Dieu est improbable, celle de l’être humain l’est peut être encore plus.
Nous sommes extraordinaires et nous devons nous comporter avec cette vérité en toile de fond.
La vie peut prendre bien des formes comme on le constate sur Terre, mais le besoin de capteurs de lumière , de sons, d’odeurs , … est commun à tous les êtres vivants et on peut sans nul doute imaginer des ET avec des possibilités sensuelles semblables sans être identiques… et donc des possibilités de communications .
Les espèces comme les requins ont une histoire de plus de 100 millions d’années. On peut donc imaginer que des ET peuvent avoir survécu sur une autre planète bien avant l’apparition des humains , mais sans avoir la maîtrise des ondes EM ou ayant développé d’autres techniques comme l’intrication quantique …
Nous n’avons qu’effleurer les possibilités de la nature …
Certes Monsieur Giot mais ce que j’essaye de mettre en évidence, c’est la difficulté extrême, donc l’improbabilité, que l’évolution de la matière sur une trajectoire prébiotique ait pu aboutir à la vie la plus simple, notre LUCA, l’être unicellulaire dont nous descendons tous (puisque nous sommes des Terriens).
Maintenant si la vie, cette organisation très particulière de la matière, a réussi à se constituer sur d’autres planètes, elle aura pu s’exprimer dans un très grand nombre de formes (compte tenu des contraintes du milieu). On l’a bien vu sur Terre lors de l'”explosion cambrienne” il y a 540 millions d’années, lorsque les animaux sont apparus. A partir de là rien en effet ne garantirait que l’on parvienne à l’équivalent de l’homme. Comme j’ai éssayé de le démontrer, il n’y a nul automatisme qui conduise à l’homme à partir de la première “étincelle” de vie mais également il n’y a nul automatisme qui conduise à la vie à partir de la matière.
“Possibilité de communication” (avec des ET)? Même si on laisse de côté la question spatio-temporelle évoquée par M. Brisson, il n’est pas tres encourageant de remarquer que nous n’arrivons que tres peu à “communiquer” deja sur Terre avec des espèces cousines dont nous partageons pourtant une très grande fraction de bagage génétique commun. Alors avec de (très) éventuels extra-terrestres..!
Cher Monsieur,
Je suis comme vous d’avis qu’il sera difficile de trouver une autre civilisation, mais mon raisonnement n’est exactement pas le même. Il repose sur la longue histoire de la vie, de l’apparition du premier organisme unicellulaire à celle d’un organisme doté de mains et d’un cerveau lui permettant d’agir sur son environnement. Par exemple, si un astéroïde n’avait pas frappé la Terre il y a 66 millions d’années, les dinosaures règneraient encore et les mammifères n’auraient pas pu se développer, or les premiers ont regné durant plus de 135 millions d’années (Jurassique et Crétacé) sans qu’une seule espèce intelligente ne soit apparue parmi eux. En fait si, les oiseaux sont très intelligents, mais ils sont dépourvus de mains et utilisent leurs capacités pour le vol.
Vous avez beaucoup parlé des débuts de la vie dans les sources hydrothermales. Il y a beaucoup de choses à dire à ce sujet. Fumeurs noirs et fumeurs blancs apparaissent dans des environnements géodynamiques très différents. Les premiers ont été trouvés sur la dorsale Est-Pacique, qui est la plus active de toutes. Les géologues l’appellent une dorsale rapide. Il ne semble pas que ce soit un environnement favorable à l’apparition de la vie. Les premiers fumeurs blancs, comme Lost City, ont été trouvés sur la dorsale médio-Atlantique, qui est beaucoup moins active. C’est une dorsale lente. Le problème est de savoir s’il existait de telles dorsales sur la Terre hadéenne ou au début de l’Archéen. Ce n’est pas certain. L’existence même de la tectonique des plaques, durant la jeunesse de la Terre, fait toujours débat, or les dorsales océaniques sont l’une de ses manifestations.
Les volcans de boue de serpentine sont un autre environnement où la vie a pu apparaître. Il en existe actuellement près de la fosse des Mariannes. Ils sont donc liés à une subduction et non à une dorsale océanique. Mais c’est encore une manifestation de la tectonique des plaques. On sait cependant qu’un environnement comparable a existé il y a 3,85 milliards d’années. Il en reste des traces dans la région d’Isua au Groenland. Il s’y produisait une obduction : de la lithosphère océanique poussée sur un continent. On a pu déterminer que des flux hydrothermaux très alcalins circulaient à une température comprise entre 100 et 300 °C.
