SpaceX est-elle vraiment au bord de la faillite ?

Elon Musk a mobilisé en urgence les employés de SpaceX pour qu’ils viennent travailler pendant le week-end de Thanksgiving ! Cette mobilisation était demandée par un e-mail qui évoquait le risque pour la société de faire faillite si le rythme de production des moteurs Raptor du Starship n’était pas accéléré. Sur cette base, certains ont cru devoir extrapoler que SpaceX faisait réellement faillite. Il n’en est rien, même si la situation de la société est tendue sur le plan technique.

Le problème est qu’Elon Musk s’est engagé dans le projet Starlink pour créer un réseau d’accès à Internet à haut débit, à partir de n’importe quel point de la planète et qu’il a besoin pour le mener à bien, de son vaisseau Starship qui dispose(ra) du plus grand volume d’emport de toutes les fusées au monde. Or la mise en service de ce vaisseau dépend (en partie) de la production en grand nombre de moteurs Raptor, aussi bien pour l’atmosphère que pour le vide. En elles-mêmes les constellations de satellites-relais pourraient être mises en orbite par des lanceurs d’une moindre capacité d’emport, le Falcon 9 ou le Falcon Heavy, qui pourraient loger des satellites type « V1 » déjà utilisés pour la première phase (qui a permis de démarrer la commercialisation). Mais le prix de la connexion internet (99$ par an), plus 499 $ d’installation, pour chaque utilisateur (dont la vente a commencé) a été calculé sur la base de lancements de masses et de volumes unitaires, plus importants, avec des satellites « V2 ». Autrement dit, Elon Musk a fixé son prix d’accès sur l’hypothèse d’un marché important desservi par des lancements peu coûteux parce qu’effectués par des Starships. De toute façon, il n’est pas question d’augmenter le prix de l’abonnement car 99$ est déjà considéré comme un bon niveau comparé aux prix pratiqués par la concurrence.

Malheureusement l’équipe technique en charge du développement et de la production des Raptors n’a pas été aussi performante que l’espérait Elon Musk (euphémisme). Comme les progrès n’étaient pas assez rapides, Elon Musk a « viré » l’équipe dirigée par Will Heltsley, senior vice-président en charge de la propulsion, avec Lee Rosen vice-président des missions et des opérations de lancements, et Rick Lim son « senior director ». Il a remplacée Will Heltsley par un autre professionnel travaillant sur les moteurs depuis des années, Jacob McKenzie, ingénieur en chef en charge des composants du système de propulsion. Et c’est avec sa nouvelle équipe qu’il a découvert que la situation était pire que ce qu’il craignait.

Entendons-nous bien, il n’y a pas d’inquiétude particulière sur les moteurs Raptor eux-mêmes, dont les prototypes aussi bien pour l’atmosphère que pour le vide ont été testés au sol avec satisfaction, mais sur le rythme de production de ces moteurs car leur « consommation » (donc leur besoin) sera importante (sous-entendu, au début il y aura des échecs, des destructions ou des pertes). En effet, il faut d’urgence procéder aux tests en orbite pour pouvoir atteindre les objectifs commerciaux. Cela est particulièrement important pour les moteurs à vide puisque les conditions sont difficiles à reproduire au sol (donc des tests en vol méritent quand même de confirmer les performances vérifiées au sol) et que leur fonctionnement est plus délicat (tuyère plus grande donc plus fragile, risque de déchirure et d’explosion résultant de la différence plus grande de pression entre le gaz propulsé et l’atmosphère extérieure). Or les tests sont très consommateurs de moteurs puisque les premiers étages (SuperHeavy) sont équipés de 29 moteurs atmosphériques et le second étage (Starship proprement dit) de 3 moteurs à vide et de 3 moteurs atmosphériques (pour redescendre).

Pour que le service des premiers abonnés à Internet ne coûte pas trop cher (que le plan financier de SpaceX tienne la route), il faut que le rythme de lancements du Starship puisse être de deux par mois au cours de l’année 2022. On n’y est pas !

