Les limitations du JWST pour l’étude de l’atmosphère des exoplanètes

Un des espoirs exprimés dans les médias à propos du JWST est l’étude de l’atmosphère, éventuelle, des exoplanètes rocheuses de masse terrestre situées dans la zone habitable de leur étoile. C’est un objectif qu’il serait passionnant d’atteindre mais il faut bien voir les limitations de nos moyens. Même avec ce merveilleux télescope (Webb = JWST) maintenant arrivé à destination au point de Lagrange L2 (le 24 janvier), ce sera extrêmement difficile.

Ce que nous voulons faire c’est analyser la lumière de l’étoile sans puis avec sa planète par spectrométrie (décomposition du rayonnement électromagnétique reçu, à l’aide d’un spectromètre suivi d’une analyse des éléments de ce rayonnement). Le but est, en comparant les spectres, de pouvoir en déduire ce qui est propre à la planète puisque celle-ci est trop petite et trop lointaine pour être vue indépendamment de son étoile. Il y a deux situations exploitables possibles, le passage devant l’étoile (« transit primaire ») et le passage derrière elle (« transit secondaire ») car, juste avant de disparaître, la planète offre à l’observateur et dans la même image (elles sont du fait de la distance, indissociables), la totalité de sa surface. On peut ainsi comparer le très fin halo de l’atmosphère qui l’entoure (transit primaire) avec la totalité de la lumière reflétée par la planète (transit secondaire). Ces deux situations nous donnent en fait trois spectres pour deux astres.

Le problème c’est que les planètes dont la masse est proche de celle de la Terre, sont minuscules observées à des dizaines d’années-lumière de distance et la différence de spectres entre l’étoile seule et l’étoile avec sa planète, est quantitativement extrêmement faible. Par ailleurs, il faut que le plan de l’écliptique dans lequel se situe la planète par rapport à son étoile soit à peu près dans l’alignement du nôtre ; autrement il n’y a pas de transit perceptible donc exploitable.

Il faut bien comprendre qu’en raison de leur taille, on ne voit jamais directement ces petites exoplanètes de type terrestre mais simplement l’effet qu’elles ont sur l’étoile dont elles dépendent, soit parce que leur centre de gravité commun évolue en fonction du déplacement sur orbite de la planète (méthode des vitesses radiales), soit parce que leur luminosité décroit lorsque la planète passe au-devant de son étoile dans son alignement avec la Terre (méthode des transits), soit parce que le rayonnement fait un sursaut en intensité après le passage devant une seconde étoile distante, du fait du passage en suite de la première étoile de la planète qui en dépend (effet de micro-loupe gravitationnelle).

On n’a donc une chance de capter ces spectres de planètes que lorsqu’elles sont d’une masse non négligeable par rapport à l’étoile et lorsque les transits sont fréquents, puisque dans ces conditions l’effet est plus visible et que l’on peut vérifier son observation assez rapidement (en effet pour un observateur distant la Terre ne passe devant le Soleil qu’une fois par an !). C’est le cas des jupiters-chauds devant des étoiles comme le Soleil (grosse planète proche devant étoile de taille moyenne) ou des petites planètes de masse terrestre qui orbitent des naines-rouges (petite planète proche devant étoile petite mais relativement grosse par rapport à la planète). Avec le JWST on aura d’autant plus de chances d’obtenir un résultat exploitable que le rayonnement utilisé sera le rayonnement infrarouge (plutôt que le rayonnement lumineux) car dans cette partie du spectre électromagnétique il y a moins de différence d’intensité entre le rayonnement de l’étoile et celui de la planète. Le contraste moins écrasant facilitera l’observation.

Le résultat c’est que cette technique va d’abord être utilisée sur les planètes de l’étoile Trappist-1, qui est située à « seulement » 40,5 années-lumière (AL) et qui a fait beaucoup parler d’elle lors de sa découverte en 2015 car elle compte dans son système plusieurs (7) planètes rocheuses de taille terrestre dans sa zone habitable. C’est une bonne cible pour cette raison et aussi parce que sa luminosité (dite « ultra-froide », presque celle d’une « naine-brune ») est 2000 fois plus faible que celle du Soleil et que sa taille est très petite, pratiquement celle de Jupiter. Mais il ne faut pas trop en attendre. En effet (1) l’étoile Trappist-1 étant une petite naine-rouge, son faible rayonnement implique que sa zone habitable est extrêmement proche de l’étoile, au point que toutes ses planètes tournent autour à une distance inférieure à celle de Mercure par rapport à notre Soleil. La conséquence de cette proximité est que la rotation des planètes sur elles-mêmes est bloquée par force de marée et qu’elles présentent toujours la même face à l’étoile. Il en résulte que cette face est évidemment chaude, trop pour la plus proche (400K), sans doute d’une température « acceptable » par d’éventuels êtres vivants à partir de la deuxième, mais aussi qu’elle est soumise aux rayonnements erratiques de ce type d’étoile. Ils peuvent être très violents et à cette courte distance, ils seraient probablement disruptifs pour la complexification des molécules organiques nécessaires pour aller vers la vie. Par ailleurs (2) cette violence a surtout illustré la jeunesse de l’étoile (la mise en route de sa fusion) et à cette époque les rayonnements ont pu chasser tous les éléments volatils (atmosphère et eau liquide) de cette zone très proche. Si cela a bien été le cas, les planètes seraient alors totalement « déshabillées », sans eau liquide et sans atmosphère, et l’étude ne serait évidemment pas concluante du tout.

