La NASA confirme le caractère saisonnier du cycle du méthane dans l’atmosphère de Mars

La NASA a tenu ce 7 juin une conférence de presse pour faire le point de ses recherches martiennes à l’aide du laboratoire SAM (Sample At Mars) du rover Curiosity et en introduction à deux articles scientifiques qui doivent paraître dans la revue Science du 8 juin.

Disons tout de suite que rien de sensationnel n’a été annoncé mais qu’on progresse quand même, comme le disent les représentants de la NASA, en confirmant des pistes déjà ouvertes et en solidifiant ainsi les bases de nos futures missions. L’essentiel est que l’existence d’un cycle saisonnier du méthane (voir mon article sur ce blog le 17 avril) ainsi que la relative abondance des molécules organiques ont été confirmées.

Le cycle du méthane c’est l’augmentation très nette de la teneur en méthane de l’atmosphère, jusqu’à 0,6 / 0,7 ppbv (parties par milliard en volume) quand la température moyenne remonte à la fin de l’été boréal, et sa diminution jusqu’à de très bas niveaux (0,2 ppbv) à la fin de l’automne*. La cause de cette présence et de ce cycle n’est toujours pas connue mais on exclut l’effet des intrusions météoritiques dans l’atmosphère ou les impacts de glace cométaire au sol de la planète, ou encore l’effet des radiations UV solaires, du fait que les pourcentages qu’ils représenteraient ne pourraient expliquer les volumes du phénomène et surtout sa saisonnalité. Par ailleurs l’effet de la baisse de pression atmosphérique due au grand froid de l’hiver austral qui solidifie une partie du gaz carbonique de l’atmosphère globale ne serait pas non plus suffisant. Les clathrates dans le sous-sol immédiat (sensible aux variations de température) restent une forte possibilité (la vie, on verra plus tard mais si elle existe sur Mars, elle est extrêmement discrète!). Le fait nouveau c’est que les cycles ont bien été confirmés après trois ans (martiens) d’observations de Curiosity (SAM, laser TLS). On attend maintenant les observations de l’orbiter TGO (de l’ESA) devenu opérationnel en avril. Il devrait pouvoir identifier les sources de méthane (par constatation de la concentration géographique du gaz dans l’atmosphère) ce qui permettrait ensuite d’étudier plus finement l’endroit et donc de rechercher avec moins de difficultés la cause des émissions.

*En dehors de ce cycle de “fond” on a enregistré quelques “pics” spectaculaires, pour Mars, par exemple 7 ppbv dans le cratère Gale peu après l’arrivée de Curiosity (mais ils surviennent également pendant la saison chaude). Ce n’est évidemment rien par rapport aux 1800 ppbv enregistrés en moyenne sur Terre.

En ce qui concerne les molécules organiques, rien de bien nouveau non plus mais on constate la présence de thiophène (molécule organique contenant du soufre, C4H4S) ainsi que de benzène ou de toluène, et de petites chaines carbonées telles que propane ou butène. Cela fait penser entre autres possibilités à des fragments de matières kérogènes (le soufre étant nécessaire à l’architecture de ces molécules complexes). Une matière kérogène ne résulte pas forcément de la vie mais c’est une forte possibilité, du fait qu’elle contient les éléments chimiques utilisés par la vie (C,H,O,N,S,P)*. Les quantités de ces molécules organiques (de l’ordre de 10 ppm) sont comparables à celles que l’on trouve dans les météorites martiennes identifiées sur Terre. On attend maintenant les examens à températures plus douces car jusqu’à présent on n’a pas utilisé neuf coupelles de liquide réactif embarquées dans SAM et tous les examens résultent de l’observation des molécules après chauffage à haute température (qui permettent de bien identifier les composants mais qui brisent les assemblages et causent certaines réactions parasites). L’attente est sans doute due à ce que le foret de Curiosity n’a pas fonctionné pendant 18 mois et qu’il n’est redevenu opérationnel que cette semaine (mais on pourrait dire également qu’on a voulu utiliser ces capsules à bon escient et après avoir bien observé les composants des différents échantillons prélevés par les autres moyens plus « rudes »). Egalement il est observé que les prélèvements ont été faits dans une couche très superficielle du sol (le foret de Curiosity ne pénètre pas au-delà d’une profondeur de 5 cm) très exposée aux radiations donc à la destruction de ces molécules organiques.

*il est aussi possible (pour rejoindre mon article précédent) que cette matière kérogène ne traduise pas le fonctionnement de la vie mais celui d’une “pré-vie”, d’une étape du processus prébiotique allant vers la vie. La vie n’est en effet pas apparue en dehors d’un environnement qui l’a préparée et qui a permis aux premières cellules vivantes de “s’approvisionner en matières premières”.

On est donc satisfait d’avoir constaté une grande abondance de molécules organiques et la présence d’éléments chimiques indispensables à la vie mais on attend maintenant les missions ExoMars (à noter le fairplay de la NASA) et Mars 2020. On peut donc dire que la NASA nous a fait un discours d’étape, satisfaisant et encourageant en attendant mieux. La recherche de la vie reste clairement au premier plan de ses préoccupations mais la plus grande prudence reste de mise, ce qui est bien normal.

Image à la Une: le cycle du méthane sur Mars constaté par le rover Curiosity (laboratoire embarqué Sample At Mars) après trois années (martiennes) d’observations. Crédit NASA/JPL-CalTech.

Image ci-dessous, Le rover Curiosity de la NASA a découvert dans des sédiments très anciens, des molécules organiques qui pourraient appartenir à des fragments de matière kérogène (que l’on associe naturellement à un processus biotique). Crédit : NASA/GSFC

lien vers le communiqué de presse de la NASA:

https://www.nasa.gov/press-release/nasa-finds-ancient-organic-material-mysterious-methane-on-mars

NB: Le Professeur Michel Cabane (LATMOS, IPSL, Uni. Pierre et Marie Curie), responsable scientifique du chromatographe en phase gazeuse, partie du laboratoire SAM, qui a fait les observations du méthane et de ces molécules organiques, sera l’un des intervenants au congrès EMC18 organisé pour les 26 au 28 Octobre prochains à la Chaux-de-Fonds. Inscrivez vous!

A la recherche des traces d’une première étincelle de Vie

Il y a quelques années, je considérais la Vie comme « un processus de transformation de la matière par des organismes puisant leur énergie et leurs éléments constituants dans leur environnement, pour se reproduire presque à l’identique mais pas tout à fait ce qui leur permet de s’adapter aux conditions extérieures et donc d’évoluer ». Cela recouvre effectivement un très large aspect du phénomène tel que décrit par les biologistes comme Nick Lane, mais il y manque un « petit quelque chose ».

Je pensais bien en incluant le mot « processus » qu’il fallait exprimer une dynamique mais c’était un peu insuffisant et je réalise aujourd’hui, après la lecture de « L’ordre étrange des choses » d’Antonio Damasio, qu’au-delà du lancement du processus, il faut évoquer sa perpétuation inhérente à sa constitution, on pourrait dire son « anima » et qu’il faut donc qualifier le processus d’« homéostasique ».

Cet enrichissement de la définition fait progresser la réflexion mais ne permet cependant toujours pas de comprendre comment s’est produit le saut entre l’inanimé et le vivant ; il complique même plutôt la compréhension du passage que l’on peut toujours voir comme l’aboutissement de la réunion des éléments concourants à la vie mais qui n’explique pas comment s’est fait l’aboutissement, c’est à dire l’animation. Comme souvent en science, cette évolution des données force à se poser la question un peu différemment. Voici donc ce qu’on peut dire aujourd’hui :

Il n’est pas possible d’envisager une volonté aux organismes procaryotiques les plus primitifs à l’origine du processus (bactéries ou archées), dénués de cerveau et même de système nerveux, et cependant il faut bien convenir qu’ils réagissent aux stimuli extérieurs, à la pression, à la température, à l’acidité, à la présence d’éléments pour renouveler leur matière propre et leur énergie et à la présence des organismes concurrents ou semblables. Ces perceptions et réactions aux stimuli extérieurs sont certes physiques ou chimiques, non nerveuses, mais elles « sont », on peut les constater. Nous en avons d’ailleurs nous-mêmes, être évolués dotés d’un système nerveux, conservé le principe pour certaines de nos « émotions ».

Plus extraordinaire, ces organismes primitifs se comportent, sous la pulsion de l’homéostasie, comme s’ils voulaient étendre leur contrôle sur leur environnement temporel futur ainsi que sur leur environnement spatial en se reproduisant avec l’objectif d’obtenir un mieux-être pour eux-mêmes et un avantage collectif sur leurs concurrents. Cette projection spatiale et temporelle « remet à neuf » à chaque génération le processus dans un contexte éventuellement légèrement différent auquel ils peuvent s’adapter selon les principes darwiniens. Elle donne au processus une sorte de « quatrième dimension » mais au-delà de la réunion d’éléments matériels essentiels à la fonction, les questions posées sont de savoir comment les éléments prébiotiques réunis dans une cellule ont pu l’animer et, pour commencer, comment ils ont pu se trouver réunis dans une cellule.

Ces organismes procaryotiques sont apparus sur Terre, tout « armés » il y a quelques 3,8 milliards d’années. Les circonstances environnementales sur Terre devaient être tout à fait particulières pour permettre de passer de l’inanimé au vivant. Tellement particulières qu’il n’y a qu’une seule souche de la Vie, notre « Last Universal Common Ancestor » (« LUCA ») qui ait eu une descendance. Pour comprendre « l’allumage » du processus et l’introduction de l’homéostasie, il nous faudrait donc remonter à cette époque, pour observer les molécules complexes qui assemblées et fonctionnant ensemble donneront la Vie, avant que le déclic se fasse, juste avant l’assemblage. Il nous faudrait remonter à une époque très ancienne, vers 4,2 à 3,8 milliards d’années, lorsque la température en surface de la Terre, constituée il y a 4,56 milliards d’années, était tombée à des niveaux acceptables, que la roche était devenue solide et l’eau liquide, en quelque sorte après que les éléments se soient séparés, et observer l’évolution dans le réacteur biotique planétaire. Il nous faudrait observer les premières cellules se former à partir de phospholipides, les premiers acides nucléiques, les premiers brins d’ARN, les premières protéines, les premières enzymes, les premières molécules d’ATP, cette monnaie énergétique qu’emploient tous les êtres vivants depuis l’aube des temps…

Il faut imaginer un milieu liquide très particulier (à l’intérieur et autour de cheminées géothermales, dans des flaques autour de sources chaudes, dans une zone particulière de balancement des marées découvrant puis recouvrant des sources chaudes ?) non seulement au point de vue température, pH, pression, richesse minérale et richesse organique mais aussi avec une profusion de molécules prébiotiques de plus en plus complexes en suspension et en contact possible. Il faut imaginer dans ce milieu un très long processus au travers de dizaines de millions d’années avec sans doute en même temps une lente évolution du milieu favorable au processus de complexification et d’enrichissement, d’inventions d’assemblages et d’échecs et un jour, dans ce milieu très riche et relativement homogène, la formation d’une cellule, un intérieur avec un extérieur, et à l’intérieur, «un autre jour », des éléments de la première vie ; d’abord quelques éléments, puis de plus en plus de ces éléments et en fin de compte tous les composants nécessaires à la perpétuation et la reproduction animées réunis ensemble par le « désir » de se préserver, de fonctionner ensemble et de continuer à prospérer.

Le temps a passé. Sur Terre, l’érosion a fait son œuvre, le rouleau compresseur de la tectonique des plaques a (presque) tout broyé, tout recomposé, tout transformé, tout métamorphisé dans la pression et la chaleur intenses du manteau de la planète, l’eau a coulé et a hydraté (presque) toute roche qui n’avait pas été reconditionnée par la tectonique des plaques, la Vie, merveilleuse machine à recycler, a réutilisé toutes les matières organiques qu’elle a pu trouver jusque dans les endroits les plus inaccessibles.

Trouverons nous jamais la clé de notre Début sur les quelques petits hectares de la surface terrestre sur lesquels subsistent ces traces très anciennes ?

