« Franchir sur Mars les portes de l’espace » ou la vie quantique des livres

Dernier article publié sur letemps.ch. Pour continuer à me suivre, voir les indications à la fin du présent article.

Les amateurs de mon blog seront heureux de savoir que j’ai écrit un livre. Ils le seront moins d’apprendre en même temps que ce livre stagne dans les limbes de l’édition. Son titre est « Franchir sur Mars les Portes de l’Espace », ce qui laisse imaginer facilement les idées qu’il porte et fait avancer (j’en suis convaincu), sans dévoiler leur contenu précis ni leurs articulations. Pour vous donner encore plus d’envie de le lire, je vais vous raconter sa pré-histoire, un peu comme celle de l’Univers avant qu’il parvienne à la Surface de dernière diffusion, et je vais vous révéler quelques indices accrocheurs (je l’espère) sur son contenu.

En décembre 2019, j’ai reçu un mail de la Direction des PPUR (éditeur bien connu en Suisse romande puisqu’il est celui de l’EPFL, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne). La personne, chargée d’édition, avait pris connaissance de mon blog « exploration spatiale ». Il l’avait apprécié et me proposait d’écrire un livre dans la ligne de cette création continue mais dans un format adapté à fin de publication dans sa prestigieuse maison.

Je suis donc allé à Lausanne pour en discuter. C’est le Directeur des PPUR (devenue ensuite EPFL Press) qui me reçut. Il me confirma de vive voix tout le bien qu’il pensait de ce que j’écrivais et m’assura que sa maison m’aiderait en cas de besoin pour finaliser l’ouvrage.

Sur de telles prémices, je me lançais avec enthousiasme dans l’écriture (de toute façon j’en avais envie depuis quelques temps) et un peu plus tard, en mars 21, je présentais mon texte. La réponse du chargé d’édition qui m’avait été attribué, ne vint qu’en juillet (covid ?) et elle fut décevante. Le livre était trop aride à son goût, il lui fallait du « story telling » pour en faciliter la lecture.

Je n’avais pas envie de diluer la progression de ma « démonstration » dans des considérations personnelles et dans un premier temps, je « laissais tomber ». Puis, réflexion faite, je me résignais à introduire ce que j’appelais des « intermèdes » entre les chapitres pour expliquer mon cheminement vers cette œuvre et ce qui personnellement m’avait inspiré. Le choix de cette formule étant qu’on pouvait se passer de lire les intermèdes si l’on voulait lire l’essentiel (mais aussi que l’on pouvait ne lire que les intermèdes si on ne voulait que me connaître).

En juin 2022, je renvoyais ma nouvelle version dont la substantifique moëlle avait elle-même été modifiée mais malheureusement je tombais sur ce qu’on peut appeler un « aiguillage », mon interlocuteur ayant décidé de quitter EPFL Press. J’évoque cet équipement de chemin de fer car le partant avait quand même transmis mon nouveau projet à ceux qui restaient. Je fus en effet recontacté en Août 2022 par le Directeur éditorial et commercial, qui m’apparut enthousiaste car il m’écrivait : « votre dernière version est de grande qualité, tant sur le fond que sur la forme. J’ai donc le plaisir de vous indiquer que celle-ci est tout à fait susceptible d’intégrer notre catalogue, si le projet est toujours d’actualité de votre côté ». Evidemment qu’il l’était ! Par contre ce « Directeur éditorial et commercial » ajoutait que la touche personnelle que j’avais introduite à la demande de mon premier interlocuteur se révélait inutile (« la version sans intermèdes est de loin celle qui revêt le plus de rythme et de puissance ») ! Le message se terminait par diverses considérations, précises, sur la commercialisation.

EPFL Press me proposa ensuite un contrat en ajoutant, comme une formalité, que mon livre serait soumis à un « expert ». J’étais quand même un peu inquiet car je ne voyais pas à quel type d’expert mon livre interdisciplinaire et novateur pouvait être soumis (l’exploration de Mars supposée, reposant sur l’utilisation du Starship et conduisant à une colonisation).

Cette inquiétude était malheureusement justifiée car le 23 septembre je recevais un mail dont la teneur était la suivante : « Nous venons de nous entretenir avec l’expert mandaté pour l’évaluation de votre travail. Il a souligné la verve et la qualité formelle de l’ensemble, mais nous a également indiqué que votre propos est trop subjectif pour être publié par notre maison. Votre enthousiasme et votre engagement envers la conquête martienne sont indéniables, mais nous ne pouvons engager l’image de l’EPFL au travers d’une vision qui n’est pour l’heure pas officiellement partagée. Nous devons donc pour cette raison renoncer à cette publication. »

Je me demande toujours comment un éditeur peut craindre de publier un livre trop personnel de quelqu’un dont la vision ne pourrait pas être partagée (?!). Rétrospectivement je peux me dire que Chat-GPT a de beaux jours devant elle mais que certains éditeurs doivent trembler.

Je vous ai fait attendre mais je vais vous en dire maintenant un peu plus sur ce « brûlot » qui n’a toujours pas été publié.

Il s’agit de faire le point de nos connaissances en astronomie, en astronautique, en géologie martienne, en exobiologie et aussi en ingénierie en milieux extrêmes, afin de justifier l’intérêt qu’a l’humanité de s’investir dans la tentative souhaitée aujourd’hui par beaucoup, de s’installer sur Mars.

Pour le lecteur, il doit ressortir avec évidence de cette étude que Mars est bien la seule planète accessible qui présente suffisamment de caractères proches de la Terre pour que nos technologies puissent les exploiter à cette fin. Grâce à elles nous pouvons espérer aujourd’hui surmonter les difficultés bien réelles qui s’imposent à nous pour cette installation.

Nous dépendrons pour y aller d’un véhicule. Celui dont la réalisation prochaine est la moins improbable est le vaisseau Starship de SpaceX avec son lanceur SuperHeavy. Le vaisseau lui-même a été testé et il vole. Il faut maintenant que son lanceur SuperHeavy puisse le propulser jusqu’à l’orbite de parking terrestre d’où il pourra s’élancer vers Mars. Il faudra encore disposer d’une énergie suffisante à bord et que la protection thermique du Starship s’avère efficace pour supporter au retour la chaleur de rentrée dans l’atmosphère terrestre. On peut espérer que ces trois conditions soient remplies prochainement.

A partir de là une première mission habitée sera possible, sans doute au début des années 2030. Ce sera le test décisif pour savoir si on peut continuer, c’est-à-dire s’installer durablement sur Mars.

Une fois sur place il faudra utiliser les ressources locales pour respirer, se nourrir, construire, se protéger des radiations et du froid. Il n’est en effet pas question d’envisager transporter toute la masse dont on aura besoin, notre capacité d’emport étant loin d’être illimitée. Par chance, Mars a été formée avec les mêmes éléments que la Terre et il n’y a aucune raison que nous ne puissions les utiliser, en particulier l’eau de ses nombreux dépôts de glace et le carbone/oxygène de son atmosphère de gaz carbonique. Il faudra bien sûr de l’énergie pour utiliser ces ressources et la fission nucléaire avec des réacteurs mobiles importés, semble incontournable même si des panneaux solaires pourront être utilisés en complément.

Les buts ou motivations sont multiples. Il s’agit d’abord d’accroître au plus vite nos connaissances sur une planète dont la proximité peut nous apprendre beaucoup sur la nôtre et les prémices de la vie. En effet un robot accompagné d’un homme sur Mars serait beaucoup plus efficace qu’un robot seul commandé à distance depuis la Terre, avec un décalage de temps de 3 à 22 minutes dans un seul sens. Il s’agit aussi de tester et d’améliorer nos différentes technologies écologiques car l’environnement martien impose une discipline très stricte concernant l’efficacité énergétique et le recyclage, toutes matières organiques ou fabriquées par l’homme étant extrêmement précieuses dans un monde neuf et selon toute vraisemblance, sans vie. Il s’agit encore de répondre à la pulsion d’aventure qui existe, comme à toute époque, dans l’esprit de beaucoup d’entre nous ; l’espace est à ce titre un nouvel Océan qu’il nous faut franchir pour aller voir « de l’autre côté ». Il s’agit enfin de permettre à quelque chose de nous de survivre au cas où, pour une raison ou une autre la Civilisation serait détruite sur cette Terre. Atteindre l’autonomie pour les quelques milliers d’hommes qui pourront partir et s’y établir sera long, c’est pour cela qu’il faut commencer dès que possible. Une fois l’Homme installé sur Mars, il sera de fait devenu une espèce multiplanétaire. Nous aurons bien « franchi sur Mars les portes de l’espace ».

Mes lecteurs du blog Exploration spatiale ne seront pas surpris par cette trame. Mais ce qui compte, c’est la démonstration, la force de la logique et c’est cela que j’ai particulièrement travaillé dans ce livre d’un peu plus de 240 pages, ce qui en fait un ouvrage certes dense mais lisible (et je l’espère, convaincant !).

Mais s’il ne parvient pas à sortir de ses limbes, peut-être ne le lirez-vous jamais. Les livres tant qu’ils ne sont pas publiés sont comme les particules virtuelles présentes en nombres énormes dans le vide mais qui n’apparaissent que rarement dans le monde réel. Ils n’existent que potentiellement même si pourtant ils existent bel et bien car ils ont été, pensés, travaillés, écrits, relus, discutés, tout comme les autres. S’ils parviennent un jour à la face du monde dans les librairies, c’est qu’ils ont plu à un éditeur en fonction de considérations qui peuvent être excellentes mais qui ne le sont pas toujours. En dehors de l’évidence de la qualité et d’une rencontre d’un écrivain avec son éditeur, il peut s’agir de mode, d’un nom connu (auteur ou sujet), d’un scandale ou d’une conformité parfaite à l’ère du temps. Cela ne veut pas dire que tous les éditeurs soient « bien-pensants » ou commerçants avant tout. Je ne veux pas dire non plus que de bons livres ne soient de temps en temps publiés. Simplement il faut de la chance, comme il en faut aussi à tout être inclus dans un œuf fécondé pour naître enfin un jour à ce monde certes magnifique mais aussi insensible et cruel.

A la semaine prochaine sur « mon » blog (voir ci-dessous). Pour moi et je l’espère aussi pour vous, l’« Exploration spatiale » continue !

Illustration de titre : Un vaisseau spatial pénètre dans l’atmosphère de Mars au-dessus de Valles Marineris. Crédit William Black (2015). Imaginez-vous dans ce cadre, pour moi un moment de pure beauté, de rêve et d’espoir !

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Attention! Le Temps arrête sa plateforme de blogs aujourd’hui, 30 juin 2023.

Mon blog, “Exploration spatiale”, a dû comme les autres prendre son envol pour migrer ailleurs plutôt que disparaître et cet article est donc le dernier à paraitre sur cette plateforme.

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Index L’appel de Mars 23 06 29

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Au revoir letemps.ch et merci au journaliste Emmanuel Gehrig de m’avoir invité à participer à cette belle aventure!

 

Bienheureux sont les Terriens car ils ont Mars comme planète voisine (2. La distance)

Une fois que les Terriens auront suffisamment « fait joujou » sur la Lune, ils pourront enfin s’élancer vers Mars, une vraie planète avec, comme nous l’avons vu la semaine dernière, une gravité adéquate et une richesse géologique adaptée à la présence humaine, compte tenu du niveau technologique que nous avons atteint aujourd’hui.

Certains disent que la planète Mars est trop loin. Ils ont tort. En fait elle est suffisamment loin pour justifier une présence humaine permanente mais elle n’est pas trop loin pour empêcher toute communication avec la Terre ni pour souffrir d’une irradiance solaire trop faible. Elle est aussi suffisamment loin pour que l’eau puisse y avoir subsisté un peu partout sous forme de glace.

Le premier point à considérer est le simple fait spatio-temporel de l’isolement proprement dit.

Comme chacun le sait ou devrait le savoir, Mars se situe, en ligne droite, entre 56 et 400 millions de km de chez nous ou, en termes d’astronautique, au bout d’un arc d’ellipse (trajectoire courbée par la force gravitationnelle du Soleil) de 500 à 600 millions de km correspondant à ces 400 millions de km. Cette longueur d’arc d’ellipse est en effet la seule à prendre en compte car pour transporter le maximum de masse avec le minimum d’énergie (qui est le maximum de ce qu’on peut embarquer), on doit suivre, plus ou moins, une trajectoire de Hohmann (départ tangentiel à la Terre, arrivée tangentielle à Mars avec une vitesse nulle, Mars étant située en conjonction du Soleil par rapport à la Terre lors du départ). Pour parcourir cette distance il nous faut aujourd’hui, avec la propulsion chimique, entre 8 à 6 mois (en raccourcissant un peu la trajectoire idéale de Hohmann et en consommant plus d’ergols, donc en transportant moins de charge utile). Par ailleurs, compte tenu de la progression différente de chacune des planètes sur leur orbite respective (longueur des ellipses et vitesse de déplacement sur ces ellipse différentes), la fenêtre pour un départ de la Terre vers Mars ne reste ouverte que pendant un mois tous les 26 mois ou, après être arrivé sur Mars après un voyage de 6 mois, qu’à peu près un mois à la fin d’un séjour de 18 mois.

Ces six mois de voyage et l’étroitesse de la fenêtre de départ ont plusieurs conséquences. On ne peut raisonnablement imposer un grand nombre de voyages parce qu’ils sont très longs dans l’absolu pour un être humain (six mois dans un volume viabilisé limité, même confortable, deviendront à la fin un maximum supportable) et parce que la dose de radiations accumulée devient à la longue nuisible pour la santé. Faire trois voyages aller-retour dans une vie ne posera pas de problème, en faire le double exposerait à un risque de cancer non négligeable.

On pourra peut-être créer une gravité artificielle par force centrifuge dans les vaisseaux interplanétaires mais on se limitera probablement à une gravité martienne (0,38g) et sur Mars on n’aura pas les moyens de vivre dans une gravité terrestre. Il va en résulter, malgré les charges que l’on pourra s’imposer et l’exercice physique, une perte de densité osseuse et de masse musculaire qui rendront le retour sur Terre d’autant plus pénible que le séjour sur Mars aura été long.

Financièrement, quelqu’un devra payer le voyage plus séjour (« voyage »). Certes la plupart des passagers pour Mars auront un travail à y faire qui devrait permettre la rentabilisation du voyage ou bien ils disposeront d’une somme (importante) pour l’acheter. Quoi qu’il en soit le voyage sera coûteux même après que les économies d’échelle dues à l’augmentation du nombre de vols auront permis de réduire le montant du « billet » unitaire. Ce sera une raison supplémentaire non pas de renoncer au voyage mais de bien réfléchir avant de repartir vers la Terre parce qu’il sera vraiment coûteux de revenir ensuite sur Mars.

Donc les voyages seront longs, pénibles, coûteux, à la limite du possible, mais cette extrémité a deux faces. On ira peu sur Mars mais on pourra y aller et lorsqu’on ira on sera incité à y rester ne serait-ce qu’en raison des difficultés surmontées.

Mais l’effort nécessaire ne sera pas la seule raison d’y rester.

