Mars est la planète que nous pouvons et que nous devons privilégier dans le cadre de notre exploration spatiale. C’est en effet un astre bien particulier, celui qui potentiellement nous offre le maximum d’opportunités. C’est d’abord un lieu de recherche pour mieux comprendre la Terre et le phénomène de la vie ; c’est aussi le seul endroit en dehors de la Terre où nous avons la possibilité de nous installer de façon pérenne. C’est enfin un défi qui nous est posé et que nous pouvons relever. Envoyer des robots c’est bien, y aller nous-mêmes c’est mieux. Aller sur Mars, c’est faire notre premier pas vers les étoiles.
Mais pourquoi donc privilégier Mars parmi tous les objectifs possibles de l’exploration spatiale ?! Après tout ce n’est qu’une petite planète (la moitié du diamètre de la Terre et seulement 1/10ème de sa masse) ; elle a une atmosphère très ténue (6 millibars au « datum », son « altitude zéro ») ; sa surface est aride car, à cette pression, l’eau (même saumâtre) ne peut être qu’exceptionnellement liquide ; sur cette surface, les sels de perchlorates, très agressifs pour les matières organiques, sont omniprésents ; les radiations solaires et galactiques sont relativement peu filtrées par l’atmosphère et par l’absence de magnétosphère, si bien que leur intensité est comparable à celle qui est mesurée dans l’environnement terrestre à l’altitude de l’ISS ; enfin elle évolue entre 56 et 400 millions de km (entre 3 et 22 minutes lumière) de chez nous et il faut entre 6 et 9 mois tous les 26 mois pour l’atteindre dans des conditions énergétiques optimales après avoir parcouru un arc d’ellipse d’environ 500 millions de km en moyenne. Certes !
Cependant ces faiblesses, ou ces défauts, sont largement compensées par les avantages relatifs et absolus par rapport aux autres astres que nous pouvons observer.
D’abord la planète Mars est « loin » mais elle n’est pas « si loin ». Elle est d’abord toujours, bien qu’à la limite, dans la zone habitable en surface de notre système stellaire (notion de température fonction de l’irradiance du Soleil). Jupiter et sa lune Europe qui contient sans doute un océan d’eau salée sous sa croûte de glace, évoluent entre 591 et 965 millions de km et il faut 4,23 années aux ondes électromagnétiques pour nous parvenir de la planète Proxima-b située dans la « zone habitable » de Proxima Centauri, la voisine la plus proche de notre Soleil (cette étoile est de plus une naine rouge, ce qui présente des conditions rédhibitoires pour son habitabilité réelle).
Ensuite, son atmosphère, équivalente à celle de la terre à 35 km d’altitude (l’espace est officiellement à 100 km), a au moins « le mérite d’exister ». Il n’y en pratiquement pas autour de la Lune ou de Mercure et celle de Vénus est si épaisse qu’elle maintient à sa surface une pression et une température de « cocotte-minute » (450°C et 90 bars). De même la quantité d’eau sur Mars est loin d’être nulle. Elle est présente sous forme de glace aux pôles et dans le sous-sol immédiat un peu partout. Surtout elle doit être liquide dans le sous-sol profond depuis toujours et elle doit bien ruisseler en surface dans des conditions exceptionnelles (au fond du bassin d’Hellas, par beau temps sur une fourchette de quelques degrés). Au cours des premiers âges (ères Phyllosienne et Theiikienne) bien avant 4 milliards d’années et jusqu’à il a 3,5 milliards d’années, puis ensuite épisodiquement, elle a marqué le sol de son empreinte et hydraté les roches dans un environnement relativement chaud. Ce long travail de l’eau active sur une matière très semblable à la nôtre, accompagné par un volcanisme puissant, a permis une profonde transformation de l’environnement primitif.
En fait Mars a été une planète vivante au sens qu’on peut donner à ce terme pour la Terre, jusqu’à l’époque où les premières traces de vie microbienne sont apparus « chez nous ». Comme l’érosion a été très faible depuis lors, la surface de roches inchangées qui peuvent en porter témoignage s’élève à des dizaines de millions de km2. C’est donc là où nous avons le plus de chance de trouver un jour des traces de vie (fossiles ou même actives) ailleurs que sur Terre et, plus même que sur Terre, des traces de l’évolution avancée de molécules organiques vers la vie. Rien de tel sur nos autres voisines, la Lune dont la vie géologique active n’a sans doute duré que quelques petits millions d’années ou bien Vénus sur laquelle l’effet de serre a conduit à des conditions dans lesquels les effusions magmatiques ont effacé toutes traces géologiques vraiment anciennes et qui est très difficilement explorable. Et que l’on ne vienne pas nous parler de l’eau lunaire ! Il y a certes de la glace d’eau dans le fond de rares cratères situés aux pôles de la Lune jamais éclairés par le soleil mais les quantités en sont infinitésimales par rapport aux masses d’eau martienne et sans doute très difficilement accessibles.
