Les trous-noirs, monstres destructeurs avec lesquels il nous faut vivre

Les trous-noirs sont des monstres redoutables dont nous sommes en principe aujourd’hui éloignés mais qui sont une des composantes essentielles de l’Univers, proche ou lointain. Avec les astéroïdes, les supernovæ, les radiations spatiales, le froid ou la chaleur extrêmes, le vide, l’apesanteur, ils font partis des dangers présents dans l’Espace que nous apprenons à connaître et où nous nous aventurons aujourd’hui. Leur particularité est que si un jour nous approchons trop près l’un d’entre eux, nous serions irrémédiablement absorbés et, entraînés vers sa « singularité », finalement déchirés et détruits jusqu’aux plus infimes composants de notre matière. La vie sur Terre bénéficie d’un environnement bien doux, confortable et relativement stable. Nous le voyons comme tel car nous sommes les produits de cet environnement, façonnés par lui avec sa propre matière par une très longue Histoire, et que notre vie est très courte à l’échelle des événements qui la ponctuent. Mais nous sommes également dans l’Espace et la Terre ne nous protège que si nous y restons ou si nous pouvons y rester et si elle-même n’est pas en danger. C’est notre mère mais elle est également vulnérable et nous-mêmes à travers elle. Elle aussi est emportée par l’Histoire et celle-ci ne s’arrête pas aujourd’hui. Elle continuera, avec ou sans nous, en fonction de nos actions sur elle (nous avons tendance ces jours à nous faire un peu trop remarquer !) et de son évolution propre ou de celle de son propre environnement : chute d’astéroïde géocroiseur géant (pas tout de suite mais loin d’être exclue) ou pluie d’astéroïdes provoquée par le rapprochement d’une étoile voisine perturbant le nuage de Oort de notre système solaire (non dans le proche avenir mais irrémédiablement « un jour » !), supernova d’une étoile voisine nous inondant de ses radiations mortelles (il y a quelques possibilités), épuisement du Soleil lorsqu’il aura brûlé une quantité suffisante de son hydrogène (nous sommes tranquilles pour quelques 500 millions d’années), rencontre avec un « petit » trou noir « primordial » (peu probable mais pas impossible quand même).

Mais qu’est-ce qu’un trou noir ?

On a pressenti dès le XVIIIème siècle (après Newton et avec l’astronome britannique John Michell en 1783 puis Pierre-Simon de Laplace en 1796) que des astres pourraient exister dont la force d’attraction serait telle que même la lumière ne pourrait s’en échapper (leur vitesse de libération atteignant celle de la lumière). Mais ce n’est qu’après Albert Einstein, puis Karl Schwarzschild (définissant son fameux « rayon »), qu’avec Robert Oppenheimer en 1939, on formalisera l’« objet » qui ne sera observé, indirectement, la première fois qu’en 1971 (« Cygnus X-1 » avec le télescope Uhuru de la NASA – lancé dans l’espace depuis Mombasa).

Parler de trou noir, c’est encore parler de masse et donc de gravité car un trou noir est un objet céleste si compact que l’intensité du champ gravitationnel qui en résulte, empêche toute forme de matière ou de rayonnement de s’en échapper (il « ralentit » même le Temps). C’est pour cela qu’on ne peut l’observer directement mais seulement par les effets qu’il a sur son environnement. Cet environnement ce peut être d’abord de la matière, qu’il triture et déchire (produisant des émissions de rayons X ou gamma en plus des émissions en d’autres longueurs d’onde du spectre électromagnétique ou encore des émissions de neutrinos et même d’ondes gravitationnelles s’il fusionne avec un autre trou noir ou absorbe une étoile à neutrons)…pourvu qu’il y en ait à proximité. Cet environnement c’est aussi les ondes lumineuses provenant des sources qui peuvent se trouver derrière lui en alignement avec nous, et qu’il va rapprocher visuellement et déformer (effets de loupe et de déviation). Cette force extrême s’exerce à partir d’un centre dit « singularité gravitationnelle », vers l’extérieur jusqu’à son « rayon des événements » dit aussi « de Schwarzschild » qui délimite tout autour de la singularité un volume sphérique dont la surface est dite « horizon des événements » mais il ne faudrait pas s’en approcher au-delà de la dernière orbite stable qui l’entoure, que l’on nomme « ISCO » (« Innermost Stable Circular Orbit »). Sur cette orbite qui se situe à 3 fois le rayon de Schwarzschild du trou noir, toute perturbation même infinitésimale conduirait irrémédiablement quelque objet que ce soit, à l’horizon des événements. Mais de toute façon, à cette distance, la vitesse de libération est pratiquement déjà inatteignable (> 122.000 km/s). Ce qui est surprenant sinon paradoxal, c’est que l’on pourrait franchir cet horizon vers l’intérieur sans s’en apercevoir sauf à vouloir repartir vers l’extérieur, car la densité (qui n’est pas la « compacité ») ne change pas brutalement lors du passage. Simplement lorsque l’on passe, « la barrière se referme ». Ce qui continue par contre c’est l’attraction vers le centre, la singularité. En fait c’est là où se cache vraiment le trou noir, on pourrait dire « sa tanière », car c’est là où la gravité (et la force d’attraction qui va avec) tend vers l’infini. Ceci implique que si la masse du trou noir est immense, la densité au niveau de l’horizon des événements sera encore faible. Pour « M87 » premier trou noir qui a été « vu », le 10 avril 2019 par l’Event Horizon Telescope, la masse est de 6,5 milliards de soleils, le rayon de 19 milliards de km (deux fois la distance du Soleil à Pluton) mais la densité de seulement 0,44 kg/m3 (44% de la densité de l’air) ! En fait la densité du trou noir (sa masse volumique) décroît avec sa masse (et donc sa taille) et si la densité pour les trous noirs massifs « normaux », comme Sgr A* au centre de notre galaxie reste très forte (9,5×105 kg/m3), et elle l’est a fortiori pour les petits trous noirs, un trou noir de la taille de l’Univers, aurait la densité…de l’Univers ce qui pourrait donner à penser que peut-être nous nous trouverions à l’intérieur d’un trou noir. Mais ce n’est probablement pas le cas car ce trou noir ne recevrait aucune matière de l’extérieur (seul moyen pour un trou noir de prendre de l’ampleur ou de connaître une « expansion ») et il serait empli d’une multitude de singularités (les autres trous noirs). Alors, réflexion subsidiaire, notre Univers serait-il un parmi d’autres, subissant les forces diverses (attraction / répulsion) de ses voisins ? C’est un autre sujet.