Le second point à considérer est celui qui découle de la rigidité des périodes synodales. L’impossibilité de s’écarter de la fenêtre de départ pour entreprendre le voyage dans un sens ou dans l’autre aura pour conséquence une période de vacance de plusieurs mois sur Mars entre un départ de Mars vers la Terre et l’arrivée suivante sur Mars depuis la Terre. Il faudra donc une équipe sur place pour faire la liaison, c’est-à-dire assurer la maintenance des installations diverses entre deux séjours et surtout pour accueillir les nouveaux résidents après un voyage éprouvant (surtout s’ils ont voyagé en apesanteur).

Le troisième point à considérer est la possibilité de communiquer. Là aussi les Martiens se situeront à la limite de l’acceptable, extrémité qui présentera aussi ses deux faces.

Les messages, dans chaque sens, devront franchir la distance en ligne droite qui séparent Mars de la Terre, les 56 à 400 millions de km mentionnés plus haut, soit 3 à 22 minutes à la vitesse de la lumière. La conversation en direct ne sera donc pas totalement impossible, disons que l’on aura le temps de la réflexion (ce qui évitera sans doute de dire n’importe quoi), cependant elle sera très difficile. On sera un peu dans la situation des membres d’un réseau social ou des commentateurs d’un blog, avec des questionnements ou des réponses auxquels on ne répond pas immédiatement mais quand même, si nécessaire, plusieurs fois dans la journée.

Il faut voir la différence avec les échanges qui auraient lieu avec des personnes situées à la proximité de Jupiter et a fortiori autour de l’étoile Proxima Centauri, notre plus proche voisine (4,25 années-lumière tout de même). Dans ces cas-ci, l’envoi d’informations restera possible mais l’échange ne pourra plus être une conversation. Dans le cas de Mars, y vivre restera compatible avec le maintien de liens via les ondes avec des « proches » ou des collègues restées sur Terre.

Le quatrième point à considérer est la situation énergétique de la planète ou plus particulièrement son niveau d’irradiance solaire. Au plus loin du Soleil, au cœur de l’hiver austral, un objet à la distance de Mars reçoit encore plus de 400 W/m2. C’est trois fois moins que ce que l’on reçoit à la distance de la Terre mais dix fois plus que ce l’on reçoit à la distance de Jupiter. Cela permet d’utiliser encore l’énergie solaire pour les serres dans lesquelles on cultivera une bonne partie des aliments nécessaires à la vie de l’homme (en complétant évidemment avec de l’énergie obtenue sur Mars) et cela permet de disposer d’une luminosité suffisante pour évoluer à l’extérieur des bulles viabilisées sans apport d’énergie complémentaire.

Certes cela ne permettra pas de jouir d’une température extérieure compatibles avec la vie humaine (les températures de -100°C la nuit seront « normale » mais même pendant l’hiver austral les températures n’atteindront pas cet extrême à l’équateur et il y aura des températures positives pendant l’été boréal. Surtout, la rotation de la planète sur elle-même en 24h39 évitera les trop longues périodes sans lumière et sans chaleur même relativement faibles. Elle sera aussi familière à l’homme et aux autres formes de vie qu’il introduira sur Mars.

Cette chaleur et cette luminosité relatives représentent des économies d’énergie considérables par rapport à ce qu’exigera un séjour sur Europa ou a fortiori sur Titan.

Le cinquième point à considérer est l’accessibilité à la glace d’eau. A la différence de la Lune où l’eau est rare, concentrée aux pôles (surtout au Pôle Sud) et difficilement accessible, il y a de l’eau un peu partout sur Mars, bien sûr près des pôles mais aussi aux latitudes moyennes et même à l’équateur. La température basse résultant de l’éloignement du Soleil, a permis sa conservation sous forme de glace depuis des millions d’années (entre les périodes d’atmosphère dense faisant suite aux épisodes volcaniques ou d’inclinaison de l’axe de rotation très bas sur le plan de l’écliptique) pourvu qu’elle ne soit jamais exposée à la chaleur (autrement elle se sublime). L’homme sur Mars aura accès à ces réserves, il pourra les miner et les conserver sans dépense d’énergie jusqu’à ce qu’il en ait besoin, avant de recycler l’eau après usage puis de la remettre en réserve sous forme de glace qui pourra lui servir également d’écran contre les radiations.

Vivre en Antarctique a permis d’envisager de vivre sur la Lune. Mais ni le premier ni la seconde ne sont suffisamment loin de la civilisation pour que l’on envisage de s’y établir vraiment. Si on est malade dans l’un ou l’autre de ces lieux hostiles on peut/pourra envisager un rapatriement. Si un équipement essentiel à la survie fait défaut dans l’un ou l’autre de ces mêmes lieux, on peut/pourra envisager de se le faire fournir. Rien de tel sur Mars, une fois parti de la Terre et jusqu’au retour trente mois après, l’équipe d’astronautes et plus tard les résidents martiens, seront seuls, sans aucune assistance matérielle possible. En ce sens, passer de la vie sur la Lune à la vie sur Mars représente un saut comme on n’en a jamais fait depuis les Grandes Découvertes où là aussi l’explorateur européen était totalement seul, loin de tous les outils disponibles en Europe. Avec Mars nous allons commencer une nouvelle séquence. Une fois que l’homme se sera adapté à vivre en-dehors de son berceau, grâce à une planète Mars « distante mais pas trop », il pourra tenter la grande aventure de l’essaimage dans l’espace véritablement profond, celui qui est situé au-delà du système solaire interne. Nous n’avons pas encore la technologie pour le faire mais nous l’aurons un jour et nul doute que nous l’utiliserons comme demain nous utiliserons les faibles moyens dont nous disposons aujourd’hui pour aller sur Mars. Et nous pourrons aussi le faire car, grâce à la vie sur Mars, le principe d’une vie possible en-dehors de la Terre aura été posé, accepté et tenté avec succès. Depuis qu’elle a pu parvenir à la mer ouverte ou aux marges des grands déserts d’Afrique, une partie de notre espèce, celle des nomades, a toujours rêvé de savoir ce qu’il y avait « de l’autre côté ».

Illustration de titre :

La Terre vue de Mars photographiée par le rover Curiosity de la NASA le 31 janvier 2014, 80 minutes après le coucher du Soleil (crédit NASA/JPL-Caltech/MSSS/TAMU). Les deux planètes sont distantes mais après Vénus, Mars est la plus proche. Les deux sont celles que l’on voit le mieux dans notre ciel; dans le ciel de Mars c’est la Terre, seule.

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Attention! Le Temps arrête sa plateforme de blogs le 30 juin 2023.

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Index L’appel de Mars 23 06 06

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Bienheureux sont les Terriens car ils ont Mars comme planète voisine (1. La masse)

Les Terriens sont ingrats. Beaucoup considèrent la Planète Mars comme une terre hostile et lointaine qu’il vaudrait mieux, de ce fait, ignorer. Ils ont tort. Ils devraient au contraire voir que c’est exactement le tremplin dont l’humanité a besoin pour, un jour, pouvoir prendre son envol dans l’espace profond. Ils devraient donc rendre grâce à la « Nature » qui l’a placée là, telle qu’elle est, à l’endroit où elle est.

Les avantages fondamentaux qu’offre Mars pour nous êtres humains, par rapport aux autres planètes du système solaire et par rapport aux planètes d’autres systèmes qui ne présenteraient pas la même configuration que notre couple Terre/Mars, sont liés à la masse et à la distance. Plus précisément ce sont d’une part, le rapport de masses entre les deux planètes et la masse de Mars en absolu ; d’autre part, la distance de Mars à la Terre et la distance de Mars au Soleil. Je développerai cette semaine, les avantages donnés par la masse.

Pour mémoire, Mars a une masse relativement petite, un dixième de celle de la Terre, pour un diamètre égal à la moitié de celui de la Terre (donc à peu près la même densité) mais une surface égale à la totalité des terres émergées de notre planète. Cette faible masse n’est pas « normale ». Compte tenu de l’homogénéité probable du disque protoplanétaire, Mars aurait pu avoir la même masse que la Terre ou que Vénus. Elle aurait même dû avoir cette masse si, comme nous l’a démontré brillamment l’astrophysicien Alessandro Morbidelli (théorie du « Grand Tack » i.e. du « grand rebroussement »), Jupiter, formée au-delà de la ligne de glace, n’était pas venue faire une incursion dans cette région du système solaire interne (en-deçà de la Ceinture d’Astéroïdes) alors qu’il était encore en formation (avec un certain retard par rapport aux géantes gazeuses). Par chance Saturne étant entrée en résonnance avec elle, stoppa sa descente vers le Soleil et l’entraina pour repartir de concert dans le système externe (au-delà de la Ceinture d’Astéroïdes). Les dommages causés par l’incursion étaient cependant déjà énormes, la plus grosse partie de la matière de la Ceinture d’astéroïdes chamboulée, dispersée, absorbée, la plus grosse partie de la matière qui aurait pu permettre de créer une planète Mars de la taille de la Terre, absorbée. Cependant Jupiter n’était pas descendue suffisamment longtemps dans cette région pour en absorber toute la matière et par chance elle y était restée suffisamment longtemps pour que ce qui resta de matière put s’accréter par gravité en une planète nettement moins massive que la Terre mais nettement plus massive que la Lune, ce qui était exactement ce dont nous aurions besoin plus tard.

En effet, cette masse de Mars implique une pesanteur au sol d’à peu près un tiers de celle que nous avons sur Terre (0,38g) et une vitesse de libération de 5,03 km/s (contre 11,2 km/s pour la Terre). Les conséquences en astronautique sont que (1) le poids de l’éventuel Starship qui se posera sur Mars presque à vide d’ergols ne sera que de 100 tonnes pour une masse maximum de quelques 300 tonnes (soit 100 tonnes de structures, 50 tonnes d’ergols résiduels, 150 tonnes de charge utile) ; (2) le poids au départ de Mars, une fois le plein d’ergols fait, sera de 370 tonnes pour une masse de 1400 tonnes (100 tonnes de structure, 1200 tonnes d’ergols, 100 tonnes de charge utile). Ce poids est à comparer (1) à celui du Starship avec son lanceur, SuperHeavy, au départ de la Terre, 4000 tonnes (soit pour la structure, 200 tonnes pour le SuperHeavy et 100 tonnes pour le Starship, et pour les ergols, 3400 tonnes pour le SuperHeavy et 150 tonnes pour le Starship – en attendant de faire le plein en orbite – plus 150 tonnes de charges utile). Il est à comparer aussi au poids au départ de la Terre (2) des 538 tonnes de la version la plus lourde d’un Falcon-9 chargé ou encore (3) des 780 tonnes d’une Ariane-5.

On voit bien que les difficultés pour se poser puis repartir d’une planète « Mars-hypothétique » de la masse de la Terre seraient incomparables aux difficultés à surmonter pour décoller de la Terre. Par analogie vouloir se poser sur le sol non-préparé d’une telle planète et surtout vouloir en repartir poseraient des problèmes quasi insurmontables. En ne considérant que le décollage, il faudrait disposer sur place d’un lanceur équivalent au SuperHeavy qu’il aurait fallu avoir pu apporter sur Mars aussi bien que les ergols nécessaires pour l’alimenter (ou du laboratoire capable de les produire à partir des ressources locales en quantité suffisante et avec la rapidité suffisante). C’est donc d’une machine bien plus puissante que le Starship-intégré (à son SuperHeavy) dont on aurait besoin au départ de la Terre. Or le test de décollage pour vol-orbital du Starship-intégré a amplement démontré que nous avions atteint le maximum de ce qu’il était possible de tenter avec nos moyens de propulsion actuels. Nous ne pouvons donc aujourd’hui espérer mener de missions habitées sur notre planète « Mars-réelle » que parce qu’elle a une masse beaucoup plus petite que celle de la Terre. Pour poursuivre le raisonnement, toute mission en surface de Vénus (ou planète de même masse), outre le fait qu’on ne pourrait y descendre en raison de la pression atmosphérique en surface (90 bars) et de la température (450°) serait totalement exclue car on ne pourrait plus en repartir du simple fait de la gravité. Toute mission sur une « superterre » (par définition de masse supérieure à la Terre) serait a fortiori également de ce fait, totalement exclue.

Après le décollage de la Mars-réelle, il sera ensuite beaucoup plus facile de rejoindre l’orbite avant injection interplanétaire vers la Terre, car les astronautes n’auront pas à surmonter l’épreuve de Max-Q, qui représente le pic de dangerosité après que l’on a quitté la surface de la Terre (ou de toute autre planète dotée d’une atmosphère dense). Rappelons que Max-Q est la tension aérodynamique maximum par laquelle on doit passer lorsque la pression atmosphérique est encore suffisamment élevée pour qu’en fonction de la vitesse déjà acquise la densité de l’atmosphère impose les contraintes les plus dures à la structure de la fusée. Cette tension diminue ensuite rapidement en fonction de la diminution de la pression atmosphérique, fonction elle-même de l’altitude. Dans l’atmosphère martienne, le Max-Q est beaucoup plus faible (pour ne pas dire négligeable) car la pression atmosphérique de départ est déjà très faible (615 pascals au « Datum » i.e. l’équivalent du niveau de la mer chez nous), correspondant à celle que nous avons à quelques 30 km d’altitude au-dessus de la Terre. C’est à cette altitude que le Starship-orbital a franchi son Max-Q, ce qui a sans doute contribué à sa déstabilisation devenue évidente quelques km plus haut. Lorsque la fusée repartant de Mars atteindra les 21 km d’altitude au-dessus du Datum, soit l’altitude du sommet d’Olympus Mons (le plus haut volcan de la planète) et probablement son Max-Q, la pression atmosphérique ne sera plus que de 30 pascals (trois dixièmes de millibars), clairement presque rien (et de toute façon, il n’aura pas eu besoin de procéder à la manœuvre délicate du « largage » de son lanceur puisque ce premier étage ne sera pas nécessaire du fait de la gravité plus faible).

Une fois sur Mars, les astronautes devront porter un scaphandre pour toutes leurs activités extérieures et sans doute un gilet plus un casque anti-radiations dans les habitats de surface protégés partiellement (comme les dômes transparents que l’on voit dans beaucoup de projets d’habitat), à moins bien sûr qu’ils ne décident de vivre sous une protection épaisse de régolithe ou de roche. Cela « tombe bien » car la masse correspondant à ce support-vie (scaphandre équipé) et à cette protection anti-radiations (gilet et casque), sera parfaitement adaptée à la capacité musculaire et osseuse des astronautes, et même leur sera bénéfique pour maintenir les tissus osseux et la masse musculaire en bonne condition, alors qu’elle serait totalement insupportable sur une planète de masse, donc de gravité, égale (ou supérieure !) à celle de la Terre.

Pour ce qui est de la recherche, Mars présente aussi deux atouts majeurs résultant de sa masse, donc de sa gravité. Cette masse a en effet permis une activité géologique beaucoup plus poussée qu’en surface de la Lune mais n’a pas permis le développement d’un activité tectonique notable comme sur Terre.

