Les 26 yeux de PLATO vont nous permettre de détecter des exoplanètes de type terrestre dans la zone habitable des étoiles proches de type solaire

PLATO est l’acronyme de “PLAnetary Transits and Oscillations of stars”. C’est l’un des deux projets de missions robotiques scientifiques dont la préparation est mise en exergue par l’ESA dans son nouveau budget triennal. La mission fait partie du programme à long terme « Cosmic-Vision » de l’ESA qu’il était déjà prévu de réaliser entre 2015 et 2025 et elle vient d’être en quelque sorte « mise sur orbite » avec quelques autres, par la dernière conférence interministérielle de l’ESA (Novembre 2022). Son originalité qui doit lui permettre des performances jamais atteintes dans la détection des exoplanètes, est à souligner.

Le contexte

Pour la situer, regardons les questions auxquelles le programme Cosmic-Vision doit permettre de répondre : « Quelles sont les conditions de formation des planètes et d’émergence de la vie ? Comment fonctionne le système solaire ? Quelles sont les lois physiques fondamentales de l’Univers ? Comment l’Univers est-il né et de quoi est-il fait ? » (selon les termes du rapport de définition de mission). Dans ce cadre les diverses missions sont classées « S » pour les petites (au niveau des agences spatiale des pays membres, coût environ 50 M€), « M » pour les moyennes (ESA seule ou en partenariat, coût environ 500 M€) et « L » pour les grosses (avec direction européenne, coût environ 900 M€). Une dernière catégorie, « F » pour « Fast », comprend de petites missions qui peuvent être montées et lancées « rapidement » avec les missions M.

La première mission S est CHEOPS (lancée en 2019, exoplanètes, conçue par l’Université de Berne). Les missions M sont Solar Orbiter (M1, lancée en février 2020), Euclid (M2, énergie sombre et matière noire, lancement prévu en 2023), PLATO (M3, objet de cet article), ARIEL (M4, exoplanètes, lancement prévu en 2029) et EnVision (M5, Vénus, lancement prévu au début de la décennie 2030). Les missions L sont JUICE (L1, pour les lunes de Jupiter, lancement prévu pour l’été 2023), ATHENA (L2, observatoire à rayons X) et LISA (L3, ondes gravitationnelles). Les deux missions F prévues sont Comet Interceptor et ARRAKIHS (pour tester certains aspects du modèle standard de la cosmologie – ΛCDM – à partir de l’observation des galaxies naines et des courants stellaires de leur environnement).

A l’issue de la réunion interministérielle de Novembre 2022, l’ESA a mis en exergue JUICE et Euclid (L1 et M2), PLATO et ARIEL (M3 et M4), et Comet Interceptor (F1). On peut en déduire que ces missions vont être complétées ou développées en priorité. Je vous parlerai donc aujourd’hui de PLATO.

L’objet

L’objet principal de PLATO est d’étudier les planètes de type terrestre orbitant autour des étoiles de type solaire à l’intérieur de leur zone habitable. Ces planètes sont évidemment les plus intéressantes mais aussi plus difficiles à observer que les grosses et ceci d’autant plus qu’elles orbitent des étoiles à forte luminosité (et non pas des naines-rouges). Elles ne parcourent en effet leur orbite que sur une période proche de l’année terrestre (elles doivent être suffisamment éloignées de l’étoile pour être dans sa zone habitable) et elles n’ont qu’un effet très réduit sur leur étoile, du fait de leur différence de masse et de luminosité. Nous n’avons à ce jour identifié aucune véritable « nouvelle Terre » bien que nous ayons découvert plus de 5000 exoplanètes (5277 confirmées le 09/12/2022).

Pour atteindre son objectif, PLATO fournira, selon les termes du rapport de définition de mission, « des informations clés (rayons planétaires, densités moyennes, âges, irradiance stellaire et architecture des systèmes planétaires) nécessaires pour déterminer l’habitabilité ». Et elle sera en mesure de le faire car « elle pourra capitaliser sur les énormes développements de la photométrie de haute précision depuis l’espace et des techniques de spectroscopie ultra-stable à partir du sol qui ont été largement dominées par l’Europe au cours des 20 dernières années. » NB : la photométrie est l’étude quantitative de la transmission du rayonnement lumineux.

Comme évoqué, l’étude de PLATO ne se limitera pas à la planète seulement mais elle portera aussi sur l’étoile dont elle dépend et le système planétaire auquel elle appartient. Utilisant la technique d’« astérosismologie » , le télescope va pouvoir déduire l’âge de l’étoile du fait de son activité. A noter que parler de petites exoplanètes oblige à ce que l’étoile autour de laquelle elles tournent, ait pour nous une forte visibilité (autrement leur influence sur elle ne serait pas perceptible). Autrement dit, on ne va rechercher que les étoiles de cette catégorie qui ont une magnitude apparente (« V ») élevée, donc qui sont relativement proches de notre système solaire. De ce point de vue on va se « focaliser » sur les étoiles de magnitude V<11 à V=13 (NB : Hubble « voit » jusqu’à V=31 et l’œil nu jusqu’à V=6). Ce qui n’exclut bien sûr pas que l’on étudie les étoiles plus lumineuses et certaines moins lumineuses si elles paraissent intéressantes. L’objet secondaire de PLATO, clairement énoncé, est bien d’étudier toute étoile ou planète qui serait accessible à l’observation du fait des capacités disponibles. Cela permettra notamment de compléter la base de données de Gaia. L’étude d’une multitude de systèmes permettra de les comparer les uns aux autres et à notre propre système solaire et permettra de mieux comprendre ce qui fait la spécificité de ce dernier.

Toute planète jugée « intéressante » pourra faire ensuite l’objet d’une étude plus poussée par des télescopes plus puissants dont nous disposons tels que le JWST ou l’E-ELT (quand il sera prêt). On peut espérer ainsi analyser leur atmosphère par spectrographie lors des transits.

Les moyens

Le moyen utilisé principalement sera donc la photométrie. Les variations d’intensité de rayonnement permettront l’étude des transits des planètes (devant l’étoile et lors de leur passage derrière l’étoile), aussi bien que l’évaluation de leur albedo, et l’astérosismologie de leur étoile. Ce sera la première fois qu’on pratiquera cette technique systématiquement. Il s’agit de suivre les oscillations de luminosité de l’étoile pour en déduire son activité de convection interne et donc sa composition aussi bien que son stade d’évolution (son âge). On attend plusieurs milliers de courbes lumineuses planétaires et de 300.000 à 1.000.000 de courbes lumineuses stellaires. La précision de la photométrie permettra aussi l’utilisation du TTV (Transit Timing Variation) c’est-à-dire l’étude de l’éventuelle perturbation de la durée d’un transit par le passage d’une autre ou de plusieurs autres planètes (les premiers TTV ont été utilisés avec KEPLER mais pour de grosses planètes).