Comment parvenir à cette concentration de matière ?

Il est possible que de petits trous noirs provenant du Big-Bang, dits « primordiaux », se « baladent dans la nature ». Ils pourraient résulter selon Stephen Hawking et Bernard Carr, de l’effondrement gravitationnel lors de l’inflation cosmique de petites surdensités de l’Univers primordial. On ne sait pas où ils pourraient se trouver et ils ne sont donc encore que théoriques mais on dit de plus en plus que l’hypothétique « Planète-neuf » (la neuvième) de notre système solaire pourrait être l’un d’entre eux (peut-être parce qu’on n’arrive pas à la voir alors que « quelque chose » a une influence gravitationnelle forte au-delà de l’orbite de Pluton sur plusieurs planètes naines évoluant dans la ceinture de Kuiper).

Mais les trous noirs qu’on pourrait qualifier de « communs » ont une masse très importante et leur concentration résulte précisément de cette masse. Ils sont de deux types, les trous noirs « stellaires » et les trous noirs « supermassifs ». Les premiers (au moins trois masses solaires mais en principe pas plus d’une vingtaine) résultent de l’effondrement de grosses étoiles (au moins dix masses solaires à l’origine, avant supernova et éjection des couches extérieures de l’étoile) après qu’elles aient achevé la combustion interne de leurs éléments légers. Les seconds qui ont peut-être la même origine, résultent de l’accrétion d’énormément de matière (leur masse va de quelques millions à quelques milliards de masses solaires) dans la région la plus dense de leur galaxie, son cœur. Les premiers ne peuvent provenir que d’étoiles géantes, les masses autrement ne pourraient se contracter autant que nécessaire et on aurait des naines blanches ou des étoiles à neutrons. Mais les étoiles à neutrons peuvent elles aussi devenir des trous noirs en accrétant de la matière ou en fusionnant avec une autre étoile à neutrons. Les trous noirs supermassifs sont au cœur des galaxies spirales comme le Soleil est au cœur de notre système solaire. Provenant d’un effondrement ils sont obligatoirement en rotation et ils entraînent par force de gravité leur galaxie autour d’eux. Ils « tiennent » leur galaxie et se nourrissent de ses étoiles proches, devenant de ce fait encore plus puissants et entraînant davantage d’étoiles et de matière à fusionner avec eux, pourvu bien sûr qu’elles soient à portée de leur force d’attraction, qui s’accroît avec leur masse. Le nôtre, “Sgr A*”, a une masse de 4,15 millions de masses solaires. A noter que les classifications sont faites pour connaître des exceptions et il y en a évidemment aussi dans le cas présent. Ainsi on s’est étonné tout récemment (27 novembre 2019) de découvrir un trou noir stellaire (« LB-1 ») de 70 masses solaires dans un des bras spiraux de notre galaxie, à quelques 15.000 années-lumière de « chez nous ». Mais je m’étonne que l’on s’étonne puisqu’il n’y a pas de seuil de masse entre 20 et 70, et même beaucoup plus, au-delà duquel on assisterait à la création d’un autre phénomène.

Nous sommes à 25.000 années-lumière de notre centre galactique donc de son trou noir central (la Voie-Lactée a un diamètre d’environ 100.000 années-lumière). C’est notre cœur mais il est noir et il nous est hostile. Il n’est pas certain qu’il nous absorbe un jour (outre son appétit d’ogre cela dépendra sans doute de l’accélération ou de la décélération de l’expansion de l’Univers) mais son voisinage est quand même effrayant.

NB : je ne parle pas ici de tous les effets possibles des trous noirs car je voulais insister sur le danger qu’ils présentent. Mais en agissant sur la matière, le trou noir agit aussi sur le temps et comme il agit sur la lumière, il peut servir de lentille gravitationnelle, sorte de loupe qui rapproche de nous les rayonnements les plus lointains ; les astronomes sont ravis de pouvoir s’en servir ! 

Remerciements à Monsieur Christophe de Reyff pour ses suggestions et conseils.

Illustration de titre : approche du trou noir Sgr A* (Sagittarius A*) de notre galaxie, crédit ESO/S.Gillessen et MPE, Marc Schartmann (2011). Cette illustration montre les trajectoires des divers astres qui orbitent au plus près de notre trou noir supermassif et le comportement d’un nuage de gaz en train de tomber vers le trou. Récemment on a observé une étoile accélérée à une vitesse prodigieuse à proximité de ce trou noir (>1000 km/s alors que le Soleil orbite le centre galactique à 240 km/s). Le couple qu’elle formait avec une autre étoile tombait dans le trou en fonction de la masse qu’elles constituaient ensemble. L’autre étoile s’y est proprement perdue ce qui a permis à la première de s’échapper avec une vitesse accrue, bien supérieure à ce que lui aurait donné sa seule masse propre si elle y avait été attirée sans sa compagne.