L’activité géologique sur la Mars primitive a permis la transformation géologique par diagénèse et métamorphisme associant l’eau liquide alors que cette évolution liée à l’eau a été quasi nulle sur la Lune puisque notre satellite naturel, de masse trop petite, a très vite été un astre mort. Mars a commencé une histoire géologique semblable à celle de la Terre avec réactivations nombreuses au début, suite à des changements d’inclinaison de son axe de rotation sur son plan de l’écliptique ou à de puissants épisodes volcaniques. Par chance, pour les scientifiques, cette activité s’est ralentie, presque arrêtée, quelques centaines de millions d’années après avoir commencé (vers -3,5 milliards d’années) en même temps que l’atmosphère se raréfiait à l’extrême et que l’eau de surface disparaissait. Dans le manteau de la planète une quantité moindre d’eau, elle aussi liée à la masse plus faible donc à la gravité plus faible de Mars par rapport à la Terre, donc à une attractivité moins forte de Mars pour les comètes porteuses de glace, n’a pas permis le développement de mouvements de convexion aussi puissants liés à une croute aussi mince que sur Terre. De ce fait, les mouvements de convexion n’ont pu qu’esquisser une très faible tectonique des plaques (Valles Marineris, ou Isis Planitia ?) ce qui a permis la conservation quasi intégrale d’une surface planétaire très ancienne étendue sur des dizaines de millions de km2, alors que sur Terre ces mêmes surfaces témoins des premiers balbutiements de la vie, n’occupent plus aujourd’hui que quelques dizaines de km2 en Australie et au Groënland.

Seule note négative, la faible masse de Mars n’a pas permis la création au centre de la planète, d’un noyau métallique ferreux aussi pur et de périphérie aussi nettement délimitée qu’au centre de la Terre, ce qui n’a pas permis une rotation différentielle suffisamment efficace pour générer des champs magnétiques globaux protecteurs (sinon au tout début de l’histoire géologique). Depuis que l’atmosphère s’est appauvrie (vers -4 milliards d’années sauf intermèdes de plus en plus rares), il n’y a plus eu de protection au sol contre les radiations solaires et galactiques. Ces conditions ont été évidemment défavorables à la vie.

En dépit de cette dernière « note » négative, Mars constitue donc, de par sa masse, un laboratoire optimal pour déduire ce qu’a pu être la surface terrestre la plus ancienne, et un lieu où les conditions gravitationnelles devraient permettre à l’homme de vivre dans des conditions acceptables.

La semaine prochaine :

Bienheureux les Terriens car ils ont Mars comme planète voisine (2. La distance).

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Le Temps arrête sa plateforme de blogs le 30 juin 2023

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La vie sur Mars, si elle existe, est forcément primitive et différente de la vie terrestre

Nous avons vu la semaine dernière que la vie sur Terre a été façonnée par son environnement en même temps qu’elle-même l’a réciproquement façonné. A supposer que la vie soit apparue sur Mars en même temps que sur Terre, au tout début de leur histoire puisque les deux planètes se ressemblaient alors beaucoup, quelles ont pu être ses possibilités d’évolution et de divergence ?

Pour répondre à la question, il faut considérer le cadre environnemental martien en le comparant à celui de la Terre. Ce cadre est défini par la masse de la planète et par son histoire géologique (outre sa distance au Soleil). Et l’on voit que les deux divergent assez vite. Sur Mars on distingue trois éons* : le Phylosien (humide, l’âge des feuilles d’argile) du début de l’histoire jusqu’à -4 milliards d’années (Ma), le Theiikhien (volcanique, l’âge du souffre) jusqu’à -3,6 Ma, le Sidérikien (désertique, l’âge du fer) pour toute la suite, jusqu’à nos jours. Sur Terre nous avons l’Hadéen, l’Archéen, le Protérozoïque, le Phanérozoïque. L’Hadéen (correspondant à une planète de surface magmatique, sans croûte formée) est très court sur Mars, en raison de la plus faible masse de cette planète (elle s’est refroidie plus vite) et de l’absence d’impact de l’importance de celui qui a créé la Lune (elle n’est pas retournée tardivement à l’état magmatique comme la Terre l’a été). On ne le distingue pas de ce fait de l’éon suivant, le Phylosien. Le Phylosien est sans doute très semblable au début de notre Archéen (atmosphère très épaisse et sans doute constituée des mêmes gaz, avec eau liquide en surface). Mais il commence beaucoup plus tôt (vers -4,45 Ma), en parallèle de l’Hadéen terrestre et se termine lorsque l’Archéen terrestre commence (-4.2 Ma). L’évolution sur Mars est accélérée. C’est sans doute à la fin de cet éon que le noyau de la planète n’a plus la force de maintenir d’effet dynamo capable de générer un champ magnétique global protecteur. Le Théiikien est contemporain de l’ère Eoarchéenne terrestre (à l’intérieur de l’éon Archéen) de -4.2 à -3.8 Ma. Dès la fin de cette époque (-3.8 Ma), on entre dans l’éon Sidérikien pour Mars et dans la deuxième des quatre ères de l’Archéen terrestre (Paléoarchéen). Sur Mars on reste ensuite dans le Sidérikien jusqu’à aujourd’hui. L’aridité-froide générale de cet éon, explicable par une densité atmosphérique très faible (entrainant sublimation de l’eau) et la distance plus grande de Mars au Soleil que la Terre, étant entrecoupée par des épisodes volcaniques causant des flux aqueux cataclysmiques sous une atmosphère temporairement plus épaisse et plus chaude (effet de serre). Mais cette atmosphère épaisse ne « tient » jamais longtemps car l’attraction gravitationnelle de la planète est trop faible pour la conserver. Avec le temps, l’activité de la planète se calme car elle se refroidit et la croûte s’épaissit, les éruptions volcaniques sont de plus en plus difficiles (ce qui ne veut pas dire qu’elles soient moins violentes et les laves moins abondantes quand elles parviennent à percer la croûte) jusqu’à aujourd’hui où elles ont peut-être cessé.

* Cette segmentation de l’histoire de Mars n’est pas encore reconnue universellement. Elle a été proposée par l’astrophysicien Jean-Pierre Bibring (P.I. du spectroscope Omega embarqué sur l’orbiteur Mars-Express de l’ESA). Elle est fondée sur des constatations géologiques, la morphologie mais aussi la composition des sols et la stratigraphie comme le permet la spectroscopie et l’étude par radar. La plupart des planétologues en sont (malheureusement) restés à la classification ancienne reposant sur l’image visuelle : la cratérisation des sols (nombre et tailles des impacts) et les grands phénomènes qui ont marqué la planète de leur passage : Noachien (abondance des cratères), Hespérien (volcanisme) -4.0 Ma à -3.5 Ma, Amazonien (flux aqueux cataclysmiques) ensuite. Il y a un léger décalage entre les deux classifications. Dans celles de Jean-Pierre Bibring les deux premiers éons, ceux de la « planète vivante », sont plus courts.

Faisons donc l’hypothèse que la vie serait apparue sur Mars, en même temps que sur Terre et peut-être un peu avant (-4,2 Ma ?) puisque l’Hadéen (température très élevée) a été très court sur Mars et que donc il y a eu une croûte et de l’eau liquide peut-être déjà vers -4,4 Ma. Certains paléogéobiologiste comme Steven Benner, pensent même que les conditions étaient plus favorables sur Mars que sur Terre (notamment quelques terres émergées plutôt qu’une planète-océan) et qu’en conséquence c’est sur Mars qu’a commencé la vie commune qui ensuite a été transportée sur Terre par quelque petit astéroïde interplanétaire créé et expulsé par l’impact d’un plus gros astéroïde sur Mars (il y en a eu, on les appelle les « météorites SNC » !). Ce petit astéroïde, habité par des spores de microbes martiens, serait arrivé sur Terre au début de l’Eoarchéen. J’ai toutefois une réserve sur ce point car dès le début nous avons sur Terre les deux formes de vie procaryote (archée et bactérie) et cela supposerait que par une chance extraordinaire le petit astéroïde ait transporté les spécimens des deux. Il faudrait plutôt que ce soient des ancêtres prébiotiques de notre LUCA, Last Universal Common Ancestor, qui aient fait le voyage et que la dernière étape vers la vie n’ait pu être franchie que sur Terre.

Supposons cependant, par hypothèse, que les ancêtres des premiers procaryotes aient pu trouver un terrain propice à leur passage du prébiotique au biotique sur Mars aussi bien que sur Terre où ils auraient pu se nourrir des mêmes ressources locales (autotrophes) et se reproduire, en bénéficiant de conditions énergétiques suffisantes.

Si la vie est apparue et s’est développée sur les deux planètes il n’y aurait eu que peu de différenciations ou divergences entre les modes de fonctionnement et l’évolution des lignées de vie au début puisque les milieux étaient très semblables (avec une nuance cependant en fonction du stade d’évolution atteint sur Mars lors de l’éventuelle migration vers la Terre). Les premières formes de vie passaient sans doute l’essentiel de leur temps dans l’eau, milieu plus riche et plus sécurisé que les terres émergées (quoique très rares sur Terre et moins sur Mars). La seule nuance étant que déjà vers -4 Ma, Mars a connu des périodes de très faible pression atmosphérique (donc déjà un assèchement) qui ont pu conduire à une adaptation darwinienne des microbes martiens éloignant déjà les deux formes de vie.

Si la migration vers la Terre s’est effectuée juste avant l’apparition de notre LUCA nous sommes probablement constitués des mêmes éléments. Mais les constituants, acides aminées ou lipides de leur membrane lipidique, par exemple, pourraient ne pas être les mêmes, si la migration s’est effectuée avant une évolution suffisamment poussée sur Mars.

Après -3,6 Ma, tout change. Autant la Terre continue à offrir un habitat de surface, riche et utilisable pour se nourrir et se reproduire, autant les conditions (disparitions des océans, flux cataclysmiques intermittents) deviennent difficiles sur Mars. Il ne serait pas étonnant que les formes de vie sur cette planète aient divergé fortement dès ce moment, les procaryotes martiens étant contraints pour survivre de devenir beaucoup plus résistants tout en perdant la capacité comme leurs cousins terrestres, d’exploiter l’eau de mer grâce à l’énergie du Soleil pour en capter les électrons ou en n’ayant même pas eu le temps d’y parvenir.

La suite c’est qu’il n’y a probablement pas eu de cyanobactéries-photosynthétiques rejetant dans l’atmosphère de Mars l’oxygène produit par leur métabolisme (et indirectement pas de couche d’ozone protectrice). C’est sans doute aussi pour cela que jusqu’à présent on n’a pas trouvé beaucoup de carbonate de calcium (calcaire) sur Mars puisque sur Terre il provient essentiellement d’animaux à coquille.

Toujours est-il que la perte d’atmosphère a sans doute déclenché une première extinction de masse de l’hypothétique vie martienne. Extinction qui a forcément conduit à une modification importante de l’arbre phylogénétique de cette vie. Qu’a-t-il pu advenir ensuite ? Sans doute une floraison nouvelle à chaque période volcanique*, qui a permis à la vie de « tenir » sous forme de spore, malgré l’aridité et la disparition de l’eau liquide jusqu’à l’épisode volcanique suivant. On peut supposer que ces alternances, très dures, des conditions environnementales ont pu permettre à la vie martienne de muter plusieurs fois et de s’endurcir, c’est-à-dire de devenir extrêmement résistante. Jusqu’à quand ?

*En dehors des périodes volcaniques, il y a bien sûr eu d’autres cataclysmes : des impacts de gros astéroïdes, des changements d’inclinaison de l’axe de rotation de la planète et des changements dans l’excentricité de l’orbite. Les premiers ont pu aussi conduire à des épaississements de l’atmosphère et les seconds à des périodes de glaciation. Mais les effets sur des microbes n’ont pas dû être très différents que les épisodes volcaniques. Quant aux changements d’excentricité de l’orbite, ils ont pu avoir des effets marginaux sur le climat, sans conséquences majeures pour ces mêmes microbes car ces derniers, êtres moins complexes que les métazoaires, animaux ou plantes, sont plus résilients.

Il y a plusieurs points d’interrogation qui résultent de cette histoire : 1) On ne sait toujours pas si la vie a pu apparaître sur Mars. 2) Si elle est apparue, on ne sait évidemment pas si elle a pu se maintenir en sous-sol entre les épisodes aqueux. 3) Si elle a survécu au début de l’histoire de Mars, on ne sait pas si elle a pu survivre pendant la dernière période depuis le dernier épisode aqueux car on ne sait pas à quelle époque il remonte. On sait que les procaryotes (bactéries ou archées) peuvent survivre très longtemps sous forme de spores, plusieurs dizaines de millions d’années. Mais cette résilience a-t-elle été suffisante ? Les intervalles entre les dernières périodes d’habitabilité n’ont-ils pas été trop longs ?

Si toutefois la vie martienne a survécu jusqu’à aujourd’hui, elle ne peut être que de type procaryotique car on ne voit pas quel événement aurait pu lui permettre de domestiquer la combustion de l’oxygène étant donné qu’il n’y avait aucune incitation biologique à le faire. Absence d’oxygène moléculaire signifie pas de métazoaire donc pas de plantes et pas d’animaux. Par ailleurs, cette vie procaryote si elle existe ou si elle subsiste, doit être à une profondeur dans le sol qui la protège contre les radiations, qui lui donne un minimum d’humidité et un minimum de chaleur tout en supposant que les minéraux qui l’entourent lui permette de se nourrir. Au moins deux mètres (radiations) mais probablement beaucoup plus. En tout cas, en raison de son histoire très différente de la nôtre, elle est forcément très différente de la nôtre et elle doit être rare car on n’a pas remarqué de façon évidente dans l’atmosphère, de gaz provenant de rejets métaboliques abondants. Les apparitions supposées de bouffées de méthane ont été erratiques et faibles, à la limite du doute.

Le point d’interrogation subsistera, au moins jusqu’à la campagne d’exploration suivant l’atterrissage de la sonde ExoMars…en 2029 (espérons) !

Illustration de titre : le rover Rosalind Franklin de la mission ExoMars de l’ESA en train d’effectuer un forage. Vue d’artiste, crédit ESA.

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Les extinctions de masse ont façonné la Vie….et ce n’est pas fini !

Depuis que la Vie est apparue sur Terre, son parcours jusqu’à nous n’a pas été celui d’un « long fleuve tranquille ». Il a fallu qu’elle surmonte les assauts féroces de plusieurs extinctions de masse tout en suivant un « train-train » d’évolutions darwiniennes portées par la compétition avec les autres formes de vie et l’adaptation constante au milieu. Ces extinctions ont eu plusieurs causes. Ce ne furent pas, comme certains pourraient le penser, uniquement des impacts d’astéroïdes qui rebattirent les cartes. Ce furent plusieurs fois des épisodes volcaniques démesurés pour la Terre hôte ou des configurations défavorables d’assemblages de terres émergées, ou encore des détériorations dramatiques de l’environnement résultant d’une prolifération de la vie elle-même. Ce furent in fine toujours des variations fortes de la composition de l’atmosphère et en particulier de l’évolution du taux d’oxygène, gaz rare à l’état moléculaire, que certains individus de cette vie même avaient eux-mêmes généré.

Ainsi l’extinction fut soit dans la logique de l’évolution de la vie elle-même (le balancier de la « prospérité » allant toujours trop loin vers l’« exubérance »), soit simplement le fait du hasard (volcanisme, jeu de la tectonique des plaques, faille dans la protection magnétique, astéroïde). Toujours, elle survint à un moment de l’évolution de la Terre et en parallèle, de la vie, qui n’existait pas avant et ne pouvait se répéter après. Depuis les origines, la Terre a évolué. Sa croûte s’est refroidie et durcie, les effets de marée de la Lune se sont adoucis avec son éloignement, sa vitesse de rotation sur elle-même s’est ralentie, la densité de son atmosphère s’est réduite, la composition de cette atmosphère a profondément changé, l’acidité de l’eau de ses océans s’est atténuée (ces deux derniers caractères en partie du fait de l’évolution de la vie elle-même).