Les missions précédentes

PLATO n’est évidemment pas le premier observatoire dédié à la détection des exoplanètes. Il y a eu notamment KEPLER, TESS et CHEOPS. Mais c’est l’observatoire auquel on va donner le plus de chances de détecter une nouvelle Terre dans la proximité de la Terre. KEPLER (NASA) devenue K2 après la perte de ses roues de réaction (et jusqu’à sa fin, en 2019), était beaucoup plus limité dans sa sensibilité. Comme un crayon lumineux, il explorait un tout petit secteur du ciel (0,28%), 20 fois plus petit que celui de PLATO mais sur une très grande profondeur (3000 années-lumière), et sans pouvoir focaliser longtemps une cible. Il ne pouvait donc voir que de grosses planètes orbitant très près de leur étoile. TESS (« Transit Exoplanet Survey Satellite ») également conçu et réalisé par la NASA, était plus précis mais il ne travaillait que sur les étoiles les plus brillantes (et plus brillantes que celles que va voir PLATO). Surtout il passait d’une bande d’observation à l’autre tous les 27 jours et ne pouvait donc distinguer que les planètes à plus courtes périodes orbitales sauf bien sûr dans la région polaire puisque c’est là que se rejoignent toutes les bandes d’observations. Mais cette région polaire ne représente que 2% de la voute céleste. Sa mission, prolongée, s’est terminée en Septembre 2022. CHEOPS est une mission de suivi et de caractérisation qui n’a pas vocation à découvrir de nouvelles exoplanètes mais à mieux les comprendre (période orbitale, densité…). Elle est en cours, jusqu’à la fin du premier semestre 2023.

Le fonctionnement

PLATO va pouvoir observer la même grande surface sur la durée d’au moins une année terrestre. Elle  pourra donc observer au moins deux transits de la même planète de type terrestre. Cela elle le doit à un dispositif très ingénieux, 24+2 petits télescopes de 20 cm de diamètre (ses « yeux ») qui fonctionnant ensemble, donneront l’équivalent d’un miroir primaire de 100 cm et couvriront constamment en surface sur la voûte céleste 10.000 fois la surface de la Lune soit 2232 degrés carré (NB : La totalité du ciel fait 41253 deg2). Elle maintiendra cette couverture à partir d’une orbite large autour du point de Lagrange L2, donc libre de toute interférence solaire ou terrestre (TESS et CHEOPS sont sur des orbites terrestres). Chaque télescope est équipé d’une caméra (24, « normale », 2 « rapides »). En réalité sur les 26 télescopes/caméras, 2 ont un rôle particulier, celui de maintenir le bon positionnement de l’instrument (attitude) et son orientation. Outre que l’utilisation de tous ces télescopes/caméra ensemble donnera un champ de vision plus large, elle permettra d’améliorer le ratio signal/bruit (donc de distinguer des déplacements/fluctuations plus petits que jamais). Chaque télescope a un champ de vision de 1037 deg2 et on parviendra aux 2232 degrés carrés collectifs en les combinant en quatre groupes de 6. Accessoirement ils observeront les astres les plus brillants (V de 4 à 8). Le pointage pourra être maintenu pendant plus d’un an mais il devra y avoir, sans quitter l’objectif, rotation des panneaux solaires de 90° tous les trois mois afin que la surface de ces panneaux puisse garder la meilleure orientation par rapport au Soleil. Les prises de vue des 24 caméras « normales » se feront toutes les 25 secondes, celles des caméras rapides, toutes les 2,5 secondes. L’observatoire fonctionnera pendant au moins 3 ans soit 2 ans d’observations primaires suivie d’une année d’observation spécifique sur les points les plus intéressants (confirmation de transits) ou bien deux fois deux ans. NB : en principe, le signal d’une planète n’est pas confirmé comme scientifiquement exploitable à moins de trois transits. Mais la durée de vie possible est plus longue (6,5 ans) « au cas où » (il y a souvent eu des extensions de missions) et, toujours « au cas où », les consommables seront fournis pour 8 ans. Le lancement est prévu en 2025 ou 2026, avec un « petit » problème car il était prévu à ce niveau une coopération avec les Russes (utilisation d’une fusée Soyouz !).

L’observatoire spatial sera complété par une installation au sol (observatoires terrestres existant) qui mènera des observations spectroscopiques sur les cibles identifiées et qui, par la détermination de la vitesse radiale de l’étoile, vont pouvoir évaluer la masse de la planète.

Le contracteur principal de l’ESA est la société allemande OHB System AG qui travaille avec Thales Alenia Space (France et Grande Bretagne) et Beyond Gravity (Zürich, Suisse). NB : Beyond Gravity est l’ancienne RUAG Space (changement de nom en Mars 2021). Pour PLATO, Beyond Gravity fournira le système qui utilisera l’énergie solaire (panneaux solaires de 30 m2). Les panneaux solaires procureront aussi l’isolation thermique aux caméras et aux équipements électroniques.

La mission est préparée et sera suivie par un « consortium » de quelques 350 scientifiques de 23 pays (européens auxquels se sont joints quelques américains et brésiliens) : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Chili, Danemark, Espagne, Etats-Unis, France, Hongrie, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume Uni, Slovénie, Tchéquie, Suède, Suisse. Le PI (Principal Investigator, chef de projet) est actuellement la Professeure Heike Rauer de la DLR (agence spatiale allemande). Elle a succédé en 2012 au Dr Claude Catala de l’Observatoire de Paris. Les co-PI sont le Dr Miguel Mass-Hess (CSIC INTA, Madrid) et la Dre Isabella Pagano (INAF, Italie). Les participants suisses au Consortium sont membres de l’Université de Berne (notamment le Professeur Willy Benz) et de l’Université de Genève (notamment le professeur Stéphane Udry).

Le financement est fourni par les pays membres de l’ESA. Reste le problème, ennuyeux, du lancement ! Mais après les deux premières années d’observation, on aura peut-être enfin découvert et certifié une vraie nouvelle-Terre ? Je suis impatient !

Il y en a encore pour “un peu” de temps ! En attendant je vous souhaite une belle et bonne année 2023.

Illustration de titre : l’observatoire spatial PLATO, vue d’artiste, crédit ESA/ATG medialab.

Liens :

https://platomission.com/

https://platomission.files.wordpress.com/2018/05/plato2-rb.pdf

https://www.esa.int/Science_Exploration/Space_Science/Plato_factsheet

https://www.aanda.org/articles/aa/full_html/2019/07/aa35269-19/aa35269-19.html

 

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L’appel de Mars

Certains jouissent simplement du merveilleux globe bleu où ils vivent immergés. D’autres, au-delà du doigt regardent la Lune, éloignée mais sur laquelle on pourra bientôt retourner. Personnellement et comme je l’espère, beaucoup d’autres que moi, je me sens puissamment attiré par l’autre objet que l’on voit sur la photo, la toute petite bille ocre et terne, d’autant plus intrigante qu’elle est discrète, Mars, encore plus loin que la Lune, « beaucoup plus loin que loin » comme aurait dit Coluche.