Image ci-dessous : Sgr A* vu par le télescope à rayons X, Chandra, crédit : NASA/Penn State/G.Garmire et al.

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Index L’appel de Mars 19 12 21

BONNE ANNÉE A TOUS!

Noël et notre place dans le Cosmos

Aujourd’hui, notre pâle-petit-point-bleu passe le solstice d’hiver dans sa course autour de son étoile et les hommes se préparent à fêter Noël, la naissance, comme ils le font depuis 2000 ans au cœur de l’hiver de l’hémisphère Nord de cette petite planète apparemment comme les autres. C’est le moment, comme les étoiles nous y invitent avec plus d’insistance que le reste de l’année par leur longue présence, de penser à l’infini, à la place dans l’Univers que nous-mêmes, êtres vivants fragiles et fugaces mais conscients, occupons, aux interactions de la science avec nos interrogations et aux réponses plus ou moins fondées, physiques ou métaphysiques, que certains proposent et d’autres affirment.

Tout d’abord constatons la parfaite adaptation ou conformité du cycle du christianisme à ce cycle cosmique qui nous domine. Dans ces nuits les plus longues et les plus froides de l’année nous sommes réchauffés et réconfortés par l’intimité du foyer et la vie qui symboliquement y commence ou qui plutôt y recommence, puisque c’est le cas tous les ans, porteuse de l’espérance qui elle-même nous fait vivre et entreprendre. La suite du cycle sera rythmée par Pâques à l’équinoxe de Printemps, le triomphe de la vie sur la mort ; la gloire et l’épanouissement de la Saint-Jean au solstice d’été ; la douce amertume du souvenir de la Toussaint à l’équinoxe d’Automne ; les quatre étapes, espacées d’un quart d’année les unes des autres, étant en parfaite harmonie avec l’évolution de la Nature. Le Christianisme est ainsi l’héritier de toute une chaîne de religions, explications métaphysiques qui ont marqué notre histoire depuis que nous avons compris la grandeur de ces passages, puisque totalement hors de nôtre contrôle, comme en témoignent les monuments les plus anciens comme Stonehenge en Grande Bretagne qui permettaient de célébrer l’un ou plusieurs de ces moments particuliers de communication unilatérale avec le Cosmos.

Aujourd’hui avec les connaissances que nous avons acquises, aussi bien sur l’évolution conduisant de la matière à la vie, que des forces agissant dans l’Univers, on peut se poser la question des « autres », qui comme nous pourraient fêter leur Noël, sur une autre Terre sous d’autres cieux. Cela fait maintenant des dizaines d’années que l’on scrute le ciel, avec beaucoup d’attention et de passion, à la recherche d’un message. Le programme SETI remonte à 1960 avec l’astronome Frank Drake de l’Université Cornell qui chercha à capter des émissions provenant de Tau Ceti ou d’Epsilon Eridani dans les longueurs d’onde du spectre électromagnétique proches du « trou de l’hydrogène ». Comme vous le savez sans doute on n’a toujours rien trouvé, malgré les progrès considérables des moyens d’observation et l’affinement des méthodes de recherche. Ce n’est pas très encourageant mais l’enjeu est tel que les gens qui se sont investis dans cette recherche ne se découragent pas et qu’ils trouvent toujours des supports, y compris bien sûr financiers, pour continuer.