Mars pourrait peut-être nous offrir cette clé moins difficilement puisque les conditions environnementales étaient très semblables à l’origine sur les deux planètes et que c’est précisément à l’époque où la vie a commencé sur Terre que l’évolution s’y est pratiquement arrêtée. C’est cela notre chance, disposer à une distance atteignable par nos fusées d’une planète assez évoluée mais « arrêtée sur image », sur laquelle ni la tectonique des plaques, ni l’érosion n’ont fonctionné pour détruire l’image. Il faudrait que l’image se soit arrêtée juste avant la vie, juste avant que la vie ait gâché l’image de la naissance de la vie. Est-ce possible ? Le temps n’a-t-il pas fait son œuvre d’une autre manière pour faire disparaître ces délicats vestiges ? Quid de l’effet des radiations solaires et galactiques sur les molécules organiques ? Quid du lent mais infiniment long passage du temps ? Les embryons de vie ont pu subsister enfouis mais au contact d’éléments chimiques qui sur une si longue durée les ont corrompus. Pourrons nous interpréter les restes chimiques d’un premier enrichissement biotique en dépit de ces corruptions ? Nos géologues et taphonomistes seront-ils assez perspicaces et inventifs pour discerner puis interpréter correctement les traces ?

A l’aube des temps historiques, Gilgamesh est parti de son royaume d’Ourouk (en Basse-Mésopotamie) pour aller jusque dans les montagnes de l’Ourartou (actuelle Arménie) rechercher l’herbe de vie. Aujourd’hui dans un contexte transformé par l’histoire et le progrès technologique nous partons vers Mars avec le même espoir, celui de trouver non pas une herbe mais une explication (nous avons évolué !). Gilgamesh a trouvé l’herbe de vie mais le Serpent l’a volée. Il nous suffirait de trouver parmi toutes les roches martiennes très anciennes (des dizaines de millions de km2), un seul morceau de boue fertile fossilisée, de l’analyser et de la comprendre. Mais aura-t-elle supporté le passage du temps ou ce dernier nous volera-t-il l’explication ardemment désirée ?

Image à la Une: Les plaques que l’on voit et notamment la “grille” de petits polygones ( de 1 à 2 cm) en  surface de la roche sur la droite de cette mosaïque de photos de la caméra Mastcam de Curiosity prises dans le cratère Gale (“Squidd Cove” dans “Murray formation”), doivent résulter de craquelures dans de la boue déposée au fond d’un lac et ayant subi ensuite un processus de dessiccation. Elles datent de plus de 3 milliards d’années. C’est peut-être moins ancien que ce dont nous aurions besoin pour nos recherches pré-biotiques mais nous pourrons trouver facilement des roches hydratées de 4,2 à 3,8 milliards d’années en d’autres endroits de la planète. Cette période (le “Phyllosien” de Jean-Pierre Bibring) était la plus humide de Mars et les traces vues de loin datant de cette période sont très nombreuses. Maintenant Mars peut avoir évolué différemment de la Terre et des roches martiennes de 3 milliards d’années pourraient aussi nous apporter des informations prébiotiques. Crédit NASA/JPL-Caltech/MSSS, 17 janvier 2017. 

Lectures:

“L’ordre étrange des choses”, par Antonio Damasio, Professeur de neuro-sciences, de neurologie, de psychologie et de philosophie à l’Uni. de Californie, Los Angeles; chez Odile Jacob, 2018.

“The vital question”, par Nick Lane, Professeur de Biochimie dans le département de “Genetics, Evolution and Environment” de l’University College, Londres; chez Profile Books, 2015.

“Life: past, present and future”, par Kenneth H. Nealson and Pamela G. Conrad, publié par The Royal Society en 1999.

“Mars Planète Bleue”, par Jean-Pierre Bibring, astrophysicien à l’Institut d’Astrophysique Spatiale de Paris, chez Odile Jacob, 2009.

“L’unique Terre habitée?” par André Maeder, astrophysicien à l’Université de Genève, éditions Favre, 2012.

EMC18: Ce problème comme d’autres passionnants portant sur le voyage, l’installation de l’homme sur Mars, le Temps, sont au programme de notre congrès EMC18, du 26 au 28 octobre à La Chaux-de-Fonds. Vous pouvez d’ores et déjà vous y inscrire.

Pourquoi Mars?

Mars est la planète que nous pouvons et que nous devons privilégier dans le cadre de notre exploration spatiale. C’est en effet un astre bien particulier, celui qui potentiellement nous offre le maximum d’opportunités. C’est d’abord un lieu de recherche pour mieux comprendre la Terre et le phénomène de la vie ; c’est aussi le seul endroit en dehors de la Terre où nous avons la possibilité de nous installer de façon pérenne. C’est enfin un défi qui nous est posé et que nous pouvons relever. Envoyer des robots c’est bien, y aller nous-mêmes c’est mieux. Aller sur Mars, c’est faire notre premier pas vers les étoiles.

Mais pourquoi donc privilégier Mars parmi tous les objectifs possibles de l’exploration spatiale ?! Après tout ce n’est qu’une petite planète (la moitié du diamètre de la Terre et seulement 1/10ème de sa masse) ; elle a une atmosphère très ténue (6 millibars au « datum », son « altitude zéro ») ; sa surface est aride car, à cette pression, l’eau (même saumâtre) ne peut être qu’exceptionnellement liquide ; sur cette surface, les sels de perchlorates, très agressifs pour les matières organiques, sont omniprésents ; les radiations solaires et galactiques sont relativement peu filtrées par l’atmosphère et par l’absence de magnétosphère, si bien que leur intensité est comparable à celle qui est mesurée dans l’environnement terrestre à l’altitude de l’ISS ; enfin elle évolue entre 56 et 400 millions de km (entre 3 et 22 minutes lumière) de chez nous et il faut entre 6 et 9 mois tous les 26 mois pour l’atteindre dans des conditions énergétiques optimales après avoir parcouru un arc d’ellipse d’environ 500 millions de km en moyenne. Certes !

Cependant ces faiblesses, ou ces défauts, sont largement compensées par les avantages relatifs et absolus par rapport aux autres astres que nous pouvons observer.
D’abord la planète Mars est « loin » mais elle n’est pas « si loin ». Elle est d’abord toujours, bien qu’à la limite, dans la zone habitable en surface de notre système stellaire (notion de température fonction de l’irradiance du Soleil). Jupiter et sa lune Europe qui contient sans doute un océan d’eau salée sous sa croûte de glace, évoluent entre 591 et 965 millions de km et il faut 4,23 années aux ondes électromagnétiques pour nous parvenir de la planète Proxima-b située dans la « zone habitable » de Proxima Centauri, la voisine la plus proche de notre Soleil (cette étoile est de plus une naine rouge, ce qui présente des conditions rédhibitoires pour son habitabilité réelle).

Ensuite, son atmosphère, équivalente à celle de la terre à 35 km d’altitude (l’espace est officiellement à 100 km), a au moins « le mérite d’exister ». Il n’y en pratiquement pas autour de la Lune ou de Mercure et celle de Vénus est si épaisse qu’elle maintient à sa surface une pression et une température de « cocotte-minute » (450°C et 90 bars). De même la quantité d’eau sur Mars est loin d’être nulle. Elle est présente sous forme de glace aux pôles et dans le sous-sol immédiat un peu partout. Surtout elle doit être liquide dans le sous-sol profond depuis toujours et elle doit bien ruisseler en surface dans des conditions exceptionnelles (au fond du bassin d’Hellas, par beau temps sur une fourchette de quelques degrés). Au cours des premiers âges (ères Phyllosienne et Theiikienne) bien avant 4 milliards d’années et jusqu’à il a 3,5 milliards d’années, puis ensuite épisodiquement, elle a marqué le sol de son empreinte et hydraté les roches dans un environnement relativement chaud. Ce long travail de l’eau active sur une matière très semblable à la nôtre, accompagné par un volcanisme puissant, a permis une profonde transformation de l’environnement primitif.

En fait Mars a été une planète vivante au sens qu’on peut donner à ce terme pour la Terre, jusqu’à l’époque où les premières traces de vie microbienne sont apparus « chez nous ». Comme l’érosion a été très faible depuis lors, la surface de roches inchangées qui peuvent en porter témoignage s’élève à des dizaines de millions de km2. C’est donc là où nous avons le plus de chance de trouver un jour des traces de vie (fossiles ou même actives) ailleurs que sur Terre et, plus même que sur Terre, des traces de l’évolution avancée de molécules organiques vers la vie. Rien de tel sur nos autres voisines, la Lune dont la vie géologique active n’a sans doute duré que quelques petits millions d’années ou bien Vénus sur laquelle l’effet de serre a conduit à des conditions dans lesquels les effusions magmatiques ont effacé toutes traces géologiques vraiment anciennes et qui est très difficilement explorable. Et que l’on ne vienne pas nous parler de l’eau lunaire ! Il y a certes de la glace d’eau dans le fond de rares cratères situés aux pôles de la Lune jamais éclairés par le soleil mais les quantités en sont infinitésimales par rapport aux masses d’eau martienne et sans doute très difficilement accessibles.

Pour l’installation de l’homme « hors de son berceau », Mars présente des avantages certains : une certaine protection atmosphérique contre les radiations, une alternance jour / nuit comparable à celle de la Terre (24h39) et qui, liée à la présence de l’atmosphère, permet de lisser un peu les pics de température (songez aux nuits de 14 jours de la Lune !), une température adoucie (à l’équateur martien la température peut dépasser les 15°C le jour et rester la nuit aux environs de -80°C mais cela pendant seulement une douzaine d’heures) ; la possibilité d’utiliser des ressources locales intéressantes, à commencer par l’eau mais aussi l’atmosphère de gaz carbonique qui permettrait d’obtenir facilement de l’oxygène et du méthane (utiles pour la propulsion du voyage de retour) ; la possibilité d’utiliser l’atmosphère pour freiner la descente des vaisseaux en surface ; une certaine portance pour les véhicules planétaires ultralégers ; une différence de gravité en surface moins handicapante que sur la Lune (en gros 1/3 de celle de la Terre mais le double de celle de la Lune).

Enfin Mars a été une « presque Terre » et elle pourrait devenir une « nouvelle Terre ». En cas de catastrophe terrestre mondiale, toujours possible (les hypothèses ne manquent pas), Mars serait la seule planète sur laquelle une poignée des meilleurs d’entre nous pourraient survivre et de ce fait perpétuer notre espèce et notre civilisation. Ce n’est pas un motif négligeable pour s’y installer le plus vite possible car acquérir un minimum d’autonomie sera difficile et long.
Après, si vous n’êtes toujours pas convaincu de l’intérêt des missions habitées, considérez Mars, cette petite lumière lointaine, comme l’archétype aujourd’hui des lieux non accessibles mais qui sont en train de le devenir tout en restant très difficiles d’accès et il faut le reconnaître, assez « périlleux ». Représentez-vous la planète comme les plus hauts sommets alpins, les grands déserts d’Afrique ou d’Asie, l’Antarctique, la Lune en mieux ; un défi qui nous est posé et que nous voulons relever simplement parce qu’il est là, petit point rougeâtre fiché sur la voûte du ciel mais à portée de nos fusées. Cette curiosité, cette envie et ce goût de l’aventure sont typiquement humains ; pourquoi le nier et pourquoi renoncer à les satisfaire, pourquoi aussi se refuser le plaisir de la conception puis de la réalisation des systèmes et des engins complexes qui le permettront ?!

Ces caractéristiques martiennes et ce potentiel des missions robotiques et humaines, ne doivent pas nous faire oublier l’intérêt des autres astres mais elle justifie qu’on y affecte un maximum de nos ressources rares parce que dans un futur proche le « retour satisfaction » et sûrement dans un futur plus lointain, le « retour financier » sur investissement sera multiple et considérable.