Ceci dit, et ce n’est pas mentionné, il y a encore plusieurs étapes à franchir avant que le Starship soit opérationnel et c’est peut-être pour cela qu’Elon Musk « dort mal ». En dehors du fait que seul un test de Starship en vol a été positif (vol du SN15 le 06 mai 21), il n’y a pas eu de test en vol du lanceur SuperHeavy (test statique réussi le 20 juillet 2021) et surtout (de mon point de vue) l’attache des tuiles de protection thermique pour le retour au sol du Starship semble encore donner des soucis (nombreuses tuiles décollées du fait des différences de températures lors du remplissage des réservoirs en ergols cryogéniques). Souvenons nous que la Navette Challenger a explosé en vol à cause de la défaillance du système de protection thermique (les tuiles, toujours). Enfin quand on avance le chiffre de « 29 » moteurs pour le SuperHeavy on touche aussi au problème de les faire fonctionner ensemble (le risque des conséquences d’une défaillance de l’un d’entre eux n’est ni nul ni anodin).

Personnellement je regrette qu’Elon Musk se soit engagé dans cette aventure de Starlink car elle va polluer l’orbite basse terrestre (LEO) en gênant les observations astronomiques depuis la Terre. En même temps j’espère que l’inquiétude d’Elon Musk se dissipera rapidement car il faut que son entreprise continue puisqu’apparemment c’est aujourd’hui la seule capable de nous permettre d’aller sur Mars. Je suis cependant assez confiant car SpaceX (et Elon Musk) a « d’autres cordes à son arc » et elle est capitalisée à plus de 100 milliards de dollars. Il faudrait un certain temps ou plutôt un temps certain pour que les pertes résultant d’un prix trop bas des abonnements internet mettent la société en péril. D’ailleurs, dès le 30 Novembre, Elon Musk a atténué le choc de son email d’avant le week-end, par un tweet disant : “If a severe global recession were to dry up capital availability/liquidity while SpaceX was losing billions on Starlink & Starship, then bankruptcy, while still unlikely, is not impossible.” Cela veut bien dire que, même de son point de vue, d’homme pressé et inquiet, la situation n’est pas si alarmante.

Au pire, je pense que la NASA viendrait au secours de l’entreprise si nécessaire car de plus en plus elle semble compter sur le Starship beaucoup plus que sur son SLS pour la suite de l’exploration spatiale. En témoigne le « livre blanc » publié en Mai 2021 dans la « Planetary Science and Astrobiology Decadal Survey 2023-2032 » de la NASA, par Jennifer L. Heldmann, de l’Ames Research Center, Division of Space Sciences & Astrobiology, Planetary Systems Branch. Elle en est l’auteure principale à la tête d’un groupe de scientifiques américains impressionnant par le nombre et la qualité (« Accelerating Martian and Lunar Science through SpaceX Starship Missions ») et elle mise très clairement sur le Starship comme en témoigne le début de l’abstract de ce document :

citation:

SpaceX is developing the Starship vehicle for human and robotic flights to the Moon and Mars. This vehicle offers unprecedented payload capacity and a lower cost of surface access due to its full reusability. Here we focus on the potential research benefits from an effective partnership between NASA’s Science Mission Directorate and SpaceX.

fin de citation.

Illustration de titre : Photo du moteur Raptor, dans sa version atmosphérique à gauche et dans sa version à vide, à droite. Cliché crédit SpaceX.

liens:

https://spaceexplored.com/2021/11/29/spacex-raptor-crisis/

https://spacenews.com/spacex-grapples-with-raptor-production-problems/

https://www.newsweek.com/elon-musk-responds-leaked-email-warns-spacex-faces-bankruptcy-starship-raptor-1654767

https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/2021psad.rept..518H/abstract

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 21 11 14

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.

43 réponses à “SpaceX est-elle vraiment au bord de la faillite ?