Ce silence veut quand même dire certaines choses et pour le moins que les civilisations extra-terrestres ne sont pas fréquentes. On peut imaginer de nombreuses raisons pour l’expliquer. Premièrement la vie si elle a surgi quelque part ailleurs, n’a pu commencer que relativement récemment, il y a quelques cinq milliards d’années. En effet au début de l’Univers et peut-être jusqu’à la naissance du Soleil, sa métallicité, c’est-à-dire sa richesse en éléments chimiques différents, était peut-être trop faible, les étoiles n’ayant pas eu suffisamment de temps pour les produire par nucléosynthèse à partir de l’hydrogène et de l’hélium primordiaux. Deuxièmement, si les étoiles sont innombrables, elles ne sont pas toutes propices à un développement comparable à ce qui s’est passé sur Terre. Elles peuvent être situées en dehors de la zone habitable galactique, c’est-à-dire trop près du trou-noir central, là où la proximité des autres étoiles les exposent à des phénomènes violents trop fréquents, ou trop loin, à la périphérie de la galaxie, là où « rien ne se passe », où les échanges de matière et de gaz sont trop peu nombreux et où la fréquence des supernovæ est insuffisante pour fournir les éléments nécessaires à la vie. Troisièmement, seules les étoiles de type solaire, diffusant une énergie régulière sur une longue période, pourraient permettre la lente éclosion du phénomène (songeons que nous sommes apparus sur Terre il n’y a qu’une seule seconde par rapport à une journée de 24h00 dans laquelle se serait déroulée toute l’évolution depuis la naissance du Soleil). Dans cette hypothèse, les géantes jaunes aussi bien que les naines rouges ne seraient pas qualifiées, les premières ayant une vie trop courte, les secondes limitant leur zone habitable à une proximité trop grande et donc trop dangereuse et instable. Quatrièmement, les planètes rocheuses sont relativement peu fréquentes dans la zone habitable d’étoiles de type solaire, la tendance étant plus généralement à la formation de Jupiter chauds ayant absorbé toute matière jusqu’à proximité de leur étoile. Cinquièmement, les étoiles simples sont relativement rares et les étoiles doubles gênent la formation de systèmes comprenant toute une gamme de planètes, les plus grosses, gazeuses offrant une protection aux planètes rocheuses plus proches et les nuages d’astéroïdes lointains pouvant être perturbés par la proximité des étoiles sœurs. Sixièmement, les planètes rocheuses disposant de suffisamment d’eau liquide, un peu mais pas trop, sont, elles aussi, probablement rares, la juste quantité d’eau dont bénéficie la Terre étant largement due au « Grand-tack » de Jupiter c’est-à-dire à sa descente vers le Soleil puis à son retour vers l’espace profond, plus loin que son point d’origine, sous l’influence de Saturne, au début de la formation du système solaire. Septièmement, la présence d’un astre compagnon aussi gros, relativement, que la Lune, est exceptionnel. C’est lui qui exerce une force de marée importante sur l’océan, générant une alternance d’humidification puis d’assèchement dans de larges zones de balancement des marées, et maintenant active une puissante tectonique des plaques qui renouvelle les roches et l’atmosphère et probablement notre magnétosphère. Huitièmement, il est toujours impossible de prouver qu’il y a automatisme conduisant la matière organique inerte aux formes les plus primitives de vie comme nos bactéries et nos archées. Neuvièmement, il est toujours impossible de prouver qu’il y a automatisme conduisant des formes les plus primitives de vie aux eucaryotes capables d’utiliser l’oxygène comme énergie, ce qui ensuite a conduit « chez nous » aux métazoaires dont nous sommes issus. Dixièmement, il n’y a aucune raison qu’une histoire biologique différente permette de dégager, grâce à quelques accidents (la fameuse météorite de Chicxulub par exemple), un créneau parmi les autres formes de vie, permettant le développement d’êtres comparables à nos mammifères. Onzièmement, le développement de formes de vie correspondant à celle de nos primates à partir des premiers mammifères n’était pas inscrite dans un quelconque livre du destin. Douzièmement, il en est de même pour l’apparition chez ces primates d’êtres comparables à l’homme. Treizièmement le développement chez cet « homme » de technologies comparables à celles que nous avons développées et qui pourraient nous permettre de communiquer avec d’éventuelles autres espèces situées ailleurs dans l’espace résulte d’un très long cheminement de recherches, d’expérimentations et de hasards. Quatorzièmement la survivance d’une population de niveau technologique élevée sur une période suffisamment longue pour entrer en contact avec d’autres est plus que problématique compte tenu des risques d’autodestruction qui croissent avec le progrès. Quinzièmement, la distance et le temps peuvent rendre impossible toute communication sauf à atteindre un niveau de développement qui pour nous relève encore de la science-fiction.

Je pourrais ajouter quelques « complications », quelques étapes, quelques points où des divergences se sont produites alors que rien ne permet de dire qu’elles étaient inévitables et que de toute façon les conséquences auraient été les mêmes si elles s’étaient produites avant ou après. Tout ceci pour dire qu’il ne peut y avoir quelque automatisme que ce soit, que nous sommes le produit d’une histoire très particulière qui ne peut sans doute pas être répétée et que nous sommes probablement uniques.

Alors Noël dans tout cela ? Si nous sommes seuls dans l’Univers, nos perspectives sont différentes que si nous sommes une espèce consciente et communicante parmi d’autres. Nous sommes des poussières infimes sur notre pâle-petit-point-bleu mais en même temps nous sommes un joyau précieux puisque unique. Cela nous donne un devoir dans le cadre de cette histoire merveilleuse qui a conduit jusqu’à nous, vis-à-vis de tout l’Univers désert et silencieux qui nous entoure et vis-à-vis de toutes les générations de vie qui nous ont précédé sur Terre. Nous devons continuer et transmettre et nous devons considérer la vie humaine pour ce qu’elle est, l’aboutissement actuel d’un phénomène évolutif extraordinaire que nous devons admirer, respecter et dont nous devons prendre soin en continuant à l’accompagner (ce qui ne veut pas dire que nous devons accepter béatement la prolifération désordonnée conduisant à l’asphyxie ; ce qui ne veut pas dire non plus que nous ne devions pas respecter notre environnement et les autres formes de vie).

Ainsi que le rapporte ses biographes, les évangélistes, l’enfant Christ a remis l’humain au centre du jeu cosmique en insistant sur la nécessité du renouveau constant pour la continuité. Lui aussi est venu dans un temps, ni trop tôt ni trop tard, où il était lui-même nécessaire et compréhensible et il me semble toujours actuel, dans une église ou en dehors de toute église. Il nous a montré le chemin pour nous encourager, nous ses frères, tout en nous laissant libres, à vivre ensemble dans la droiture et le respect des autres, dans l’amélioration constante et sans cesse renouvelée de nous-mêmes et de la société. De ce fait ce chemin est celui du progrès autant que nous pouvons le suivre et aujourd’hui, nous le découvrons maintenant du fait de nos connaissances acquises, celui des autres planètes et des étoiles qui nous appellent et auxquelles nous pouvons aujourd’hui répondre. Les rois mages suivaient une lumière qui leur indiquait la direction de la crèche où commençait la vie nouvelle. Nous restons libres de ne pas répondre à la nouvelle invitation des étoiles présentée par l’état présent de notre technologie mais ce serait plus que dommage car cela conduirait à notre dépérissement et sans nul doute à notre mort. Continuons donc, dans le souvenir, l’espérance et l’allégresse. Joyeux Noël !