Image à la Une: Vue de Vera Rubin Ridge vers le rempart du cratère Gale. Photo prise le 30 janvier 2018 par Curiosity dans le Cratère Gale. Crédit:NASA/JPL-Caltech/MSSS

Nous vous rappelons que vous pouvez vous inscrire à EMC18, le congrès des Mars Societies européennes qui aura lieu fin octobre au Musée International d’Horlogerie (MIH) de La Chaux-de-Fonds. Nos sponsors sont le Musée International d’Horlogerie, Spectratime , la Banque Cantonale Neuchâteloise et Trax-L.

Conseil au nouvel Administrateur de la NASA

Robert Zubrin, fondateur de la Mars Society, ingénieur en propulsion, s’est rallié par tactique au projet « Lune-d’abord », estimant sans doute qu’il était plus probable de pouvoir changer la politique spatiale américaine en évitant la confrontation brutale et en favorisant aussi l’utilisation des lanceurs lourds dont le coût unitaire de lancement devrait de ce fait baisser (économie d’échelle), ce qui facilitera les missions martiennes habitées, en espérant qu’elles soient menées aussi tôt que possible.

Il revient dans ce contexte sur un autre écueil de la politique spatiale américaine, la non définition du but à atteindre. Aujourd’hui et depuis très longtemps, l’Administration américaine lance des programmes non pour atteindre un but mais pour faire tourner des industries (en l’occurrence spatiales) et maintenir ou « booster » l’emploi et dans cet esprit elle évite la moindre prise de risque pour continuer à « ronronner » en toute tranquillité. Robert Zubrin sait que l’on n’atteint un but efficacement et rapidement que si on se le donne comme objectif. Il sait aussi qu’une vie sans but, conduit à la promenade, à l’errance, en fin de compte à l’endormissement et à la disparition. Il veut réveiller l’Amérique, le pays des pionniers et de la « frontière » et il a raison car c’est en Amérique que ce désir d’aventure présent chez presque tous les hommes (surtout les jeunes !), est le plus fort et donc là que l’étincelle peut faire repartir le feu.

L’aventure c’est l’entreprise (on pourrait la qualifier d’aventure organisée), menée par un entrepreneur, et c’est donc sur elle qu’il compte pour mener les autres hommes et sur l’entrepreneur (évidemment Elon Musk) pour créer l’étincelle sur la base d’une idée géniale (par exemple la réutilisation des lanceurs) et impulser l’énergie par son enthousiasme propre. Encore faut-il que le terrain soit favorable. Aujourd’hui, il ne l’est pas, c’est plutôt un marécage qui a tendance à tout éteindre. La NASA est devenue un « machin », comme disait le Général de Gaulle à propos de l’ONU, un rassemblement de personnes peut-être de qualité mais empêtrées dans un corset administratif paralysant car contraint par le nombre de ses employés (et l’inertie que cela implique), ses procédures et par les interdits politiques (la protection planétaire par exemple !) et sociétales (l’aversion au risque si commune à notre époque).

Robert Zubrin plaide auprès de la personne qui peut changer les choses, le nouvel Administrateur Bridenstine, pour une NASA légère car initiatrice (audacieuse), coordinatrice et facilitatrice, plutôt que politiquement correcte (timorée) et faiseuse (avec application plutôt qu’avec génie), en fait une NASA comme elle existait à ses débuts, à l’époque de John Kennedy. Espérons qu’il soit entendu !

texte de Robert Zubrin (traduction Pierre Brisson):

Exigeons un programme spatial axé sur des objectifs.

Le 19 Avril 2018 Jim Bridenstine a été finalement confirmé comme nouvel Administrateur de la NASA et il a pris en charge l’Agence spatiale après plus d’un an de dérive sans personne à la barre (certains diraient après plus de neuf ans). Maintenant que l’ancien pilote de la Marine et parlementaire de l’Oklahoma a eu quelques semaines pour s’installer dans son bureau et voir ce qui se passe, je pense que le moment est opportun pour lui donner quelques conseils. Les voici !

Cher Administrateur Bridenstine,

Félicitation pour votre nomination. Vous avez pris en charge une Agence dont certains départements (ceux qui sont responsables des programmes d’astronomie et d’exploration planétaire) ont accompli de hauts-faits historiques dont on se souviendra pendant des siècles, tandis que d’autres (en particulier celui qui est responsable du programme des vols habités) ont dépensé des dizaines de milliards en pure perte. La différence est que les départements d’astronomie et d’exploration planétaire ont choisi de dépenser leurs fonds de manière intelligente et pour un objectif tandis que le département des vols habités a été autorisé à fonctionner sans aucun objectif.

Les missions Hubble, Kepler, TESS, Webb, Opportunity, Spirit, Curiosity et Cassini ont été conçues, réalisées et lancées pour des raisons claires. En revanche, le Département des vols spatiaux habités propose des projets, puis tente d’inventer des raisons pour les justifier. Les concepteurs des premiers dépensent de l’argent pour faire des choses ; le second fait des choses pour dépenser de l’argent. Prenons à titre d’exemple la proposition actuelle de construire une station spatiale en orbite lunaire. A quoi sert-elle? Certains disent qu’elle «pourrait être utile» en appui d’une base lunaire, qui est l’objectif théorique de l’administration. Mais est-elle nécessaire?

Permettez-moi de le dire de cette façon puisque vous êtes pilote : Disons que vous êtes aux commandes d’un avion allant de l’aéroport Reagan (NdT à Washington D.C.) à celui de La Guardia (NdT à New-York), de quoi avez-vous vraiment besoin ?

(A) un club de pilotes à Pittsburgh, ou

(B) un train d’atterrissage pour votre avion.

Vous pourriez avoir du plaisir à pouvoir profiter certains jours d’un club de pilotes à Pittsburgh mais maintenant vous avez vraiment besoin d’un train d’atterrissage si vous voulez atterrir. C’est la même chose pour la Lune. Si vous voulez construire et utiliser une base lunaire, vous avez besoin d’un atterrisseur lunaire ; vous n’avez pas besoin d’une station spatiale en orbite lunaire. De même, si vous voulez construire et utiliser une base sur Mars vous avez besoin d’un atterrisseur sur Mars ; vous n’avez pas besoin d’une station spatiale en orbite lunaire.

Vous vous souvenez peut-être que durant l’administration Obama, certaines personnes ont émis l’idée stupide d’une mission de détournement d’astéroïde (Asteroide Redirect Mission, « ARM ») dont le but était de déplacer un petit morceau d’astéroïde jusqu’en orbite lunaire pour donner quelque chose à visiter aux astronautes volant autour de la Lune dans la capsule Orion. La station spatiale en orbite lunaire est l’ARM sans astéroïde. Ce n’est pas un pont vers la lune ou vers Mars. C’est un guichet d’octroi programmatique qui bloque le chemin vers la Lune ou vers Mars. Choisir de construire un guichet d’octroi en orbite lunaire au lieu d’un atterrisseur lunaire ou martien, c’est choisir de ne pas aller sur la Lune ou sur Mars.

Ainsi la décision évidente, si l’on veut vraiment déposer des Américains sur la Lune aujourd’hui, c’est d’annuler le projet de guichet d’octroi en orbite lunaire et d’utiliser son financement généreux (504 millions de dollars cette année et beaucoup plus prévu pour la suite) pour développer un atterrisseur lunaire. On peut le faire par des méthodes d’appels d’offres traditionnelles et s’en sortir avec des conditions bien meilleures qu’aujourd’hui. Mais les remarquables succès récents et croissants de l’industrie spatiale privée suggèrent une alternative qui pourrait être encore plus intéressante.

Au lieu de payer pour des systèmes de transport lunaire, pourquoi ne pas payer pour des services de transport lunaires? Utilisez le modèle de système commercial de transport et lancez un appel d’offres à l’industrie pour qu’elle propose des services de transport pour transporter en surface lunaire, en aller simple, des charges de masse diverses et en aller-retour, des équipages humains. On peut parier que les entreprises en concurrence pour offrir ces services de transport sur la base du meilleur coût, adopteraient une approche axée sur objectif. Le rôle de la NASA serait alors de spécifier les charges utiles à livrer sur la surface lunaire et de diriger les activités à effectuer sur place.

De cette manière, on pourrait constater que non seulement on pourrait créer une base lunaire beaucoup plus rapidement et pour beaucoup moins d’argent qu’on l’estime aujourd’hui mais encore on pourrait démontrer la validité d’un modèle qui tôt après pourrait ouvrir la « frontière » martienne.  Il y a divers intérêts-établis qu’on contrarierait en suivant la voie décrite ci-dessus et vous auriez besoin de tout le support politique possible. Une chose qui pourrait vraiment aider serait de prendre des mesures immédiates pour annuler la stupide décision de l’Administration d’arrêter le projet de télescope spatiale infrarouge à grand-champ, WFIRST (Wide Field Infrared Survey Telescope).

WFIRST est un télescope spatial de 2,2 mètres de diamètre avec un champ de vision 100 fois plus large que Hubble, rendu possible par un budget très bas de 3 milliards de dollars grâce au don fait à la NASA par le « National Reconnaissance Office », d’un satellite espion dont il n’a plus besoin. Il a été approuvé et fortement appuyé comme priorité forte par tous les comités d’évaluation scientifique qui conseillent le gouvernement. Il promet des découvertes révolutionnaires d’exoplanètes et pourrait révéler la vérité sur la nature de l’énergie noire qui accélère l’expansion de l’univers et répondre à de nombreuses autres questions d’astrophysique. Particulièrement intéressante est la possibilité d’utiliser WFIRST pour obtenir des spectres d’atmosphères de planètes en orbite autour d’autres étoiles. S’il trouve de l’oxygène libre (qui n’existait pas sur Terre jusqu’à ce que nous ayons une biosphère et qui n’existe pas sur quelque autre planète que ce soit de notre système solaire) ce serait une preuve forte de la présence d’une vie abondante.

C’est exactement le genre de mission que la NASA devrait mener et en sauver le projet ferait beaucoup pour atténuer la polarisation politique qui a retardé votre confirmation et qui pourrait faire échouer tout effort de votre part pour accomplir quelque chose d’important au cours de votre mandat à l’agence spatiale.

De plus, si vous êtes à la recherche d’une mission productive pour la capsule spatiale Orion, soutenir le fonctionnement de télescopes spatiaux dans l’espace interplanétaire proche, comme WFIRST, est tout à fait ce qu’il convient de faire. Les phares du programme par ailleurs le plus souvent inutile de la navette spatiale, ont été les cinq missions pour réparer et améliorer continument le télescope spatial Hubble. Si toutes les 135 missions de la navette avaient eu une utilité comparable, c’eut été le programme scientifique le plus productif de tous les temps. Orion est surdimensionné pour le transport d’équipages depuis la Terre jusqu’à l’orbite terrestre et trop petit pour servir d’habitat aux astronautes d’une mission de 2,5 ans sur Mars mais il pourrait convenir à des missions de quelques semaines pour desservir des observatoires dans l’espace proche de la Terre.

Ainsi, plutôt que de réduire le programme d’astronomie spatiale, vous devriez chercher à le développer, en fournissant aux astronautes les outils dont ils ont besoin pour montrer ce que des hommes et les femmes courageux, envoyés dans l’espace comme des explorateurs plutôt que des sujets d’examens médicaux, peuvent vraiment réaliser. Le peuple américain veut et mérite un programme spatial qui va vraiment quelque part et accompli de grandes choses. Comme les récents crédits substantiels pour la NASA le montrent, il est prêt à payer pour cela. Les succès épiques de l’astronomie spatiale, l’exploration planétaire et les sociétés spatiales privées montrent ce que l’ingéniosité humaine peut faire quand les responsables adoptent une approche fondée sur un objectif. Maintenant, c’est à vous !

Je suis prêt à aider, de quelque façon que ce soit.

image à la Une: Une exoplanète dans la zone habitable d’une naine rouge, dans un système à plusieurs étoiles (Proxima Centauri b ?); Crédit Zubrin-graphic

Moon-Direct : un pis aller pour ensuite aller sur Mars

Robert Zubrin, fondateur de la Mars Society et président de l’association américaine, a écrit un article* encourageant le gouvernement américain à décider la création d’une base lunaire, en lui recommandant une marche à suivre qui s’apparente beaucoup à « Mars-Direct », l’architecture de mission géniale qu’il a imaginée avec son collègue de Martin-Marietta, David Baker, au début des années 1990 (voir son livre « The case for Mars » publié pour la première fois en 1996).