  1. Et l’approvisionnement en composants électroniques ? Comment font-ils pour avoir suffisamment de composants ? Et pourquoi sont-ils alors prioritaires?

    1. Et alors? Que sous-entendez-vous? Un complot? Une faveur? Une bonne anticipation?
      Quand on ne sait pas on ne peut rien dire mais il est inutile de soupçonner SpaceX de bénéficier de passes-droits.

      1. Je sous-entends qu’ils mentent.

        https://www.macg.co/mobilites/2021/10/en-pleine-penurie-de-composants-tesla-confirme-son-statut-dexception-124831

        Il y a une rupture de leur approvisionnement et soit ils ne respecteront pas les délais, soit il manquera des pièces.

        Même aux tesla, il manque d’ailleurs des pièces lors des livraisons ! Et ils ne préviennent pas les acheteurs! 😡

        https://www.journaldugeek.com/2021/11/15/tesla-le-constructeur-aussi-touche-par-la-penurie-de-composants/

  2. “le chiffre de « 29 » moteurs pour le SuperHeavy”: ce sera même 33 pour la version “opérationnelle”. Et c’est effectivement sans précédent pour un étage de fusée. La malheureuse (4 échecs “explosifs” aux conséquences catastrophiques) N-1 soviétique n’en comptait “que” 30! Faire fonctionner autant de moteurs en parallèle est un vrai défi, qui n’est de loin pas gagné d’avance.

  3. J’en ai un peu marre de vivre par la pensée dans des mondes non-européens. J’essaie désespérément de m’informer mais je ne trouve pas de journaliste suffisamment pédagogue, à vue suffisamment large pour me faire comprendre pourquoi les pays européens n’arrivent pas à se hisser au niveau des sciences américaine, chinoise ou seulement russe. Echecs d’Ariane 6? tentatives très rares? On peut supposer que c’est par manque d’argent ou ce qui serait plus embêtant de motivation. Quelles sont ces mystérieuses règles qui révulsent certains pays comme le Royaume-Uni ou la Norvège? Pourquoi les Anglais étaient-ils jaloux de certains avantages accordés par l’Europe à la Suisse? Quelles ont été les exigences dernièrement posées par l’Europe et qui ont fait reculer l’apport d’un nouveau milliard par la Suisse? Bon, je suis peut-être un peu aveugle mais quand même! “On nous cache tout on nous dit rien”. Et je crains que les pays européens soient responsables de leur absence dans le domaine spatial. Je me répète “de leur absence dans le domaine spatial”. Il y a eu quelques vagues soubresauts mais si peu. Quelle Europe, quelles règles économiques ou de pouvoir faudrait-il pour que l’exploration spatiale soit le titre de gloire de l’Europe? Faut-il se mettre à la recherche de commissaires de Bruxelles qui exercent un pouvoir caché et néfaste?

    1. réponse simple: on dilapide en Europe l’argent public dans des aides et allocations sociales et ponctionne toujours plus l’initiative privée par des taxes pour financer encore et toujours plus de prestations sociales…

    2. La réponse est évidente, c’est parce qu’il n’y a toujours pas assez d’Europe et que les égoïsmes nationaux l’emportent encore sur une vision plus large et ambitieuse de la place que nous pourrions/devrions prendre dans le monde, face aux autres grandes puissances, en étant plus unis et solidaires. La construction européenne n’en est encore au mieux qu’au stade de l’ancienne Confédération suisse, d’avant la Constitution fédérale de 1848, faible et paralysée dans ses décisions car sans pouvoir central (il nous a fallu presque sept siècles pour “corriger” ces faiblesses!).
      Dans ces conditions, il est déjà remarquable que notre continent ait quand même quelques beaux succès spatiaux à son actif, mais il faut remarquer que toutes les décisions un peu ambitieuses dans ce domaine sont toujours obtenues “à l’arraché”, chaque nation ayant ses propres objectifs pas forcément compatibles. Et pourtant, l’intérêt pour l’espace existe, un récent sondage a même montré que les jeunes Européens (Français en tête d’ailleurs) étaient les plus enthousiastes pour l’aventure spatiale.
      Il nous faudrait juste un Kennedy européen pour “motiver les troupes” et donner aux Européens l’ambition de devenir leaders dans les réalisations spatiales et plus se contenter d’être des acteurs de second plan. Après tout, s’y on y réfléchit bien, ce sont essentiellement des Européens (je considère les Russes, et von Braun aussi malgré sa naturalisation américaine tardive, comme Européens) qui sont derrière tous les exploits spatiaux du siècle passé!