Illustration de titre : comète de Halley, une des candidates pour l’étoile de l’Epiphanie. Photographie de W. Liller (1986). Crédit Nasa/W. Liller/NSSDC’s photo gallery.

 

ClearSpace, start-up suisse romande, devient via ADRIOS une entreprise européenne indispensable

Ça s’est décidé lors de la dernière conférence ministérielle de l’ESA (« Space 19+ »), la start-up ClearSpace issue de l’EPFL* va diriger un consortium européen chargé d’appliquer le programme ADRIOS (« Active Debris Removal / In-Orbit Servicing ») pour entreprendre le nettoyage de l’orbite basse terrestre de ses satellites devenus non-opérationnels donc inutiles et de ses débris de satellites. Elle sera dotée d’un budget initial de 86 millions d’euros de fonds publics apportés par huit pays membres et devra rechercher un complément auprès de sponsors ou d’investisseurs privés pour atteindre la centaine de millions d’euros nécessaires pour initier ce programme.

*Pour les lecteurs non connaisseurs de la Suisse, je précise que l’EPFL, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, est l’université implantée en terres francophones qui jouit de la meilleure appréciation au monde (18ème au classement QS). Elle est orientée sur l’ingénierie mais pas seulement. Selon sa propre présentation « ses trois missions sont l’éducation, la recherche et l’innovation. L’EPFL  forme des scientifiques, ingénieurs, architectes, et encourage le transfert de technologie vers l’économie et la société civile ». Il me semble approprié de le rappeler dans ce contexte.

Rappelons tout d’abord le problème que l’ESA vient de demander à ADRIOS de traiter :

Depuis le début de l’ère spatial, qui est quand même récent, on a envoyé plusieurs milliers de satellites dans l’espace. Jusqu’à une altitude d’environ 600 km (la station spatiale internationale évolue à environ 450 km) les débris redescendent en moins de 25 ans (ce qui n’est pas rien tout de même !) dans une atmosphère suffisamment épaisse où ils sont brûlés par frottement avec l’air environnant. Mais plus on s’élève, plus le désorbitage « naturel » (on dit « self-cleaning ») est lent et plus la pollution est forte. Et l’on envoie des satellites à toutes les altitudes (on parle ici de l’orbite basse terrestre, « LEO », non de l’espace plus lointain qui par ses dimensions ne peut évidemment souffrir du même fléau), surtout autour de cette moyenne, en fonction des besoins d’observations de la Terre et de communications tout autour du globe (on a intérêt à être au plus près de la Terre pour réduire au maximum les petits décalages de temps dus à la vitesse de la lumière mais il faut être placé suffisamment haut pour ne pas redescendre trop vite). Plus le temps passe plus cette pollution s’aggrave, par le nombre de lancements effectués et par les inévitables collisions qui créent et multiplient les débris vers l’infini (phénomène décrit par ce qu’on a nommé le « syndrome de Kessler »). A des vitesses de l’ordre de 28.000 km/h on imagine les risques que cela crée pour toute nouvelle mission ou toute mission encore opérationnelle et vitale pour le fonctionnement de nos activités terrestres. Par ailleurs les satellites et débris prennent la lumière beaucoup plus longtemps chaque nuit que les objets restés sur Terre et gênent considérablement les observations de nos astronomes opérant avec des télescopes situés à la surface terrestre, d’autant que les observations portent souvent sur des événements extrêmement brefs ou sur des sources dont le rayonnement jusqu’à nous est extrêmement faible.

Certes, depuis plusieurs années maintenant, les satellites comportent presque tous (mais pas tous !) un système de désorbitation qui consiste à les freiner en fin de mission pour les faire chuter dans une atmosphère plus dense, mais ils doivent pour cela avoir conservé les ergols nécessaires et le moteur doit fonctionner ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas…et il faut aussi prendre en compte les pannes ou les impacts, bref l’ensemble des mises hors service non prévus.

Le résultat c’est que nous avons « en l’air » (en orbite basse terrestre) quelques 3.000 satellites hors d’usage et 2.000 satellites en service mais certains des satellites hors d’usage ont perdu pour une raison ou une autre leur intégrité et nous avons en réalité quelques 34.000 débris d’une taille d’au moins 10 cm, qui se déplacent de façon erratique et incontrôlable à des vitesses énormes. Plus on attend pour agir, plus les collisions se produisent et plus le nombre de débris augmente. On voit bien les conséquences que cela peut avoir et le problème ne va pas s’arranger tout seul puisque certaines sociétés commencent à lancer des « constellations » de satellites (menant une même mission de concert) dans certains cas des centaines ou même dans le cas du programme Starlink d’Elon Musk, des milliers (12.000 prévus, 122 lancés à ce jour et 1.600 pour une première tranche à 550 km, d’autres iront jusqu’à 1325 km). Si cela continue on se retrouvera tous bloqués sur Terre par nos déchets et l’exploration spatiale deviendra impossible sans compter qu’on ne pourra plus utiliser l’espace pour nos activités terrestres. Les lanceurs ou opérateurs de satellites et les compagnies qui les assurent semblent heureusement de plus en plus conscients du problème.