Ce qu’il nous faudrait, c’est analyser le spectre de l’atmosphère des planètes de type terrestre qui orbitent au sein de la zone habitable des étoiles les plus proches de notre système solaire, celles qui sont situées à un maximum de 10 AL, de préférence de type solaire. Ce sont ces systèmes que nous pouvons envisager un jour de visiter en poussant nos technologies à l’extrême ou au moins avec lesquels nous pourrions communiquer dans des délais raisonnables (un échange sur 20+ ans) si par extraordinaire ils comptaient des planètes habitées. J’ai déjà dit combien les voyages interstellaires seraient difficiles mais si nous avions dans ce rayon une planète avec une atmosphère « intéressante » du point de vue exobiologique, nous ferions les efforts justifiés pour l’étudier davantage et nous commencerions par y appliquer sérieusement notre programme SETI.

Il faudrait donc que le JWST, après avoir fait ses tests sur Trappist-1, examine avec le plus grand soin l’atmosphère des planètes des systèmes d’Alpha Centauri, de 61 Cygni, d’Epsilon Eridani, d’Epsilon Indi, de Tau Ceti (cf mon article sur ce blog du 28/08/2021). Le problème est que les planètes de ces systèmes les plus intéressants pour nous puisque centrés sur des étoiles de type solaire (sauf Proxima Centauri, du système d’Alpha Centauri) vont être très difficiles à déceler. En effet, comme dit plus haut, le contraste des spectres planète/étoile sera très faible, les transits des planètes devant leur étoile sont peu fréquents (si elles sont comparables à la Terre, une fois par an) et rien ne nous dit que le plan de leur écliptique est en alignement avec le nôtre. Reste les planètes de type terrestre orbitant dans la zone habitable de nos naines-rouges voisines, comme probablement Proxima Centauri b. Puisque cette exoplanète est la plus proche de notre système solaire, cela vaut la peine de l’étudier très attentivement.

Illustration de titre : la Mission Plato (Planetary Transits and Oscillations of Stars), the ESA M3 mission in the Cosmic Vision 2015 – 2025: https://platomission.com/2018/04/27/planetary-atmospheres/

Lire aussi :

The Transiting Exoplanet Community early release science (ERS) program for JWST, par Jacob B. Lean et al. Publications of The Astronomical society of the Pacific, 130:114402 (20pp), 2018 November, doi.org/10.1088/1538-3873/aadbf3

Ciel et Espace (revue de l’Association Française d’Astronomie), N°580, Novembre 2021, pages 63 et 64 (Dossier de David Fossé).

The future of spectroscopic life detection of exoplanets, par Sara Seager, PNAS, 04/08/14, https://www.pnas.org/content/111/35/12634  https://doi.org/10.1073/pnas.1304213111

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 22 01 15

Sur Mars, une possibilité importante de mobilité sera d’utiliser la voie des airs

Dans l’hypothèse où on utiliserait la voie aérienne pour se déplacer sur Mars, il faut toujours avoir à l’esprit que si la densité de l’atmosphère est beaucoup plus faible que sur Terre (610 pascals en moyenne), la masse moléculaire de l’air martien (CO2) est beaucoup plus élevée (44 g/mol) que celle du mélange gazeux de l’air terrestre (28,9 g/mol) et que par ailleurs les masses transportées pèseront toutes choses égales par ailleurs beaucoup moins que sur Terre (gravité 0,38g). Cela facilite un peu les choses. Les solutions sont multiples.

La première est celle du « piéton de l’espace », c’est-à-dire le « Flyboard Air » de Jacky Zapata. Ce véhicule n’est utilisable que sur de courtes distances (en 2019, lors de sa traversée de la Manche, J. Zapata a parcouru une vingtaine de km sans arrêt) car il faut embarquer ses réservoirs d’énergie (méthane / oxygène ?) avec soi. Ce flyboard ne peut donc être qu’un équipement auxiliaire mais il peut permettre d’aller se poser au sommet d’un rocher, au fond d’une crevasse, de traverser un obstacle (banc de sable ?) pour aller observer une roche intéressante au-delà ou effectuer une courte mission.

La deuxième ce sont les fusées. C’est la solution naturelle pour couvrir de longues distances. Puisqu’on disposera sur Mars des vaisseaux qui permettront de revenir sur Terre (en principe les Starships), on peut tout à fait concevoir de leur faire effectuer des vols orbitaux pour se poser de l’autre côté de Mars. Il faudrait simplement embarquer avec soi les ergols nécessaires au retour à la base (on ne les trouvera pas sur place s’il n’y a pas de réservoirs pleins à disposition sur le lieu de destination) et n’affecter à ces vols qu’une fraction des vaisseaux disponibles puisqu’il faudra toujours penser au retour sur Terre et qu’on ne peut se permettre un accident sur Mars qui les rendrait inutilisables. Dès que possible on aménagera certainement des plateformes pour se poser à des endroits stratégiques à divers endroits de la planète, avec une réserve d’équipements nécessaires pour faire le plein d’ergols, effectuer des réparations ou évoluer dans la proximité. Pour prendre un exemple aérien terrestre, on pourrait dire « hubs » et y envisager à terme l’implantation d’un petit poste habité au moins temporairement.

Une alternative ou un complément aux fusées serait d’utiliser un véhicule comme le LEM (Lunar Excursion Module) du temps des missions lunaires Apollo. Rappelez-vous ce petit « module » qui a permis aux astronautes d’atterrir puis de rejoindre leur Saturn V restée en orbite lunaire. Ce serait évidemment un mode de déplacement plus léger, moins coûteux en ergols. Les missions courtes, de contrôle ou d’observations ne nécessitant pas de déplacement d’engins lourds, pourrait se faire avec eux.