On doit également envisager la possibilité que la vie soit née au bord de la mer ou à l’air libre. Il existait sans doute très peu de surfaces continentales au début de l’Archéen, mais des volcans émergeaient certainement de l’océan, comme ceux des îles océaniques actuelles. Ils ne sont pas le produit de la tectonique des plaques, mais de panaches venus des profondeurs du manteau dont on pense qu’ils existent également sur Mars et sur Vénus.
Je crois qu’il existe d’autres planètes peuplées d’organismes unicellulaires parce que les conditions de leur apparition doivent être assez répandues : une planète semblable à la jeune Terre, avec des océans et du volcanisme, une atmosphère de dioxyde de carbone et d’azote. Le problème est la complexification de la vie. Elle aurait pu ne jamais avoir lieu sur Terre. L’apparition des premiers organismes pluricellulaires s’est produite 2,5 milliards d’années après sa formation et cette première tentative a avorté. La seconde tentative, 1,3 milliard d’années plus tard, a réussi. Dans 500 millions d’années, la vie devrait commencer à péricliter sur Terre à cause de l’augmentation de la luminosité du Soleil, puis les océans s’évaporeront.
Merci chère Madame,
J’ai bien lu votre commentaire et je n’ai rien à redire sur le début car vous y dites des choses que je connais et que je comprends. Je sais très bien la différence entre fumeurs noirs et fumeurs gris et je sais aussi que la tectonique des plaques horizontales n’a pas toujours existé et que d’autres environnements ont pu être le berceau de la vie (quoique l’équivalent en température, en émissions minérales et en durée ait pu exister dans le fonds des océans dans le cadre d’une tectonique des plaques primitive, verticale, dans des formations équivalentes aux fumeurs gris que nous connaissons aujourd’hui).
Cependant, je ne vous suis pas du tout lorsque vous écrivez “Je crois qu’il existe d’autres planètes peuplées d’organismes unicellulaires parce que les conditions de leur apparition doivent être assez répandues”.
Ce que j’essaye de dire dans mon article c’est que la production par le “réacteur évolutif planétaire terrestre” qui a été à l’origine effectivement de la vie sur Terre, a bénéficié de conditions tout à fait particulières, et très limitées dans le temps, pour arriver au terme du processus et qu’il ne me semble pas du tout assuré que d’autres réacteurs planétaires y soient parvenus ou y parviennent. Il y a en effet un saut de complexité énorme entre les différentes molécules entrant dans la composition d’une cellule vivante et la plus primitive des cellules vivantes elle-même. Le fait est que l’assemblage a pu se faire sur la Terre (on le constate) mais il n’y a pas de raison pour qu’il puisse se reproduire ailleurs.
Ceci dit on peut chercher et je souhaite ardemment qu’on cherche. Mais pour le moment votre assurance sur la répétabilité du phénomène n’est qu’un déclaration de foi étayée par une seule preuve, ce qui n’en est pas une car elle doit recevoir confirmation.
J’ai bien conscience que la tectonique horizontale des plaques n’a pas pu commencer avant « un certain temps », disons la fin de l’Hadéen, car autrement la chaleur de l’accrétion n’aurait pas pu se dissiper aussi vite que nécessaire pour conduire à la température actuelle de l’Océan.
Cependant, dans l’Océan global primitif, il devait exister des zones suffisamment comparables à celles qui aujourd’hui permettent le développement de fumeur-gris de type Lost-City.
Je les décris : localisations profondes pour bénéficier de conditions de pression et de calme sur la durée nécessaires ; dans ces localisations, sur le plancher océanique, des évents laissant filtrer une eau pas trop chaude, riche en éléments minéraux comparables à ceux des fumeurs gris contemporains, au pH élevé dans des structures poreuses et durables (l’eau de l’Océan ayant évidemment un pH beaucoup plus faible), donc pas sur les failles interplaques elles-mêmes mais à la proximité nécessaire pour que les conditions ci-dessus soient remplies…En fait ce qu’on appelle « des fumeurs gris de type Lost-City ».
Histoire passionnante et combien complexe que celle de notre planète bleue (Joye) et celle de l’origine de la vie (Miller, Bada et Lazcano), apparemment à bonne distance de son étoile (Maeder) et dont l’évolution serait plus durable que celle des étoiles massives mais dont la fin est programmée (Drissen). Compte tenu de cette complexité, je ne crois pas à une vie similaire ailleurs que sur notre planète. Mais bon il n’y a pas que notre sytème solaire, notre galaxie dans cet Univers en extension.
Merci à P. Brisson d‘alimenter et poursuivre l’animation talentueuse de ce blog passionnant.