La réponse apportée par ClearSpace et l’ESA :

Pour qu’une solution à un tel problème existe il faut une technologie convaincante, un client qui paye et un fournisseur qui puisse procurer le service demandé. L’ESA, l’un des plus gros lanceurs de satellites, a pris l’initiative en lançant un appel d’offres international pour traiter ses propres épaves et débris et la meilleure proposition reçue a été celle de ClearSpace ce qui est absolument remarquable compte tenu du fait que ClearSpace n’est à ce jour qu’une start-up. Elle a su convaincre parce que son projet a semblé à l’ESA être le plus adapté à la résolution du problème sur le plan technique et parce que le « backing » de l’EPFL et le choix des 13 membres de son consortium (dont les principaux « intégrateurs » du spatial européen) lui a donné une très bonne crédibilité. ClearSpace, dirigée par Luc Piguet, diplômé de l’EPFL et affilié à son département eSpace, Centre Spatial de l’EPFL, a été constituée à partir du projet CleanSpace One initié par Muriel Richard de ce même Centre Spatial, en 2012. Il s’agissait d’abord de lancer (en 2024) un satellite expérimental « CleanSpace One » pour aller décrocher le nano satellite SwissCube (lancé par l’EPFL en 2009) puis, sur la base de cette expérience, de commercialiser un service de satellites récupérateurs-désorbiteurs qui serait adapté aux divers types de débris à traiter. Avec la mission ADRIOS il s’agit maintenant d’aller « décrocher » en 2025 le second étage (plus précisément un adaptateur de satellites secondaires), « VESPA » (« Vega Secondary Payload Adapter »), d’un lanceur envoyé par l’ESA dans l’espace en 2014 et qui se trouve entre 800 et 660 km d’altitude (taille de 1,80 x 2,00 mètres et masse de 120 Kg). Pour ce faire, ClearSpace, après avoir finalisé les détails de son offre avant Mars 2020 et le contour de son consortium, va envoyer un nouveau lanceur à proximité de cette épave et va la récupérer avec un petit satellite désorbiteur disposant d’un moteur d’approche (processus très délicat car l’épave est par définition non équipée pour être manœuvrée), d’un dispositif de saisie (filet, pince à deux ou plusieurs branches, bras robotique) et d’un dispositif de freinage.

La suite :

Cette première mission sera logiquement suivie par beaucoup d’autres et pourra porter sur plusieurs objets à la fois. Au-delà de la technologie très élaborée sur le plan de l’ingénierie (conception et réalisation), il faudra que la start-up se transforme en entreprise ce qui est un défi important car il lui faudra non seulement animer le consortium réuni pour obtenir ce premier marché mais aussi disposer constamment des réseaux des fournisseurs les plus qualifiés, coordonner leur travail et faire évoluer l’ensemble en fonction des retombées d’expérience sur le « terrain », changer de taille en fonction des nouveaux marchés tout en restant innovante et performante. Dans le cas présent cette adaptabilité sera clef car on peut imaginer que les concurrents, européens ou étrangers, ne vont pas manquer. Ce qui est très positif c’est que Luc Piguet semble très conscient des difficultés et qu’il est prêt à les affronter, en mettant l’accent sur la nécessité d’être à l’écoute des membres de son équipe, choisis chacun pour ses connaissances et ses compétences, et de les diriger comme un véritable chef d’orchestre. On peut espérer aussi que les bonnes relations avec l’ESA seront confirmées (l’opération VESPA sera évidemment capitale) et heureusement la demande va sûrement être de plus en plus forte compte tenu des problèmes croissants de pollution et compte tenu du développement dans l’« Opinion » d’un environnement psychologique très porteur pour que les entreprises assument leurs responsabilités écologiques.

Le financement :

Le désorbitage du « morceau » de Vega va avant tout être une démonstration de capacité technologique mais il va aussi coûter cher car le satellite désorbiteur, son lancement dans l’espace puis son guidage et son pilotage sont des « premières ». Ce qu’il faut envisager pour la suite ce sont des productions en série, une pluralité de lancements et le développement d’une pratique professionnelle qui feront baisser les coûts unitaires des opérations de récupération. Mais pour aller plus loin, il faut aussi envisager que les services de ClearSpace soient financés par des compagnies d’assurance dont les primes seront payées par les opérateurs ou les lanceurs de satellites. C’est le seul moyen de ramener le prix de ces services à un niveau raisonnable pour tous ceux qui auront eu la malchance de créer sans le vouloir une nouvelle épave. Ceux qui par négligence ne se seront pas assurés devront assumer d’être contraints de payer tout seuls une mission de récupération spécifique, sous la menace de la très forte réprobation des « autres » , professionnels de l’espace ou simples Terriens écologiquement conscients, et cela continuera à leur coûter cher même si ce sera moins que les premières missions.

A priori être actionnaire de ClearSpace ne sera pas un mauvais placement. Les investisseurs sont les bienvenus. Longue vie à la nouvelle entreprise !

Illustration de titre : schéma de la capture de VESPA (crédit ClearSpace)

Illustration ci-dessous : les satellites et débris en orbite autour de la Terre (évidemment ces débris ne sont pas à l’échelle par rapport à la Terre…mais comme vous le voyez ils sont très nombreux) : http://stuffin.space/

Autres liens :

file:///F:/ADRIOS/Press%20release%20ClearSpace_ESA-Fr.pdf

https://actu.epfl.ch/news/une-start-up-de-l-epfl-conduira-une-mission-pour-n/

https://www.esa.int/Safety_Security/Clean_Space/ESA_commissions_world_s_first_space_debris_removal

https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/leurope-lance-sa-premiere-mission-de-nettoyage-de-lespace-1155064

J’ai traité le sujet de ClearSpace dans mon article de blog du 08 juin 2019 :

https://blogs.letemps.ch/pierre-brisson/2019/06/08/clearspace-une-entreprise-de-salut-public-pour-notre-cognosphere/