La troisième solution ce sont les avions. Ce ne serait pas impossible de les faire voler sur Mars puisqu’il y a de l’atmosphère donc une portance aérodynamique potentielle. Mais comme l’atmosphère est très ténue, cela revient (en altitude moyenne terrestre) à les faire voler à une altitude terrestre d’environ 35 km. Pour obtenir la portance suffisante, « toutes choses étant égales par ailleurs » (masse et configuration de l’avion), il faudrait que la vitesse soit 5,5 fois plus élevée que sur Terre. Comme l’écrivait mon ami Alain Souchier sur le site de l’Association Planète Mars en 2010 « Un engin hyper léger (ou plus exactement à très faible charge alaire), capable de voler sur Terre à 50 km/h, se poserait sur Mars à 275 km/h, c’est à dire à la même vitesse qu’un avion de ligne chez nous ».  Comme il n’y a pas sur Mars de piste d’atterrissage et que de toute façon cette grande vitesse serait très dangereuse pour un avion de faible masse au sol (déstabilisation facile), il est exclu de faire décoller ou atterrir des avions « classiques » sur Mars. Par contre on peut imaginer un décollage et un atterrissage vertical, certes au prix d’un contrôle délicat de l’angle d’incidence des ailes. On aurait aussi intérêt à changer le « toutes choses égales par ailleurs » mentionné ci-dessus pour améliorer les performances. Ainsi il faudrait utiliser des ailes plus grandes (sans augmenter trop la masse !) et profilées en fonction d’une circulation d’air différente de celle existant à basse altitude terrestre (nombre de Reynolds très faible).

La NASA avait fait une étude très poussée sur le sujet dans les années 2000 qui avait donné lieu à des tests en haute atmosphère terrestre, d’un avion martien « ARES ». Le projet a été abandonné malgré des résultats satisfaisants (voir l’étude ci-dessous). Mais le sujet continue à être travaillé par la NASA comme le montre le concept présenté par le Langley Research Center en 2017 (voir lien vidéo ci-dessous). De tels projets pourraient être poursuivis en raison du succès de l’hélicoptère Ingenuity. Comme vous le verrez dans la vidéo le drone combine décollage et atterrissage vertical avec propulsion aérodynamique. Pour le moment il n’est bien sûr question que de drones mais on pourrait envisager des versions « habitées » par une ou deux personnes, avec plusieurs hélices et d’autres aménagements nécessaires (compte tenu notamment de la variation du nombre de Reynolds, déjà mentionné, avec la taille de l’engin).

Il reste que le problème de l’avion « classique » (à propulsion chimique) est son autonomie limitée puisqu’il faut embarquer l’énergie nécessaire à la portance aussi bien qu’au déplacement dans l’air. On peut se tourner vers d’autres solutions.

Un avion solaire ne pourrait voler que le jour et peut-être pas en hiver en raison de la faible irradiance mais il pourrait quand même être utilisé le jour dans de bonnes conditions (altitude, temps clair et période de l’année adéquate). Le projet SolarStratos actuellement développé en Suisse, à Payerne, pour monter jusque dans la stratosphère (mon ami Roland Loos, diplômé de l’EPFL et membre de la Mars Society Suisse en est le CEO, Rafaël Domjan le pilote) nous prépare à cette possibilité. Une différence importante est que l’avion martien devrait être adapté au décollage vertical (Roland Loos a fait une présentation sur le sujet lors de la Convention des Mars Society européennes que j’avais organisé en 2018 à La Chaux-de-Fonds).

Une alternative à l’énergie solaire (autre utilisation d’énergie disponible in situ) serait l’avion « gashopper ». Il s’agit d’un concept présenté par Robert Zubrin à la NASA en 2005. Je vais développer son principe car je crains qu’aucun de mes lecteurs ne le connaisse. Il repose sur la propulsion de CO2. En premier lieu le gashopper absorberait avec une pompe du gaz carbonique de l’atmosphère martienne pour le stocker sous forme liquide à une pression d’environ 10 bars. Lorsque suffisamment de CO2 serait stocké pour effectuer un vol, on chaufferait un lit de granulés (pellets) à ~ 1000 K (720°C). En même temps le CO2 accumulé serait réchauffé à ~ 300 K (27°C) jusqu’à obtenir une pression interne au réservoir de ~ 65 bars. Une vanne serait alors ouverte, permettant au CO2, encore liquide, de traverser le lit de granulés chauds. Le CO2 se gazéifierait. Il serait acheminé vers un ensemble de propulseurs sous l’avion, permettant un décollage vertical. Après avoir atteint l’altitude désirée, le gaz serait dirigé vers un propulseur principal orienté vers l’arrière pour générer une vitesse de vol vers l’avant. Le même système serait également utilisé pour le contrôle d’attitude et la propulsion principale lors de l’atterrissage (vertical). L’avantage du gashopper serait de pouvoir être autonome en surface puisqu’il y a du CO2 partout sur Mars. Le stockage du gaz, sa compression et le chauffage du lit de granulés serait effectués avec l’énergie électrique obtenue par des panneaux solaires qui recouvriraient les ailes et le dessus du fuselage de l’avion. Cette énergie serait stockée dans des batteries embarquées.

Apparenté à l’avion (par ses hélices), il y aurait peut-être possibilité d’un hélicoptère puisque la NASA avec Ingenuity a démontré l’application du principe. Compte tenu de la masse minimum a transporter (deux personnes avec leur équipement de support vie), il faudrait concevoir un volocopter (comme le Volocity conçu par une start-up allemande) c’est à dire un hélicoptère disposant d’une couronne d’hélices de petites tailles. Le Volocity en a 18 et il en faudrait certainement plus! Ceci n’est qu’une idée, aucune étude n’ayant, à ma connaissance, été faite sur le sujet. En allant plus loin, pourrait-on envisager un allégement même minime de la masse du volocopter par un ballon d’hydrogène de taille “raisonnable” au dessus de la couronne d’hélices? On resterait dans la catégorie des plus lourds que l’air mais on aurait besoin d’un peu moins d’énergie pour générer une portance. Par ailleurs, l’hydrogène donnerait aux passagers une certaine protection contre les radiations solaires. Je ne fais que poser la question pour ceux qui voudraient y réfléchir…et faire les calculs de faisabilité. On touche avec cet “engin” à la dernière solution, que je présente ci-dessous.