*article publié le 26 mars dans Space News Magazine; traduction en Français après mon propre article, ci-dessous.

La démarche peut surprendre venant de quelqu’un qui était très critique des projets d’établissements sur la Lune, considérant que cet astre était un piège où la volonté de sortir véritablement du berceau terrestre, se perdrait. Il avait notamment comparé la Lune à une « sirène »  dont il convenait de se protéger.

La Lune est en effet un monde beaucoup plus hostile que Mars avec sa gravité de 0,16 g très handicapante, la longueur de ses jours et de ses nuits (14+14), son absence totale d’atmosphère, son aridité extrême (les volumes de glace d’eau sur la Lune sont « anecdotiques »), la dangerosité de ses particules de poussière acérées. Ces défauts sont en creux les avantages de Mars même si la planète reste beaucoup moins hospitalière que la Terre. Les deux seuls avantages que l’on puisse donner à la Lune, c’est (1) qu’elle est accessible à tout moment de l’année alors que nos fusées ne peuvent partir de la Terre pour Mars que tous les 26 mois en raison de vitesses différentes sur orbite (en gros 30 km/s pour la Terre et 20 km/s pour Mars) ; (2) que le voyage est beaucoup moins long (environ 3 jours pour la Lune et de 4 à 9 mois pour Mars selon que l’on consomme plus ou moins d’énergie) ce qui implique une exposition plus longue aux radiations et la nécessité d’un support vie plus « musclé ». Mais il n’y a aucun avantage énergétique à aller sur la Lune, l’essentiel de l’effort étant dû à la sortie du puits de gravité terrestre et ensuite, dans une moindre mesure, au freinage pour descendre sur l’astre visé.

Alors, est-ce un renoncement ?

Je ne le pense pas. Robert Zubrin est réaliste et il fait de la politique. Il sait que tant que Donald Trump détiendra le pouvoir exécutif aux Etats-Unis, le projet Mars Direct n’a aucune chance. Alors il s’adapte comme un judoka s’adapte à la poussée de son adversaire. Ce faisant, il sert son ami Elon Musk qui est absolument déterminé à aller sur Mars, avec ou sans l’aide de l’Etat (mais mieux avec cette dernière), et qui devrait obtenir des contrats avec la NASA pour mener quelque mission habitée que ce soit dans l’espace profond puisque le Falcon Heavy est le seul lanceur mi-lourd qui existe aujourd’hui (le SLS est toujours dans les limbes et ne semble pas devoir en sortir). Quelle que soit l’utilisation qui en sera faite, elle confirmera la technologie de SpaceX, elle abaissera les coûts de lancement unitaires et elle apportera des fonds dans les caisses d’Elon Musk. Par ailleurs l’article de Robert Zubrin remet en avant la stratégie « Direct ». En gros, pour aller sur un astre, il faut décider d’y aller vraiment, sans prendre de voie détournée, et il faut y aller aussi « léger » que possible en utilisant les ressources locales, notamment pour le retour sur Terre. Ce qui est valable pour la Lune est valable pour Mars et on suivra la même stratégie sur Mars après avoir démontré que c’était la meilleure pour la Lune.

Espérons que Donald Trump entre dans le jeu ; c’est-à-dire qu’à défaut de Mars, il lance les Etats-Unis vers la Lune pour s’y poser et laisse tomber le stupide et coûteux projet de Lunar-Orbital-Platform-Gateway qui ne propose que de tourner autour. C’est encore possible. Cependant je persiste à craindre que la Lune ne soit le tombeau des rêves martiens, que l’on risque de s’y investir longuement et coûteusement comme on a fait dans la Station Spatiale Internationale, pour presque aucune retombée valable, que la vie sur la Lune s’avère vraiment difficile en raison des problèmes exposés ci-dessus, que les retombées scientifiques soient médiocres, la Lune n’étant qu’un fragment de la Terre desséché, morte presque depuis son origine, et qu’en fin de compte cela « dégoûte » le public (c’est lui, in fine, qui paye) de l’aventure spatiale. La stratégie du judoka est donc très dangereuse, mais nous verrons bien, nous n’avons, jusqu’à la fin de la présidence Trump, pas le choix!

Pierre Brisson

Image à la Une: Falcon Heavy sur son aire de lancement, Crédit Space-X

Lien vers l’article de Robert Zubrin dans Space News, traduit ci-dessus :

http://spacenews.com/op-ed-moon-direct-how-to-build-a-moonbase-in-four-years/

Traduction de l’article:

La Lune en direct : comment construire une base lunaire en quatre ans

Robert Zubrin ; article publié dans Space News Magazine le 26 mars 2018

Le récent et spectaculaire succès du lancement de Falcon Heavy offre à l’Amérique une opportunité sans précédent pour mettre fin à la stagnation qui a affecté son programme de vols spatiaux habités pendant des décennies. En bref, la Lune est maintenant à notre portée.

Voici comment le plan de mission pourrait être développé. Le Falcon Heavy peut emporter 60 tonnes en orbite basse terrestre (LEO). À partir de là, un atterrisseur-cargo propulsé par fusée à hydrogène / oxygène pourrait déposer 12 tonnes de charge utile à la surface de la Lune.

Nous pourrions donc envoyer deux atterrisseurs à l’emplacement prévu pour la base. La meilleure région serait l’un des pôles car il y a des endroits sur ces pôles où la lumière du soleil est accessible tout le temps et, en proximité immédiate, des cratères en permanence dans l’obscurité absolue où la glace s’est accumulée. Cette glace pourrait être électrolysée pour produire des ergols d’hydrogène et d’oxygène pour approvisionner à la fois des véhicules de retour sur Terre (« ERV ») et des fusées qui fourniraient au personnel de la base lunaire un accès pour exploration à la plus grande partie du reste de la Lune.

Le premier atterrisseur-cargo transporterait des équipements comprenant un dispositif de panneaux solaires, un équipement de communications à haut débit, un faisceau micro-ondes de transmission d’énergie avec une portée de 100 km, une unité d’électrolyse / réfrigération, deux véhicules pour l’équipage, une remorque, et un groupe de rovers-robots télécommandés. Après l’atterrissage, certains des rovers seraient utilisés pour installer le système de panneaux solaires et de communications, tandis que d’autres seraient utilisés pour explorer la zone d’atterrissage en détail et pour poser des radio-émetteurs pour signaler les emplacements précis des atterrissages futurs.

Le second atterrisseur-cargo déchargerait un module d’habitation de 12 tonnes, empli de nourriture, de combinaisons spatiales de rechange, d’équipements scientifiques, d’outils et autres fournitures. Il servirait de logement aux astronautes, de laboratoire et d’atelier. Une fois qu’il aurait atterri, les robots le brancheraient à l’alimentation électrique et tous les systèmes seraient vérifiés. Ceci fait, les rovers seraient déployés pour prendre des photographies détaillées de la zone de la base et de ses environs. Toutes ces données seraient envoyées sur Terre pour aider les planificateurs de mission et les équipes de soutien scientifique et technique et pour finalement établir la structure d’un programme de réalité virtuelle qui permettrait à des millions de personnes de participer aux missions.

La base étant opérationnelle, il serait temps d’envoyer le premier équipage. Un Falcon Heavy serait utilisé pour placer un autre atterrisseur-cargo en orbite dont la charge utile serait constituée d’un Véhicule d’Excursion Lunaire (LEV) dont on aurait fait le plein en carburant/comburant. Ce véhicule serait constitué d’une cabine de deux tonnes comme celle utilisée par le module d’excursion lunaire d’Apollo, monté sur un système de propulsion hydrogène / oxygène d’une tonne, chargé de neuf tonnes de propergol et capable de le transporter de la surface lunaire à l’orbite terrestre. Une fusée Falcon 9 certifiée vol habitable emporterait ensuite l’équipage dans une capsule Dragon jusqu’à LEO où il passerait dans le LEV. Ensuite l’atterrisseur-cargo emporterait le LEV avec l’équipage à bord, jusqu’à la Lune tandis que le Dragon resterait en arrière sur LEO.

Après atterrissage sur la base lunaire, l’équipage terminerait les opérations d’installation nécessaires et commencerait l’exploration. Un objectif clé serait d’aller dans un cratère abrité de la lumière solaire et, en utilisant l’énergie transmise depuis la base par rayon, d’utiliser des robots télécommandés pour extraire de la glace d’eau. Après avoir rapporté ce trésor à la base dans leur remorque, les astronautes introduiraient l’eau dans l’unité d’électrolyse / réfrigération qui la transformerait en hydrogène liquide et en oxygène. Ces produits seraient ensuite stockés dans les réservoirs vides des atterrisseurs-cargo pour une utilisation future – principalement pour propulser des fusées mais aussi pour fournir une source d’énergie aux piles à combustible et pour constituer une source abondante de consommables de support vie.

Après avoir passé quelques mois à lancer ce genre d’opérations et à engager d’autres formes de prospection de ressources ainsi que diverses explorations scientifiques, les astronautes prendraient place dans le LEV, décolleraient et retourneraient sur orbite terrestre. Là, ils seraient recueillis par un Dragon – soit celui qui les aurait placés en orbite en premier lieu, soit un autre qui viendrait d’être lancé pour transporter l’équipage assurant la relève sur la Lune – et qui servirait de capsule de rentrée pour la dernière partie du voyage de retour.

Ainsi, chaque mission suivante ne nécessiterait qu’un seul lancement de Falcon Heavy, de 100 millions de dollars, et un seul lancement de Falcon 9, de 60 millions de dollars. Une fois la base établie, il y aurait peu de raisons de ne pas prolonger les séjours de surface à six mois.

En supposant que le coût du matériel de la mission soit à peu près égal au coût de son lancement, nous devrions être en mesure de créer et de maintenir une base lunaire occupée en permanence, pour un coût annuel constant de moins de 700 millions de dollars. Cela représente moins de 4% du budget actuel de la NASA, soit environ le quart de ce qui est dépensé annuellement pour le programme du « SLS » (le lanceur spatial désormais obsolète de l’agence) qui traîne depuis plus d’une décennie sans avoir rien produit.

Les astronautes ne seraient pas limités à l’exploration de la région autour de la base. Ravitaillé avec de l’hydrogène et de l’oxygène, le même vaisseau spatial LEV, prévu pour rejoindre la surface lunaire et revenir sur Terre, pourrait être utilisé pour voler à partir de la base jusqu’à n’importe quel autre endroit de la Lune, atterrir, servir d’habitat sur place pour permettre à l’équipage de mener son exploration, puis revenir à la base. Nous n’obtiendrions pas seulement un poste avancé ; nous aurions un accès complet à un monde tout entier.

Actuellement, la NASA n’a pas de tel plan. Au lieu de cela elle propose de construire une station spatiale en orbite lunaire nommée Deep Space Gateway. Ce gâchis coûtera au moins plusieurs dizaines de milliards de dollars et ne servira à rien, sauf peut-être à fournir une publicité de lancement pour le SLS. Nous n’avons pas besoin d’une station en orbite lunaire pour aller sur la Lune. Nous n’avons pas besoin d’une telle station pour aller sur Mars. Nous n’en avons pas besoin pour aller sur les astéroïdes proches de la Terre. Nous n’en avons pas besoin pour aller où que ce soit. Si nous gaspillons notre temps et notre argent à le construire, nous n’irons nulle part.

Si on veut aller sur la Lune, on doit aller sur la Lune. Nous avons maintenant la capacité de le faire. Saisissons l’opportunité.