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Pour rendre possible la vie sur Mars, Interstellar Lab va nous apprendre à mieux vivre sur Terre

Une start-up franco-américaine, « Interstellar Lab », a entrepris, sous la conduite de sa fondatrice Barbara Belvisi, de réaliser le premier des rêves de la Mars Society, la réalisation sur Terre d’un établissement humain préfigurant et donc préparant les futurs établissements humains sur Mars. Par la même occasion elle veut démontrer que ces établissements seront très utiles pour l’évolution sur Terre vers des villes économes et autonomes sur le plan écologique car sur Mars elles devront par nécessité fonctionner en boucles bio-régénératives fermées avec un minimum de ressources (difficiles à importer et/ou à produire sur place). Et ce qui me rend, en tant qu’économiste, la start-up encore plus sympathique, c’est qu’elle a compris que pour devenir autonome et perdurer, elle devait rechercher et contrôler un flux de ressources commerciales. Par extraordinaire (mais c’est sans doute simplement la logique imposée par les contraintes résultant du contexte), ces ressources sont les mêmes que celles que j’avais envisagées de mon côté pour les futures communautés martiennes.

Avant de s’investir et d’investir dans le « New Space », Barbara Belvisi avait co-fondé « Hardware Club », un fonds de capital-risque spécialisé dans l’électronique et la robotique et elle avait contribué aux lancements de l’incubateur « The Family » et du « Hello Tomorrow Challenge », un évènement dédié aux « deep-tech ». Elle n’est donc pas novice en matière de technologies et de « business » et c’est important pour ce qu’elle entreprend maintenant avec une petite équipe de 7 personnes dont plusieurs ingénieurs. Le projet d’Interstellar Lab, baptisé « EBIOS » (pour « Experimental BIOregenerative Station »), consiste à construire en Californie, sur 70.000 m2 dans le désert des Mojaves (à 4 heures en voiture du centre de Los Angeles), un petit « village » constitué d’habitats et de serres, permettant à une centaine de personnes de vivre dans une autonomie maximum en recyclant ou régénérant par des processus « bio » tout ce qui peut l’être, à l’intérieur de structures d’un type que l’on pourrait construire sur la Lune ou sur Mars (cf illustration de titre). Pour le moment on ne recyclera pas l’atmosphère (ce n’est pas une priorité sur Terre !) mais on recyclera l’eau en utilisant les plantes, on recyclera également les matières organiques, autant que possible les matières non-organiques et on tentera dans tous les domaines de vivre avec les ressources locales en produisant son énergie (solaire bien sûr !), son alimentation (végétale) à l’issue de boucles bio-régénératives, et en construisant les habitats ou les dômes de vie commune grâce à l’impression 3D. C’est exactement ce qu’on devra faire sur Mars où l’on aura toujours une barrière énorme au transport de masses et de volumes, la capacité d’emport de nos fusées étant limitée et le coût de leur utilisation restant forcément élevé. Le transport n’est en effet nulle part gratuit et il coûtera toujours cher entre les planètes (production et entretien des infrastructures de l’astroport, des lanceurs et des vaisseaux spatiaux, des ergols ; contrôle et remise en état des lanceurs et vaisseaux spatiaux après usage et avant réutilisation ; entretien de l’aménagement intérieur des cabines et espaces communs ; formation et rémunération des personnels affectés au pilotage et aux services pendant le voyage et ce d’autant que personne ne pourra probablement effectuer plus qu’un petit nombre de voyages – 3 ou 4 – en raison des doses de radiations accumulées).

Le concept d’Interstellar Lab est de mettre à disposition une base de recherche sur les systèmes bio-régénératifs et de vie au sein de systèmes fermés (« ECLSS » pour « Environmental Control & Life Support System ») aussi réaliste que possible et, en même temps, de générer des ressources d’une part en hébergeant les scientifiques intéressés par les recherches susmentionnées et d’autre part en louant des résidences à l’intérieur d’EBIOS à toute personne intéressée par l’expérience de la vie dans cet endroit étrange (entre 3000 et 6000 dollars la semaine). Barbara Belvisi a visé juste en choisissant l’emplacement du premier village près de Los Angeles, ville dont la population est importante, les revenus moyens élevés et l’intérêt pour le spatial, très fort. Par ailleurs Los Angeles est un des centres de la NASA et Interstellar Lab compte dans son conseil d’administration, le Dr. Greg Autry, une forte personnalité, qui a été membre du dernier Space Review Team et a servi de liaison entre la NASA et l’exécutif sous cette administration. Il est particulièrement intéressé par l’entrepreneuriat et l’économie « New Space » (qu’il enseigne à l’Université de Southern California). En dehors de l’intérêt pour la préparation à la vie sur Mars, on voit clairement ce que le projet EBIOS peut apporter à la vie sur Terre : l’apprentissage d’une activité normale avec un impact écologique minimum (donc réduit par rapport à aujourd’hui), la démonstration que l’on peut vivre dans les endroits a priori les plus hostiles (les habitants des pays en voie de désertification ou des pays ou la pollution est très forte, apprécieront) et aussi que la remédiation à la détérioration de l’environnement par la technologie n’est pas un vain concept en dépit des doutes clairement affichés par les écologistes extrémistes partisans de la décroissance.