La quatrième solution serait celle des plus légers que l’air, ballon et surtout dirigeable qui, à la différence de l’avion, n’aurait besoin d’énergie que pour son déplacement à l’horizontale. Comme le sujet est actuellement à l’étude chez l’EPFL par des étudiants de Master (j’y participe), je ne m’y étendrai pas à ce stade. Disons seulement que le problème fondamental est que la faible différence entre la densité du gaz intérieur au volume portant (hydrogène) et celle de l’atmosphère extérieure (gaz carbonique) oblige à utiliser des volumes portants énormes et de forme sphérique (moins de masse d’enveloppe) pour soulever des masses relativement faibles (20 mètres de rayon et une masse totale de 940 kg pour une masse utile, inclue dans ce chiffre, d’une quinzaine de kg). Il faut donc envisager cette option uniquement pour une exploration robotique (ce qui serait déjà très utile). Mais un ballon sans moteur (donc pas un « dirigeable ») qui disposerait de ce fait d’une possibilité d’emport de charge utile plus importante, pourrait emporter un ou deux hommes en altitude au-dessus de la Base, au bout d’un câble (qui constituerait un lest en se déroulant). J’imagine que dans un environnement aussi hostile que celui de Mars, on ne le laisserait pas errer au grès des vents. L’étude d’un tel ballon a été faite il y a quelques années par un groupe d’étudiants de Polytechnique Paris sous le contrôle de Richard Heidmann, fondateur de l’APM (Association Planète Mars, membre français de la famille des Mars Society).

Comme on le voit les déplacements sur Mars seront beaucoup plus difficiles que sur Terre, mais beaucoup plus faciles que n’importe où ailleurs dans le système solaire, y compris la Lune.

Illustration de titre : Un avion solaire sur Mars. Etude de la NASA de 2003 : « Overview of innovative aircraft power and propulsion systems and their application for Planetary exploration » (Antony Colozza et al, Research Gate): https://www.researchgate.net/figure/Artists-concept-of-the-proposed-Ames-MAGE-aircraft_fig5_24298994

Autres liens:

Etude ARES par Robert Braun, GeorgiaTech ;  Henry Wright NASA Langley Research Center; David Spencer, NASA JPL: https://ntrs.nasa.gov/api/citations/20080015501/downloads/20080015501.pdf

Avion GasHopper par Robert Zubrin :  https://sbir.nasa.gov/SBIR/abstracts/06/sbir/phase1/SBIR-06-1-S1.01-9456.html

Voler sur Mars, par Alain Souchier, Pst Association Planète Mars, 2010 : https://planete-mars.com/voler-sur-mars/2/

Mars Flyer Concept, NASA Langley Research Center, 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=9xjHCHR5_50&t=273s

Designing an Airplane that can fly on Mars, SciWorthy, 04/01/2021: https://sciworthy.com/designing-an-airplane-that-can-fly-on-mars/

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 22 01 15

La mobilité sur Mars (1)

Lorsque l’homme ira sur Mars, très vite il devra se déplacer à la surface de la planète. Pour ce faire il devra prendre en compte les caractéristiques très particulières de son environnement et les possibilités technologiques dont il disposera.

Tout d’abord voyons les avantages de l’environnement. Ils sont limités mais réel. Il s’agit d’un sol (surface ferme et non pas gazeuse), d’une gravité planétaire qui permet de transporter avec soi des masses plus importantes que sur Terre (0,38g au lieu de 1g), de la disponibilité de l’énergie solaire, de ressources minérales et gazeuses diversifiées aussi bien dans l’atmosphère de la planète que dans le sol, de l’absence de mer, de lac ou de fleuve à franchir pour aller où que ce soit. C’est sans doute tout.

Les contraintes sont fortes. Il n’y a bien sûr aucune infrastructure sur Mars et les construire à grande-échelle prendra beaucoup de temps, d’autant que la population sera pendant très longtemps très faible. Même remarque pour l’entretien. Des routes pourraient être construites mais il faudrait les maintenir fonctionnelles (par exemple les débarrasser de la poussière qui pourrait poser problème après une tempête importante), ce qui suppose des robots, des hommes, de l’énergie pour le faire. Concernant l’énergie, il n’y aura pas de « station-service » dans le paysage. Par ailleurs il n’y aura ni atelier de réparation, ni magasin d’alimentation, ni cabinet médical, aucune « facilité » en dehors de la Base, si ce n’est sans doute quelques abris contre les radiations en cas de tempête solaire (SeP – Solar energetic Particles). On ne pourra se déplacer en extérieur que revêtu d’un scaphandre et équipé de bombonnes d’air respirable. Et malgré tout, on restera toujours exposé aux radiations cosmiques. Il fera très froid la nuit et aussi à l’ombre (jusqu’à -100°C). Les tempêtes de poussière pourraient empêcher tout déplacement pendant un certain temps (plusieurs semaines). Enfin les télécommunications seront difficiles car l’atmosphère, peu dense et sans couche d’ozone réfléchissante, ne portera pas les ondes autour du globe et l’on devra recourir aux satellites relais (ce qui suppose une bonne couverture planétaire géostationnaire si on veut s’éloigner) au-delà de l’environnement immédiat (antenne visible).

Dans ce contexte, on ne sortira pas souvent de la Base car ce sera compliqué et dangereux, et qu’on pourra faire « beaucoup de choses » par robots interposés commandés en direct depuis l’intérieur protégé. Mais on sortira quand même de temps en temps, parce que dans certains cas on ne pourra pas faire autrement et aussi pour le plaisir ou l’agrément.

La première possibilité sera de sortir à pied.

Pourquoi pas. Il faudra le faire pour le contrôle et l’entretien des constructions diverses. Même si des robots agissent, on voudra vérifier, toucher soi-même. Mais l’usage des pieds ne pourra être que pour « le dernier kilomètre ».

La deuxième possibilité sera l’automobile.