Cette photo et le commentaire que je lui donne, expriment assez bien pour moi les différents états d’esprit qui permettent de classer nos contemporains. J’en vois trois catégories. Ceux de la première se soucient peu du monde extérieur à leur bulle, ils se cantonnent dans notre biosphère de tout temps considérée immense mais que l’on ressent de plus en plus rétrécir au fur que nous circulons et que nous communiquons mieux ; les étoiles ne sont pour eux que de belles lumières scintillant sur la voûte céleste, un décor intangible pour la poésie et pour l’amour (cette dernière appréciation étant, je le reconnais, également partagée par beaucoup d’hommes et de femmes des autres catégories). Ceux de la deuxième gardent les pieds sur Terre et veulent y rester mais ils ont conscience de l’espace environnant et ils veulent mieux le connaître pour éventuellement élargir leur domaine d’action et en tirer profit toujours sur cette même Terre. Ceux de la troisième sont prêts à vraiment partir, à larguer les amarres, ou même pour certains à rompre les ponts, par attrait de l’inconnu ou par amour de l’aventure. Quand ils voient Mars, ils s’y projettent corps et âme, pour le moment par la seule pensée mais aussi par leur réflexion et leurs calculs devenant dans certains cas leur travail. Ce ne sont pas les plus nombreux mais ce sont les plus curieux et les plus rêveurs. Ce sont aussi les plus exigeants, ceux qui ne se contentent pas de la Lune ou qui même, pour les plus extrémistes, la dédaignent, parce qu’elle est trop proche, trop petite et trop grise, mais qui comprennent que Mars puisqu’elle n’est pas aujourd’hui aussi morte et qu’« elle a de beaux restes », a pu être autrefois vivante et qu’elle pourrait peut-être le redevenir, au moins suffisamment, avec eux, pourvu qu’ils utilisent les forces technologiques nécessaires qu’eux-mêmes aujourd’hui peuvent mobiliser.

Cela ne veut pas dire qu’ils refusent de passer par la Lune pour atteindre Mars. Au contraire, la déesse Artemis avec son fin croissant de lumière en diadème dans les cheveux ou bien qu’elle brandit comme un arc lorsqu’elle chasse, est la bienvenue pour concrétiser leur projet car c’est elle qui va leur/nous ouvrir la porte, pourvu que nous ne la négligions pas et sachions la séduire en lui rendant régulièrement visite avec nos missions aujourd’hui programmées, en la suivant sur le terrain, nature-sauvage/espace-profond, où elle nous ouvre le chemin, et en lui démontrant que nous apprécions tous ses charmes. Plus qu’un autre intercesseur, il semble aujourd’hui que c’est elle qui puisse le mieux faciliter l’envoi de notre vaisseau, que l’on peut voir comme la pointe acérée d’une flèche tendue sur le fil de notre savoir par sa main délicate et puissante accompagnant et guidant la nôtre, dans le cadre étroit et précis de ce même arc lumineux par-delà lequel nous apercevons notre but, la précieuse petite bille ocre et terne.

La Lune apparaît donc de plus en plus comme la porte par laquelle nous devons passer pour pouvoir un jour aller vers et sur Mars et, si nous franchissons cette première porte, Mars sera la seconde, notre véritable introduction à l’Univers immense. Si nous franchissons cette seconde porte, nous aurons alors acquis notre vraie liberté, celle de nous mouvoir dans l’espace illimité, de choisir non seulement notre lieu de vie mais notre environnement planétaire et un jour, peut-être, l’étoile devenue notre nouveau Soleil. Une fois cette liberté acquise, nul doute que nous serons capables, comme des héros antiques, comme l’architecte Dédale et son fils Icare s’ils étaient transposés dans le temps d’aujourd’hui, de créer au-delà de simples vaisseaux, nos propres astres, les sphères ou les cylindres que Gerard O’Neill a imaginés construire à partir des matériaux de la Lune, pour voguer sur les courants ouverts par les diverses forces de gravité jouant concurremment dans cet espace illimité, en exploitant bien sûr l’énergie inépuisable du Soleil.

Ce sont toutes ces possibilités sinon ces promesses que je vois en regardant la photo de Mars apparaissant derrière la Lune que je partage avec vous aujourd’hui. C’est une image qui donne courage et espérance, un moteur en quelque sorte, aussi puissant que les moteurs tangibles du SLS ou du Starship car c’est le moteur de la Motivation, celui qui suscite et qui entraine à « faire », qui motive pour créer les vrais moteurs de métal et leurs ergols de plus en plus puissants et de moins en moins massifs et de plus en plus maniables, et qui motive aussi pour surmonter les difficultés techniques ou financières. Si de telles photos ne pouvaient avoir de tels effets, toute la population terrestre appartiendrait à la première catégorie que j’évoquais au début, celle qui se contente de vivre au sein de notre merveilleuse bulle bleue.

J’introduirais toutefois un bémol: il faut un pont entre ceux qui voient cette image dans leur tête et l’ensemble de la population qui peut faire. La petite constellation des poètes sera certes pour le monde toujours un ferment. Leur esprit est en effet le seul atelier où l’image peut naître car ils sont incontournables pour simplement envisager la création, comme Rimbaud qui voyait la mer immense dans une simple flaque après la pluie et qui partit se perdre jusqu’en Abyssinie ou comme ceux qui se voient eux-mêmes dans le paysage austère mais splendide de Mars et demain dans la lumière des étoiles simplement au travers de l’image quelconque d’une petite bille ocre et terne. Mais ce n’est pas suffisant. Ce pont indispensable que je viens d’évoquer, ce sont des êtres hybrides, des Janus bifrons, qui sont sensibles au chant des poètes et qui avec eux regardent le ciel mais qui avec leur autre face regardent en même temps la matière. Ce sont soit des artisans-scientifiques comme le génial réalisateur de la machine d’Anticythère ou des constructeurs-artistes comme les architectes qui édifièrent les cathédrales ou des entrepreneurs-inspirés comme aujourd’hui, Elon Musk et ses ingénieurs passionnés ou, pour commencer à regarder sérieusement comment franchir la Seconde Porte, Iouri Milner, le promoteur de Breakthrough Starshot et ses équipes de chercheurs non moins enthousiastes. Pour concrétiser un rêve il faut non seulement avoir la tête dans les nuages mais il faut encore avoir les pieds sur Terre et sans doute du temps et de l’argent.