Comme dit précédemment, ce que j’apprécie le plus dans ce projet EBIOS et qui le distingue vraiment (en mieux !) des simulations de la Mars Society c’est que Barbara Belvisi a compris l’intérêt sinon la nécessité de le mener comme une entreprise commerciale. Elle ne cherche pas à le développer et le faire vivre sur des dons privés ou des subventions publiques à fonds perdus, sentant bien que sur ces bases il ne pourrait être durable. Elle veut en faire une entreprise rentable (et je pense que c’est aussi probablement l’esprit des premiers sponsors), c’est-à-dire faire en sorte que son offre fasse l’objet d’une demande solvable suffisante pour dégager une marge positive. Elle l’initie bien sûr avec des sponsors mais ceux-ci sont aussi des investisseurs qui n’espèrent pas seulement une valorisation de leur image mais une aide à leur propre « business ». Ensemble ils veulent gagner de l’argent pour en tirer des bénéfices et pouvoir, outre l’agrément personnel qu’ils pourront en tirer, les réinvestir pour développer le projet et le reproduire ailleurs dans le monde en l’améliorant de plus en plus. Ce principe « basique » d’économie est le meilleur gage de pérennité. Illustrant cet état d’esprit il est intéressant de noter que le principal sponsor d’Interstellar Lab, Bruno Maisonnier, est lui aussi un entrepreneur qui a su réussir aussi bien sur le plan de son concept, en le concrétisant de manière très satisfaisante, que sur le plan financier en le revendant un très bon prix et qui pourra utiliser EBIOS pour son intérêt propre. Rappelons qu’il est le créateur d’Aldébaran, cette société qui a conçu les petits robots humanoïdes qu’Arnaud Montebourg a pris dans ses bras et que le monde entier a pu admirer, et qui a été assez rapidement vendu au japonais Softbank (faute de pouvoir être développé sur capital français). Bruno Maisonnier veut maintenant donner le maximum d’intelligence (artificielle bien sûr) à ses robots et le projet EBIOS « tombe bien » car un des problèmes de Mars (ou de la Lune) sera la faible population et l’étendue des tâches à accomplir avec le maximum d’autonomie, donc l’environnement idéal pour les robots qu’il pourrait concevoir. Sa coopération avec Barbara Belvisi qui lui offrira un remarquable espace d’expérimentation et de démonstration, semble a priori devoir être « gagnante-gagnante ».

Il existe déjà des expériences de vie écologiquement autonomes préfigurant les villes que l’on pourrait construire « sur d’autres astres sous d’autres cieux » mais aucune ne semble avoir choisi la voie du réalisme comme veut le faire Interstellar Lab. « Biosphere-2 » avec son projet totalement fermé était trop ambitieux, surtout à son époque (1991-1993 et 1994). De son côté la Mars Society ne recherche que des « utilisateurs » (et non des « clients ») désireux de faire des simulations plus ou moins scientifiques et se prive de l’attrait touristique donc commercial que présentent ses habitats. Ce qui caractérise EBIOS c’est son approche « bottom-up » (ou comme Barbara Belvisi le dit, « from the ground-up ») et ouverte au commerce. Il ne s’agit pas de chercher à réaliser tout de suite le but qu’on envisage mais uniquement ce qu’il est possible de faire aujourd’hui sans oublier l’objectif qui est celui des vrais habitats martiens (ou lunaires). Biosphere-2 a échoué parce qu’il était impossible de contrôler un habitat aussi complexe que celui que ses promoteurs avaient envisagé; les bases de simulation de la Mars Society végètent parce que les candidats aux simulations sont insuffisants par rapport aux coûts de fonctionnement générés par chacune. Il en résulte que leur confort est spartiate, ce qui n’est pas grave, mais aussi, que leur réalisme est moindre que celui qu’envisage Interstellar Lab par rapport aux habitats spatiaux futurs et leurs moyens de recherche devraient être en fin de compte beaucoup plus limités. Cela n’exclut pas pour Interstellar Lab d’avoir l’intention d’adopter des règles très « avancées » vers le futur quand il est possible de le faire. Ainsi dès le début, les plus grandes précautions (segmentations des espaces de vie, de culture, de travail) seront prises afin d’éviter les contaminations microbiennes car ces contaminations dans un milieu écologique clos donc de petit volume, présentent un risque de ce type extrêmement élevé puisqu’il ne peut y avoir l’effet tampon (diffuseur de ce risque) qu’offre les grands volumes (comme la biosphère terrestre par exemple) et les déséquilibres sont extrêmement difficiles à maîtriser ou piloter si on les laisse se développer.

Cette première implantation devrait coûter un maximum de 30 millions de dollars. Barbara Belvisi les obtiendra mais si vous voulez participer vous-même au projet, n’hésitez pas à la contacter, ce ne sera certainement pas « à fonds perdus ». Après il y aura d’autres village, le suivant en Floride mais aussi dans d’autres environnements tout aussi extrêmes que le désert des Mojaves pourvu qu’ils soient également facilement accessibles aux touristes. Comme il en est prévu aussi en Europe, pourquoi ne serait-ce pas en Suisse, en haute montagne, pour remplacer certains refuges, nos « cabanes » comme on dit, vieillissants ou insuffisants en capacité ou en équipements, où les problématiques concernent l’approvisionnement, les déchets et le recyclage, et bientôt la réadaptation à de nouvelles formes de tourisme compte tenu de la fonte des glaces ?

Illustration de titre: EBIOS dans le désert des Mojaves, vue d’artiste (crédit Interstellar Lab).

Liens:

http://interstellarlab.earth/about

https://www.usinenouvelle.com/editorial/l-industrie-c-est-fou-la-start-up-francaise-interstellar-lab-developpe-vraiment-des-villages-autonomes-pour-la-terre-et-l-espace.N905729

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