Elle sera forcément du genre 4×4 ou plutôt « rover » comme on a pris l’habitude de les nommer. Il n’y aura pas de route avant longtemps, sauf pour aller à l’astroport, au gisement de glace d’eau et peut-être au réacteur nucléaire s’il est implanté un peu à l’écart de la Base. Les roues seront donc semblables à celles que l’on utilise pour les rovers d’aujourd’hui, pleine, larges et aussi résistantes que possible aux aspérités du sol (pas de caoutchouc trop sensible aux variations de températures et d’une manière générale trop fragile). La propulsion pourrait être chimique, du méthane brulant dans l’oxygène, puisqu’on en produira pour les fusées. On peut aussi penser qu’elle sera électrique, avec des batteries rechargées auprès d’un réacteur nucléaire ou mixte chimique/électrique avec de l’énergie solaire recueillie par panneaux photovoltaïques posés sur le toit du véhicule. A ce propos, il faudra toujours penser à se protéger des radiations spatiales. Pour ce faire, deux solutions, soit des sacs de glace sur le toit (les protons de l’hydrogène arrêtent les SeP quasi exclusivement composées de protons), soit tout simplement un ballon empli d’hydrogène en surpression (1,5 à 2,0 pour garantir la stabilité de l’enveloppe, selon sa texture). Le ballon pourra être parallélépipédique et couvert sur toute la surface du dessus, de panneaux solaires. Comme il y aura peu de trafic et qu’on ne recherchera pas la vitesse, on peut même concevoir que le ballon soit surdimensionné (le double ?) par rapport à la surface au sol du rover (pour donner une meilleure protection aux rayons latéraux) et que donc la surface photovoltaïque soit plus importante. Dans ce cas on pourrait concevoir un grand volume oblong. Dans les deux cas (parallélépipède ou volume oblong) on peut envisager une forme aérodynamique même si la prise au vent, sauf exceptions météorologiques rarissimes, sera très faible car la pression atmosphérique est extrêmement basse (moyenne 610 pascals). Même si son enveloppe structurée aurait une masse non négligeable, cette protection serait quand même allégée par l’hydrogène dont la masse volumique est moindre que le CO2 de l’atmosphère environnante (car on ne forcera jamais la pression de l’hydrogène de telle sorte qu’elle pèse aussi lourd que le CO2 extérieur, les risques de fuite hors de l’enveloppe étant trop élevés). Un tel dôme ne remontera donc pas le centre de gravité du véhicule.

Pour les déplacements dans les environs de la Base on utilisera des rovers non préssurisés car il serait difficile d’enlever et de remettre son scaphandre à chaque fois qu’on doit s’arrêter et descendre mais une tente embarquée, déployable et gonflable avec de l’air respirable et un nécessaire médical, pourrait servir d’abri en cas d’accident pour attendre les secours. Ces rovers ne seront pas chauffés puisque les utilisateurs garderont leur système de chauffage personnel intégré à leur scaphandre mais ils auront des portes avec des vitres (ordinaires) pour éviter trop de poussière à l’intérieur. Ils seront dotés d’un système de communication pour alerter la base en cas de besoin.

Par contre, les voyages lointains imposeront des rovers pressurisés, de véritables mini-bases ambulantes avec toutes les nécessités permettant une vie confortable et saine (voir illustration de titre). Ils pourraient eux aussi être protégés des radiations par un ballon sur leur toit qui comprendrait de l’hydrogène et/ou une réserve de glace d’eau qui pourrait être utilisée par l’équipage en cas de besoin et en tout cas pour le refroidissement du moteur. Ils seraient en outre équipés d’un système de télécommunication par satellite relai.

Je vous parlerai la semaine prochaine de la mobilité aérienne.

Illustration de titre : Sunrise on Polar Cap, par Philippe Bouchet, alias Manchu, Crédit Manchu et Association Planète Mars (APM). Dessin réalisé sur les conseils de l’APM, branche française de la Mars Society. Le rover est énorme, c’est un habitat. La différence avec ce que je décris dans mon texte c’est qu’il n’est pas équipé d’une protection d’hydrogène.

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 21 12 31

L’exosquelette, une nécessité à prévoir pour l’arrivée sur Mars + Nouvelles du télescope Webb

L’arrivée sur Mars des premiers vols habités sera un moment difficile pour les astronautes pour diverses raisons mais en particulier pour celle du retour à la gravité après un séjour de quelques six mois en apesanteur.

Bien entendu on peut envisager un système de gravité artificielle pendant le voyage. Il s’agirait de mettre en rotation l’habitat du vaisseau spatial ou le vaisseau spatial tout entier (avec une autre masse l’équilibrant), ce qui générerait à l’intérieur une force centrifuge. Cette force serait contenue, contrée, par la paroi du vaisseau qui deviendrait de ce fait le plancher de l’habitat. Les passagers bénéficieraient ainsi d’un environnement gravitaire équivalent à celui dont on bénéficie sur le sol d’une planète, le nombre de rotations par minute en fonction de la longueur du lien entre les masses en rotation, permettant d’en moduler l’intensité. Mais il n’est pas certain que la technologie pour le fonctionnement de ce système soit démontrée et certifiée suffisante (« TRL 9 », Technology Readyness Level 9) avant le premier vol et donc qu’elle soit utilisée (2031 avec le Starship ?). Par ailleurs, elle ne pourrait pas être mise en service avant l’injection interplanétaire car elle suppose une certaine stabilité du système et que cette stabilité est incompatible avec la force de gravité terrestre ressentie en orbite de parking puis avec l’accélération subie lors de l’injection à partir de cette orbite. Au cas où elle ne fonctionnerait pas (pour toutes sortes de raisons), il n’y aurait pas de retour possible sur Terre pour réparer le disfonctionnement du système, avant d’arriver dans l’environnement martien. Il y aura donc toujours un risque que les astronautes arrivent très affaiblis sur Mars pour avoir voyagé six mois en apesanteur. Ils seront de ce fait pratiquement incapables de se mouvoir et d’agir physiquement alors qu’ils devraient le faire, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité.