    3. En effet, le report du premier vol d’Ariane 6 à fin 2022 est préoccupant pour le Leadership européen, surtout en face des fusées réutilisables américaines. A quand une Ariane 7 réutilisable ?

        1. Un mini-lanceur pour lancer trois fois rien. La réalité c’est que l’ESA doit repartir de zéro après avoir “roulé des mécaniques” depuis des années. Avec quatre lancements l’année dernière contre une vingtaine par SpaceX, la démonstration a été faite que l’arrogance ne paye pas.

          1. “l’ESA doit repartir de zéro après avoir roulé des mécaniques” depuis des années”. Même si on pourrait effectivement souhaiter que l’ESA se montre plus ambitieuse et audacieuse, mais c’est difficile dans la situation qui est la sienne, elle peut quand même faire valoir quelques beaux résultats spatiaux, … sans que ce soit pour autant “rouler des mécaniques”! Il ne faut pas toujours voir les verres à moitié vides plutôt qu’à moitié pleins.

          2. Bien sûr on peut espérer. Mais je constate quand même plusieurs défauts de management graves dont la situation présente est le résultat:
            (1) dispersion des centres de recherche, de production et de décisions; (2) refus de voir la montée de la concurrence de SpaceX et se moquer de ses projets de récupération/réutilisation; (3) choix des lanceurs purement commerciaux au détriment des lanceurs à haute capacité; (4) refus, par principe quasi “philosophique”, de se lancer dans les vols habités.
            Il y a vingt ans, avec le développement d’Ariane V, tous les espoirs étaient permis. Aujourd’hui, être chassé par la concurrence dans les lanceurs moyens et être obligé de se rabattre sur “Maia Space” ou “Vega”, ce n’est pas brillant. En effet les perspectives pour Ariane VI, toujours non récupérable et non réutilisable, en plein dans le créneau des Falcon 9 de SpaceX, ne sont pas brillantes.

          3. Pour l’ESA, l’argument de M. Brisson du refus philosophique des vols habités est totalement faux.
            1) La participation à la Station Spatiale Internationale
            2) La participation aux futurs vols habités vers la Lune avec le module européen d’Orion qui fournira eau, air, électricité et contrôle thermique pour les futurs astronautes allant vers la Lune et retour.

          4. “totalement faux”, vous y allez fort. La part de l’ESA dans l’ISS n’est que de 8,3%. Quant “aux futurs vols habités vers la Lune”, ils ne sont encore que futurs. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’ESA ne s’est pas pressée pour développer des programmes de vols habités. Disons qu’elle manque pour le moins d’enthousiasme.

    4. Il n’y a pas de mystères. L’ESA (comme la NASA par le passé et encore aujourd’hui dans tous les domaines sauf celui des lanceurs), a recours à des sous-traitants éparpillés dans tous les pays membres (pour satisfaire les responsables politiques de ces pays). Pour les lanceurs, la NASA les a confiés à des sociétés privées. Pour que ces lanceurs coûtent moins cher à développer, tester, tout se passe dans une seule usine. Le problème, c’est que les ingénieurs qui ne travaillent pas là où se trouve l’usine, ne peuvent donc travailler pour cette société privée. Si l’ESA comprend cela, acceptera-t-elle de confier la fabrication d’un lanceur (de A à Z) qui concentre tout dans un lieu, pour qu’il soit moins cher? Tout centraliser, terminer la règle du juste retour et laisser faire la loi de l’offre et de la demande.