Image “à la Une”: Falcon Heavy sur son pas de tir. Photo SpaceX

image ci-dessous; architecture de mission Lune Direct (crédit Robert Zubrin et Space News graphic):

EMC18. Des robots et des hommes sur Mars sous le regard du Temps

Du 26 au 28 octobre la Mars Society Switzerland invite les membres des autres associations européennes de la Mars Society ainsi que le public intéressé par l’exploration de Mars par vols robotiques et la perspective des vols habités, à se réunir à La Chaux-de-Fonds. L’occasion est notre congrès EMC18, autrement dit « 18th European Mars Convention ». Vous, lecteurs fidèles ou qui venez de découvrir ce blog et qui l’appréciez, êtes les bienvenus à venir écouter (en Anglais !) les spécialistes parmi les mieux informés, faire le point sur la recherche mondiale ou leur propre travail et à leur poser des questions. Vous pouvez dès maintenant vous inscrire.

Notre hôte sera le Musée International d’Horlogerie (MIH). A cette occasion cette institution de la Suisse des microtechniques fera une exposition sur les horloges atomiques et leurs applications spatiales. Vous pourrez donc approfondir ou mettre à jour vos connaissances sur les méthodes et les instruments de mesure du Temps (avec ou sans guide). Vous réaliserez ou vous aurez la confirmation que l’aventure spatiale ne serait pas possible sans sa maitrise avec une précision toujours plus grande. Il s’agit en effet lors de l’injection sur une trajectoire transplanétaire, de mettre à feu les moteurs à un instant très précis en fonction de la position du vaisseau spatial, de la position future de l’astre à atteindre, de la puissance de poussée dont on dispose et de la masse à propulser ou bien, dans le processus de descente sur une planète (EDL), de dérouler une séquence d’interventions se succédant à de très courts intervalles, avec les « complications » nécessaires pour agir sur des éléments matériels (les moteurs, les ergols, la portance et la traînée du vaisseau) en fonction de conditions locales très lointaines et changeantes (la pression atmosphérique, les vents, éventuellement la poussière), avec un handicap résultant du décalage dans le temps causé par l’éloignement qui oblige à prendre en compte la vitesse de la lumière. Et rien n’est simple puisque cet éloignement varie entre 56 et 400 millions de km en conséquence de la vitesse relative des planètes sur leur orbite respective, donc entre et 3 et 22 minutes-lumière.

Le « temps » c’est aussi l’évolution du temps-court (journée et subdivisions) constaté sur Mars en même temps que sur Terre. La planète Mars tourne sur elle-même en 24h39 (un « sol »), ce qui est presque mais pas tout à fait notre jour de 24h00. L’homme pourra sans doute s’adapter à cette légère différence. Des expériences menées dans des cavernes (le spéléologue Michel Siffre pendant deux mois dès 1962 puis plusieurs fois ensuite) ont montré que notre rythme circadien se stabilisait vers 24h30. Ceci dit, dans ce cadre journalier, ni la subdivision horaire (pris pour 1/24ème d’un sol), ni les subdivisions inférieures (minutes, secondes) n’ont les mêmes durées sur Mars que sur Terre. Alors, devra-t-on vivre sur un temps martien ou garder le temps terrestre dont la base, la seconde, a été très précisément définie pour être universelle* ? La réponse n’est pas simple car d’un côté toutes nos machines fonctionnent avec le temps terrestre et les Martiens auront pendant encore très longtemps besoin de les importer ou, également, d’être en interactions très fréquentes avec la Terre ; d’un autre côté, ne vivre dans un environnement temporel martien qu’avec des référentiels différents de celles de la réalité vécue poserait problème car il faudra évidemment tenir compte de l’évolution de l’éclairage naturel au cours du sol et de la nuit. Par ailleurs, si l’on gardait les référentiels terrestres en ajustant chaque sol la durée du jour, quand ferait-on l’ajustement quotidien; la nuit ? Mais quand donc est « la nuit » sur une planète qui comme la Terre est en rotation sur elle-même ? Devrait-on ajuster son instrument de mesure du temps de 61minutes et 37 secondes ou d’un multiple de cette durée en changeant de fuseau horaire ? La réponse la plus simple serait de garder les deux référentiels de temps, de porter des montres ou de consulter des horloges « dual-time » comme celle réalisée par l’entreprise Vaucher Manufacture Fleurier (avec mes conseils) qui sera exposée au MIH pendant EMC18.

*« La seconde est la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de césium 133 ».

Le « temps » c’est aussi le temps-long (année et subdivisions). Mars parcourt son orbite en 686,971 jours (soit 668,5991 sols) à comparer à nos 365,256 jours. Bien que Mars connaisse comme la Terre des saisons (son axe est incliné de 25°19 sur l’écliptique à peu près comme la Terre qui est, elle, inclinée de 23°44), subdiviser son parcours autour du soleil en douze mois égaux regroupés en quatre saisons égales ne serait pas satisfaisant car ces mois en moyenne très longs (55,66 jours), ne correspondraient de ce fait pas aux nôtres dès le début de l’année (après 31 jours) et leur durée moyenne serait peu significative car la vitesse de la planète sur son orbite est très inégale (26,5 km/s au périhélie et jusqu’à 21,9 km/s à l’aphélie) compte tenu de l’excentricité de son orbite ( de 206,7 à 249,2 millions de km du soleil). La saison d’hiver de l’hémisphère australe est ainsi beaucoup plus courte que son été (situation évidemment symétrique pour l’hémisphère boréale) et il faudra cependant pouvoir se repérer facilement pour prévoir efficacement les programmes d’actions annuels, d’autant que le climat est extrême et les contraintes qu’il impose, incontournables. Là aussi les Martiens (résidents permanents comme temporaires) devront prendre en compte le déroulement du temps sur leur planète aussi bien que rester informés de celui de leurs correspondants sur Terre. Un référentiel martien avec des saisons martiennes (inégales avec des mois plus courts autour du périhélie) sera inévitable et le « dual time » s’imposera encore. Vous verrez comment suivre les deux à la fois sur l’extraordinaire horloge de Vaucher Manufacture Fleurier.

Le « temps » c’est encore celui de l’histoire de la planète. L’un des domaines principaux de recherche sera l’exobiologie. Or l’objectif principal sera sans doute de trouver des traces d’évolution organique remontant à plus de 3,5 milliards d’années et de les comprendre. Malgré la très faible érosion, cet éloignement dans le temps est considérable et les traces organiques ont forcément évolué y compris et surtout du fait du bombardement radiatif. Savoir lire cette évolution ressort sur Terre de la science bien établie de la « taphonomie ». Sur Mars elle devra trouver de nouveaux repères, d’autant plus difficiles à définir qu’on ne connaît pas le point de départ. Jusqu’à quel point les molécules complexifiées par le « réacteur biologique » martien ont-elles été ensuite altérées, est la grande question. Comment auront résisté au temps les polymères et leurs assemblements (pour ne pas parler d’organismes)? Les éléments chimiques seront-ils restés suffisamment expressifs au niveau isotopique ou structurel (énantiomères) ? Pourra-t-on se contenter de simples biomorphes sans risquer de prendre pour vivant ce qui résulte d’un processus naturel rare ? Au-delà, le temps a-t-il manqué pour que la vie commence (jusqu’à la « découverte » du processus de reproduction), ou au contraire la vie naissante s’est-elle arrêtée avant d’avoir atteint un niveau de complexité et de résilience suffisant, compte tenu de la détérioration des conditions environnementales ?

Le « temps » c’est enfin celui que nous mettrons, nous humains, pour nous décider à aller physiquement sur Mars, à nous y installer et faire le nécessaire pour acquérir une nouvelle autonomie planétaire. Elon Musk aura-t-il le temps (outre les moyens financiers et le succès technologique) pour concrétiser son rêve d’implantation humaine ? S’il échoue parce qu’il ne réunit pas les moyens financiers suffisants ou que son BFR ne peut voler, quelqu’un prendra-t-il la relève ? La NASA parviendra-t-elle à faire voler son SLS et se décidera-t-elle un jour à aller vers Mars plutôt que de s’encalminer sur la Lune ? Si cette étape est franchie, rien ne sera aisé sur Mars où aucune structure n’existe et où les conditions sont si difficiles (mais moins difficiles qu’« ailleurs »). Les premiers hommes pourront-ils supporter l’isolement, la vie encapsulée, la nourriture peu variée, les pannes énergétiques, les proliférations microbiennes dans les habitats ? Pourront-ils le supporter toute une vie et voudront-ils imposer ces contraintes à leurs descendants ? Les Terriens auront-ils de leur côté la patience de maintenir « à bout de bras » (c’est-à-dire de milliards de dollars) une colonie martienne pendant longtemps ? L’échappatoire serait la création de relations économiques fructueuses aussi bien pour les Terriens que pour les Martiens. Ce n’est pas impossible. Mars pourrait devenir un centre de recherche privilégiée pour toutes les technologies de l’environnement, du recyclage, de la production agricole, un laboratoire, peut-être une université, une « mine » de brevets, dans une certaine mesure un havre de tourisme. Et surtout, Mars n’étant pas la Terre, elle pourrait être un refuge aussi bien pour toutes les formes de vie que pour les hommes, un véritable conservatoire de la Terre…Mais le concrétiser sera forcément long.

L’homme est engagé dans une course contre le temps pour devenir une espèce multiplanétaire et se donner une chance d’éviter la décadence et/ou la disparition sur sa planète d’origine surpeuplée et saccagée*. Trop peu de nos décideurs semblent avoir conscience du danger, très peu de la crédibilité de la possibilité martienne. Aurons-nous le temps ?

*PS : Si les hommes parviennent à arrêter leur explosion démographique et la destruction de leur environnement terrestre avant qu’il ne soit trop tard, ce sera tant mieux mais cela n’exclut aucunement l’intérêt du saut vers Mars. Dans ce cas l’établissement sur une autre planète devrait être vu comme un ensemencement permettant le déploiement d’une seconde branche de l’humanité et donc un potentiel d’enrichissement civilisationnel.

Image à la Une: Le Mont Sharp au centre du Cratère Gale. Mosaïque de photos prise par le MastCam de Curiosity et assemblées le 22 mars 2018 (Crédit: NASA/JPL-Caltech/MSSS).  Cette zone est particulièrement riche en argile, donc très intéressante pour la recherche exobiologique…Bien entendu la présence de l’horloge atomique qui se trouve sur la droite de l’image résulte d’un montage. Elle illustre le fait que nous ayons choisi de tenir notre congrès EMC18 au MIH de la Chaux-de-Fonds et que le MIH prenne cette occasion pour faire une exposition sur les horloges atomiques et leurs applications spatiales.

L’exobiologie martienne mérite tous nos efforts

Il est tout à fait improbable que la vie martienne, si elle a existé, ait pu évoluer au-delà des êtres monocellulaires les plus simples, équivalents de nos procaryotes terrestres (bactéries ou archées). L’exploration de Mars à la recherche de traces de l’émergence de la vie n’en reste pas moins, un objectif passionnant et qui mérite que les hommes y consacrent des ressources non négligeables.

Si la vie monocellulaire de type bactérien a dû commencer sur Terre dès la solidification de la croûte terrestre, juste après l’Hadéen, il y a quelques 4 milliards d’années (premiers indices de « mix » d’éléments chimiques et de composition isotopique légère vers 3,8 milliards), la vie métazoaire (vie pluricellulaire organisée) n’a, elle, commencé il n’y a seulement que quelques 600 millions d’années (faune d’Ediacara –« vendobiontes », avant l’explosion cambrienne) et le processus qui a conduit jusque-là a été « semé d’embûches », et d’accidents. Il a fallu notamment que l’oxygène moléculaire, produit en rejet métabolique par les premières formes de vie en surface de la planète (cyanobactéries), ait, il y a plus de 2 milliards d’années, à l’occasion du « Great Oxydation Event » puis du premier épisode « Snowball Earth », commencé à s’accumuler suffisamment dans l’atmosphère pour que les eucaryotes monocellulaires (improbables chimères entre bactérie et archée) puissent l’utiliser pour proliférer malgré les dangers que cet oxydant très puissant leur faisait courir (mais incités à le faire en fonction de son très grand avantage énergétique). Il a fallu ensuite, beaucoup plus tard, il y a 700 à 600 millions d’années, à l’occasion d’un nouveau déséquilibre planétaire (une nouvelle série d’épisodes Snowball Earth) que les niveaux nouvellement atteints par l’oxygène (encore en dessous mais proches des nôtres) permettent à la population de ces eucaryotes de se structurer en êtres pluricellulaires avec spécialisation par organes constitués chacun de nombreux individus identiques ou assurant ensemble une même fonction dans « l’intérêt » commun (métazoaires).