Le phénomène d’affaiblissement résultant de l’apesanteur est bien connu. Lorsqu’ils reviennent sur Terre les astronautes ont perdu un pourcentage non négligeable de leur masse musculaire et de leur masse osseuse en dépit de l’exercice physique qu’ils ont pu faire à bord. Ils ont aussi du mal à retrouver leur équilibre (leur sens de la verticalité). Tout mouvement leur coûte énormément d’attention et d’effort ; de plus, les évanouissements résultant d’une tension artérielle trop faible ne sont pas rares. La récupération est d’autant plus longue que le séjour a été long.

A l’arrivée du premier vol sur Mars et sans doute de plusieurs des vols suivants (dans la mesure où une présence permanente de maintenance ne sera pas décidée avant expériences répétées de séjour), il n’y aura pas sur place de « comité d’accueil », pas d’autres êtres humains pour les aider et les taches à exécuter à l’arrivée seront nombreuses. Les robots devraient effectuer la plupart d’entre elles mais évidemment pas toutes et certaines ne pourront être menées à bien sans qu’eux-mêmes bougent et « se bougent », notamment pour la surveillance de l’action de ces robots et pour prendre soin d’eux-mêmes. Le fait que la gravité martienne ne soit que de 0,38g sera un facteur favorable à un rétablissement rapide mais certainement insuffisant pour considérer ce problème comme mineur.

Il faudra donc que les astronautes disposent d’exosquelettes pour pallier l’incapacité temporaire de leur corps et faire face à leurs diverses obligations. A noter qu’à la différence des handicapés vivant sur Terre, leur système nerveux sera intégralement fonctionnel mais que la réponse musculaire sera insuffisante au niveau de leurs quatre membres, de leur torse, de leur dos, de leur cou, que leurs os seront fragilisés, que leur sens de l’équilibre aura été altéré. Ils devront aussi pouvoir très rapidement se mettre à l’horizontale sans tomber pour éviter (ou récupérer d’) un black-out résultant d’une insuffisante irrigation du cerveau (risque que l’on peut en principe limiter en portant des jambières compressant les jambes).

L’exosquelette devra pouvoir répondre aux impulsions données par les différents muscles qui seront les interfaces entre le système nerveux et le milieu extérieur à leur corps. Il devra aussi répondre à des commandes manuelles exercées par les doigts sur clavier pour maintenir de façon autonome l’équilibre du corps debout ou dans les positions intermédiaires. Il devra aussi bénéficier d’une certaine autonomie pour le maintien de l’équilibre et éventuellement pour prendre en charge le corps et l’incliner en cas d’évanouissement pour accentuer la circulation sanguine dans le cerveau.

Par ailleurs, il devra démultiplier la force des astronautes car il y aura des tâches physiques à accomplir (déplacer des masses, débloquer des attaches ou des articulations, faire levier pour dégager une caisse tombée ou un équipement sorti de son rail, etc…).

L’exosquelette devra donc réunir les capacités utilisées pour la locomotion des handicapés aussi bien que pour des travaux de force.

Il existe déjà des réalisations dans ces domaines. Je pense à TWIICE, spinoff de l’EPFL qui a conçu des exosquelettes remarquables pour les paraplégiques (mais ces exosquelettes ne suffiront pas pour les « Martiens » puisqu’ils ne prennent pas en charge le haut du corps). Je pense aux travaux réalisés par des étudiants de plusieurs disciplines à l’EPFL dans le cadre de l’Assistive Technologies Challenge (ATC) pour les mêmes besoins médicaux. Je pense aux exosquelettes HAL (Hybrid Assistive Limb) de la société japonaise Cyberdyne au Japon qui réalise des exosquelettes de rééducation à la marche mais aussi pour compenser les forces déficientes des travailleurs vieillissants ou tout simplement pour effectuer des travaux qu’un homme normal n’aurait pas la force d’effectuer. Son Cyborg portable (« wearable Cyborg »), « HAL 5 », qui renforce l’ensemble du corps, semble une excellente base de développement pour « nous », futurs Martiens.

Ce sont ces réalisations et les recherches qui continuent, qu’il convient de mettre ensemble et d’orienter vers les besoins des futurs astronautes, en prenant bien soin de les concevoir (1) pour un environnement martien particulièrement dur, notamment pour les articulations (poussières, températures, pression extérieure) ; (2) pour des hommes valides plutôt que pour des handicapés (les parties basses de l’exosquelettes pourront réagir aux stimuli provenant des muscles des pieds ou des jambes des astronautes). Ils seront en ce sens un peu différents de ceux qui sont actuellement étudiés à l’EPFL et plus proches des exosquelettes HAL de Cyberdyne mais nul doute que l’expertise développée dans le cadre du « Challenge » ATC comme dans celui de TWIICE ne donne une compétence pour adapter les avancées de HAL aux besoins de l’exploration martienne.

L’exosquelette devra être aussi léger que possible pour être facilement manié. Se pose surtout la question de le revêtir en apesanteur avant l’atterrissage pour ne pas avoir à le faire après, alors que tout effort physique sera devenu difficile. Dans cette éventualité, l’exosquelette doit être conçu pour ne pas blesser le corps lors de la décélération très forte du vaisseau spatial pendant la descente dans l’atmosphère.

Il devra ensuite pouvoir être porté pendant plusieurs jours sans devoir être retiré (il sera très difficile pour une personne affaiblie et non ou mal assistée de le revêtir ou de s’en défaire) et donc permettre toutes les fonctions dont celles ressortant de l’hygiène.