    5. Si on prend les dépenses 2020 pour le Spatial :
      1) États-Unis 48 milliards dollars US
      2) ESA (Europe de l’Ouest) : 17 milliards dont 4 milliards pour la seule France (plus que toute la Russie)
      3) Chine : 9 milliards
      4) Russie: 3.5 milliards…

      Il est clair d’où vient l’avenir pour le Spatial: les 3 Grands.

      La Russie pionnière de l’espace (Sputnik, Gagarine, Vostok, Luna 9 en 1966 donc première à atterrir sur un astre extra-terrestre , Soyouz, Mir, première à atterrir sur Mars, etc.) est malheureusement une puissance économique et spatiale en déclin (sauf dans le militaire), condamnée à s’arrimer dans le futur à un ou plusieurs des 3 grands…

      1. De plus le Japon, en 5ème puissance spatiale mondiale (3.3 milliards en 2020) avec des objectifs de vols habités vers la Lune et Mars, semble aussi être incapable de réaliser ses objectifs seul et aura besoin des américains ou européens ESA ou des deux simultanément (voir le programme conjoint Artemis vers la Lune entre la NASA et l’ESA) …

        1. Cela ne change rien à la réticence très forte de l’ESA pour les vols habités. Pour l’instant ce sont les Américains (SpaceX) et les Russes (Roscosmos) qui pratiquent le transport de personnes dans l’espace. C’est cela la réalité.
          Quant à la compétitivité des lanceurs de l’ESA du fait de l’irruption de SpaceX sur le marché, il n’y a qu’à regarder les chiffres (les résultats, pas les dépenses):
          En 2020 les Américains ont fait 44 lancements (quatre échecs), les Chinois 39 (quatre échecs), les Russes 17, les Européens (ESA) 5 (3 Ariane 5 et deux mini lanceurs Vega dont un échec Vega), les Japonais 4, les Indiens 2. Sur les 44 lancements américains, 29 l’ont été par SpaceX dont 9 en réutilisation des lanceurs. Notez bien le nombre ridicule des lancements de l’ESA.

          1. Y-a-t-il vraiment une “réticence” en Europe à envoyer des humains dans l’espace par ses propres moyens? Qu’est-ce qui motiverait cette “réticence” ? N’est-ce pas plutôt de l’indifférence ou de l’ignorance?
            Une capsule spatiale est un bijoux de technologie ! La NASA a conçu un scaphandre (le EMU) pour la dernière fois à partir de 1974. Les scaphandres actuels n’ont subi que de légers progrès, depuis.
            Donc autant pour le vaisseau que pour le scaphandre, il y a de la place pour de l’innovation.

          2. Je pense que c’est de l’hostilité. Il y a cinq ans j’ai rencontré à Bruxelles, une personnalité européenne (et française) en charge du spatial, qui ne voulait pas de vol dans l’espace profond sous prétexte que l’exposition aux radiations “grilleraient” les astronautes. Je pense qu’il exprimait un sentiment général.
            Je pense aussi que la plupart des scientifiques considèrent que les vols habités sont une diversion inutile du budget consacré à l’espace.
            Oui, le scaphandre xEMU est un petit bijou qui permettra beaucoup plus de mobilité dans la sécurité que les scaphandres utilisés sur la Lune. Lire mon article du 1er mai 2021:
            <a href="http://“>

          3. Pourtant, le nombre de volontaires pour le poste d’astronaute européen est passé de 8.000 (2008) à 22.000 (2021)….Donc il y a bien un engouement, même en Europe !!!
            Mais je suis d’accord, le problème c’est que les scientifiques s’imaginent qu’ils ont eux, tous les droits d’aller dans l’espace pour y faire de la science. Comme dirait l’autre, messieurs les scientifiques, vous n’avez pas le monopole de la conquête de l’espace !
            Après tout, Spoutnik 1, ce n’était pas pour la science, Apollo 11 sur la Lune, pas non plus.
            Les scientifiques ont toujours pu profiter des circonstances pour participer et faire de la science, mais l’espace c’est aussi le domaine des militaires, du business, et du prestige.
            Le problème, c’est que réputation ne rime pas tant avec coopération qu’ avec compétition.