Mais l’oxygène moléculaire, indispensable élixir mortel, n’a pu être produit par les cyanobactéries que par photosynthèse à la surface des océans. Sur Mars, la disparition de l’eau liquide en surface, sauf épisodes cataclysmiques par la suite, s’est produite beaucoup trop tôt (vers -3,6 milliards d’années, époque correspondant à celle de nos premiers fossiles de type procaryotique ne pratiquant pas la photosynthèse) et la surface martienne mal protégée par une atmosphère insuffisamment épaisse et ne contenant pas d’ozone, a été dès cette époque probablement trop hostile à la vie. Ne comptons donc pas sur une vie martienne évoluée au-delà de l’équivalent des bactéries terriennes anoxiques les plus simples. Mais espérons tout de même. Il n’est en effet pas impossible que des molécules organiques présentes dans une région de l’espace proche de la nôtre, n’ait évolué dans le « bioréacteur » planétaire martien jusqu’à aboutir à une forme primitive de vie monocellulaire utilisant les matières et les sources d’énergies puisées dans un environnement aussi riche que le nôtre à l’origine. NB : tous les éléments chimiques dont nous sommes faits sont présents sur Mars (Carbone, Hydrogène, Oxygène, Azote + Phosphore, Calcium + Soufre, Sodium, Potassium, Manganèse, Fer & Chlore).

Sur Terre, il est de plus en plus probable que la vie ait commencé, avant que les cyanobactéries ne prolifèrent à la surface de l’océan, au sein des cheminées géothermales formées au fond d’un océan acide, aux limites des plaques tectoniques, par l’eau basique chargée d’effluents minéraux, chauffée, mais pas trop (aux environs de 60°C) par le magma (fumeurs gris de type « Lost-City » sur des failles parallèles aux résurgences magmatiques mid-océaniques). Sur Mars, quelques endroits (fond de la mer d’Eridania) ont pu connaître les mêmes conditions et le même phénomène a pu se produire. Mais il n’est pas impossible que les mêmes conditions favorables aient existé également dans des environnements de type Yellowstone (eau chaude, percolant par des failles d’un sol riche en minéraux alcalins à la rencontre de fluides acides descendant de la surface et riches en soufre et en gaz carbonique, avec un différentiel de pH important). C’est donc à ce niveau très primitif, avant photosynthèse, qu’il faut considérer la possibilité de vie sur Mars. Le processus aurait pu ensuite se développer et se prolonger dans l’environnement du sous-sol, stable, chaud (après les couches des premiers mètres constituées de pergélisol) et protégé des radiations, mais modérément et lentement compte tenu des conditions environnementales (notamment absence d’oxygène et aussi difficulté des contacts entre individus ou populations). C’est la thèse développée par l’astrophysicien Joseph Michalski dans un document scientifique publié en janvier 2018 (voir ci-dessous). Cerise sur le gâteau, le domaine habitable en sous-sol de Mars est beaucoup plus important que sur Terre en raison de la faible masse de la planète (1/10ème de celle de la Terre), donc de la gravité plus faible, ce qui induit une zone de porosité potentielle des roches beaucoup plus profonde (plus du double que sur Terre, jusqu’à 10 km). En fait la limite d’habitabilité est plutôt imposée avant que cette profondeur soit atteinte, par la montée de la température au fur et à mesure que l’on s’éloigne du sol, 120°C étant considéré comme un maximum supportable (3 km sur Terre, 6 km sur Mars).

Mais, comme le souligne Joseph Michalski, l’intérêt de Mars n’est pas seulement d’offrir la possibilité d’observer une forme de vie ailleurs que sur Terre, elle est aussi d’offrir la possibilité d’observer le cheminement de l’évolution pré-biotique jusqu’à la vie. Sur Terre, seulement 0,001 % de la surface est suffisamment ancienne pour porter des traces de l’époque où il a dû se dérouler car le reste est totalement inaccessible ou, surtout, profondément transformé par la tectonique des plaques dont le rouleau compresseur fonctionne depuis plus de 2 milliards d’années. Sur Mars, les surfaces non transformées plus anciennes que 3,5 milliards d’années représentent plus de la moitié de la totalité et le sous-sol immédiat non transformé par les épanchements de lave de l’Hespérien et de l’Amazonien, est encore plus important.

Vous voyez l’enjeu ? Aller sur Mars n’est pas seulement « aller se balader » dans un endroit exotique, c’est aussi chercher les sources de la vie, que l’on ne peut espérer trouver, dans un futur proche, nulle part ailleurs. Quel homme resterait insensible à cet argument qui nous interpelle sous diverses formes depuis que nous sommes conscients ?!

Références :

“The Martian subsurface as a potential window into the origin of Life” par Joseph Michalski et al. in Nature Geoscience, janvier 2018; doi.org/10.1038/s41561-017-0015-2;

“Oxygen” (the molecule that made the world) par Nick Lane, Oxford Landmark Science, 2002;

“A new history of Life” par Joe Kirschvink et Peter Ward, Bloomsbury Press, 2015;

et toujours:

« L’unique Terre habitée? » Par André Maeder, éditions Favre, 2012.

Image à la Une : bactérie  observée dans le lac Whillans (en Antarctique occidentale, sous 700 mètres d’épaisseur de glace). On ne sait pas de quel type serait la vie martienne et quelle forme elle pourrait revêtir. Mais ce serait probablement un être de type procaryote (quasi certainement phylogénétiquement différent des procaryotes terrestres) et, selon nos critères, de « style de vie » extrêmophile  chemoautotrophe (qui puise son énergie et ses matières constitutives dans les éléments inorganiques qui l’entourent). Il devrait être très petit s’il vit dans les pores du sous-sol et de toute manière, pour être efficace. On estime qu’un être vivant ne peut avoir une taille inférieure à 100 nanomètres pour comprendre les constituants minimum nécessaires à la vie. Une bactérie ou une archée terrestre typique ont une taille d’environ 1 micron. Plus la taille est petite, meilleur est le rapport surface volume, ce qui est recherché par cette forme de vie car les procaryotes fonctionnent avant tout au travers de leur membrane externe.

Image ci-dessous : schéma d’une bactérie. Bien qu’il s’agisse de la forme de vie (connue) la plus simple, on peut néanmoins constater son extrême complexité (même si les premières bactéries ont été un peu plus simples, elles ont dû, pour fonctionner, posséder les mêmes organes).

Où en est la réflexion sur le méthane martien ?

La détection, depuis 1999, de bouffées occasionnelles de méthane dans l’atmosphère de Mars constitue l’une des énigmes les plus déconcertantes posées par la planète. Des scientifiques du monde entier y ont travaillé et réfléchi sans encore apporter de solution satisfaisante. Pour aller plus loin, nous allons bientôt disposer d’un nouvel instrument d’investigation très performant. Faisons le point.

Le méthane a été identifié à de multiples occasions par plusieurs équipes scientifiques travaillant de façon indépendante avec différents instruments aussi bien à partir de la Terre que dans l’environnement martien. Ce fut pour la première fois en 2003 par Vladimir Krasnopolski (Catholic University of America) et al. via les télescopes terrestres « IRTF » (Infrared Telescope Facility) et « Keck », tous deux situés au sommet du Mauna Kea sur l’île d’Hawaï. En Mars 2004, l’ESA avec Vittorio Formisano (IFSI, en Italie) et al. le confirmait avec le spectromètre planétaire à transformée de Fourier, « PFS », à bord de son orbiteur Mars Express. Puis en 2009 avec les mêmes télescopes du Mauna Kea, Michael Mumma (Goddard Space Flight Center de la NASA) et al. découvraient la saisonnalité du phénomène. Celle-ci était étudiée par Giuseppe Marzo (Centre de Recherches Ames de la NASA) et Sergio Fonti (Universita del Salento) sur la base des données recueillies entre 1999 et 2004 par le spectromètre pour émissions thermiques (« TES ») embarqué à bord de l’orbiteur de la NASA, Mars Global Surveyor.

Mais pourquoi s’intéresser au méthane ? Le premier problème est que le méthane est un gaz relativement instable mais que sur Mars il devrait subsister en moyenne 340 ans dans l’atmosphère (durée de vie théorique fonction de la destruction photochimique de ce gaz dans l’environnement martien). Or il y est un phénomène saisonnier (environ 200 sols seulement sur une année de 668 sols !) et, de ce fait, assez localisé (l’homogénéisation par dispersion ne doit pas pouvoir se faire totalement). Il apparait avec la chaleur au début de l’été et disparait à la fin de l’automne. Le deuxième problème est qu’il peut être généré par la vie (rejet métabolique) et que, comme chacun sans doute le ressent, la possibilité de vie ailleurs que sur Terre est une interrogation essentielle. Le troisième problème c’est que ses émissions sont très variables d’une année sur l’autre. Les premières observations, en 2004, montrèrent des quantités d’une dizaine de « ppbv » (parties par milliards, sur base volumique, mesure utilisée pour les gaz à l’état de traces). En 2009 on était passé à 45 pbbv. A son arrivée en 2012 Curiosity ne trouva presque rien si ce n’est un « fond » oscillant entre 0,3 et 0,7 ppbv avec maximum à 1,3 ppbv (au point que des études scientifiques sortirent pour dire que ce qu’on avait cru voir était une illusion tenant à la faiblesse des signaux). Puis soudainement fin 2013 et début 2014 le spectromètre TLS (Tunable Laser Spectrometer) du laboratoire embarqué SAM (Sample Analysis at Mars) du rover, enregistra quatre pics atteignant les environs de 7 ppbv. Les quantités observées retombèrent par la suite au niveau du « fond » précédent. Le quatrième problème c’est que les quantités étant non seulement fugaces mais très faibles (quantités à comparer aux 1800 ppbv sur Terre), elles sont difficiles à étudier pour les appareils pointés à partir de la Terre (problèmes de « bruit ») ou même pour ceux qui ont jusqu’à présent été embarquées sur les sondes et orbiteurs évoluant autour de Mars.

Le méthane, CH4, peut avoir plusieurs origines. La plus banale et la plus importante quantitativement aujourd’hui sur Terre est biologique ; c’est la fermentation anaérobique (métabolisme bactérien anoxique). Elle a lieu dans les marais et zones humides stagnantes ou dans le système digestif des ruminants, et ceci depuis fort longtemps. Avant même que la vie puisse utiliser l’oxygène pour la respiration, les premiers microbes ont utilisé le gaz carbonique et l’hydrogène pour obtenir de l’énergie (échange d’électrons à l’intérieur d’un couple redox) en rejetant du méthane. Mais il peut également avoir une origine géologique : le volcanisme, par contact de remontées magmatiques avec de la glace de surface ou proche de la surface (CO2 + H2 de l’eau) ; le thermalisme, permettant également la combinaison du carbone du gaz carbonique avec l’hydrogène de l’eau ; la conversion d’oxyde de fer en roches de type serpentine (Mg, Fe, Ni)3Si2O5(OH)4) à partir d’eau, de dioxyde de carbone et de la chaleur interne de la planète (lente dégradation des matières radioactives). D’autres possibilités pourraient être des impacts au sol de glace cométaire (contenant un peu de méthane) et des intrusions de carbone météoritique vaporisées à leur entrée dans l’atmosphère ou tout simplement l’effet de froid de l’hiver austral qui congèle une partie du gaz carbonique et facilite donc la concentration de méthane dans l’atmosphère pendant l’été boréal.