Ce qu’on peut dire sur les conséquences de cette succession d’extinctions, c’est qu’elles ont modelé profondément notre arbre phylogénétique, mettant fin à des situations dominantes, favorisant d’autres espèces plus adaptées aux nouvelles conditions environnementales, forçant une évolution darwinienne quand la Vie était « au pied du mur » et qu’elle pouvait s’engager dans le « trou de souris » que lui permettait d’utiliser ses gênes. Le résultat c’est que nous avons aujourd’hui, aux extrémités actuelles de notre arbre phylogénétique, une floraison « à nulle autre pareille », à supposer qu’un autre arbre ait pu croître ailleurs et y donner des fleurs.

Depuis 1982, sous l’impulsion des paléontologues Jack Sepkoski et David Raup (tous deux de l’Université de Chicago), on met communément en exergue cinq extinctions de masse.

La « première » est celle de l’Ordovicien/Silurien. Elle eut lieu il y a 443 millions d’années. Elle supprima 85% des espèces ; 57% des genres et 27% des familles*. Les événements l’ayant causée sont encore discutés mais il pourrait s’agir d’une phase de volcanisme basaltique intense ou bien de la libération brutale d’énormes poches de gaz carbonique à partir de sédiments marins constitués par une prolifération d’algues dans l’Océan. Ces événements auraient provoqué une glaciation donc une baisse du niveau de la mer très sensible sur la plateforme continentale et la disparition de l’habitat des formes de vie concernées. Rappelons qu’à l’époque il n’y avait pas de vie hors de l’eau. Les victimes furent donc des trilobites, des planctons, des brachiopodes, des coraux.

*Pour mémoire, les êtres vivants sont hiérarchisés en neuf « taxons » (rangs taxonomiques), soit : monde vivant / domaine / règne / embranchement ou phylum / classe / ordre / famille / genre / espèce. Pour donner un ordre d’idée de cette hiérarchie, c’est au niveau du « règne » que l’on distingue horizontalement : bactéries /archées / protistes / champignons / végétaux / animaux ; c’est au niveau du genre que l’on distingue horizontalement les types d’animaux ou de végétaux : Homo (Homo Sapiens et ses ancêtres ou cousins comme Homo Neanderthalensis) ou Quercus (chêne) ; c’est au niveau de la famille (celle des Hominidés) que l’homme peut cousiner avec les grands singes.

La « deuxième » extinction est celle du Dévonien. Elle eut lieu il y a 367 millions d’années (en trois phases, entre 380 et 360). Elle supprima 75% des espèces, 35% à 50% des genres et 19% des familles. La cause n’est toujours pas connue mais elle entraina une anoxie des océans. Les métazoaires les plus touchés furent encore des coraux, mais aussi les céphalopodes (ammonites et nautiles), les trilobites, des poissons.

La « troisième » extinction fut celle du Permien/Trias, il y a 252 millions d’années. C’est la plus importante ayant affecté la biosphère. Elle supprima énormément de végétaux et d’insectes en surface du continent et aussi de vie marine, 50 % des familles, 95% des espèces marines et 70% des espèces terrestres. Elle fut causée par une grande chaleur (températures supérieures à 50/60°C sur Terre, 40°C à la surface des Océans), elle-même provoquée par des flux volcaniques basaltiques considérables en Sibérie (Trapps de Sibérie), et aussi par un autre dégazage massif de CO2 accumulé dans les sédiments d’algues marines. Le phénomène fut aggravé par la réunion des terres émergées en un seul continent (et un seul plateau continental), la Pangée. Sur Terre Les phylums qui résistèrent le mieux furent les archosauriens (crocodiliens, dinosauriens, ptérosauriens) et les synapsides dont les cynodontes, ancêtres des mammifères, dans l’Océan, les poissons osseux (par rapport aux poissons cartilagineux, durement éprouvés).

La « quatrième » extinction est celle du Trias/Jurassique. Elle eut lieu il y a 201 millions d’années. Elle supprima 50% des genres, 80% des espèces marines et la plupart des grands vertébrés terrestres. Elle fut due à une rupture d’équilibre résultant de la dislocation de la Pangée et peut-être à un impact d’astéroïde. L’extinction favorisa les dinosauriens et les ancêtres des mammifères.

La « cinquième » extinction est celle du Crétacé/Paléogène (« K/T »). Elle eut lieu il y a 66 millions d’années. On en connait bien l’histoire : déferlement des laves du Dekkan, conclusion par l’impact de l’astéroïde de Chicxculub, et les conséquences : émergence des mammifères profitant de la disparition des dinosaures.

Cette histoire des « cinq extinctions » a conduit à qualifier la dégradation écologique en cours causée par la profération humaine et son action/effet sur l’environnement, de « sixième extinction ». On aurait pu/dû lui attribuer un rang beaucoup plus élevé car en réalité les cinq-extinctions déjà citées ne s’appliquent qu’à la vie des métazoaires (organismes dont chaque groupe de membres unicellulaires assure une fonction spécialisée et coordonnée) et encore elle oublie le début de l’histoire de cette vie. Elle omet également toutes les extinctions qui ont frappé la Vie alors qu’elle n’était encore que microbienne (tout autant que les cataclysmes ayant préparé la Terre à générer la vie). Pourtant elles ont, elles aussi, façonné ou forgé l’ADN de nos ancêtres eucaryotes et procaryotes.

Pour être plus exact, il faudrait donc prendre en compte aussi les grandes extinctions suivantes :

La première Grande-Oxydation (« huronienne »), entre -2,35 et -2,22 milliards d’années a été une véritable catastrophe car elle a provoqué la glaciation quasi-totale de la surface de la Terre, donnant ce qu’on appelle la première « Terre boule de neige » (« Snowball Earth »), évidemment mortelle pour la Vie aérobie. Pour déclencher cette oxydation, les cyanobactéries photosynthétiques, premiers êtres vivants hégémoniques de notre planète, avaient « abusé » de leur invention, l’exploitation des électrons de la molécule de l’eau, en utilisant l’énergie solaire et en rejetant l’oxygène. En moins d’un million d’années, elles détruisirent suffisamment de gaz carbonique et répandirent un pourcentage élevé (mais nettement moins qu’aujourd’hui) d’oxygène dans l’atmosphère. L’irradiance du jeune Soleil n’étant pas encore assez puissante pour, seule, inscrire la Terre en zone habitable, l’allègement/éclaircissement qui en résultat réduisit considérablement l’effet de serre maintenu autour de la Terre par ces gaz qui permettait l’eau liquide en surface. La glaciation planétaire ne disparut qu’après qu’un volcanisme puissant rétablisse l’effet de serre par de nouvelles injections de gaz carbonique, de sulfure et de méthane dans l’atmosphère.

Mais l’innovation était faite et elle introduisit le règne des eucaryotes, ces êtres monocellulaires résultant de la symbiose d’une archée avec une petite bactérie marginale qui avait l’immense avantage de pouvoir respirer l’oxygène malgré la violence de son « feu » (ce qui « au début » avait été très peu exploitable puisqu’il n’y avait pratiquement pas d’oxygène libre dans l’atmosphère). Cette symbiose mis à disposition des eucaryotes une énergie à laquelle ne pouvait prétendre aucun autre être vivant procaryotique. Dans le monde d’après la Grande Oxydation, les cyanobactéries photosynthétiques reprirent des forces, c’est-à-dire du nombre, et continuèrent à produire leur oxygène, tandis que les eucaryotes devinrent les rois du monde en l’exploitant. Par ailleurs les procaryotes qui ne respiraient pas l’oxygène ne purent continuer à vivre en surface de la Terre qui pour eux était devenue un monde empoisonné et ne persistèrent que dans le sol. Ce sont les eucaryotes qui purent ainsi évoluer pour former un jour les métazoaires (après plusieurs tentatives), ces métazoaires se divisant ensuite en végétaux, animaux et certains champignons.

Le grand saut jusqu’aux métazoaires ne se fit pas tout de suite mais après une autre série d’épisodes Terre-boule-de-neige qui eut lieu entre -717 et -635 millions d’années. Pendant ce temps, lentement, la fusion nucléaire du Soleil montait en puissance et une meilleure irradiance solaire à la distance de la Terre permis de conserver l’eau liquide en surface avec un effet de serre de moins en moins puissant.

Lorsque les glaces se furent retirées apparut la première population métazoaire, celle de la Faune d’Ediacara, ancêtre de nos méduses (entre autres). Comme toujours cette floraison ne put durer et l’extinction de cette première faune intervint il y a 545 millions d’années. La raison en est inconnue. Peut-être simplement fut-ce que les nouveaux venus, composant la faune cambrienne, disposaient d’une puissance de prédation. Ils l’exercèrent facilement au détriment des édiacariens totalement impuissants. Ou bien ce fut un changement de l’environnement auquel les édiacariens ne purent résister.

La faune cambrienne fut d’une exubérance extraordinaire, la plus créative de l’histoire de la Vie (cf faune de Burgess au Cambrien moyen). Comme les autres, elle fut dévastée par plusieurs extinctions dont la plus sévère intervint il y a 485 millions, à la jonction des périodes géologiques* du Cambrien et de l’Ordovicien, détruisant de nombreux phylums qui était apparus au cours de la période. Là encore on ne sait ce que fut la cause. Certains paléobiogéologues évoquent la possibilité d’un puissant sursaut gamma provenant d’une supernova située à 6000 d’années-lumière qui aurait détruit presque instantanément la couche d’ozone.

* la classification de l’écoulement du temps géologique distingue éons / ères / périodes /époques / âges. Le Cambrien fait partie de l’ère Paléozoïque, elle-même marquant le commencement de l’éon Phanérozoïque, au sein duquel nous évoluons toujours.

Si on ignore souvent les causes ultimes de ces extinctions, on en voit bien les causes directes que sont les fluctuations des composants de l’atmosphère, notamment celles des taux d’oxygène. Mais aussi celle des taux de certains gaz insupportables pour les êtres vivants utilisant l’oxygène (selon les époques et le degré d’évolution), tels que méthane, sulfure d’hydrogène ou gaz carbonique. Ou encore les variations de températures ou du cycle de l’eau. Le pire ce sont bien sûr les changements brutaux qui rendent l’adaptation de certaines lignées de vie difficile sinon impossible et ceci d’autant plus qu’elles étaient particulièrement bien adaptées au « régime » précédant qui avait permis leur prolifération.

A ces différents événements cataclysmiques, il faut en ajouter un autre d’une extrême importance, survenu à la fin de l’époque d’accrétion de la Terre. Ce n’est pas à proprement parler une « extinction » puisqu’il n’y avait pas encore de vie lorsque la grosse protoplanète Théia frappa la Terre seulement une centaine de millions d’années après son accrétion. Cependant cet impact qui fut à l’origine de la Lune par concentration des débris éjectés en orbite, créa des conditions tout à fait particulières sur Terre puisque sa croute en formation fut totalement reliquéfié et que se forma en satellite unique et particulièrement massif par rapport à la planète et à une distance très courte, peut-être seulement une vingtaine de milliers de km. Les marées primitives sur Terre étaient à la fois énormes et très fréquentes comme l’était l’alternance jour/nuit, moins de 10 heures seulement, au tout « début ». Il n’y avait pas d’eau liquide sur Terre mais le système de marée liant les deux corps était un malaxeur de matière et donc un générateur de mouvements, de brassements et de maintien de chaleur donc de perfectionnement du noyau planétaire métallique, sans doute une des explications de la création d’une dynamo interne génératrice de champs magnétiques protecteurs très puissants et, par introduction de l’eau dans le manteau, d’une ductilité particulière de ce manteau permettant une tectonique des plaques très active. Lorsque le système s’est assagi et que l’eau fut possible sous forme liquide en surface (vers -4,4 milliards), les journées étaient encore très courtes, légèrement au-dessus d’une dizaine d’heures et les forces d’attraction réciproques extrêmement puissantes générant en surface de la Terre une alternance régulière d’humidification et d’assèchement avec d’énormes zones de balancement des marées. Ces mouvements, cette force de marée, ces alternances, cette protection magnétique, très particuliers, ont pu contribuer à l’émergence de la vie, entre -4 et -3,8 milliards d’années.

On voit ainsi que restreindre les extinctions de masse au petit nombre de cinq est très simpliste. Sans compter qu’il y eu « entre deux », plusieurs extinctions « mineures » quand même sévères (notamment au Cambrien). Mais le plus important c’est qu’il ressort de tout cela que l’équilibre écologique terrestre est un équilibre profondément instable. Rien n’est assuré, tout se détraque quand se développe une prolifération ou intervient un « événement » externe à un moment déterminé par le plus pur des hasards. Il faut faire avec cette instabilité et cette incertitude. Presque tout change, continûment ; presque rien ne demeure. Héraclite a raison contre Parménide même si l’on peut voir aujourd’hui un sens dans le changement vers toujours plus d’entropie.

A notre époque nous sommes très probablement entrés dans une nouvelle période d’extinction de masse, celle qui est causée par la prolifération et le développement de l’activité humaine. Déjà le WWF nous dit que 70% des espèces sauvages (en effectifs, non en nombre d’espèces) ont été détruites entre 1970 et 2018 (et il y en a eu avant 1970 !). Les forêts primaires sont massacrées au profit des monocultures commerciales ou de l’agriculture vivrière ; les insectes disparaissent sous l’épandage des pesticides car ils gênent et les oiseaux meurent car ils n’ont plus suffisamment pour se nourrir ; les poissons surpêchés et empoisonnés par nos détritus (les continents de plastique s’étendent partout dans les océans) dégénèrent et meurent ; les grands fauves nous embarrassent car nous ne voulons pas leur laisser l’espace vital dont ils ont besoin et nous détruisons sans aucune pitié leurs habitats. Les surfaces bétonnées gagnent partout au détriment du sol qui respire. La pollution s’étend partout, la chaleur monte. Il ne faut pas rêver, la situation est dangereuse.

La différence avec les précédentes extinctions c’est que la nôtre est la première commise par des êtres soi-disant intelligents. On verra bientôt s’ils le sont vraiment car les solutions, non pour éviter cette extinction mais la surmonter, ne sont pas évidentes et nous avons commencé à y réfléchir très/trop tardivement. Elles sont sans doute contre-intuitives, c’est-à-dire qu’elles doivent recourir aux moyens offerts par le Progrès plus qu’à la Régression qui n’est pas adaptée à la situation : on ne descend pas à mi-course d’un bobsleigh lancé à toute allure dans son couloir de glace, on le pilote.

Illustration de titre : Un « demain » possible. Photo Pixabay, choisie par Fleur Brosseau, article dans Futura Science du 19/12/21.

Illustration ci-dessous : Extinction des poissons cartilagineux à la fin du Permien. Crédit Arnaud Brayard, Directeur de recherche du CNRS (laboratoire Biogéosciences), Université de Bourgogne ; publication dans Biological Reviews .