          4. Certes le nombre de volontaires astronautes ne diminue pas (et heureusement) mais cela veut seulement dire que le désir d’espace existe bien dans la population. Les décideurs politiques ou ceux de l’ESA ne reflètent pas forcément ce désir d’espace.
            Par ailleurs, si “l’espace” se limite à l’ISS et à vouloir faire comme Thomas Pesquet, très peu pour moi. Pour moi, l’espace c’est l’espace profond, la Lune, Mars et au-delà (“beyond” comme disent les Américains); l’espace ce n’est pas pour faire des petits sauts (ou des petits ronds autour de la Terre) et revenir, l’espace c’est pour partir et vivre ailleurs.

          5. Si les astronautes modernes ne veulent plus de l’ISS mais de l’espace profond, il y a un certain nombre de choses qui font surface: l’espace profond suppose passer des mois dans le vide sans voir la moindre planète ou étoile (à cause de l’éclat du Soleil). L’orbite terrestre basse est loin d’avoir été entièrement explorée. L’inclinaison la plus forte (65°) date des Vostok (avec un petit hublot). Passer au-dessus des pôles n’a jamais été réalisé par une mission habitée. S’être mis sur une orbite suffisamment élevée pour voir la Terre entière d’un seul coup d’oeil, non plus. La Terre offre un spectacle en perpétuel changement dont les astronautes ne se lassent jamais. Mais supposons qu’ils veuillent quand-même s’en éloigner même plus loin que la Lune. On peut commencer par L1 du système Soleil Terre. A 1.500.000 km de distance. De là, avec un télescope, ils verraient la Terre tourner sur elle-même en direct ! Ils pourraient aussi étudier le Soleil, les astéroïdes proches de la Terre, avertir en cas d’éruption solaire.

          6. Attention! La lumière du Soleil ne diffuse pas quand il n’y a pas d’atmosphère. Hors de l’atmosphère on peut voir en même temps les étoiles et le Soleil.

          7. Le soleil brille bien trop fort pour permettre à la pupille de l’oeil ou à l’appareil photographique de voir les étoiles, même quand on ne regarde pas le soleil directement ! C’est pour cela que les images de la Lune prises de jour ou celles de la Terre prises de jour ne montrent que du noir.

          8. Je suis monté faire du ski à l’aiguille du Midi, au-dessus de la Mer de Glace, à 3800 mètres, et je peux vous certifier que déjà dans le ciel bleu foncé, on voit des étoiles alors qu’il fait jour. Bien entendu il n’est pas question de regarder en direction du Soleil.

          9. Je sais qu’on peut voir Vénus en plein jour en montagne, mais surtout si on sait où elle est et seulement Jupiter et Vénus.
            Mais pas les étoiles .

          10. Lors des retours de la Lune par Apollo 15, 16 et 17, Irwin, Worden, Duke, Mattingly, Schmitt et Evans sont sortis (3 d’entre eux partiellement) . Des photos ont été prises, des témoignages écrits. On ne voit aucune étoile! On voit la Terre sous forme de croissant et pour 15, la Lune encore en grand et gibbeuse.
            Mais quand les futurs astronautes iront vers Mars, la Terre apparaîtra sous forme de croissant et 3 jours après le départ, elle deviendra invisible en raison de la finesse du croissant, de son éloignement et de la proximité du disque solaire dans le champ. La littérature concernant ces caractéristiques lors
            d’un voyage vers Mars, est abondante.