Joyeux Noël à tous et soutien aux « hommes de bonne volonté » pour ramener la Paix dans la Justice sur cette Terre commune et pour le moment unique. Surtout, n’oubliez pas la petite bille ocre et terne. Contrairement à ce que beaucoup pensent et disent, c’est un vrai Nouveau-monde et un jour, nous en parcourrons les vallées desséchées avant d’y faire à nouveau couler l’eau et chanter les couleurs de la vie.

Illustration : Photo prise par la NASA le 09 décembre 2022 depuis le sol de la Terre mais qui aurait pu être prise à la même date par une des caméras embarquées sur le vaisseau Orion de la mission Artemis. Crédit/copyright Tom Glenn (https://twitter.com/thomasdglenn) et NASA (APOD). Mars se trouvait alors à 82 millions de km. Je remercie Christine Vogt pour avoir attiré mon attention sur elle.

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Commentaire général sur le budget triennal de l’ESA : Peut mieux faire!

Mi-Novembre, la conférence interministérielle des pays membres de l’ESA a discuté et approuvé son nouveau budget. Il est en forte hausse, 17% soit 16,9 milliards d’euros pour 3 ans (contre 24,4 milliards de dollars pour la seule année 2022 pour la NASA). Les ministres ont « confirmé la nécessité absolue pour l’Europe de disposer d’un accès indépendant à l’espace ». Mais aussitôt cette forte déclaration faite, il est précisé que son objet est de : « continuer à bénéficier des retombées du spatial sur Terre ». Là, on retombe effectivement bel et bien, sur terre.

Je ne veux pas noircir le tableau et dire que tout est « à jeter » dans ce budget. En particulier je souscris totalement au programme d’exploration robotique. Je veux seulement dire qu’il est très décevant, à cause de son orientation principalement « terre à terre » ; à cause de l’absence d’ambition concernant les lanceurs ; à cause du manque d’ambition pour les vols habités (on reste « dans l’ADN » de l’Europe spatiale) ; à cause de l’allégeance « de bon ton » à la mode écologique du moment ; enfin à cause de l’insuffisance de son montant global comparé à celui des Etats-Unis. Le résultat sera, pour l’astronautique la continuation d’une dépendance sur le partenaire américain pour tout ce qui est vols habités et la faiblesse concurrentielle sur le plan économique ; pour la science, l’insuffisance d’un programme qui aurait pu être plus ambitieux. Je détaille :

Ecologie

En effet le premier point sur lequel le compte rendu officiel de l’ESA insiste est « l’enjeux climatique et le développement durable ». C’est selon ce document, ce que Josef Aschbacher (directeur de l’ESA) a déclaré devoir rester la première priorité de l’ESA. Comment peut-on être aussi conformiste (pour ne pas dire « hors sujet ») quand on est responsable d’une institution qui ne peut réussir que si elle ne l’est pas ?!

En allant plus loin, on constate que c’est Robert Habeck, ministre allemand « de l’Économie et de la Protection du climat » mais auparavant député du groupe parlementaire allemand de centre gauche écologiste, « Alliance 90/Les Verts », qui présidait le Conseil de l’ESA au niveau ministériel. Nous ne sommes décidément pas dans l’aventure, ni dans la conquête de l’espace. D’ailleurs il insiste : « nous avons franchi une nouvelle étape vers le renforcement des infrastructures spatiales européennes qu’utilise au quotidien chaque citoyen, dans des domaines tels que la surveillance du climat, la navigation et les télécommunications par satellite ». Pour ces responsables, l’« espace » c’est bien très principalement, l’espace proche de la Terre et l’objet c’est bien « le quotidien ». D’ailleurs une des réformes phares programmées est le développement d’un mix d’ergols « propres ». Quand on est dans un contexte aussi pitoyable de l’astronautique européenne presque éliminée du marché mondial des lanceurs, et dans une concurrence économique aussi féroce (Etats-Unis, Russie, Inde…), il devrait y avoir d’autres priorités (d’abord et avant tout le réutilisable !). Ce Monsieur n’a, hélas, ni bien conscience des contraintes économiques que lui impose la Concurrence ni aucune étoile dans les yeux.

Mais le plus étonnant dans ce contexte où l’on parle d’écologie, donc de protection de l’environnement, c’est de constater l’engagement pour le financement d’une constellation européenne de satellites ! On ne peut que s’étonner de la désinvolture avec laquelle l’ESA s’engage dans un programme de pollution de l’espace-proche dont les satellites vont s’ajouter aux myriades déjà existantes. Les astronomes et astrophysiciens européens apprécieront !

Autonomie

Dans le domaine des lanceurs, cette politique se veut bien sûr « ambitieuse » (quelle politique ne veut pas l’être, en paroles du moins ?!). Mais aucun progrès n’est envisagé en matière d’autonomie pour les vols lourds dans l’espace lointain même si l’ESA va bien développer un atterrisseur lunaire (en fait un « troisème étage ») pour les vols robotiques. Et, faute d’autonomie, elle se condamne à rester dans la coopération et dans la dépendance en dehors de l’orbite basse terrestre. La rupture forcée par la guerre en Ukraine de la coopération avec les Russes pour lancer le rover d’exploration ExoMars, prêt depuis deux ans, n’aura servi à rien en matière d’incitation à faire mieux.

En matière de vols habités, cela fait des années que Joseph Aschbacher, avant Philippe Baptiste (PDg du CNES), nous parle d’un changement politique. Mais renâcler devant l’obstacle est devenu une habitude depuis l’abandon de la navette européenne Hermès en 1992. On se demande pourquoi nous inonder d’informations à propos de Thomas Pesquet ou pourquoi choisir une nouvelle équipe d’astronautes européens. On se demande aussi pourquoi nous présenter à l’IAC en Septembre à Paris, le concept SUSIE de navette spatiale pouvant être lancée à partir d’une Ariane 6, pour ne même pas la mentionner en Novembre à la Conférence interministérielle. La conséquence c’est qu’il faudra au moins attendre la prochaine interministérielle, en 2025 pour traiter du sujet sérieusement. Le fera-t-on ? De plus que fera-t-on de SUSIE après 2025 puisqu’elle doit opérer en orbite basse terrestre et que l’ISS va être mise hors service à la fin de la décennie ? J’imagine qu’on n’ira pas dire bonjour aux Russes ou aux Chinois dans leurs propres stations et je doute que les Américains faciliteront la desserte par les Européens de leurs propres stations privées alors qu’ils auront les moyens d’y aller par eux-mêmes (et d’en tirer le bénéfice pour eux-mêmes).

Concurrence

Il est évident que sans récupération et réutilisation, les lanceurs européens pour l’orbite basse terrestre qui déjà disposent d’un marché naturel petit par rapport à celui des Américains (publics et privés), resteront plus cher que ces derniers et bien sûr que les Indiens, les Russes ou les Chinois. Ils continueront donc à vivre de clients institutionnels européens, contraints et peu nombreux.