Pour l’installation de l’homme « hors de son berceau », Mars présente des avantages certains : une certaine protection atmosphérique contre les radiations, une alternance jour / nuit comparable à celle de la Terre (24h39) et qui, liée à la présence de l’atmosphère, permet de lisser un peu les pics de température (songez aux nuits de 14 jours de la Lune !), une température adoucie (à l’équateur martien la température peut dépasser les 15°C le jour et rester la nuit aux environs de -80°C mais cela pendant seulement une douzaine d’heures) ; la possibilité d’utiliser des ressources locales intéressantes, à commencer par l’eau mais aussi l’atmosphère de gaz carbonique qui permettrait d’obtenir facilement de l’oxygène et du méthane (utiles pour la propulsion du voyage de retour) ; la possibilité d’utiliser l’atmosphère pour freiner la descente des vaisseaux en surface ; une certaine portance pour les véhicules planétaires ultralégers ; une différence de gravité en surface moins handicapante que sur la Lune (en gros 1/3 de celle de la Terre mais le double de celle de la Lune).
Enfin Mars a été une « presque Terre » et elle pourrait devenir une « nouvelle Terre ». En cas de catastrophe terrestre mondiale, toujours possible (les hypothèses ne manquent pas), Mars serait la seule planète sur laquelle une poignée des meilleurs d’entre nous pourraient survivre et de ce fait perpétuer notre espèce et notre civilisation. Ce n’est pas un motif négligeable pour s’y installer le plus vite possible car acquérir un minimum d’autonomie sera difficile et long.
Après, si vous n’êtes toujours pas convaincu de l’intérêt des missions habitées, considérez Mars, cette petite lumière lointaine, comme l’archétype aujourd’hui des lieux non accessibles mais qui sont en train de le devenir tout en restant très difficiles d’accès et il faut le reconnaître, assez « périlleux ». Représentez-vous la planète comme les plus hauts sommets alpins, les grands déserts d’Afrique ou d’Asie, l’Antarctique, la Lune en mieux ; un défi qui nous est posé et que nous voulons relever simplement parce qu’il est là, petit point rougeâtre fiché sur la voûte du ciel mais à portée de nos fusées. Cette curiosité, cette envie et ce goût de l’aventure sont typiquement humains ; pourquoi le nier et pourquoi renoncer à les satisfaire, pourquoi aussi se refuser le plaisir de la conception puis de la réalisation des systèmes et des engins complexes qui le permettront ?!
Ces caractéristiques martiennes et ce potentiel des missions robotiques et humaines, ne doivent pas nous faire oublier l’intérêt des autres astres mais elle justifie qu’on y affecte un maximum de nos ressources rares parce que dans un futur proche le « retour satisfaction » et sûrement dans un futur plus lointain, le « retour financier » sur investissement sera multiple et considérable.
Image à la Une: Vue de Vera Rubin Ridge vers le rempart du cratère Gale. Photo prise le 30 janvier 2018 par Curiosity dans le Cratère Gale. Crédit:NASA/JPL-Caltech/MSSS
Nous vous rappelons que vous pouvez vous inscrire à EMC18, le congrès des Mars Societies européennes qui aura lieu fin octobre au Musée International d’Horlogerie (MIH) de La Chaux-de-Fonds. Nos sponsors sont le Musée International d’Horlogerie, Spectratime , la Banque Cantonale Neuchâteloise et Trax-L.
This is a great article! I can say that i can’t wait to go onto Mars! C’est vraiment intéressant, cet article me donne l’envie de m’y réfugier car qui sait, quand des catastrophes surviendront sur cette Terre! Pour perpétuer notre espèce, il faudra bien nous trouver une autre planète capable de nous recevoir et assurer notre survie💯! En même temps je n’aimerais pas que cette terre, un jour, ne soit plus là (et disons de préférence habitable!!)
« retour financier » sur investissement sera multiple et considérable.
Je peine à envisager quoi, comment et sous quelle forme.
Naturellement les sommes astronomiques déployées par les états versent de l`eau au moulin des complotistes.
Je vous invite à lire plusieurs articles de mon blog qui traitent de ce sujet. Je ne vais pas les reprendre dans ma réponse à votre commentaire, ce serait trop long. Lisez par exemple “La rentabilité conditions de la pérennité d’une colonie martienne“.
Par ailleurs je ne sais pas où vous avez pu constater que les Etats versent “des sommes astronomiques” pour aller sur Mars!? Ce n’est qu’une impression (fausse) que vous avez. Pour préciser cette réponse, sachez que le budget annuel de la NASA représente 0,5% des dépenses fédérales des Etats-Unis et que les sommes affectées à l’exploration planètaire ne dépasse pas 10 ou 15% de ces 0,5%. Il n’y a pas que les “complotistes” qui soient mal informés.
L’article sur lequel vous faites votre commentaire date de mai 2018 ; il n’est pas vraiment d’actualité! J’ai traité dans de nombreux autres articles de ce blog le sujet de la viabilité financière d’une colonie sur Mars et je ne vais pas ici tous les reprendre. Cherchez dans l’index de mon blog et lisez en particulier « La rentabilité condition de la pérennité d’une colonie martienne » (09/02/19).
Par ailleurs, vous exagérez l’importance des sommes consacrées par les Etats à l’exploration spatiale et à celle de Mars en particulier. Apparemment vous ignorez que les Etats-Unis ne consacrent que 0,5% de leurs dépenses publiques fédérales annuelles au financement de la NASA et que sur ces 0,5% seules 10% sont consacrés à l’exploration planétaire (Mars compris). Il n’y a pas que les « complotistes » qui soient mal informés !