          11. Ce que vous dites n’est pas logique. Lorsque le ciel est noir c’est que tout contraste suffisamment fort, toute lumière, peut être visible sur ce fond. C’est la différence qui compte. C’est comme lorsqu’on retire le bruit de fond pour écouter de la musique.
            Bien sûr si vous avez une lumière forte dans votre angle de vision, vous ne pouvez pas voir autre chose que cette lumière forte (le Soleil ou la Lune) parce qu’elle vous éblouie. Mais si vous regardez le ciel en dehors de cette lumière, vous verrez des myriades d’étoiles. C’est pour cela que le JWST est doté d’un bouclier qui cache le rayonnement du Soleil à l’opposé de ce qu’il observe. Il observe dans l’infrarouge mais le procédé serait le même s’il observait dans le visible. Dans l’espace, puisqu’il n’y a pas diffusion de la lumière par l’atmosphère, on passe très vite d’une situation à l’autre, de la lumière du Soleil à l’ombre (le temps d’accommoder sa propre vision).
            Au sommet de l’Aiguille du midi, j’ai vu, en plein jour, bien plus de sources lumineuses que celles de la Lune ou des planètes; je m’en souviens très bien. Et quand il commence à faire nuit plus bas en altitude, on voit de plus en plus d’étoiles au fur et à mesure que le ciel s’obscurcit.

          12. Claude Nicollier dit lui-même (youtube de Ciel et Espace) que lors de son EVA en 1999, il n’a pas vu d’étoiles, même de nuit. Avant la fin de sa mission il a proposé à l’équipage de configurer le vol pour voir la Voie Lactée: positionner la navette pour que les fenêtre soient face à elle, éteindre toutes les lumières à bord et fermer les yeux jusqu’à 20 minutes avant d’entrer dans le cône d’ombre. Clervoy qui était à bord, l’explique aussi: il faut toute une démarche pour obtenir le résultat. (20 minutes c’est d’après les astronomes, le temps qu’il faut aux yeux pour s’habituer à l’obscurité la plus profonde).

          13. Et bien, vous le dites vous-même, on peut observer les étoiles dans l’espace pourvu que les conditions soient réunies, c’est à dire regarder dans une direction protégée de la lumière du Soleil (le cône d’ombre). On pourrait aménager dans le Starship une pièce équipée d’un hublot ou d’un capteur (périscope) orientée vers le cône d’ombre du vaisseau, dans laquelle on pourrait s’isoler ou se réunir pour regarder les étoiles après avoir éteint la lumière.

          14. Justement, est-ce que Blue Origin effectuera dans le futur un vol de nuit? Ca m’intrigue ! Il faudrait que chaque passager soit d’accord, que techniquement ça ne pose aucun problème. Il faudrait aussi le faire quelques heures après le coucher du Soleil (pour qu’ils ne soient pas rattrapés par lui, à 100 km d’altitude) .
            Crew Dragon est déjà revenu plusieurs fois en pleine nuit.

      1. Blue Origin, si elle contribue au programme lunaire, devra avant tout se plier aux règles de sécurité fixées par la NASA. Il n’y a pas encore en projet, d’engins privés se rendant vers la Lune, sans supervision d’une agence fédérale.

  4. ” Souvenons nous que la Navette Challenger a explosé en vol à cause de la défaillance du système de protection thermique (les tuiles, toujours). ” !?
    Désolé , mais dans le cas de Challenger, c’est un joint reliant deux segments d’une fusée à poudre d’appoint qui a lâché , mettant le feu à la fusée et la faisant exploser …
    Les tuiles sont utiles à la rentrée atmosphérique et justement , ce sont des tuiles endommagées qui ont conduit à la désintégration de la navette Columbia en 2003 …
    Ceci dit, ce serait plutôt le stress imposé à ses équipes qui pourrait conduire à sa faillite . Entre son obsession martienne et son starlink quasi inutile pour la majorité des milliards d’internautes disposant d’une connection rapide, il impose un rythme quasi surhumain pour atteindre des objectifs non essentiels , non prioritaires , …
    Vouloir se substituer à la NASA à long terme est certainement une idée audacieuse , mais courir 3 lièvres à la fois , c’est sans doute trop pour une société encore jeune …