Contributions par pays

Il est intéressant de noter l’engagement financier des divers pays européens et leur évolution. L’Allemagne (20.8%) et la France (18.9%) restent les « leaders » de l’Europe spatiale mais le pourcentage de l’Allemagne diminue (-1.9) tandis que celui de la France augmente (+0.5). Le résultat c’est que la France n’est plus qu’à un point d’écart avec l’Allemagne (mais la France jusqu’en 2019 était le premier contributeur). L’Italie (18.2%) suit de très près la France avec 0,7 points d’écart. A noter qu’à eux trois ces pays financent près de 60% du budget, Un pays comparable à l’Italie, l’Espagne, est très loin derrière, avec seulement 5.5%. Quant au Royaume Uni qui pourrait « jouer dans la même cour » que la France ou l’Allemagne, sa part n’est que de 11.2% ce qui marque un désintérêt certain pour l’espace. Parmi les « petits » pays, la Belgique et la Suisse se détachent avec respectivement 5.6% et 3.7%, stables, les Pays-Bas d’importance comparable ne participant que pour 2.8% (+0.4%).

Nul doute que l’effort par pays n’est pas très important, même pour ceux du “pelotton de tête”. Celui de l’Allemagne, pays qui dépense le plus, n’est que de 1.17 milliards par an à l’ESA, comparé aux 24.4 milliards que les Etats-Unis versent cette année à la NASA, c’est vraiment très peu. Rappelons qu’en 2021 le PIB de l’Allemagne était de 3,57 trillions d’euros et celui des Etats Unis de 22,9 trillions, et que le budget total de l’Allemagne au niveau fédéral en 2022 était de 457 milliards. Celui des Etats-Unis pour la même année était de 6.27 trillions.

Comparaison

Pour comparaison, voici le budget de la NASA 2022 :

Illustration de titre : répartition du financement, par pays contributeurs, crédit ESA. Vous pouvez voir la répartition par poste dans mon article précédent.

Liens :

https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/vol-spatial-habite-europeen-si-proche-et-si-loin-a-la-fois-942320.html

https://siecledigital.fr/2022/07/06/terrae-novae-2030-lesa-devoile-sa-feuille-de-route-pour-les-10-prochaines-annees/

https://www.esa.int/Newsroom/Press_Releases/Les_ministres_soutiennent_les_grandes_ambitions_de_l_ESA_en_lui_octroyant_un_budget_record_en_hausse_de_17

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Le budget triennal de l’ESA décidé fin Novembre est en progrès mais reste décevant

Je vous présente cette semaine les différents postes du nouveau budget triennal de l’ESA, tels qu’approuvés par la conférence des ministres des pays membres, ce mois de Novembre. Je ferai un commentaire général la semaine prochaine.

Mes commentaires spécifiques sont en italiques. Le fond du texte provient du « press release » 62-2022 de l’ESA du 22 Novembre 2022.

Le premier poste est celui du programme scientifique par moyens robotiques (« Vision cosmique »)

3,186 milliards contre 2,823 milliards en 2019 (+12,85%) sur un total de 16,9 milliards alors que le budget total augmente, lui, de 17%.

Cette augmentation est une bonne chose, même si le montant est relativement faible (seulement 18,88% du total du budget). Les missions prévues portent incontestablement des objectifs passionnants.

Il s’agit d’abord de la continuation des missions Juice et Euclid qui doivent être lancées en 2023. Juice explorera Jupiter et ses lunes. Euclid observera les galaxies sur une distance/temps de dix milliards d’années afin de tenter d’identifier la matière noire et l’énergie sombre.

Il s’agit ensuite de poursuivre la mise au point des missions PLATO (PLAnetary Transits and Oscillations of stars) et ARIEL (Atmospheric Remote-sensing Infrared Exoplanet Large-survey) pour l’étude des exoplanètes (lancement prévu en 2026 et 2029). Par ailleurs, la sonde Comet Interceptor (qui sera lancée avec Ariel) sera mise en attente dans l’espace proche (point de Lagrange ?) afin de pouvoir être projetée le moment venu et sans retard, à la rencontre d’une comète pénétrant le Système solaire interne. Cela doit permettre d’observer l’astre dans son état d’origine (avant réchauffement et modification par augmentation de l’intensité du rayonnement solaire). La sonde pourrait aussi bien être mobilisée en cas de pénétration d’un bolide extrasolaire, comme Borissov ou ‘Oumouamoua.

Le deuxième poste est celui du programme astronautique

Le budget de l’ESA affecté au transport spatial est porté à 2,835 milliards d’euros (contre 2,758 en 2019, soit une augmentation de 2,8%).

Toujours le même biais vers le robotique et le même préjugé contre les vols habités que par le passé. C’est l’augmentation la plus faible, avec celle du poste dédié au « NewSpace ». C’est regrettable car la réalisation d’un lanceur puissant et l’encouragement aux forces vives du secteur privé à entrer dans le spatial, est ce qui manque le plus à l’Europe (cf a contrario SpaceX aux Etats-Unis).

L’ESA va continuer à renforcer ses lanceurs Ariane 6 (puissance moyenne) et Vega C (lanceur léger) ; achever le développement du véhicule robotique réutilisable Space Rider (lançable par Vega C) qui pourra séjourner plus de deux mois en orbite terrestre basse avant de revenir sur Terre pour être remis en état (mais Vega C ne sera toujours pas réutilisable !) ; mettre au point un propulseur « vert », à hydrogène, pour les lanceurs Ariane ; l’objectif visé étant de produire de l’hydrogène entièrement décarboné d’ici 2030 (pure démagogie compte tenu du petit nombre de lancements !). L’ESA « continuera à porter à maturité les technologies dont la maîtrise est indispensable à l’Europe tout en s’attachant à rendre les systèmes de transport spatial plus écologiques et moins coûteux, et en préparant les technologies nécessaires au développement de capacités de transport d’équipage dans l’espace » (c’est bien vague ; sans doute une référence à l’Argonaute – voir ci-dessous). En outre, à travers son programme « Boost! », elle aidera les entrepreneurs à concrétiser leurs projets de véhicules spatiaux (faible concession au NewSpace. L’ESA aidera-t-elle les étudiants de Gruyere Space Program à réaliser leur rêve de « hopper » planétaire ? On peut en rêver).

Le troisième poste est celui de « l’exploration spatiale » humaine et robotique (programme « Terrae Novae »).

Montant 2,707 milliards (contre 1,972, soit une augmentation de 37,27%).

Des astronautes européens pourront explorer le Système solaire en s’appuyant sur des robots qui serviront de pionniers et d’éclaireurs. Trois destinations : l’orbite basse terrestre, la Lune et Mars.