Lectures :

Rare Earth par Peter Ward et Donald Brownlee, Copernicus Book, 2003.

A New History of Life par Peter Ward et Joe Kirschvink, Bloomsbury Press, 2015

Life ascending par Nick Lane, Profile Books, 2009.

Après le 30 juin 2023 vous pourrez continuer à me lire et à commenter sur un nouveau blog que je viens de faire créer par le développeur Dinamicom et qui reprend toutes les archives (articles et commentaires) du présent blog hébergé par Le Temps. Je serais heureux que vous vous y abonniez.

Nom du blog: “Exploration spatiale – le blog de Pierre Brisson“. Lien vers le blog :

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Index L’appel de Mars 23 05 28

NB: Je récréerai un index avec liens vers mon nouveau blog, lorsque les articles publiés par Le Temps ne seront plus lisibles.

ATLAS, chef d’œuvre de Boston Dynamics, un compagnon robotique qui sera incontournable sur Mars

On connait bien les dangers auxquels les hommes seront physiquement confrontés sur Mars. Ils résulteront d’abord de l’isolement et de la gravité. L’isolement, parce qu’aucun transport depuis la Terre ou depuis Mars ne sera possible en dehors des fenêtres ouvertes par l’évolution respective des planètes autour du Soleil (cycles synodiques différents, de 26 mois pour Mars et de 12 mois pour la Terre). La gravité, plus faible (0,38g), parce qu’on ne sait pas comment lutter contre, en dehors de l’exercice physique (ou le port de vêtements pesants ou sollicitant les muscles) et parce que ce qui se passe à l’intérieur du corps restera toujours soumis à cette gravité différente (moins d’effort nécessaire à la pompe cardiaque pour pulser le sang vers le haut du corps et notamment le cerveau). On ne pourra en évaluer les conséquences que sur la durée, après les premières missions habitées. Au-delà, il faudra « faire-avec » toutes sortes de risques dont on pourra relativement bien se protéger à l’intérieur de la base habitée mais auxquels on restera exposé et vulnérable lors des « sorties », les mieux-nommées « EVA » (« extra-vehicular activities »).

Le remède à cette situation de danger présentée par « l’extérieur » mais en même temps d’impérieuse nécessité de pouvoir y exercer une activité, sera la robotique. Dans cette perspective les travaux de la Société Boston Dynamics* nous ouvrent des possibilités extraordinaires qui « tombent à pic » pour nous préparer à nous installer puis à vivre sur Mars.

*La société Boston Dynamics qui a commencé comme spin-off du MIT en 1992, est installée aux Etats-Unis. Après être « passée dans les mains » de Google, elle appartient aujourd’hui au chaebol Hyundai, via Hyundai Motor Group, pour 80%, et au financier Softbank (Japon) pour 20%. Ces vicissitudes s’expliquent par des “perspectives de rentabilité incertaines”.

Il faut dire en préambule que sur Mars toutes sortes de robots seront utiles sinon indispensables, et utilisables, dotés d’une programmation plus ou moins sophistiquée et d’une possibilité de recours à toutes sortes de données, ce qui permettra une intelligence artificielle plus ou moins développée selon les besoins.

Après l’incontournabilité de la nécessité de satisfaire le besoin d’activité à l’extérieur, la deuxième contrainte dimensionnante sera le besoin de mobilité car l’utilité principale des robots sera l’observation, l’exploration et la construction d’infrastructure sur une terre vierge. Enfin la troisième sera la robustesse car toute réparation sera coûteuse en disponibilité, en temps et en énergie.

Pour faire face à ces besoins, le robot que je pense le plus adapté (en dehors des véhicules robotiques « classiques ») sera l’humanoïde « ATLAS » (Agile Anthropomorphic Robot) de Boston Dynamics* assisté d’« animats » (« animal » +  « material », robots conçus pour se comporter comme des animaux). On en voit de temps en temps des vidéos et les plus récentes montrent qu’ils peuvent atteindre des performances extraordinaires (voir lien ci-dessous). Pour parler d’abord d’Atlas, l’intérêt n’est pas tant qu’il ressemble visuellement à l’homme mais qu’il peut effectuer à la place de l’homme toutes les taches physiques que l’homme devrait autrement effectuer lui-même : marcher sur un terrain inégal, sauter, escalader, porter, saisir, manœuvrer, manipuler, voir enfin via des caméras équipant sa tête avec retransmission de la chose vue sur écran à distance. On peut aussi sans doute envisager de renforcer son squelette ou de lui adapter un exosquelette pour porter des charges particulièrement lourdes. Quoique le transport puisse être effectué par des animats (voir ci-dessous), les manipulations de charges lourdes (déchargement d’un starship par exemple) peuvent nécessiter cette adaptation.

* Boston Dynamics n’est pas la seule société qui produit des robots humanoïdes. Tesla a décidé de suivre cette voie avec “Optimus”, ou la société Figure avec “Figure-1”. Cependant Boston Dynamics a beaucoup d’avance sur ses compétiteurs.

L’intérêt de cette intermédiation robotique sera de permettre à l’homme d’éviter de sortir de la Base habitée, donc de devoir enfiler, difficilement, une combinaison qui devra être pressurisée (et au travers de laquelle la main ne pourra pas intervenir, pour s’essuyer le front par exemple), d’être exposé dans cette combinaison au risque d’accrocs qui entraineraient une dépressurisation, d’être exposé aux radiations solaires et galactiques beaucoup plus sévèrement que dans la Base puisqu’il ne saurait être question de se déplacer avec la masse de matériaux protecteurs qui procureraient une sécurité totale. L’intérêt ce sera aussi d’éviter la nécessité et la complication d’équiper l’ouvrier d’un système support-vie (pour l’homme, gaz respirables, eau et stockage avec soi d’inévitables déchets corporels le temps de toute mission un peu longue). Ce sera encore d’être exposé à des températures très basses, qui nécessiteront un système de chauffage délicat incorporé au scaphandre (les robots devront pouvoir être chauffés pour maintenir leurs fluides fonctionnels liquides mais les marges de tolérance seront plus ouvertes). Ce sera encore d’éviter le risque de blessure grave pouvant provenir de micrométéorites, rares mais non exceptionnelles puisque l’atmosphère martienne n’est pas suffisante pour y faire barrière comme en surface de la Terre. Ce sera encore de limiter la fatigue physique des astronautes compte tenu de l’importance des gestes, manipulations, efforts qui seront nécessaires pour l’installation, l’entretien puis le développement des infrastructures de la Base, de son relai de communication, du site d’extraction des ressources locales, des véhicules, des équipements divers, de l’astroport. Ce sera encore de libérer les hommes de travaux répétitifs, consommateurs de temps et à faible valeur intellectuelle ajoutée. Ce sera encore de pouvoir apporter depuis la Terre dans un espace réduit, un maximum de « travailleurs » ne nécessitant pas les mêmes conditions de confort que les hommes (et donc bien davantage de force de travail sur Mars). Ce sera enfin de limiter les besoins en traitements médicaux en les remplaçant par des traitements mécaniques (avec évidemment modularité et redondance des pièces détachées) ou informatiques.

Alors, à ce stade, certains se demanderont pourquoi l’homme devrait-il aller physiquement sur Mars et pourquoi ne pas se contenter d’y envoyer des robots à sa place ? La réponse est que du fait de la finitude de la vitesse de la lumière, il y a un décalage temporel incontournable entre Mars et la Terre, qui va de 3 à 22 minutes dans un seul sens. On ne peut pas échapper à cette contrainte et on ne peut donc mener aucune action robotisée en direct sur Mars depuis la Terre. On doit programmer, constater le résultat, reprogrammer, sans cesse. Des hommes vivant dans une base martienne, donc au plus près de leurs robots, pourront agir sur le terrain constamment en direct via leur humanoïde (éventuellement évidemment assisté d’animats ou d’autres robots) qu’ils pourront considérer comme leur avatar. A cet égard, il faut bien voir que la situation sera totalement différente sur la Lune puisque la Terre n’en est qu’à 380.000 km et que, s’il y a bien un décalage temporel d’un tout petit peu plus d’une seconde entre les deux astres, cela n’empêche absolument pas une action directe depuis la Terre. La présence de l’homme sur Mars est donc indispensable pour l’explorer et l’exploiter ; elle ne l’est pas sur la Lune.

Je vois donc la population martienne future comme structurée en cellules de personnes humaines spécialisées, assistées de robots humanoïdes et autres pour la plupart de leurs actions extérieures. Leurs EVA ne seraient qu’exceptionnelles, pour contrôler ces machines, leur simple plaisir, le besoin physique de mener une action délicate (pour laquelle la programmation serait trop difficile ou trop complexe) seul ou avec d’autres humains (récupérer un homme blessé dans des conditions particulièrement délicates) ou d’autres nécessités (par exemple non-fonctionnement du parc robotique suite à une tempête solaire particulièrement forte qui aurait endommagé un centre informatique ne disposant pas de suffisamment de résilience ou de redondance).

Bien entendu ces humanoïdes seraient personnalisés pour chacun des humains qui les utiliseraient. On imagine bien que, puisqu’on le fait pour son ordinateur personnel (on a ses programmes, ses fichiers classés et on sait où ils se trouvent), on le ferait aussi pour son humanoïde personnel. Par ailleurs comme, vu à distance, un robot humanoïde ressemblera beaucoup à un autre, on aura intérêt à le distinguer visuellement des autres pour mieux le contrôler et le faire interagir à distance par écran interposé. Ça tombe bien car, étant donné le problème de poussière sur Mars et la vulnérabilité des articulations, il faudra les « habiller » aussi hermétiquement que possible.

A beaucoup d’égards, on pourra traiter l’humanoïde comme un homme, le faire monter sur un rover (l’avantage étant que le véhicule ne sera ni pressurisé, ni alourdi par une protection contre les radiations), télécommandé et il se rechargera en énergie en étant assis ; lui faire inspecter des parois raides et dangereuses (par exemple la partie haute de la coque d’un Starship avec un système de filins ou un échafaudage, ou bien l’aplomb d’une falaise sur laquelle on aurait aperçu une anfractuosité grâce à un hélicoptère ou un dirigeable) ; l’envoyer sur un hopper de Gruyere Space Program mener une mission lointaine avec une source d’énergie dédiée. Si un atlas se casse le poignet on pourra le lui remplacer car la plupart des pièces du robot sont imprimables en 3D, et ce sera évidemment préférable à une intervention chirurgicale sur un homme. Il faudra nettoyer le robot mais on n’aura pas besoin de lui faire prendre une douche (économie d’eau !) ; sans doute un bon coup de souffleur (ou sèche-cheveux !) pour lui enlever la poussière martienne ultrafine (d’abord à l’extérieur du sas) et quelques interventions plus méticuleuses en cas de problème (petit caillou coincé dans la chaussure !).

Il faudra également « nourrir » les robots. J’imagine que leur fonctionnement requerra beaucoup d’énergie (surtout qu’on leur demandera beaucoup !) et des rechargements fréquents puisque leur autonomie (batterie transportable) sera probablement limitée compte tenu du volume et de la masse*.  J’imagine bien que des atlas se rendent sur le site d’une intervention avec un rover non pressurisé sur lequel seront embarqués quelques animats, des outils et un ou deux kilopowers (réacteur à fission nucléaire portable). Après une durée de fonctionnement correspondant à leur capacité énergétique, ils viendraient se recharger à l’ombre de leur radiateur-parasol…comme on le fait nous-mêmes après l’effort sur la plage, sous des parasols également radiateurs (réflexion de la lumière solaire).

*mais on peut être créatif : les atlas-explorateurs qui par définition s’éloigneront beaucoup de la Base, pourront porter fixées à leurs épaules, de grandes ailes d’ange (ou de démon, selon votre point de vue) revêtues de panneaux solaires, qu’ils déploieront à l’envie.

Mais allons voir un peu plus à l’intérieur de « la bête » :

Comme le dit Boston Dynamics, ATLAS est une plateforme R&D, donc toujours un projet, fortement évolutif. Les recherches continuent à progresser dans les deux domaines de la physique et de la programmation (nous ne sommes pas au bout de notre émerveillement).

Dans le domaine physique les trois cadres sont :

1) La mobilité : le robot possède l’un des systèmes hydrauliques mobiles les plus compacts et réactifs au monde. Une batterie parfaitement adaptée, des vannes et une unité d’alimentation hydraulique lui permettent de fournir une puissance élevée immédiate mais dosable, à n’importe laquelle de ses 28 articulations.

2) La dynamique : Le système de contrôle avancé du robot permet une locomotion très diversifiée et agile tandis que les algorithmes raisonnent au travers d’interactions dynamiques complexes impliquant l’ensemble du corps et l’environnement pour planifier les mouvements. Sa vitesse maximum est de 2,5 m/s.

3) La légèreté et la modularité : le robot utilise des pièces imprimées en 3D qui lui donnent le rapport résistance/poids adéquat pour ses sauts. Pour une hauteur de 1,5 kg, son poids est de 89 kg (34 kg sur Mars).

Dans le domaine de la programmation, la recherche se situe dans la coordination de tout le corps et dans le mouvement dynamique :

4) Bibliothèque de comportements : les modèles de mouvements sont créés à l’aide de l’optimisation des trajectoires et intégration dans des routines complexes.

5) Perception en temps réel : ATLAS utilise des capteurs de profondeur pour générer des nuages ​​de points et détecter son environnement.

6) Contrôle prédictif modélisé : ATLAS utilise des modèles de dynamique pour prédire comment son mouvement évoluera dans le temps et il s’ajuste en conséquence.

 

ATLAS devrait être la pièce essentielle du dispositif robotique martien mais on peut également considérer deux animats comme ses assistants…et ceux de l’homme :

Bigdog (2004) est un robot porteur quadrupède utilisable pour les déplacements sur terrain accidenté. Il a été le premier à sortir du laboratoire de Boston Dynamics. Image: crédit Boston Dynamics) :

LS3 (2010) est l’équivalent de Bigdog pour transporter des équipements lourds et encombrants (crédit Boston Dynamics) :

Que fera donc l’« homme-aux-commandes », physiquement sur Mars ? Il sera le plus souvent assis à son bureau derrière son écran à surveiller son avatar, à voir au travers de lui et à lui donner des instructions pour lui-même et ses assistants robotiques. Mais il devra aussi, avec ses compagnons humains, entretenir sa « flotte » de robots, en construire et en programmer d’autres ; se concerter avec la Terre et au sein de la Base pour diriger le développement de cette dernière. Le ratio optimum êtres humains / robots sera facilement établi, c’est une question d’espace de stockage d’équipements et de ressources, d’énergie et de capacité d’attention de l’homme donc aussi des avancées possibles en autonomie des robots.

Au-delà, comme sur Terre, les hommes sur Mars auront besoin de se détendre, et encore plus que sur Terre, de faire du sport pour maintenir leur masse osseuse et musculaire. Nul doute que la Base sera bien équipée à cet effet (moins bien au début et mieux après). J’imagine aussi qu’ils liront sur leur tablette, qu’ils mèneront des études et des recherches, qu’ils écriront des lettres, écouteront de la musique, regarderont des films, nourriront leur corps et entretiendront leur santé. Tous ensemble, ils formeront une communauté pour faire avancer le développement de l’implantation humaine ou diverses recherches in situ…et aussi, en convivialité, pour lutter contre la solitude tout en permettant à chacun d’entre eux de s’épanouir et le moment venu de procréer d’autres hommes. Mais cela est une autre histoire !