Le problème c’est que les quantités que ces phénomènes pourraient produire ou apporter sur Mars ne correspondent pas aux volumes constatés (Chris Webster qui pilote l’instrument de Curiosity pour cette étude les évalue à trois fois supérieures). Le volcanisme y est très ralenti (les dernières éruptions doivent remonter à une dizaine de millions d’années) et il est donc peu probable que des remontées magmatiques approchent suffisamment les poches de glace souterraines ou superficielles. Mars Odyssey équipé de son spectromètre-imageur « THEMIS » (pour THermal Emission Imaging System, l’instrument le plus approprié), n’a pas encore repéré de points chauds (constants par rapport aux poussées magmatiques) en surface de la planète mais compte tenu de la température de la croûte superficielle de Mars, les manifestations hydrothermales en surface même si elles existent ne devraient pas être assez chaudes (aux températures possibles, la production de méthane sur Terre est très basse). Les impacts cométaires, incontestables, ne devraient pas contribuer à la production pour plus de 2%. De même les impacts météoritiques ou la poussière interplanétaire ne peuvent compter pour plus de 4%. Enfin les phénomènes atmosphériques généraux ne pourrait expliquer la localisation apparente des sources. Dans ces conditions où la géologie semble ne pas pouvoir avoir une action suffisamment puissante, une faible activité biotique souterraine reste une cause possible. On peut exclure le processus biologique en surface (radiations, pression basse, sécheresse, froid) mais pas en sous-sol, à une profondeur permettant l’eau liquide (sous le permafrost).

A noter cependant que la libération de méthane dans l’atmosphère peut aussi être déconnectée de l’époque de sa production. En effet le sol de Mars étant gelé sur une épaisseur non négligeable, le gaz peut avoir été encapsulé dans des sortes de cages de glace (les « clathrates » ou « hydrates de méthane ») il y a très longtemps (échelle de plusieurs millions d’années), une partie de ces « cages » se sublimer chaque année à la saison chaude et le gaz parvenir alors dans l’atmosphère par les pores du sol.

Symétriquement la rapide disparition dans l’atmosphère est difficile à expliquer mais elle pourrait être due à l’action combinée du rayonnement ultra-violet (transformation du CH4 en méthyl, CH3 + H) et à une roche particulièrement réactive en surface (peroxyde d’hydrogène, H2O2) ou à des particules oxydantes en suspension dans l’air (par exemple O2 + méthane => formaldéhyde). Elle pourrait aussi résulter de processus électrochimiques ou triboélectriques (électricité statique) durant les tempêtes de poussière ou le passage de « dust devils » (par exemple le H2O2, provoquerait la transformation du CH4 en dioxyde de carbone, méthanol, formaldéhyde). L’avantage du caractère saisonnier est qu’il permet de mieux voir l’origine des émissions. Elles se centrent au Nord de la planète, sur les zones volcaniques de Tharsis, Elysium, et à l’Est d’Arabia Terra, dans la région du volcan de Syrtis Major (riches en gaz), de Nili Fossae (une région de failles tectoniques et de roches hydratées, phyllosilicates et carbonates) et de Terra Sabae (sous-sol riche en hydrogène, c’est-à-dire en eau).

L’orbiter TGO (« Trace Gas Orbiter ») de l’ESA lancé en Mars 2016 et arrivé dans le domaine de la planète en Octobre 2016, doit atteindre son orbite d’observation en avril 2018 (après un lent ajustement par aérofreinage). Sa sensibilité est extrême (quelques dizaines de pptv -parties par trillion en volume) et il pourra à partir de son orbite faire des mesures aussi précises que celles de Curiosity au sol mais sur toute la surface de la planète. Il est dommage qu’il ne soit pas déjà opérationnel car le 24 janvier Mars a traversé le sillage d’une comète passée extrêmement près de la surface de Mars (moins de 1/10ème de la distance Terre Lune) et que cela aurait permis d’observer l’effet de l’entrée des poussières carbonées vaporisées dans l’atmosphère. Il faudrait aussi pouvoir analyser les atomes de carbone des molécules de méthane martien ; cela permettrait de savoir s’ils comportent une surabondance d’isotope 12 de cet élément puisque c’est celui qui est privilégié par la vie. Encore faudrait-il déposer des capteurs dans une des zones qui semblent les plus productives de méthane. Précisément Nili Fossae semble être la source la plus riche et c’est une des régions candidates pour l’atterrissage du rover Mars-2020 de la NASA. Avec ce rover et TGO nous sommes donc peut-être tout près d’obtenir l’explication recherchée !

Références:

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0019103504002222

“Detection of methane in the Martian atmosphere: evidence for life?” par Vladimir Krasnopolski et al. Science direct, Icarus 172 (2004) 537-547; 20/08/2004.

https://www.aanda.org/articles/aa/pdf/2010/04/aa13178-09.pdf

“Mapping the methane on Mars” par S. Fonti et G. Marzo, Astrophysics & Astronomy, A51(2010 DOI:10.1051/0004-6361/200913178, publié début 2010.

https://www.nasa.gov/mission_pages/mars/news/marsmethane.html

“Martian methane reveals the red planet is not a dead planet” 15 01 2009, par Michael Mumma.

http://sci.esa.int/mars-express/45811-methane-on-mars-workshop-2009/?fbodylongid=2134

“Analyzing the consistency of Martian methane observations by investigation of global methane transport” par James A. Holmes et al. in Icarus 257 (2015) 23–32; disponible en ligne 20 April 2015.

Image à la Une : Visualisation d’un panache de méthane observé dans l’atmosphère de Mars au cours de l’été boréal. Crédit: Trent Schindler / NASA

Image ci-dessous; carte des concentrations de méthane sur Mars (première année d’observation). Crédit: NASA/Università del Salento. On voit clairement l’absence de méthane en hiver (hémisphère Nord), la reprise au printemps, la montée en puissance en été et l’abondance relative la plus forte en automne.

L’océan martien gagne en crédibilité et ses dates se précisent

Depuis que la dichotomie crustale martienne a été observée, les Terriens que nous sommes rêvent d’une planète semblable à la nôtre, avec un océan comme les nôtres qui, en l’occurrence, aurait occupé tout le Nord de la planète (« Oceanus Borealis »). Cela est tentant puisque l’on sait qu’il y a eu de l’eau liquide sur Mars, puisque le fond de l’océan présumé est beaucoup plus lisse et d’altitude beaucoup plus basse que les Hautes terres du Sud qui le bordent et puisque l’on observe des traces d’écoulements puissants dans la zone intertropicale, aboutissant aux Basses terres du Nord.

Il est avéré cependant que la surface de ces Terres du Nord est beaucoup plus pauvre en roches hydratées que les Terres du Sud (notamment en argile ou autres phyllosilicates). Par ailleurs les lignes de rivage apparentes sont moins nettes quand on s’en approche et elles varient considérablement en altitude selon de longues ondulations longitudinales (on dit qu’elles ne suivent pas une « surface équipotentielle »). La première impression, de nature géographique, a donc été reléguée pendant un temps dans la catégorie des fausses impressions intuitives mais depuis quelques temps, l’hypothèse de l’Océan global martien « refait surface ».

En effet, on a d’abord observé que la diélectricité était très faible (comparée à celle typique des matériaux volcaniques) dans tout le sous-sol de la région ce qui indique un sol occupé par de l’eau (glace) ou poreux (suite à la disparition par sublimation de la glace). On a ensuite considéré que les différences d’altitude dans la ligne de rivage diffuse pouvaient être dues à des mouvements internes de la planète ayant eu une influence sur son volume en surface (renforcement du socle volcanique de Tharsis, formation de la déchirure de Valles Marineris, volcans divers à la limite de la dichotomie crustale). On a encore jugé que la température de l’eau avait pu être trop froide, la profondeur trop faible et la permanence d’eau liquide trop courte pour que la transformation des roches par l’eau se soit produite, comme sur Terre. On a enfin observé dans des météorites martiennes que la composition isotopique de l’eau, plus précisément son rapport hydrogène / deutérium, était constante dans tous le bassin de l’océan présumé et que cette composition était différente de celle de l’eau atmosphérique et de l’eau du sous-sol profond, semblant indiquer qu’il y avait eu homogénéité d’un très large volume d’eau liquide en surface (autant qu’aujourd’hui dans l’Océan Arctique terrestre) occupant plus ou moins le volume du bassin de l’hémisphère Nord délimité par la dichotomie crustale.

Avec deux autres études dont l’une date de 2016 et l’autre toute récente (19 mars 2018), on a de nouvelles explications, logiques et fortes, sur le caractère diffus, en certains endroits, des lignes de rivage et les fortes variations en altitude de ces mêmes lignes.

Avant de les considérer, il faut au préalable remarquer que :

(1) la ligne de rivage a forcément changé tout au long des quelques 800 millions d’années où l’océan a été possible, même par intermittence. D’ailleurs deux des trois lignes étudiées par les auteurs et qui correspondent à un océan à deux époques successives de l’Hespérien (entre – 3,7 et – 3,4 milliards), sont en retrait par rapport à la rupture de pente principale de la dichotomie crustale à la hauteur de laquelle se situe la première ligne ((« Arabia »), parce que sans doute le volume d’eau disponible sur la planète était déjà réduit par rapport au volume présent à l’origine (au Noachien tardif, de -4,2 à -3,7 milliards).

(2) pour qu’il y ait ligne de rivage, il suffit qu’il y ait fluide. C’est-à-dire que l’océan peut avoir été de la glace plus ou moins fondue, recouvrant éventuellement de l’eau vraiment liquide, mais aussi contenant, mêlés à l’eau, des quantités plus ou moins importantes de matières solides, boue et roches, compte tenu de la violence de l’environnement (volcanisme, astéroïdes et flux cataclysmiques).

D’après les auteurs des deux nouvelles études, ce serait précisément cet environnement violent qui expliquerait l’imprécision des lignes. Ils remarquent en effet (a) des vestiges de flux lobés orientés vers le Sud et sur des distances plus ou moins importantes selon la pente du terrain (de quelques dizaines à plus de cent kilomètres) et (b) des lignes de reflux rapides encombrées de gros rochers. Ils font le rapprochement entre ces reliefs et les impacts d’astéroïdes, remarquant à l’époque (fin de l’Hespérien, vers -3,4 milliards), la fréquence des cratères d’une trentaine de km de diamètres (espacés de 2 à 3 millions d’années en moyenne), coïncidant avec du volcanisme (épaississement de l’atmosphère et donc possibilité d’eau liquide). Ces traits de reliefs (on pourrait dire de grosses « éclaboussures ») correspondraient selon eux à des « tsunamis », résultant de ces impacts intervenus sur une planète disposant d’une atmosphère non négligeable et dans un milieu aqueux.

Par ailleurs on suppose maintenant de plus en plus que la constitution de la masse du bouclier volcanique de Tharsis a provoqué un « True Polar Wander » (« TPW » ou « dérive des pôles vraie ») c’est-à-dire un basculement en un seul bloc des couches supérieures de la planète par rapport à son axe de rotation. Le volcanisme spectaculaire de Tharsis (trois volcans géants sur un socle gigantesque de 5000 km de diamètre) apparaît en effet comme résultant d’une énorme et exceptionnelle fuite magmatique au travers de la croûte de Mars jusqu’à la surface, provoquée par une longue accumulation de chaleur à l’intérieur et une très grande difficulté à s’échapper du fait de l’épaisseur de la croûte. Tharsis par sa masse, a déséquilibré cette enveloppe extérieure de la planète qui a glissé sur le manteau visqueux (ou les deux sur le noyau liquide) jusqu’à se rééquilibrer après avoir atteint l’équateur. Le déplacement aurait été de l’ordre d’un angle de 20°. Ce déplacement a déformé la croûte d’autant qu’elle était déjà légèrement renflée à l’équateur du fait de la rotation de la planète et que ce renflement a dû se reformer autour du nouvel équateur. Ces déformations conjuguées à celle induite par l’intrusion d’une masse énorme de matière volcanique en surface, a pu provoquer l’ondulation en altitude de la ligne de rivage antérieure que l’on constate aujourd’hui. Par le même coup on peut dater l’Océan martien, d’environ – 4 milliards (avant Tharsis puisque la ligne de rivage la plus ancienne a dû être déformée par Tharsis aux environs de – 3,6 milliards), jusqu’à – 3,4 milliards (après que l’essentiel des flux cataclysmiques provoqués par Tharsis se soient épuisés). Cela sous-entend que, après que l’atmosphère primitive ait disparue (vers – 4 milliards), de nouveaux épisodes d’atmosphère relativement dense se soient reproduits, toujours par volcanisme, ce qui permit à nouveau à l’eau de couler sans se sublimer trop rapidement (marge de liquidité de quelques petites dizaines de degrés et températures fraîches) et donc de remplir à nouveau les Basses Terres du Nord par une vaste étendue liquide ou au moins fluide. Cela sous-entend aussi que ces épisodes de renforcements de densité atmosphérique étroitement liés au volcanisme devinrent exceptionnels à la fin de l’Hespérien / début de l’Amazonien (nettement avant – 3 milliards), mettant ainsi fin aux réapparitions de l’Océan martien.