Il devra encore être adaptable au scaphandre utilisable pour les EVA (Extra Vehicular Activities) puisque les astronautes devront probablement sortir du vaisseau avant d’avoir récupéré toute leurs capacités motrices et musculaires. Alternativement un second exosquelette, « extérieur », pourrait être mis à disposition mais les responsables de missions spatiales s’efforceront toujours de surveiller avec le plus de rigueur possible leur budget de masse et de volume. En tout cas si l’exosquelette intérieur pouvait être utilisé pour l’extérieur, il devrait être adapté pour prendre en charge l’équipement de support vie de l’astronaute (ou purement et simplement intégré au scaphandre ?).

Enfin son autonomie énergétique devra être aussi grande que possible (avec indicateur d’énergie restant disponible et de distance parcourue) et les sources d’énergie (électriques, avec batterie rechargeable « embarquée »), devront être conçues pour être facilement manœuvrables et portables.

J’espère que des étudiants de l’EPFL voudront bien se lancer dans cette étude comme le font depuis deux ans d’excellents élèves de Master sous la supervision de Claude Nicollier et de moi-même dans le cadre d’eSpace, sur le sujet du dirigeable d’exploration robotique (…sujet que je vous présenterai une autre fois). Nous avons au sein de la Mars Society Switzerland des personnes compétentes, diplômés de la même « maison », qui pourraient les « coacher ».

Illustration de titre : HAL 5 (pour Hybrid Assistive Limb), exosquelette de la start-up Cyberdyne, spin-off de l’université japonaise de Tskukuba. Lire :

https://www.usinenouvelle.com/article/hal-l-exosquelette-japonais-teste-en-europe.N204055

https://www.cyberdyne.jp/english/products/HAL/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hybrid_assistive_limb

https://twiice.ch/fr/

https://www.epfl.ch/education/educational-initiatives/fr/discovery-learning-program/projets-interdisciplinaires/assistive-technology-challenge/

Nouvelles du JWST

Pendant ce temps là, l’origami du télescope Webb (JWST) continue à se déployer. Nous sommes (08/01/22) au 14ème jour après le lancement et la plupart des étapes essentielles et critiques ont été franchies: (1) déploiement du panneau solaire, (2) déploiement des feuilles du bouclier thermique et du pare-Soleil, (3) positionnement du miroir secondaire au bout de ses bras en vis à vis du miroir primaire, (4) déploiement de la partie gauche du miroir primaire (3 des 18 segments) et fixation, bloquée, à son corps central (12 des 18 segments). On attend aujourd’hui à 14h00 UTC (15h00 heure Europe continentale) le déploiement et la fixation de la partie droite du miroir (3 des 18 segments).

Le JWST est à 1.058.000 km de la Terre (08h00 ce matin). Nous nous rapprochons de la mise en orbite autour de L2 (1.500.000 km) mais n’y sommes pas encore. Il lui faut encore parcourir 390.000 km. La mise en orbite autour de L2 est prévue pour dans15 jours, à J+29 (le 23 janvier).

16h30 : ça y est, la partie droite du miroir primaire a été déployée et fixée!

Lien vers le site de la NASA

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 21 12 31

Pour coloniser Mars, l’homme a besoin du nucléaire et il aura des solutions.

Il ne faut pas rêver, vivre sur Mars ne sera possible qu’avec le nucléaire, les autres sources d’énergie n’offrant pas les mêmes facilités et la même adaptabilité aux besoins. Ce n’est pas un problème car des réacteurs-nucléaires-portables, « PNP » (« portable nuclear powergenerator »), sont déjà proche d’être opérationnels. Par la même occasion, le développement de ces microréacteurs « spatiaux » servira aussi sur Terre et je suis certain qu’ils y seront vendus et utilisés, pour le plus grand bien des Terriens, quels que soient les anathèmes que les sectateurs de la religion écologiste prononceront à leur encontre.

Nous ne sommes plus à l’époque de Tchernobyl comme certains le pensent toujours. Des progrès énormes ont été faits en matière de sécurité et des innovations sont aujourd’hui disponibles pour produire des réacteurs nucléaires plus propres, plus efficaces et plus maniables. Aux Etats-Unis, en France ou au Japon mais aussi en Russie, en Chine et en Inde (trois pays qui n’ont pas les mêmes préventions que les pays où le mouvement écologiste est très fort), beaucoup de PNP sont à l’étude. Les sujets de réflexion, d’études et de tests sont nombreux. Il peut s’agir du mode de transfert de la chaleur du cœur du réacteur à la turbine, du type de combustible, ou encore de l’utilisation de neutrons rapides.

J’ai déjà parlé dans ce blog des PNP Megapower et Kilopower dont le médium caloporteur est le sodium (voir mes articles du 25/05/2019 et du 20/02/2018). Mais une start-up, « Radiant Nuclear », lancée en 2020, propose une technologie qui semble encore plus intéressante. La société a été créée par Doug Bernauer et deux anciens collègues ingénieurs de SpaceX où ils avaient travaillé sur l’approvisionnement en énergie des futures colonies martiennes. A noter que leurs relations avec Elon Musk ne sont pas clairement exposées mais qu’Elon Musk est également favorable à l’industrie nucléaire et s’intéresse aux PNP.

« Kaleidos », le « bébé » de Radiant Nuclear est un PNP de 2,50 m x 6 m x 3 m (hauteur). Il est donc transportable (même s’il est un peu « encombrant »), et il peut être rendu opérationnel en 72 heures. Il pourrait générer une puissance de 1,2 MWe sur 8 ans, sans recharge de combustible. Cela devrait permettre de fournir en énergie un millier de foyers (standard américain). Le générateur repose sur l’utilisation d’innovations qui elles-mêmes sont le fruit de réflexions anciennes : (1) l’hélium comme médium caloporteur ; (2) les « particules enrobées » TRISO (TRI-structural ISOtropic) comme combustible.