Placer l’orbite basse terrestre dans l’« exploration » est un abus de langage. Continuer à « ronronner » dans la Station Spatiale Internationale n’est pas une révolution. Pour la Lune et Mars, on aurait pu commencer à envisager une autonomie par rapport aux Américains. L’augmentation importante du budget cache le sauvetage coûteux de la mission ExoMars retardée par la rupture avec la Russie, à l’initiative de l’ESA (les Américains ont continué à coopérer avec elle dans le cadre de l’ISS).

Les ministres ont décidé de prolonger jusqu’en 2030 la participation de l’Europe à la Station spatiale internationale, pour permettre aux astronautes de l’ESA de continuer à travailler à bord du laboratoire européen de recherche Columbus.

Par ailleurs, l’ESA s’associe aux Américains pour le programme Artemis (fourniture du module de service de la capsule Orion, ESM), ce qui permettra en échange, la participation de trois astronautes de l’ESA aux missions de ce programme, y compris le séjour de l’un d’entre eux sur le sol lunaire. Un nouvel élément a été approuvé, l’alunisseur européen à grande capacité logistique (« l’Argonaute »), qui sera capable d’envoyer régulièrement du fret et des charges utiles scientifiques (la suite des ATV) tout au long des années 2030 ainsi que des équipements permettant de vivre pendant la nuit lunaire (ce qu’on n’a jamais tenté jusqu’à présent). NB : cet alunisseur fera la navette entre un module en orbite lunaire, peut-être le Lunar Gateway, et le sol lunaire. ll a été également convenu d’engager les travaux concernant le module de service européen (suite de Columbus) qui sera « branché » au Gateway. Le dispositif sera complété par un satellite de télécommunications, Lunar Pathfinder.

Toujours rien pour le transport des hommes !

Pour remplacer l’atterrisseur de Roscosmos dans le cadre de la mission ExoMars, il a été décidé de construire un atterrisseur européen destiné à acheminer le rover Rosalind Franklin jusque sur la surface martienne.

Du côté de Mars, on veut donc toujours faire équipe avec les Américains, c’est-à-dire qu’on accepte sans état d’âme de dépendre de leur lanceur alors que c’est eux qui ont fait défaut à l’Europe au début du projet ExoMars. C’est cette défaillance qui a contraint l’ESA a recherché en solution de rechange, le partenariat des Russes. Malheureusement la fusée Ariane 6 (premier lancement prévu fin 2023) ne serait apparemment pas assez puissante.

Pour l’atterrisseur, l’ESA se lance dans la conception/construction d’un véhicule bien à elle. La technologie devrait être assez proche de celle de l’Argonaute qui doit être utilisé pour la Lune (avec l’atmosphère martienne à prendre en compte en plus). Elle ne devrait donc pas poser de problème insurmontable. Le montant nécessaire, 360 millions d’euros, explique en partie l’augmentation du poste. On doit reconnaître la persévérance de l’ESA dans cette filière des modules de service ou de l’Earth Return Orbiter (voir ci-dessous) qui fait elle-même suite aux ATV, modules de transport entre la Terre et l’ISS, qui ont donné toute satisfaction. C’est une compétence importante et donc un avantage que l’ESA fait bien d’entretenir. 

La date annoncée pour le lancement d’ExoMars, 2028, est une nouvelle douce-amère puisque le lancement était initialement prévu en 2018 et que, si on n’avait pas rompu avec les Russes, on aurait pu le faire en 2022 !

Bien entendu la poursuite de la coopération entre l’ESA et la NASA a été confirmée pour ce qui concerne la campagne de retour d’échantillons martiens. Les travaux de conception venant d’être achevés, il y aura développement de l’Earth Return Orbiter (orbite martienne à orbite terrestre) et du bras robotique (Sample Transfer Arm) qui transférera les échantillons martiens à bord du conteneur avant son décollage pour l’orbite de Mars.

Le quatrième poste est celui de l’observation de la Terre

Budget de 2,707 milliards d’euros contre 1,972 (+37,27%).

C’est ce poste que le rapport de l’ESA met en exergue et, compte tenu de son augmentation, on voit bien quelle est l’orientation de sa politique : la Terre plus que l’espace !

Ce montant servira notamment à FutureEO, programme de recherche (sciences de la Terre) pour mieux comprendre le fonctionnement de la Terre en tant que système, et comment l’humanité affecte les processus naturels.

Les ministres se sont par ailleurs engagés sur les actions suivantes :

(1) poursuivre le développement de la composante spatiale du programme Copernicus (collecte, actualisation de manière continue et restitution des données portant sur l’état de la Terre) sur la base des nouveaux besoins recensés ;

(2) mener à bien la mission opérationnelle Aeolus-2 visant à mesurer la vitesse des vents à l’échelle du globe et à améliorer les prévisions météorologiques ;

(3) consolider le suivi des nouvelles variables climatiques essentielles, pour soutenir une action climatique ;

(4) poursuivre l’initiative InCubed-2 visant à stimuler la commercialisation dans l’industrie de l’observation de la Terre ;

(5) établir une copie numérique du système Terre en s’appuyant sur l’informatique, le calcul haute performance et l’intelligence artificielle ;

(6) continuer la mise au point de la mission TRUTHS destinée à assurer l’étalonnage croisé des données de différentes missions climatologiques sur lesquelles reposent des modèles critiques ;

(7) élargir le réseau des missions d’observation de la Terre ;

(8) assurer la préservation sur le long terme d’un ensemble de données climatiques essentielles.

La ministérielle a été aussi l’occasion de donner le feu vert à deux missions : (1) Harmony, qui promet des données inédites permettant de répondre à des questions fondamentales liées à la dynamique des océans, des glaces et des terres émergées, laquelle influe directement sur la surveillance des risques, les ressources en eau et en énergie, la sécurité alimentaire et le changement climatique ; (2) Magic qui mesurera la gravité terrestre pour en déduire le volume d’eau présent dans les océans, les calottes glaciaires et les glaciers, dans le but de mieux comprendre les variations du niveau de la mer et d’améliorer la gestion de l’eau.

Le cinquième poste est celui des satellites terrestres au service de la connectivité, de la sécurité et du développement durable

Budget 1,894 contre 1,590 milliards (+19,12%).

C’est dans ce budget que l’on aborde le fameux projet de constellation européenne.

Le budget sera consacré aux moyens assurant une « connectivité permanente » en tout point du globe. La majeure partie de ces fonds sera gérée par l’intermédiaire du Programme de recherche de pointe sur les systèmes de télécommunications (ARTES) de l’ESA, qui vise à stimuler l’innovation dans l’industrie spatiale européenne pour permettre à ses entreprises de s’imposer sur le marché mondial des satellites de télécommunications et de leurs applications.

La première phase déclenchera une souscription ferme de 35 millions d’euros qui permettront à l’ESA d’engager les activités préparatoires au développement d’une constellation européenne de satellites. La deuxième phase, d’un coût de 685 M€, doit être confirmée en 2023.

