Mars, une chance pour la croissance économique terrestre

La demande solvable de Mars pourra être spontanée mais elle devra sûrement être encouragée et renforcée. Ce sera le rôle des promoteurs de l’établissement de l’homme sur Mars. Cette demande pourra bien sûr être celle des grands centres scientifiques disposant de ressources importantes, pour leur recherche. Ce sera aussi celle des entreprises d’ingénierie pour la mise au point de toutes sortes d’équipements utiles en environnements extrêmes, transposables et exploitables sur Terre. Ce sera également celle des gestionnaires du « Mars Global Seed Vault ». Mais ce pourra être aussi celle des concepteurs de produits dont la production sur Terre entraînerait trop de pollution* ou trop de danger pour les populations, celle des grandes sociétés stockeuses de données informatiques désireuses d’éviter d’accroître la pollution thermique* sur Terre (il faudra prendre en compte le « time-lag » avec la Terre mais il n’est pas nécessaire que toutes les données soient disponibles en moins de 45 minutes) ou encore celle d’artistes, de sportifs, de touristes. L’essentiel ce sera de faire vivre Mars avec une population aussi nombreuse que possible (quelques centaines puis quelques « petits » milliers) car davantage de gens sur Mars rentabiliseront les infrastructures et feront baisser le prix des transports. Il faut « amorcer la pompe », le reste suivra.

*NB: il y a une marge de tolérance importante sur Mars dont l’atmosphère pourrait s’épaissir et la température monter sans problème.

En termes économiques, il faut bien voir que pendant très longtemps les échanges « martiens » auront essentiellement lieu entre Terriens, sur Terre, et bénéficieront à l’économie terrienne. L’économie martienne sera d’abord une économie terrienne. C’est sur Terre qu’on achètera et qu’on vendra les biens et services martiens, même si les biens produits et échangés seront utilisés sur Mars (sauf les transports et les instruments de télécommunications). La création de richesses se fera au travers de ces échanges et l’essentiel des marges générées bénéficiera à des entités terrestres et sera affecté à des utilisations terrestres (investissements et consommation). Les transactions purement martiennes ne se développeront que lentement et pour de faibles montants tant que la conception ainsi que la production et le financement par des entités martiennes, sur place, seront relativement limités et que le capital martien n’aura pas été suffisamment accumulé sur Mars en mains martiennes (en termes de propriété légale).

Du point de vue terrestre, les transactions sur opérations martiennes seront essentiellement (excepté pour les transports et communications) des transactions sur biens immatériels. Il y aura peu de masse envoyée de la Terre sur Mars et il n’y aura aucun retour physique sur Terre car le coût des exportations massives de la Terre vers Mars et de Mars vers la Terre, serait prohibitif et les volumes « importants » impossibles. Pour la Terre, elles pourront être considérées, outre l’utilité sur Mars, comme des tests sur banc d’essais puisqu’elles permettront le développement de la recherche dans des technologies de pointe très adaptées à la gestion plus rationnelle et plus économe écologiquement des ressources terrestres. L’impact environnemental terrestre sera extrêmement réduit (sauf pour l’extraction de la gravité terrestre des quelques masses indispensables). L’impact financier sera localisé chez les Terriens sur Terre avant de l’être sur Mars. Avant que Mars (et ses habitants) ne devienne une partenaire de la Terre, elle en sera une colonie, un endroit où les équipements terrestres seront utilisés, souvent construits, éventuellement conçus ou développés, pour le profit financier immédiat de Terriens même si l’accumulation de capital physique et intellectuel sur Mars permettra in fine un développement financier propre. Les dépenses faites pour Mars seront donc d’abord porteuses de croissance économique, d’emplois et de richesses nouvelles sur Terre (et serons donc bénéfique aux Terriens qui l’entreprendront) mais elles constitueront aussi la graine d’un futur développement autonome de Mars.

Il ressort de tout cela que le développement économique de Mars dépendra des projections de valeurs sur le long terme que les hommes voudront bien « spéculer », et qu’il ne faut pas voir les coûts de l’installation comme des dépenses à fonds perdus mais plutôt comme des investissements, sources d’une nouvelle croissance. Ce serait une solution pour que les investissements terrestres connaissent, après une période de démarrage, un retour à des taux de rentabilité comme on en a connu aux grandes périodes d’expansion économique. Mais certains peuvent laisser les opportunités passer. En 1757 Voltaire se plaignait à Monsieur de Moncrif que le genre humain s’égorgeât à propos de « quelques arpents de glace au Canada ». Beaucoup de nos contemporains nient aujourd’hui que la Planète Mars puisse représenter une valeur future quelconque. D’autres non (et j’en suis!). Dans le cas de la Nouvelle France, l’histoire a montré que les Anglais avaient raison de vouloir la prendre aux Français. Nous avons le choix pour Mars, de ne rien entreprendre mais nous ferions mieux de tirer leçon de la désinvolture de Voltaire.

Considérations économiques (3/5); suite la semaine prochaine! 

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.