 

Vue d’un réacteur Kaleidos de Radiant, hauteur 1 mètre. Crédit Radiant Nuclear

L’hélium présente beaucoup d’avantages. Il évite les risques d’ébullition, de contamination (produits radioactifs mêlés à l’eau ou au métal fondu) et de corrosion. Il est par ailleurs très stable, non inflammable et il a une forte conductivité thermique. Dans Kaleidos il est injecté, à froid, dans les tubes parcourant le cœur du réacteur contenant le combustible, avant d’alimenter une turbine après s’être réchauffé dans l’environnement du combustible siège du processus de fissions. En se réchauffant, il se dilate à l’intérieur des tubes qui le contiennent, ce qui le projette vers la turbine et la fait tourner (et produire de l’électricité). Il est ensuite recyclé, c’est-à-dire détendu, refroidi par un système de refroidissement et réintroduit dans le réacteur pour réutilisation. Il fonctionne donc en circuit fermé. 

Le TRISO est un combustible considéré comme pratiquement non susceptible de fondre au cours de son utilisation (et, liquide en fusion, de se répandre en dehors de son enceinte de confinement !). En effet il peut supporter des températures allant jusqu’à 1800°C, bien au-dessus de ce qu’on peut craindre dans le cœur du réacteur. Les particules enrobées de TRISO ont l’apparence de petites capsules de la taille de graines de pavot. Ces particules peuvent être, pour leur utilisation pratique, rassemblés en boulets de la taille d’une balle de golf (un « compact » qui contient quelques 7000 particules). Elles sont constituées d’un cœur de matière fissible (un carbure d’uranium 235 de type « HALEU » – pour « High Assay*, low enriched Uranium », c’est à dire enrichi entre 5 et 20%) enrobé de couches de graphite (ou équivalent) et de céramique (carbure de silicium). Quand le TRISO chauffe du fait de la fission de l’uranium, son enveloppe de graphite absorbe davantage de neutrons ce qui ralentit la réaction en chaîne et fait baisser la température. Il y a donc auto-régulation. Les barrettes de contrôle absorbeurs de neutrons (généralement en carbure de bore) restent cependant utiles pour moduler le niveau des fissions et le cas échéant les arrêter. La couche de céramique évite l’éventuelle diffusion de produits de fission fondus par la chaleur en dehors de la particule. 

*assay = dosage 

Une particule de TRISO, en coupe, environ 2 millimètres de diamètre. Crédit Idaho National Laboratory. La couche céramique (jaune) est prise en sandwich par l’absorbeur de neutrons (bleu).

Kaleidos est en test à l’ANL (Argonne National Laboratory) du DoE (Department of Energy) en Idaho. Il pourra bientôt équiper les petites villes ou les sites isolés (les missions militaires par exemple), partout où les hommes auront besoin d’énergie loin des réseaux de distribution (mise sur le marché prévue pour 2028). Parmi ces sites, on pense à Mars, bien sûr. Mais force est de réaliser aussitôt que ce réacteur n’y serait pas durablement adaptable car la planète est pauvre en hélium et qu’on ne peut pas prendre le risque qu’une fuite, même improbable, mette le réacteur hors d’état de fonctionner. Malheureusement l’argon, gaz relativement abondant dans l’atmosphère de Mars (environ 2%), a une faible conductivité thermique. Cependant les vaisseaux partant pour Mars pourraient très bien s’équiper de Kaleidos pour fournir l’énergie nécessaire au fonctionnement des instruments et du support vie pendant le voyage, plutôt que des panneaux solaires très encombrants à l’extérieur du vaisseau et de moins en moins efficaces au fur et à mesure qu’on s’éloigne du Soleil. Au début de l’exploration, on pourrait aussi utiliser Kaleidos en prenant soin d’avoir toujours de l’hélium disponible en cas de fuite. 

Sur Terre comme sur Mars, à côté des éoliennes qui ne marchent que lorsqu’il y a du vent et des panneaux solaires que lorsqu’il y a du soleil, les centrales nucléaires, qui produisent continument de l’énergie, n’ont pas dit leur dernier mot.

Capture d’écran article “Ex-SpaceX Engineers Are Developing A Mini Nuclear Reactor” par Will Lockett (https://bit.ly/2Yr3q6H) in Predict (04/11/2021)

Illustration de titre : Un réacteur Megapower (10 MWe) du Los Alamos National Laboratory (LANL) apporté par camion dans un village d’une région pauvre sans réseau de distribution d’électricité. Crédit LANL (DoE). Le medium caloporteur du Megapower est le sodium, à la différence du Kaleidos qui utilise l’hélium.

NB: Ce texte a été soumis à la relecture du Dr. Pierre-André Haldi, Ing.-physicien EPFL retraité, spécialiste en énergie. Il y a apporté quelques corrections techniques.

Liens :

https://www.youtube.com/watch?v=CXsZPrTAAm0

https://www.cea.fr/Documents/monographies/Combustibles-nucl%C3%A9aires-r%C3%A9acteurs-gaz.pdf

https://www.marketwatch.com/story/former-spacex-engineers-founded-a-company-to-build-climate-friendly-cost-effective-portable-nuclear-reactors-11635536253

https://www.energy.gov/ne/articles/triso-particles-most-robust-nuclear-fuel-earth

https://medium.com/predict/ex-spacex-engineers-are-developing-a-mini-nuclear-reactor-27fae3450209

https://www.youtube.com/watch?v=7ijrp2CEOOo

https://www.marketwatch.com/story/former-spacex-engineers-founded-a-company-to-build-climate-friendly-cost-effective-portable-nuclear-reactors-11635536253?mod=mw_NBF

https://medium.com/prime-movers-lab/whats-hot-in-nuclear-b26ee1caadd6

https://www.world-nuclear.org/information-library/current-and-future-generation/fast-neutron-reactors.aspx

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9acteur_rapide_refroidi_au_sodium

Meilleurs voeux à tous pour l’année 2022!

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 21 12 31

N’hésitez pas; c’est mon cadeau de Nouvel An ! Vous pouvez remonter jusqu’au 04 septembre 2015.