Parmi les autres projets financés figurent le programme Moonlight de l’ESA, qui vise à encourager des entreprises privées européennes du secteur spatial à proposer des services de télécommunications et de navigation lunaires en installant autour de la Lune une constellation de satellites, et le nouveau Programme de satellites au service de la sécurité civile pour contribuer à la gestion de crises en temps réel au bénéfice du citoyen européen.

Décidemment, même sur la Lune on ne pourra pas être tranquilles ! Pourquoi des constellations autour de la Lune ?! Ne pourrait-on se contenter de relais de communication au niveau des points de Lagrange du système Terre-Lune. Il y aurait bien sûr un décalage de temps entre réception de données et retour d’informations au sol, mais ce décalage ne serait-il pas acceptable ? La face cachée de la Lune serait un excellent support pour installer de puissants observatoires astronomiques qui pourraient avoir une surface de collecte énorme en raison de la faible gravité, et qui ne serait jamais perturbés par des vents chargés de poussière comme sur Mars. Va-t-on ruiner nos possibilités d’observer le ciel à partir d’une plateforme solide autre que la Terre ?

Le sixième poste est celui des « basic activities »

Budget de 1,629 contre 1,407 milliards en 2019, soit +15,78%.

Les activités « de base » comprennent toute une catégorie concernant l’infrastructure et la logistique, qui restent invisibles la plupart du temps parce que tout simplement elles fonctionnent sans souci particulier.

Elles vont du développement de laboratoires, de stations au sol et d’installations de contrôle de mission à des efforts de développement technologique à l’échelle européenne, à des actions de soutien à l’innovation, et à l’infrastructure informatique. Elles comprennent également des moyens de développer, de préserver et de diffuser les connaissances acquises.

Le septième poste est celui de la Sécurité spatiale

Budget de 731 millions, contre 455 en 2019, soit + 60,66%

Avec cette hausse, l’ESA va pouvoir intensifier ses efforts pour protéger la Terre des dangers provenant de l’espace grâce à différentes missions : Vigil, qui surveillera l’activité solaire ou la sonde Hera, qui procèdera à l’analyse approfondie de l’astéroïde Dimorphos, satellite de Dydimos, après impact de la sonde DART en 2022, et une première mission de retrait d’un débris spatial en orbite, prévue en 2026 (Espérons qu’à l’occasion la société spin-off de l’EPFL, ClearSpace, partenaire de l’ESA dans ce domaine, puisse démontrer brillamment ses capacités !).

Le programme contribuera également à l’essor d’un nouveau marché, celui des services en orbite, ainsi qu’au développement de nouvelles technologies s’inscrivant dans la perspective d’une économie spatiale « circulaire et durable » (petit clin d’œil à l’esprit du temps !).

Le huitième poste est celui de la technologie et du développement commercial

Budget de 542 millions contre 582 millions en 2019, soit -7,21%.

Il s’agit ici de l’économie du NewSpace. Très curieusement alors que ce secteur se développe beaucoup aux Etats-Unis, on a décidé d’y aller « prudemment » en Europe à moins que l’on craigne de ne pas avoir suffisamment de partenaires privés dignes d’être aidés. Il faut espérer que ce ne soit pas que de la communication pour une activité considérée comme marginale, alors que bien comprise cela pourrait être une pépinière d’initiatives potentiellement très porteuses de création de richesses aussi bien pour l’ESA que pour ses partenaires.

Les ministres ont décidé de lancer le nouveau programme ScaleUp, dont l’objectif est de promouvoir les activités spatiales commerciales ainsi que le développement d’un nouvel écosystème spatial en Europe. Par le biais de l’élément « Développement, Fabrication et Vol » de son Programme général de technologie de soutien (GSTP), l’ESA accompagnera les entreprises spatiales européennes jusqu’à ce que les nouvelles technologies qu’elles développent soient prêtes pour le marché spatial commercial. En investissant dans une nouvelle infrastructure multi-mission et des moyens-sol de prochaine génération développés par l’industrie européenne, l’Agence renforcera sa capacité à faire voler tout type de missions en toute indépendance et sécurité.

Avec son programme ScaleUp, l’ESA entend faire de l’Europe un pôle d’activités spatiales commerciales en créant des incubateurs et des accélérateurs d’entreprises et en proposant aux jeunes sociétés des services dans les domaines de la propriété intellectuelle et des transferts de technologies, tout en faisant en sorte que les nouveaux projets commerciaux trouvent des débouchés et attirent les investissements publics et privés.

Illustration de titre : tableau des différents postes du budget de l’ESA pour les trois prochaines années tels que présenté officiellement après la conférence de Novembre 2022. Crédit ESA.

Liens : https://www.esa.int/Newsroom/Press_Releases/Les_ministres_soutiennent_les_grandes_ambitions_de_l_ESA_en_lui_octroyant_un_budget_record_en_hausse_de_17

https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/vol-spatial-habite-europeen-si-proche-et-si-loin-a-la-fois-942320.html

https://siecledigital.fr/2022/07/06/terrae-novae-2030-lesa-devoile-sa-feuille-de-route-pour-les-10-prochaines-annees/

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Petites considérations philosophiques au treizième jour de la première mission Artemis

Ce lundi 28 Novembre, le vaisseau Orion de la NASA assisté de son module de service ESM de l’ESA, est passé au point le plus distant de son orbite autour de la Lune. La NASA a naturellement pris de nouvelles photos du couple que la Terre forme avec la Lune. C’est l’occasion de réfléchir à ce que nous sommes, à nos limites donc à notre fragilité mais aussi à nos capacités, que nous devons toujours mieux exploiter.

Nous avons déjà vu des photos de la Terre depuis l’espace mais celles-ci sont particulières car elles sont prises d’un vaisseau à bord duquel demain des hommes voyageront, pour la première fois depuis la fin du programme Apollo en 1972. Maintenant que la mission Artemis I est partie et parvenue jusque-là, il est certain qu’Artemis II décollera et ira aussi jusque-là. Et les hommes à bord verront de leurs yeux ce que nous voyons aujourd’hui.

Nous sommes, sur cette photo, à 432.117 km de la Terre donc bien plus près que la sonde Voyager 1 ne l’était le 14 février 1990 lorsqu’elle a pris sa propre photo (ci-dessous) de la Terre depuis plus de 6 milliards de km et à propos de laquelle Carl Sagan avait évoqué notre « pale blue dot », cette petite lumière infime (au sein de laquelle d’ailleurs Terre et Lune sont indissociables). Il est évident que depuis l’environnement de notre étoile voisine la plus proche, Proxima Centauri, située à seulement 4,23 années-lumière, mais quand même 40 mille milliards de km (40.000.000.000.000 !), nous ne verrions plus rien du tout, avec les mêmes moyens d’observation ou d’ailleurs avec quelques moyens d’observation visuels que ce soit. Et bien sûr que nous ne distinguerions même plus notre Soleil des lueurs environnantes si nous nous éloignions jusqu’au centre de notre galaxie, situé à quelques 25.000 années-lumière (1.000.000.000.000.000.000 km).