Illustration de titre : ATLAS en train de travailler avec l’homme. Crédit Boston Dynamics

Liens (avec mes remerciements à mon ami Patrick) :

https://www.bostondynamics.com/atlas

https://youtu.be/E7qJQ2i47ZY

https://www.bostondynamics.com/

https://sciencepost.fr/video-le-robot-de-boston-dynamics-impressionne-sur-un-chantier-de-construction/

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Index L’appel de Mars 23 04 20

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Mars, la vie en double

On connait les dangers que les hommes devront affronter sur Mars. Parmi ceux-ci, on peut noter les impacts d’astéroïdes, l’absence d’air respirable, la très faible pression atmosphérique, des variations de températures quotidiennes de l’ordre de 100°C, la panne d’un équipement vital ou d’un autre, et bien sûr l’impossibilité de repartir sur Terre ou de bénéficier d’un secours en dehors des fenêtres synodiques espacées de 26 mois.

La conséquence c’est qu’il faudra penser à la possibilité d’une catastrophe à tout moment pour s’en prémunir. A cette fin on peut bien sûr envisager de s’installer en sous-sol, suffisamment profondément pour éviter les impacts susmentionnés, mais cela n’empêchera pas les accidents internes aux volumes viabilisés qui pourraient les rendre inhabitables, les pannes ou même un tremblement de Terre, peut-être peu puissant mais agissant sur un point faible de la structure sur laquelle l’habitat reposerait ou en contrebas duquel il se trouverait (au cas où la base serait construite dans une caverne).

La solution ce sera la redondance partout où elle sera possible.

Cela commencera avec les fusées pour revenir sur Terre. Le risque c’est que l’une (sinon évidemment les deux !) se pose mal à l’atterrissage ou que durant le long séjour en attendant la possibilité de retour, l’entretien soit défaillant ou insuffisant (et le seul test vrai de la possibilité de décollage d’une fusée, c’est son décollage effectif). La possibilité de retour physique sur Terre étant sinon indispensable (il le sera de moins en moins avec le temps et l’amélioration des capacités de vie sur Mars) du moins extrêmement utile, il sera nécessaire que lors de chaque fenêtre de tirs, au moins deux fusées soient lancées en même temps. D’ailleurs cela pourra servir pendant le voyage, pour créer une gravité artificielle dans chacune d’elle après mise en rotation du couple.

Ensuite, si l’on construit des habitats en surface, ils devront bien entendu être protégés par une couche de régolithe, aussi bien contre les impacts de micrométéorites que contre les radiations. En principe une couche d’un à deux mètres de régolithe devrait suffire mais les météorites capables de transpercer une telle épaisseur ne sont pas inenvisageables. On a observé en surface de Mars plusieurs cratères récents résultant d’impact de corps porteurs de cette énergie (voir illustrations de titre et ci-dessous). Cela implique donc une compartimentation des habitats permettant l’isolation immédiate des volumes viabilisés dont l’enveloppe serait frappée…et percée. Mais, en allant plus loin, il faudrait prévoir qu’un habitat puisse être détruit par une météorite et que donc les hommes qui l’occupaient puisse se réinstaller (s’ils n’ont pas péri) dans un habitat proche disposant des mêmes facilités de vie. A noter qu’il n’y a pas davantage de météorites qui approchent Mars que la Terre, en réalité moins, considérant que le puits de gravité terrestre est plus profond donc plus attractif que celui de Mars. Cependant dans l’environnement terrestre une bonne partie des météorites (les plus petits) sont totalement détruits dans l’atmosphère où ils brulent et sont consumés. Quand aux plus gros, ils peuvent « survivre » jusqu’au sol mais l’atmosphère joue aussi son rôle de chauffage et de freinage et beaucoup sont désagrégés avant d’atteindre le sol. L’atmosphère joue également un rôle de protection autour de Mars mais beaucoup plus faible (je rappelle que la pression atmosphérique est de 610 pascals au datum (équivalent du niveau de la mer) soit 6 millibars.

Pour l’énergie ce sera pareil. La source principale sera la fission nucléaire et, comme il est inenvisageable d’être à court d’énergie, les hommes devront disposer, dès le début, de deux réacteurs. Le second pouvant d’ailleurs ne pas être activé tout de suite, pour ne pas écourter sa durée de vie utile. En cas d’incident, on pourrait relayer le réacteur défaillant en attendant la mise en route du second, par des batteries, des panneaux solaires ou bien de petits générateurs brûlant du méthane dans de l’oxygène (le tout dans un volume viabilisé restreint et en maintenant une activité réduite à l’urgence).

Pour les hommes, ce sera encore pareil. En cas d’invalidation d’un dentiste, un autre dentiste doit pouvoir intervenir, de même le mécanicien qui connaît parfaitement le fonctionnement du rover ou du hopper doit pouvoir être remplacé « au pied levé » sans attendre qu’il récupère d’un accident, d’une maladie et, bien entendu, s’il décède.

Si l’on y réfléchit, aucune fonction ne doit pouvoir être dépendante d’un seul individu ou d’une seule machine. Toute fonction vitale doit être exercée ou exerçable de façon redondante. Cela implique donc beaucoup de personnes, d’équipements, de volumes viabilisés « en plus », donc des coûts en plus et des niveaux d’emplois-essentiels peu élevés en temps normal. Ce taux d’emplois-essentiels réduit ne sera pas un luxe mais une nécessité pour la sécurité de tous d’autant qu’en dehors des taches essentielles, les personnes disposant de temps « libre » pourront/devront exercer toutes sortes d’activités. Un dentiste (pour reprendre l’exemple) pourra aussi effectuer des travaux en mécanique de précision ou assister un chirurgien comme anesthésiste.

Maintenant, peut-être ne sera-t-il pas indispensable d’avoir exactement « un doublon » pour toute fonction. Il faudra estimer lesquelles pourront subsister en mode légèrement dégradé. Dans cet esprit, je me souviens d’une solution que j’avais trouvée très heureuse quand, jeune banquier, j’étais allé, avec deux autres collègues de mon établissement, négocier un accord cadre chez un confrère, importante banque d’investissement dont le siège était à Londres. Un jour, un de nos interlocuteurs étant défaillant, il fut remplacé au pied levé par un cadre dont l’âge le situait aux alentours de la retraite et dont l’expérience lui permettait d’entrer, sans autre, dans la négociation. J’appris par la suite que ce mode de fonctionnement n’était pas inhabituel au sein de cette société, plusieurs équivalents pouvant être mobilisés selon leur spécialité en cas de besoin, d’un replaçant ou d’un renfort. Sur Mars il y aura bien sûr beaucoup de retraités car après une longue vie sur cette planète, certains voudront y rester d’autant que la ré-acclimatation à une gravité plus forte ne sera pas facile. Nul doute qu’on puisse compter sur eux en cas de besoin, et ce pendant de longues années (j’ai moi-même été « cyberconsultant » après avoir cessé ma vie « active »).

Un autre facteur à considérer pour alléger les contraintes résultant de l’obligation de redondance est la modularité liée à la standardisation des éléments utilisés dans les équipements ou les constructions. Comme expliqué plus haut, il faut pouvoir à tout moment utiliser un élément quelconque dans une pluralité de fonctions aussi étendue que possible. Un volume viabilisé ou un véhicule doivent pouvoir être adaptables à plusieurs fonctions et un longeron en métal ou une poutre être utilisables dans toutes sortes de constructions différentes. Au bout du processus, l’impression 3D sera l’outil à tout faire. On le voit aujourd’hui quand une société comme Relativity Space est capable de construire 85% (en masse) d’une fusée avec ce seul outil, en 60 jours seulement. Sur Mars, on recourra massivement à cette solution. On pourra donc avoir un minimum de stocks d’éléments standardisés modulables et toute une batterie (redondance) d’imprimantes 3D avec leurs stocks d’« encres métalliques » à disposition (extraites du sol martien et raffinées sur place).

En réalité on arrive avec ce raisonnement, à la marge de ce qu’on peut appeler la redondance. La question de l’utilité multiple se pose en effet à chaque niveau de complexité, la véritable redondance, c’est-à-dire la possibilité d’utiliser un élément de rechange standardisé immédiatement, n’existant qu’à un niveau élevé de complexité ne nécessitant pas d’adaptation longue pour le nouvel usage. Cependant elle existe dans une certaine mesure à tous les niveaux, même à celui de la poudre de métal utilisée par l’imprimante 3D. Plutôt que de rechercher les variétés de ces poudres pouvant les rendre plus appropriées à tel ou tel usage dans un environnement martien, il sera préférable de rechercher les caractères communs pouvant être portés par une poudre plutôt qu’une autre et stocker la poudre qui aura le plus d’applications possibles.

Vous avez donc compris le sens du titre de mon article. Oui, Mars ce devra être la vie en double puisqu’il faudra toujours penser au remplacement, à la substitution. Même si, hélas, les vies humaines qui seraient emportées par la chute d’un astéroïde ne pourront pas être remplacées après avoir été dupliquées !

Illustration de titre : IPGP-CNES, N. Starter. Crédit NASA. Illustration réalisée à l’occasion de l’impact du 24 décembre 2022.

Illustration ci-dessous : (crédit NASA, capture d’écran). Un cratère de météorite « frais » sur Mars. Image réalisée à partir des données recueillies par l’orbiteur MRO de la NASA. L’impact a été enregistré par la sonde InSight le 24 décembre 2021 et identifié par MRO le 11 février 2022. L’astéroïde devait avoir une taille de 5 à 12 mètres. Il a formé un cratère de 150 mètres dans sa longueur et de 21 mètres dans sa plus grande profondeur. Les éjecta ont été projetés jusqu’à 37 km. Un tel impact pourrait statistiquement survenir tous les 20 ou 30 ans quelque part n’importe où sur la planète :

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Index L’appel de Mars 23 03 17

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Variations sur l’impermanence des choses et la force de l’esprit

Notre Hébergeur, Tempus-Omnipotens, qui avait lancé sa plateforme de blogs le 4 septembre 2015, a donc décidé, certainement “dans sa très grande sagesse”, de la détruire, un peu comme les bouddhistes thibétains du grand-véhicule passent la main sur leur mandala de sable pour l’effacer une fois qu’ils l’ont achevé pour bien exprimer l’impermanence des choses de ce monde.

Il est vrai que toute permanence n’est qu’illusion ou, pour être plus positif, que tout (matière et énergie) n’est que mouvement, fluctuation, passage d’un champ de forces à l’autre, d’une fraction de temps à une autre, à l’occasion duquel une modification de la réalité peut se produire ou non, conduisant à toujours plus d’entropie et peut-être à « quelque-chose ».

Revenons sur Terre ou plutôt considérons le système que nous formons ensemble, vous-mêmes, chers lecteurs, avec moi-même via les articles de ce blog ouvert dès l’Origine, en 2015, et avec la Direction du Temps.

Nous avons atteint les 5400 commentaires (pour 420 articles). C’est important car peu ont manqué de substance. Tous ensemble, par nos échanges, questions, réponses, confrontations, nous avons contribué à créer une réflexion tangible car lisible, sur les « grandes questions » essentielles qui se posent à l’homme aujourd’hui et sur les moyens concrets de sortir de notre berceau pour un jour mieux pouvoir y répondre. C’est cela le mandala de sable que nous avons réalisé ensemble. Même vouée à disparaître, cette construction n’est pas rien car elle nous a profité aussi bien individuellement que collectivement. Elle a « été » et elle a enrichi l’intellect de chacun de nous.

Je voudrais donc vous remercier, vous tous, d’abord les commentateurs fidèles bien sûr mais aussi les épisodiques, les exceptionnels par leur parole, et même les simples spectateurs muets mais attentifs, par la chaleur de leur nombre et leur attention inexprimée mais réelle, chacun ayant à sa façon apporté sa contribution.

Ce qui fait d’abord l’intérêt des blogs par rapport aux articles de journaux, ce sont précisément les échanges, les réactions immédiates, les interventions, les réponses, comme si nous étions sur l’Agora de nos ancêtres, avec en plus la trace écrite qu’il en reste. D’un autre côté, leur intérêt par rapport aux échanges sur plateaux de télévision ou de radio, c’est la possibilité pour chacun de mieux réfléchir avant de s’exprimer, de « tourner sept fois la langue dans sa bouche » (ou « sa plume dans l’encrier ») comme le dit l’expression populaire. Cela permet à chacun de fournir d’avantage d’arguments ou d’être plus pertinent, de choisir ses mots, de vérifier ses sources, de revenir pour compléter sa pensée déjà exprimée. L’avantage du blog sur le tweet c’est qu’on peut nuancer son expression au-delà d’une interjection enveloppée ou d’un ressenti brutal et donc mieux s’expliquer aux autres et ainsi mieux se comprendre soi-même. Et c’est enfin mieux qu’une simple lettre aussi bien écrite soit-elle car toute personne intéressée en profite et peut participer à l’échange pour y ajouter son grain de sel.

Je suis convaincu que lorsque l’homme sera sur Mars, cette relation pourra continuer sans que le décalage de temps résultant de la finitude de la vitesse de la lumière pose des problèmes insurmontables. Le blog est l’avenir des relations sociales tant que nous resterons les uns et les autres à une distance raisonnable. Et avec 22 minutes-lumière maximum, dans un seul sens, la distance Terre-Mars restera un éloignement acceptable (compte tenu bien sûr du temps de réflexion et d’écriture puis du temps de voyage de la réponse). Comme je n’ai pas l’intention de partir plus loin que Mars, nous pourrons continuer sous d’autres cieux que ceux du Temps, à échanger et à nous enrichir mutuellement l’esprit dans les mêmes conditions optimales. NB : Si je ne pars pas (le Starship ne vole toujours pas et je suis conscient du temps qui passe) je suis convaincu que d’autres partiront.

Lorsque cette colonie sur Mars, à laquelle j’aspire, sera établie, on pourra dire que la «cognosphère*» humaine aura généré son premier alter-ego extraterrestre. Les deux communautés pourront se féconder mutuellement de leur vécu ou de leurs observations réciproques mais finalement la différence de lieu ne changera pas grand-chose pour les problèmes qui nous motivent. Les personnes qui partagent nos préoccupations et intérêts ou notre passion, peuvent tout aussi bien vivre sur Mars que sur Terre. Elles resteront dans la même proximité puisque disposant de quasiment les mêmes possibilités de communiquer. Et comme sur Mars nous aurons certainement (car ce sera vital) une copie des « data-bases » terrestres, nous aurons les mêmes sources pour nous nourrir, réfléchir et spéculer. La seule différence ce sera les conditions environnementales permettant le travail et la réflexion et sur ce point il est moins que certain que les conditions terrestres soient plus favorables que les conditions martiennes.

*ensemble des têtes pensantes et communicantes.