    1. Vous avez tout à fait raison pour la Navette. C’est bien Columbia et non Challenger qui a eu un problème de tuiles. Excusez mon erreur.
      Ceci dit ce qui est important dans mon article, c’est qu’il y ait eu un problème de tuiles de protection thermique à l’époque de la Navette et que SpaceX se propose d’utiliser également des tuiles pour protéger ses Starships. Ce me semble d’autant plus préoccupant qu’il apparaît que ces nouvelles tuiles ont mal tenu à leur support métallique lors des tests de remplissage des ergols.

      1. Dans le cas du starship, le problème est double puisque le même système devra autant supporter la rentrée dans l’atmosphère de Mars que de la Terre , à moins que le starship qui atteindra le sol de Mars ne revienne pas et qu’un autre starship reste en orbite martienne pour ramener les astronautes sur Terre ?
        Envoyer 2 starship vers Mars permettrait aussi d’augmenter les chances de retour en cas de défectuosité ( il faut se souvenir d’Apollo 13 ) …
        L’autre problème concerne les volets qui ont servi à la manoeuvre du starship pendant les tests à 10 km d’altitude : seront-ils assez résistants pour supporter une rentrée atmosphérique depuis l’orbite terrestre à 28’000 km/h ?
        Encore beaucoup d’incertitudes …

        1. L’épreuve de l’entrée dans l’atmosphère de Mars sera quand-même moins rude que celle de la rentrée dans l’atmosphère de la Terre puisque la densité de l’atmosphère est beaucoup plus faible. D’ailleurs une bonne partie du freinage devra être pris en charge par la rétropropulsion.
          Je suis d’accord avec vous pour l’intérêt voire la nécessité d’envoyer deux ou même trois Starship en même temps. L’intérêt annexe c’est qu’on pourrait créer une gravité artificielle pendant le voyage en mettant le couple de Starship en rotation..

  5. La faillite de SpaceX serait en effet préoccupante pour la pérennité du programme Artemis de la NASA vers la Lune (marchepied vers Mars) avec d’autres agences dont européennes et canadienne. La NASA doit se mordre les doigts de n’avoir pas gardé simultanément l’alternative Blue Origin en réserve, malgré le coût supplémentaire de développer 2 technologies en parallèle…

  6. Si un voyage habité vers Mars va prendre du temps pour se concrétiser, cela laissera largement aux agences (USA, Russie, Chine) le temps pour imaginer, développer, préparer, tester la propulsion nucléaire, qui étendrait les fenêtres de lancement, abrègerait la durée du voyage. Si SpaceX veut Mars, elle doit développer la propulsion nucléaire. Ca suppose aussi un vaisseau spatial très différent du Starship.
    Le Starship est optimisé pour l’orbite terrestre basse.

    1. Le Starship ne me semble pas particulièrement optimisé pour l’orbite basse terrestre. Il est parfaitement armé pour les vols dans l’espace profond (volume habitable, rétropropulsion pour se poser sur la Lune ou sur Mars).
      Quant au moteur nucléaire, Elon Muks y travaille mais ce n’est pas encore pour demain (voir vidéo sur “It happened“)

      1. Je maintiens que le Starship n’est pas optimisé pour l’interplanétaire et ce, pour une raison toute simple: il doit être ravitaillé en carburant et même plusieurs fois pour un seul voyage.

        1. Le ravitaillement se fait uniquement en orbite basse terrestre (“LEO”) avant injection sur la trajectoire interplanétaire.
          Il n’y a pas d’autres solutions possibles si l’on veut transporter des masses importantes ou un volume habitable convenable à un équipage humain pour un voyage de longue durée. Il n’y a pas non plus d’autres solutions si l’on veut disposer de la puissance nécessaire pour une retropropulsion suffisante pour descendre une telle masse sur le sol de Mars ( ou le retour sur Terre).

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