Ce mardi nous étions donc tous sur cette photo de la NASA montrant la Terre et la Lune, à la fois très loin et en même temps tout près. Regardez ces deux astres immobiles et forcément silencieux puisque dans le vide. Nous étions là, à cet instant, tous autant que nous sommes, vous, moi et les 8 autres milliards d’êtres humains, saisis dans le calme d’un travail délicat de réflexion fruit de notre cerveau, ou de réalisation par nos mains d’un ouvrage plus ou moins difficile, ou bien dans le tumulte de la rue ou même pour certains dans la brutalité de la guerre, ou encore en contemplation de notre océan et de ses vagues qui s’écrasent sur la plage, un des symboles pendant des millénaires de l’infini et de l’éternité. Comme le disait Carl Sagan, nous sommes vraiment tous là, comme l’ont déjà été les plus de 30 milliards d’êtres humains qui nous ont précédés et dont les restes sont retournés à cette Terre, avec tous les animaux, toutes les plantes, tous les insectes, tous les êtres vivants ou ayant jamais existé.

Et nous sommes évidemment fragiles puisque nous sommes tout petits par rapport à cet Univers, tous rassemblés sur cette petite bille bleue perdue dans un espace infini sinon illimité, ou existent et rodent des monstres d’une puissance énorme, forcément inconscients et à l’occasion violents. Je veux bien sûr parler des étoiles à commencer par notre Soleil, bienfaiteur aujourd’hui mais dangereux demain lorsqu’il vieillira et déjà avant, s’il nous « gratifie » d’un « événement Miyake » à l’occasion d’une de ses colères magnétiques qui ferait disjoncter ensemble toutes nos centrales électriques. Je veux parler également du trou-noir central de notre galaxie, qui tient ensemble par sa masse, des milliards d’étoiles dont notre petit Soleil et qui lui, également, est aussi terrible qu’il est vivant car il nous dévorera tous, un jour très lointain. Je veux parler encore de toutes les étoiles voisines qui voguent avec le Soleil autour du centre galactique dans une ronde si longue mais si rapide (250 km/s pour effectuer une seule rotation en 225 millions d’années, pour le Soleil !) qu’elles peuvent un jour pénétrer dans notre système pour le bouleverser complètement parce que nos trajectoires et nos vitesses sont quelque peu différentes. Je veux enfin parler des myriades de petits astres que sont les comètes et les astéroïdes qui forment les Nuages de Oort qui enserrent notre système solaire comme une coque ou, plus proche, la Ceinture de Kuiper comme un tore, ou encore plus proche la Ceinture d’Astéroïdes comme une roue ou, plus rares mais imprévisibles, les astéroïdes venus d’autres systèmes stellaires, comme Borissov, et qui pourraient être projetés dans le nôtre ; tous ces projectiles qui un jour peuvent nous frapper et nous détruire.

Oui notre Univers est dangereux tout autant que merveilleusement beau du fait de sa grandeur et de la puissance des divers éléments qui l’habitent. Son immobilité et sa placidité apparentes sont trompeuses tout simplement parce que son échelle de temps, tout comme ses distances, est immense, totalement démesurée par rapport à notre échelle de temps humaine. Mais au sein de cette immobilité apparente, les dérèglements ou tout simplement le début ou l’achèvement des évolutions peuvent être extrêmement rapides (comme par exemple l’implosion d’une étoile géante en fin de vie) et, pour nous, les conséquences soudaines et ultra-rapides, tout aussi bien qu’infiniment longues et de ce fait, imperceptibles. Physiquement nous ne faisons tout simplement « pas le poids ».

Et cependant intellectuellement nous le faisons ce « poids » car nous disposons de l’intelligence et de la mémoire, de la capacité de faire et de communiquer, donc de la capacité de construire et de progresser. Ainsi nous avons la capacité de prendre cette merveilleuse photo de la Terre et de la Lune et d’y réfléchir pour savourer nos accomplissements mais aussi pour voir ce que nous devons faire à partir de là, pour aller plus loin et pour faire mieux.

Bien sûr, entre nous sur ce petit caillou, nous nous devons de maintenir la paix mais nous devons aussi prendre conscience de nos faiblesses et imperfections pour éviter l’injustice, les tensions trop fortes et in fine la guerre, en faire prendre conscience aux autres, accepter nos différences pour réfléchir ensemble à ce qu’il convient de faire dans notre intérêt commun. Il faut sans aucun doute mieux gérer nos ressources rares pour ne pas épuiser notre planète, être plus respectueux de cette Vie sous toutes ses formes et peut-être unique, en tout cas extraordinaire, et à laquelle nous participons. Nous devons aussi être raisonnables et constater que nous sommes très nombreux et que nous « pesons » trop lourdement dans cette biosphère qui n’était pas faite que pour nous. Je suis né à une époque où il y avait 2,2 milliards d’êtres humains sur Terre et nous avons aujourd’hui dépassé les 8 milliards. On nous dit que vers 2050 nous aurons atteint le pic des 10 milliards et qu’ensuite nous devrons faire face à la décroissance. Certes mais le pic n’est pas encore passé et tous les désordres qui peuvent venir avec, non plus. En même temps nous avons détruit 70% des espèces animales « sauvages » en moins d’un siècle. Nous sommes sur le Titanic et nous ne savons pas si nous avons déjà heurté l’iceberg.

Il est donc vital, pour nous aujourd’hui, non seulement de prendre soin du vaisseau spatial Terre au bord duquel la Nature nous a placé, mais aussi de chercher un refuge « au cas où », comme Noé dans notre antiquité mythique. Et pour des raisons différentes, nous devons protéger ce que nous avons de plus précieux, notre mémoire et notre capacité à continuer à faire progresser la technologie et la science par le fonctionnement de notre raison sur la base de tout le savoir accumulé au cours des années, sans oublier nos richesses culturelles et notre capacité à créer toujours plus de beauté. C’est pour cela que certains d’entre nous, une toute petite poignée d’entre nous, une graine, une partie infime de notre humanité mais possédant la quintessence de ce savoir, de notre travail et de notre sensibilité, doit un jour aussi prochain que possible, partir ailleurs, partir pour Mars, pour y préserver le feu que Prométhée a arraché pour nous aux Dieux et aller savourer en paix une des pommes que nous avons cueillie au Jardin d’Eden. Ce ne sera pas facile mais il faut commencer, entreprendre cette aventure, maintenant pour nous donner demain une chance de survivre !

Illustration de titre :

Photo de la NASA prise par une caméra située au bout d’une aile de panneaux solaires fournissant son énergie au Module Européen de Service de la capsule Orion.

Liens :

https://blogs.nasa.gov/artemis/

https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rspa.2022.0497

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