Comme j’y ai fait allusion plus haut, on peut élargir notre cercle au-delà des commentateurs. Ceux-ci sont ceux à qui j’ai d’abord naturellement pensé mais il y a aussi les autres, les lecteurs fidèles mais discrets, au premier rang desquels évolue la cohorte des abonnés-silencieux. J’en connais certains comme on a aperçu des météores, et qui de temps en temps me font part directement de leurs observations ou de leurs sentiments, sans pour autant recourir à l’écrit sur le blog. Je peux donc vous assurer que cette nébuleuse qui forme l’essentiel en nombre des quelques 700.000 visiteurs au total ayant effectué quelques 1.750.000 incursions dans notre monde, existe bel et bien et qu’elle nous enveloppe de sa chaleur lointaine, un peu comme la Ceinture d’Astéroïdes (qui est en réalité la Ceinture des Abonnés) mais aussi les Ceintures de Kuiper ou encore les Nuages de Oort pour les plus lointains et les plus froids. Ses éléments constituants ne sont pas lisibles eux-mêmes mais ils participent néanmoins à notre système en lisant mes articles et vos commentaires. Et de temps en temps, quand l’envie de participer est trop forte, l’un ou l’autre se risque à envoyer un message et devient alors visible en rejoignant notre communauté vivante car inter-communicante, un peu comme une comète décroche de son nuage glacé et descend jusqu’à nous.

Nous avons même eu quelques objets interstellaires qui n’avaient jamais lu un article du blog mais qui ont interféré en passant, en donnant leur avis sur quelque chose ou n’importe quoi (tout n’est pas publié !), et en repartant aussitôt très loin dans l’infini d’où ils venaient et qui sans doute les appelait, à moins que leur vitesse ne leur ait pas permis de s’arrêter chez nous. Je les salue aussi comme on lance une bouteille à la mer ou plutôt une balise dans l’espace en réaction à un espoir diffus, pour qu’eux-mêmes se rapprochent à nouveau (maintenant sous d’autres cieux), si la trajectoire de leur réflexion le leur permet et au cas où notre force gravitationnelle, qui s’est exercée sur eux une première fois lors de ce passage, puisse un jour les faire revenir…si bien sûr ils ont alors quelque chose de pertinent à dire.

Il y a eu aussi dans un passé dont nous nous sommes maintenant heureusement un peu éloignés, un accident extraordinaire comme le fut l’extinction de l’Ordovicien-Silurien. Je fais référence à la supernova de l’étoile-massive hélas proche, nommée Sylvia Ekström qui, enflant considérablement à partir de son domaine de compétence, l’astrophysique, pour faire intrusion dans la planétologie, l’exobiologie et même l’astronautique, était parvenue à son stade d’implosion avant explosion, en faisant du « battage » à propos de son livre « Nous ne vivrons pas sur Mars ni ailleurs ». J’avais trouvé très mauvaises les raisons qu’elle avançait dans ce livre telles qu’elles avaient été publiées dans la Presse, sur l’impossibilité de transporter notre vie humaine ailleurs que sur Terre. Je m’étais malheureusement permis de les critiquer avant d’avoir lu son « chef-d’œuvre » moi-même, car je pensais en avoir suffisamment compris la teneur et le sens, rien que par ce qu’en rapportaient les autres. Je ne m’étais pas trompé car ma lecture n’a fait finalement que conforter la mauvaise opinion que j’avais des arguments utilisés baignant dans un océan de certitudes infondées et d’a-priori bancals. J’aurais cependant dû être plus prudent car notre planète a bien failli brûler à cette occasion comme si un sursaut gamma l’avait touchée. Mais le rayonnement brutal de cette étoile hostile s’est vite éteint, la vie a repris, nos échanges ont recommencé à fleurir et à produire leurs fruits.

Alors aujourd’hui ce blog est à nouveau confronté à une onde de destruction massive. Mais cette fois, elle est annoncée et certaine. Après la date fatidique du 30 juin 2023, il ne peut rien rester dans le cadre actuel de ce monde que nous avons construit puisque ce cadre lui-même aura disparu. Notre Univers est plein de systèmes ou d’astres morts. Certains ont été détruits comme le sera le nôtre. Beaucoup d’autres sont peut-être (je dirais volontiers « sans-doute ») totalement stériles parce qu’ils n’ont jamais été porteurs des ingrédients nécessaires. De toute façon on ne peut pas compter sur eux ; trop lointains, nous n’en connaissons encore que ce que nous en dit leur lumière. Et puis nous avons nos spécificités. Il n’y a donc pour nous qu’une seule possibilité, migrer ailleurs, comme un jour certains d’entre nous iront sur Mars. Il ne tient qu’à moi mais aussi à vous-même que notre propre système continue dans ce contexte à tourner autour de son Soleil brûlant mais nourricier que sont les connaissances accumulées par tous, les publications scientifiques paraissant dans le monde entier, vos commentaires toujours renouvelés et l’esprit critique de chacun. Je serai le 30 juin, pour ma part, aussi prêt que possible à partir pour transplanter notre blog sous de nouveaux cieux.

Toute construction matérielle est fragile comme nous le rappelle le mandala de sable. Mais les constructions intellectuelles peuvent s’avérer plus solides, comme l’est l’esprit de ceux qui dessinent le mandala en se nourrissant aux mêmes sources intellectuelles et en le perfectionnant à chaque représentation qu’ils en font. C’est ce que j’espère et que je souhaite. Dans ces conditions, si notre transition pour sortir de l’orbite du Temps réussit, on pourra une fois de plus dire avec Pangloss que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, en attendant d’en découvrir un autre et peut-être un jour la clef de tous les mystères.

Aux étoiles !

Illustration de titre : vue d’artiste de notre système planétaire encoconné dans son Nuage de Oort. Crédit : Pierre Carril, Novapix (ref : a-com99-90007). Pierre Carril est un des meilleurs illustrateurs spatiaux. Il a notamment obtenu des contrats de l’ESA (magnifique illustration du programme Aurora).

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 23 04 20

Et pour continuer à lire les nouveaux articles de ce blog après le 30 juin:

https://www.contrepoints.org/

La réutilisabilité des fusées conçue et réalisée par SpaceX a révolutionné le marché, et ça continue !

La Direction du Temps a décidé ce 3 mai de fermer son espace dédié aux blogs sur letemps.ch à compter du 30 juin. Ce blog que vous lisez va donc perdre son support et son cadre. Les articles déjà publiés et les commentaires resteront lisibles jusqu’à la fin de l’année 2023 à l’adresse https://www.letemps.ch/blogs .

Cette décision est le résultat de l’évolution de la politique éditoriale du média. Elle ne peut être discutée même si on peut la déplorer (ce qui est mon cas). Je laisse la Direction du Temps s’en expliquer auprès de vous, chers lecteurs, par un article dans le Journal, si elle le juge utile.

Le moment est donc venu de vous remercier de m’avoir accompagné pendant près de huit années, qui pour moi ont été merveilleuses, dans cette œuvre collective (mes articles, vos commentaires, nos échanges). Je me suis fait des amis, vous aussi sans doute, et nous formons aujourd’hui une grande famille. Comme dans toute famille les éléments constitutifs s’entendent plus ou moins bien mais comme ils partagent quand même des intérêts communs, ils ne peuvent s’empêcher de discuter à leurs propos, ce qui in fine devient un enrichissement pour tous.

Ce n’est pas parce que le Temps va nous couper la lumière que pour autant ma passion pour l’Espace, notre Univers, les questions fondamentales qui nous habitent tous (sans oublier “ma” toute petite planète Mars que je considère comme notre Porte vers l’Infini), va cesser de s’exprimer. Vous pourrez me retrouver sur le média en ligne contrepoints.org qui déjà me publiait de plus en plus souvent. Contrepoints est un journal libéral qui correspond très bien à mon orientation politique (que nul doute mes lecteurs attentifs ont bien remarquée). C’est un média important, le plus important dans son domaine avec plus de 2 millions de visiteurs uniques par mois et vous me retrouverez au milieu des meilleurs auteurs libéraux francophones de notre époque, ce dont je suis très fier.

Mes articles sont également publiés sur le site internet de la Mars Society Switzerland (adresse https://planete-mars-suisse.space/fr/blogs/blog-pierre-brisson ) mais je devrai faire un ajustement technique avant que cette page soit opérationnelle puisqu’elle est alimentée à partir des Blogs du Temps. Il existe une page “forum” sur ce site mais pour le moment les commentaires sous article ne fonctionnent pas (ce n’était pas nécessaire puisqu’il y avait le blog du Temps!). Sans doute vais-je passer par un blog WordPress personnel dont je vous communiquerai les coordonnées la semaine prochaine.

Continuons ensemble, jusqu’à Mars peut-être un jour! Mais d’ores et déjà, suivez moi sur Contrepoints.

Comme la plateforme des Blogs du Temps continue à fonctionner pour quelques semaines, je reprends le fil de mes articles. Cette semaine je vais encore vous parler du Starship car je n’ai pas fini de dire tout ce que je voulais à son propos.

La réutilisabilité des fusées conçue et réalisée par SpaceX a révolutionné le marché, et ça continue !

Imaginez que l’on jette les avions à la mer à chaque fois qu’on en utilise pour traverser l’Atlantique. C’est un peu ce qui se passait avant l’arrivée de SpaceX sur le marché et la mise en pratique de l’idée géniale d’Elon Musk de récupérer puis de réutiliser le lanceur (premier d’une fusée de deux, trois ou quatre étages).

Depuis les V2 allemands de la Seconde guerre mondiale et les années qui suivirent, une fusée lancée était une fusée perdue (non pour l’objet de sa mission mais pour ses éléments constitutifs). On était dans un contexte où la pollution était une notion inconnue, où l’on disposait d’autant de métal que l’on souhaitait et où les usines tournaient sans trop de problème d’approvisionnement en métaux ou ergols (carburant + comburant). Sur cette lancée, si l’on peut dire, les fusées américaines de la grande époque de la Conquête de la Lune (fin des année 60/début des années 70) étaient également jetables et elles donnaient satisfaction puisqu’on ne comptait pas les dollars dépensés (et qu’on jetait aussi à peu près tout).

L’euphorie des premiers succès passés, on se dit que, tout de même, on pourrait pour les seuls vols habités, faire des fusées comme des avions. Cela donna la navette spatiale, « the Shuttle », qui fut en service entre 1981 et jusqu’en 2011 (« retraite » un peu forcée après 135 vols, pour des raisons de sécurité). Cet avion-fusée rendit de grands services (ne serait-ce que le sauvetage du télescope Hubble !) mais il s’avéra coûter extrêmement cher en entretien. Il s’agissait notamment de réviser la totalité des tuiles de protection thermiques une à une après chaque vol. Et ce fut d’ailleurs un bloc de mousse de protection qui avait heurté une de ces tuiles au décollage qui provoqua la catastrophe de la navette Columbia (7 morts !).

Elon Musk, quand il lança ses premières fusées en 2010, était animé par l’Objectif Mars comme Tintin l’avait été par l’Objectif Lune. Et, sans aucun complexe (c’est un de ses traits de caractère) il voulut que sa fusée soit récupérable et réutilisable (il fallait évidemment qu’elle le soit pour revenir de Mars). Il commença ses lancements en 2006 et en 2015 il réussit sa première récupération (après plusieurs échecs ou demi-succès, mais on sait que c’est comme cela qu’il « fonctionne »). On était au 20ème vol et c’était un Falcon-9 (le seul lanceur dont la société disposait. Aujourd’hui SpaceX a lancé 217 Falcon-9 et Arianespace seulement 84 Arianes-5 (depuis 2006). Sur les 217 lancements, 175 lanceurs de Falcon-9 sont revenus se poser sur Terre et il y a eu 152 réutilisations. Il n’y a eu aucune récupération d’Ariane. La différence est claire et la conséquence de la différence c’est le coût, aggravé par le fait que moins on lance plus le lancement coûte cher puisqu’on fait moins d’économies d’échelle. Au bout du compte un lancement de Falcon-9 coûte moitié moins cher (67 millions de dollars) qu’un lancement d’Ariane-5. NB : Une autre fusée plus puissante de SpaceX, le Falcon-Heavy (poussée par 3 groupes de 9 moteurs Merlin), permet d’emporter des charges plus lourdes mais elle a été encore peu utilisée (6 lancements dont le dernier est intervenu ce 30 avril, un “sans-faute”).

Le deuxième étage du Falcon-9 n’était pas récupérable mais cela n’avait pas vraiment de sens pour plusieurs raisons.

Premièrement la combustion des ergols du premier étage se termine très rapidement (trois minutes dans le cas du Starship) car il s’agit de s’arracher de la gravité terrestre à partir d’une vitesse nulle et pour ce faire non seulement de gagner en vitesse mais aussi en altitude, le plus vite possible (avec le meilleur rapport ergols consommés/puissance délivrée). Après son utilisation, le premier étage se trouve donc, à la verticale, très proche de son site de lancement. Au contraire le deuxième étage va prendre de la vitesse essentiellement à l’horizontal, en prenant lentement de l’altitude en fonction de la vitesse qui le soustrait de plus en plus à la gravité. Il faudrait beaucoup d’ergols pour revenir sur le site de lancement, très éloigné, et à une vitesse initiale beaucoup plus élevée (peut-être pourrait-on le faire après une orbite complète ?).

Deuxièmement, le deuxième étage dans une fusée classique est un exhausteur d’altitude qui ne comporte ni beaucoup de métal (il est moins chargé en ergols), ni beaucoup de moteurs. Il est donc de ce fait moins intéressant à récupérer.

Troisièmement, toujours dans une fusée classique, le deuxième étage en porte un autre (un “inter-étage” ou, plus complexe, un module de service) qui lui-même en porte un autre (la capsule ou le satellite ou la sonde) même si l’expression « deuxième étage » est réservée exclusivement à l’exhausteur d’altitude. Le problème de la récupération est ainsi segmenté en plusieurs sous-problèmes. Si on lance un satellite, on ne va pas le récupérer ce qui ne sera pas le cas d’une capsule si elle porte des passagers. Quant au module de service, il peut aller très haut, très loin, à une distance où il ne sera pas plus récupérable que la sonde qu’il a lancée.

Pendant la mise en place chez SpaceX de l’innovation/révolution qui consistait à récupérer le premier étage, les institutionnels, NASA ou ESA, regardaient sans comprendre qu’ils étaient en train de perdre le marché, obnubilés par leur crainte que la fiabilité du lanceur récupéré ne serait jamais suffisante et par le fait que pour revenir se poser sur le sol terrestre, un lanceur devait utiliser entre 10 et 15% des ergols embarqués.

Vue l’évolution des coûts et donc des prix des lancements, vu également l’allongement du « track-record » positif de SpaceX, ces mêmes institutionnels finirent par se dire que cette réutilisation des lanceurs n’était peut-être pas une mauvaise idée. Mais le retard accumulé est considérable. A ce jour aucune fusée de la NASA construite par ULA (United Launch Alliance = Boeing + Lockheed Martin) n’est récupérable et l’ESA n’envisage la récupération/réutilisation que pour les années 30. D’ici là tout le marché, sauf protection très coûteuse, sera pris par SpaceX. C’est d’ailleurs presque déjà le cas sauf pour les lancements d’institutions ou de sociétés captives pour des raisons politiques (l’ESA utilise forcément les services d’Arianespace).