Petit à petit se dessine ainsi une histoire, assez peu terrienne, qui explique la spécificité de Mars : un climat toujours froid et le plus souvent sec, une atmosphère rapidement dissipée, vers – 4 milliards d’années, et périodiquement faiblement reconstituée par le volcanisme, une eau liquide par intermittence, un océan mais peu d’hydratation de roches. On est bien à la limite de l’habitabilité de surface et peut-être que ces conditions n’ont pas été suffisantes pour l’émergence de la vie, ou juste suffisantes pour quelques tentatives sans lendemain. Dans cette direction, on peut encore avoir des surprises, par exemple découverte de quantités importantes de carbonates résultant du piégeage du CO2 par l’eau de l’Océan primitif (avant Tharsis), dans le fond de cet océan (c’est-à-dire sous le nappage volcanique et les alluvions qui l’encombrent sur plusieurs centaines de mètres) qui signifieraient plus de chaleur et de plus longues périodes d’atmosphère dense. Quoi qu’il en soit, même si Mars n’a jamais été une seconde Terre, elle lui a quand même ressemblé plus que toutes autres planètes que nous connaissons.

Image à la Une : carte de Mars (en projection de Mercator) de l’Astrogeology Science Center (USGS), établie selon les données recueillies par l’instrument Mars Orbiter Laser Altimeter ( MOLA) embarqué par la sonde Mars Global Surveyor (MGS); Crédits: NASA.

NB: La couleur bleue n’indique pas l’eau mais les surfaces situées en dessous du Datum. Les couleurs bleue ou ocre sont plus ou moins intenses selon la profondeur ou l’altitude. Le bloc ocre foncé à l’Ouest est le socle de Tharsis avec ses trois volcans géants. Olympus Mons est juste à gauche de l’ensemble. La tache bleu foncé au Sud Est est le bassin d’Hellas, la région la plus basse de la planète (-8 km par rapport au Datum).

Références :

(a) Mouginot et al.2012. Dielectric map of the Martian northern hemisphere and the nature of plain filling materials.Geophys. Res. Lett. 39, L02202.

(b) Tomohiro Usui et al. Meteoritic evidence for a previously unrecognized hydrogen reservoir on Mars. Earth and Planetary Science Letters 410 (2015) 140-151; Elsevier doi:10.1016/j.epsl.2014.11.022.

(c) Rodriguez, J. A. P. et al. Tsunami waves extensively resurfaced the shorelines of an early Martian ocean. Sci. Rep. 6, 25106; doi: 10.1038/srep25106 (2016).

(d) Robert Citron et al. Timing of oceans on Mars shoreline deformation. Nature, doi:10.1038/nature26144; publié le 19 mars 2018.

TESS va détecter par la méthode des transits les petites planètes de nos voisines stellaires

Entre le 16 avril et fin juin 2018, la NASA doit lancer le satellite TESS (« Transit Exoplanet Survey Satellite ») portant un assemblage de quatre télescopes pour détecter un maximum d’exoplanètes de type terrestre dans le « voisinage » de notre système solaire. L’objectif est de contribuer à améliorer nos connaissances sur une fraction de l’étrange bestiaire planétaire qui nous entoure.

PS: TESS a été lancé le 18/04/18. Il est toujours en activité (extension de 2020 à 2022).

La mission TESS a été conçue par le « Kavli Institute for Astrophysics and Space Research » du MIT avec pour « Principal Investigator » le Dr. George Ricker, astrophysicien. Ses partenaires sont un consortium américain constitué par le Goddard Space Flight Center de la NASA, le Lincoln Laboratory du MIT (centre de recherche du Département fédéral de la Défense), Orbital ATK (spécialiste de la construction de satellites), l’Ames Research Center de la NASA, le Harvard Smithsonian Center for Astrophysics, and le Space Telescope Science Institute (STScI) qui dirigera la recherche faite avec le futur James Webb Space Telescope (« JWST »), successeur de Hubble (et qui lui intégrera la recherche de TESS). Le lancement sera effectué par Space X à partir de Cap Canaveral avec une fusée Falcon 9. La mission primaire durera deux ans (il pourra y avoir extension). L’investissement d’ensemble (hors lancement) est de 337 millions de dollars, ce qui est « modeste » (la mission est classée « SMEX » pour « Small Explorer Mission » c’est-à-dire mission scientifique à coût modéré). TESS est vu comme un successeur de Kepler (lancé en 2009 et maintenant dans l’extension de sa mission, “K2”, jusqu’en 2019), un précurseur du JWST (qui sera lancé l’an prochain) et un complément de WFIRST (qui pourrait être abandonné, à la demande du gouvernement américain).

Image ci-dessous (crédit NASA), insertion de TESS dans le programme d’exploration des exoplanètes:

La méthode utilisée sera, comme avec Kepler, celle de la « détection des transits » c’est-à-dire de la diminution de la luminosité de l’étoile du fait du passage devant elle (c’est-à-dire entre elle et nous) d’une planète (cela donne le diamètre de cette dernière si on combine les données d’occultation avec celles du déplacement radial et la fréquence des transits). Les cibles sont (1) dans une sphère de 300 années-lumière de rayon, les planètes telluriques orbitant quelques 15.000 étoiles sélectionnées sur un potentiel de 200.000, soit de type « naines orange » (classées « K » dans le diagramme de Hertzprung-Russel), soit de type « naines jaunes » jusqu’à la taille du Soleil (classées « G ») ; ainsi que (2) dans un rayon de 100 années-lumière, les planètes telluriques orbitant environ un millier d’étoiles de type naines rouges (classées « M »). L’observation couvrira 85% de la voûte céleste. On peut constater tout de suite une différence essentielle avec Kepler qui, comme un crayon lumineux, explore un tout petit secteur du ciel (0,28%) mais sur une beaucoup plus grande profondeur (3000 années-lumière). Kepler ne peut de ce fait distinguer le transit que d’une population de planètes assez hétérogène (du fait que plus on s’éloigne, plus les planètes doivent être grosses pour, de notre point de vue, avoir un effet perceptible sur la lumière de leur étoile). Kepler est aussi beaucoup plus limité dans sa sensibilité. TESS pourra « traiter » des étoiles beaucoup plus lumineuses (30 à 100 fois plus), gérant donc un différentiel de lumière beaucoup plus important entre la planète et l’étoile (il est moins difficile de noter l’effet d’une même planète sur la lumière d’une naine rouge que sur celle d’une naine jaune).

TESS collectera la lumière avec quatre télescopes, complété chacun par une caméra CCD avec des éléments optiques qui créeront ensemble un champs de vision de 24° par 24° (quatre images juxtaposées en carré). En cas d’intérêt particulier, elles pourront être focalisées sur une seule étoile. L’instrument visera pour chaque hémisphère une succession de 13 bandes de 24°, constituées chacune de 4 carrés de 24° par 24° et couvrant l’ensemble du ciel du pôle à l’écliptique (en fait un peu plus, 96°). Il restera en opération 27 jours sur chaque bande. Kepler est sur une orbite héliocentrique, il suit la Terre sur son orbite, en s’en éloignant lentement. TESS sera positionné sur une orbite terrestre stable, très excentrique (jusqu’à l’orbite lunaire). Cette orbite tout en maintenant le satellite à proximité de la Terre sur la durée, permettra de maximiser la quantité de ciel qu’il pourra imager sans interruption pendant le temps donné pour l’observation de chaque bande. Cela permettra aussi d’optimiser les conditions de températures et de radiations (en sortant des ceintures de Van Allen).

Image ci-dessous : plan d’opération de TESS (crédit NASA):

Vous remarquerez qu’il y aura chevauchement d’observations pour certaines régions du ciel (au fur et à mesure qu’on s’éloigne de l’écliptique et qu’on va vers les pôles).

Les détections de planète seront transmises aux observatoires terrestres pour examen avec d’autres méthodes pratiquées par ces observatoires, notamment celle des vitesses radiales permettant de connaître la masse des planètes. Elles seront aussi transmises au JWST lorsqu’il entrera en fonction dans un peu plus d’un an, pour l’analyse des atmosphères par spectroscopie. Le Dr. Ricker a très bien défini la mission de TESS. D’après ses propres termes, ce sera un « finder-scope » autant qu’un « télescope ».

L’intérêt de TESS sera de balayer l’ensemble de notre univers proche. Sa limitation viendra du fait qu’il n’utilisera que la méthode des transits. Cela ne permettra pas de voir les planètes des systèmes stellaires dont l’écliptique n’est pas orthogonal à notre visée ou avec un angle s’éloignant trop des 90°. Cela rendra aussi très aléatoire la détection de planètes en zone habitable d’étoiles de type solaire. En effet les planètes de ce type passent moins souvent devant leur étoile, environ une fois par an, car elles doivent en être éloignées d’environ une unité astronomique, comme la Terre, pour bénéficier d’une température permettant l’eau liquide. Par ailleurs, un transit doit être vérifié pour être certain qu’il résulte bien du passage d’une planète (pour Kepler trois transits sont requis) et aussi pour connaitre leur distance à l’étoile (durée de parcours de l’orbite pour un certain rapport de masses). On aura donc de la chance si on les observe passant devant leur étoile juste pendant la courte fenêtre des 27 jours d’observation (avec la réserve que certaines régions du ciel seront observées plus longtemps que d’autres, jusqu’à 351 jours aux pôles, comme expliqué ci-dessus, mais ce ne sera pas suffisant non plus). Et si on les aperçoit, il faudra attendre la fin de la mission primaire pour revenir fixer leur étoile pour essayer de constater d’autres transits de leur part. Les objectifs sur ce point sont d’ailleurs modestes. Les porteurs du projet espèrent observer 5000 transits et identifier 50 planètes de la taille de la Terre (et 500 inférieures à 2 fois la Terre*) sur un total de 20.000 exoplanètes dont 17.000 d’une taille supérieure à Neptune (pour mémoire, à ce jour Kepler a identifié 2342 exoplanètes et en considère 2245 de plus; l’ensemble des télescopes y compris Kepler, 3706). Il faut surtout s’attendre à trouver des planètes jouissant certes de la possibilité d’eau liquide en surface mais orbitant autour de petites étoiles de type naine rouge à une distance très courte les exposant à des forces de marée très forte (rotation synchrone à l’étoile ou « tidal lock ») et à des sursauts radiatifs très impropres au développement d’une forme de vie.

PS: Aucune “Terre” orbitant une étoile de type solaire n’a pu être observée pendant la mission primaire

*NB : au-delà de deux fois la Terre, la masse d’une planète rocheuse génère une pression interne, une chaleur et des réactions qui en changent la nature.

Tess apportera donc sa pierre à la connaissance et à la compréhension de notre environnement mais son lancement ne doit pas faire oublier que la réalisation de son complément WFIRST est aujourd’hui menacée. Rappelons que ce dernier, si son abandon n’est pas confirmé, recueillerait, en direct, le rayonnement infrarouge des planètes et permettrait de déceler beaucoup moins difficilement et avec leur spectre propre, les fameuses planètes de type terrestre orbitant des étoiles de type solaire dans leur zone d’habitabilité.

Image à la Une : vue d’artiste du satellite TESS, vous remarquerez les quatre télescopes. Crédit NASA.

lien vers le site de la NASA: http://nasa.gov/tess