Mais Elon Musk voulait aller plus loin. Il voulait aller sur Mars et c’est pour cela qu’il décida de créer un lanceur lourd adapté pour ces missions lointaines avec un nouveau concept de deuxième étage qui devient un second étage inclusif des autres. Ce second étage fait en effet un bloc de tous les segments supérieurs de la fusée car il a besoin de conserver les différentes fonctions de ces éléments jusqu’au bout. Si l’on veut envoyer des hommes sur Mars, il faut s’organiser pour qu’ils puissent revenir et donc que le second étage qui va les emporter sur Mars puisse en revenir, en bon état, avec le minimum d’entretien sur place et qu’il puisse être approvisionné sur place en ergols pour bénéficier de l’énergie suffisante pour le voyage (moins que pour l’aller car la gravité martienne est nettement plus faible que la gravité terrestre). Par la même occasion, il faut que ce vaisseau spatial puisse revenir avec un module de propulsion type deuxième étage propulsif classique, avec un module de service classique pour assurer toutes sortes de fonctions nécessaires à l’habitat mais pas seulement (correctif d’attitude notamment) et avec un habitat. Il faut enfin qu’il puisse être récupéré et réutilisé afin de réduire les coûts. A noter qu’il est totalement exclu d’apporter sur Mars les ergols nécessaires au retour sur Terre car il faudrait doubler la masse qu’il conviendrait d’arracher à la gravité terrestre à l’aller (ergols suffisant pour repartir de Mars plus les réservoirs pouvant les contenir). Cela reviendrait à « trimbaler » avec soi un corps mort inutile pendant la moitié du voyage (qu’il faudrait en plus maintenir pendant deux ans à des conditions de températures particulièrement basses).

C’est ainsi donc qu’est né le concept de ce Starship et de son lanceur SuperHeavy dont on peut espérer que le second vol orbital, dans deux mois, soit plus long que le premier. Avec lui, le deuxième étage et les autres sont intégrées et la récupération rentre dans la fonction elle-même du vaisseau spatial.

Lire ici la très intéressante interview d’Elon Musk qui m’a été communiquée le 30 avril, par mon ami Jean-François P : https://twitter.com/ufotinik/status/1652644402534273025

Si le Starship peut voler, le concurrent, également conçu et fabriqué selon des principes traditionnels par ULA, nommé « SLS » (Space Launch System), celui qui a mené à bien la première mission Artemis autour de la Lune, deviendra complètement obsolète. En effet il n’aura pas une capacité d’emport comparable. Sa capsule, Orion a un volume pressurisé de 19,57 m3 dont un volume habitable de 9 m3 alors que le Starship aura un volume viabilisable de 1100 m3, habitable pour plus de 800 m3. Par ailleurs Orion serait totalement incapable de repartir de Mars après y être descendu. Il faudrait qu’il reste en orbite en étant assisté d’une annexe légère, comme l’était le module lunaire (« LEM ») du temps d’Apollo pour descendre sur Mars puis remonter à l’orbite. Inutile de dire que ses capacités d’emport ne pourraient être qu’extrêmement limitées en volume et en masse (2 personnes et quelques équipements, comme un rover plié pour les transporter). En second lieu le coût du SLS se monte à plus de 4 milliards de dollars alors que celui du Starship atteint juste le milliard. Bien sûr, cela est un coût initial et il baissera si l’on construit plusieurs fusées mais c’est mal parti pour le SLS étant donné qu’il n’est et ne sera jamais réutilisable.

Donc le SLS n’est qu’une solution provisoire en attendant que le Starship soit prêt. Quant à l’Europe/ESA, on en reparlera plus tard quand elle aura réussi aussi à faire son lanceur réutilisable. Mais pour le moment elle n’est définitivement pas dans la course et ne tiendra dans les années qui viennent, que parce que la différence de prix entre celui de sa fusée Ariane-6 et celui d’une Falcon-9 ou Heavy sera payée par les impôts des contribuables.

Illustration de titre :

Retour spectaculaire sur Terre de deux des trois corps de propulsion du Falcon-Heavy en avril 2019. Crédit SpaceX.

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Test du 20 avril du Starship. Discussion des résultats, de leurs causes et de leurs conséquences

Le test du 20 avril du Starship (vol S24/B7) apporte beaucoup de données qui sont capitales pour poursuivre le projet. De ce fait, il n’est certainement pas négatif comme beaucoup d’observateurs mal informés et mal disposés envers SpaceX ont tenu à le dire mais malheureusement on est probablement encore loin d’un vol sans histoire.

Comme chacun devrait le savoir mais souvent refuse de le considérer, l’objet du vol S24/B7 du 20 avril était non pas de mettre quoi que ce soit en orbite mais de réunir autant de données que possible sur le décollage et le comportement en vol de l’ensemble intégré du Starship, cette fusée révolutionnaire qui doit nous emmener sur Mars et, auparavant, sur la Lune dans le cadre de la phase 3 du programme Artemis. Cependant, compte tenu de l’importance des modifications, ajustements, améliorations qu’il semble (en attendant les analyses approfondies) nécessaire d’apporter maintenant à l’ensemble du dispositif, il semble difficile que l’on puisse utiliser rapidement ce système de transport XXL.

Pour ce qui est du décollage, il est maintenant très clair que le pas de tir n’était pas adapté. Certes la table de lancement était suffisamment haute (25 mètres) comme on le verra ci-dessous, et un dispositif était prévu pour éviter que les gaz ultra-chauds ne refluent, puisqu’un anneau de jet (« sprinklers ») à gaz comprimé devant avoir cet effet, encerclait le trou au-dessus duquel était posé le lanceur. Mais l’ensemble ne comprenait pas de « carneau » (« flame trench ») comme en sont équipés toutes les autres plateformes de lancement dans tous les autres astroports du monde. Pour ceux qui l’ignorent, un carneau est une grande tranchée très profonde située en dessous du lanceur. Au fond, un déflecteur en béton permet d’orienter les gaz d’échappements vers une large ouverture (comme une gueule ouverte) pour les évacuer immédiatement après le déclenchement de l’ignition et avant le décollage, et empêcher, ce qui est arrivé dans le cas du test S24/B7, le creusement d’un cratère et les projections qui en résultent. A Baïkonour le carneau du premier pas de tir a une profondeur de 42 mètres. Au Cap Kennedy, celui qui a été spécialement construit pour le SLS ne fait que 13 mètres de profondeur mais il est très large. Celui du second pas de tir de Baïkonour fait 20 mètres. A Kourou, celui du Centre Spatial Guyanais fait 26 mètres. On voit donc que les profondeurs sont variables, avec bien sûr une adaptation des largeurs puisqu’ils doivent prendre en compte le volume de gaz éjecté par seconde. Peut-être les ingénieurs de SpaceX ont-ils considéré que la table de lancement étant aussi haute que les carneaux sont profonds et que portée par cinq piliers, elle laisserait suffisamment de volume libre pour que les gaz ultra-chauds animés d’une très grande vitesse, dégagent. Ils ont visiblement sous-estimé la puissance de l’éjection de ces gaz mais, plus vraisemblablement, l’erreur a été l’impasse au niveau du déflecteur et une mauvaise évaluation de la résistance des piliers de la table.

Si l’on considère d’abord le déflecteur, peut-être faut-il envisager que les gaz ne puissent être évacués que d’un seul côté, comme dans un carneau, et non pas de tous les côtés et entre les cinq pieds de la table ce qui rend peut-être la canalisation du flux plus difficile par la création de tourbillons. Il y a toute une étude de mécanique des fluides à effectuer et il est étonnant qu’elle n’ait pas été faite.

Il était prévu, sur le sol en-dessous du trou de la table, une plaque d’acier épaisse. Malheureusement cette plaque n’a pu être livrée à temps et les ingénieurs de SpaceX ont estimé qu’elle n’était pas indispensable ! C’est dommage de ne pas l’avoir attendue car, refroidie constamment par de l’eau circulant à grande vitesse au-dessus (« déluge ») et à l’intérieur (tuyaux) pour éviter qu’elle ne fonde, elle aurait sans doute pu éviter la création d’un cratère par les jets ultra-chauds des moteurs lors de l’allumage et les projections de matière qui ont détruit les trois premiers moteurs défaillants et endommagé les pieds de la table (dont l’ancrage au sol a peut-être aussi été affaibli par le cratère). On ne sait pas si même avec cette plaque, les piliers auraient résisté. Peut-être convient-il de les renforcer aussi avec un blindage d’acier également refroidi par une circulation d’eau ?

Il y a donc à ce niveau, beaucoup de réflexion, d’études et d’aménagements à faire avant le deuxième lancement.

Pour ce qui est de la défaillance en vol, on a pu constater que l’ensemble intégré a été propulsé dès le début avec une puissance limitée puisque trois moteurs sur trente-trois au décollage puis trois autres après (dont un qui a explosé…mais sans détruire les autres) ont fait défaut. La défaillance initiale est sans doute due à une détérioration par impact au décollage et elle n’était pas dramatique, le rapport 30/33 restant acceptable. Mais on ne sait pas ce qui s’est passé pour les trois autres. Le plus ennuyeux serait que leur défaillance soit due à l’environnement de l’ensemble de propulsion car cela remettrait en cause la structure même du lanceur qui effrayait beaucoup de spécialistes par le grand nombre contigus de moteurs (le Falcon Heavy qui en a 27, les regroupe en trois corps distincts de 9). Cependant, même avec 30 moteurs le Starship pouvait (et a pu) décoller et avec 27 seulement la force de propulsion a été suffisante pour lui permettre de continuer l’ascension et même atteindre puis dépasser Mach 1 (vitesse provoquant un effet acoustique très dangereux pour la structure du lanceur par les contraintes mécaniques qu’il génère du fait de sa très grande puissance*) puis le seuil de Max-Q (point de pression dynamique maximum également difficile à supporter pour toute fusée) qui sont les points les plus critiques de la trajectoire d’un lanceur (c’est pour cela que l’on parle d’une réussite à 50%). L’échec de la mise sur orbite est donc à rechercher ailleurs.

*exprimée en Watts, elle atteint plusieurs gigawatts.

Regardons les faits. Dès T+25’’ après le décollage (« T ») une explosion est survenue dans le bas du lanceur, arrachant une partie du revêtement extérieur. On n’en connaît ni la cause ni les conséquences. Ensuite le vaisseau a progressé en restant stable pendant un peu plus de deux minutes. A T+02’40’’, l’ensemble intégré avait engagé son inclinaison pour la mise en orbite. Cette inclinaison prématurée s’est poursuivie en boucle ce qui était normal pour déclencher la libération du vaisseau. Mais il ne s’est pas séparé alors du lanceur et l’ensemble s’est engagé dans trois loopings successifs avant que SpaceX, par sécurité, déclenche l’explosion depuis le sol. Juste avant l’explosion le Starship-vaisseau s’est peut-être détaché mais on ne sait pas si la séparation s’est faite « normalement » ou sous l’effet d’une tension mécanique trop forte. A ce stade, il est important d’insister sur le fait que l’explosion n’est pas involontaire, un « accident », mais résulte d’une décision de Space X qui a actionné depuis Starbase son système FTS (Flight Termination System) pour éviter que le Starship aille causer des dégâts hors de la zone de surveillance (il était encore propulsé).

On en déduit que (1) avec 27 moteurs, le vaisseau n’avait pas une poussée suffisante (déficit de 20%), d’autant que les ergols non brulés par les six moteurs restaient dans la masse à propulser et ils ont pu par leur surcharge (estimée de 900 à 1000 tonnes) créer un déséquilibre général. Par ailleurs (2) le système de « Guidance & Control » embarqué a été défaillant puisqu’il n’a pu constater que le Starship avait quitté sa trajectoire d’ascension programmée et qu’il était entré dans cette succession de loopings (ou bien qu’il l’a constaté mais n’a pu réagir).

Le problème est de savoir si le décollage à moitié réussi/raté a pu causer les dommages qui se sont révélés ultérieurement dans le comportement du lanceur ou s’il y a eu défaillance des trois moteurs qui se sont arrêtés après le décollage pour une autre raison. Nous le saurons certainement bientôt. L’ennui est que cela met en péril l’exécution de l’agenda du programme Artemis puisque le Starship HLS (Human Landing System) est censé relayer le SLS à partir de l’orbite lunaire NRHO (Near Rectilinear Lunar Orbit) pour descendre sur la Lune en 2025 en passant par une orbite basse circulaire. Agenda d’autant plus contrarié que le vol habité doit être évidemment précédé d’un test à vide sur cette orbite basse lunaire.

Pour le moment l’heure est à (1) étudier les données recueillies sur le décollage et le vol ; (2) décider des aménagements à apporter à la plateforme de décollage et éventuellement au lanceur SuperHeavy ; (3) effectuer ces aménagements et bien sûr à réparer les dégâts causés au sol.

Le premier communiqué de SpaceX, daté du 20 avril, tel que rapporté par Jim Hillhouse d’AmericaSpace, était tout à fait positif (voir ci-dessous). La NASA de son côté a félicité SpaceX rappelant que « toute grande réussite dans l’histoire a demandé un certain niveau de risques calculés ». Par ailleurs, Elon Musk parle d’un nouveau test dans deux ou trois mois. Il est sans doute un peu optimiste, comme d’habitude. Reste surtout à savoir comment la FAA appréciera. Compte tenu des difficultés qu’il a fallu surmonter pour obtenir son accord, le manque d’anticipation des risques environnementaux qui pouvaient se produire au décollage, et se sont effectivement produits, ne fait malheureusement pas montre de la part d’Elon Musk d’une psychologie très adaptée à la situation. On peut tout à la fois avoir confiance dans la faisabilité du Starship et le déplorer.

Illustration de titre : vol S24/B7 après décollage (crédit SpaceX via Twitter).

Première déclaration de SpaceX après le vol, d’après Jim Hillhouse:

Starship gave us quite a show during today’s first flight test of a fully integrated Starship and SuperHeavy from Starbase in Texas.

At 8:33 CT, Starship successfully lifted off from the orbital launch pad for the first time. The vehicle cleared the pad and beach as Starship climbed to an apogee of 39 km over the Gulf of Mexico, the highest of any Starship to-date. The vehicle experienced multiple engines out during the flight test, lost altitude and began to tumble. The flight termination system was commanded on both the booster and ship. As is standard procedure, the pad and surrounding area was cleared well in advance of the test and we expect the road and beach near the pad to remain closed until tomorrow.

With a test like this, success comes from what we learn, and we learned a tremendous amount about the vehicle and ground systems today that will help us improve on future flights of Starship. Thank you to our customers, Cameron County, and the wider community for the continued support and encouragement. And congratulations to the entire Space team on an exciting first flight test of Starship!”

Liens:

https://www.presse-citron.net/cratere-scene-de-chaos-7-images-effrayantes-des-degats-de-starship/

https://www.kosmonavtika.com/lanceurs/soyouz/sol/carneau/carneau.html

https://www.france24.com/en/live-news/20230424-giant-spacex-rocket-leaves-crater-serious-damage-at-texas-base

https://www.americaspace.com/2023/04/21/starship-orbital-test-flight-raises-serious-questions/#:~:text=Yesterday%2C%20April%2020%20at%208,terminated%204%20minutes%20after%20launch

https://www.nasa.gov/feature/launch-pad-39b-flame-trench-nears-completion

https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/vols-habites-starship-decryptage-premier-vol-expert-acquis-positifs-il-explose-104878/

https://trustmyscience.com/spacex-starship-lancement-explosion-prevue/