Mars, pourquoi?

Mais pourquoi donc privilégier Mars parmi tous les objectifs possibles de l’exploration spatiale ?! Après tout ce n’est qu’une petite planète (la moitié du diamètre terrestre et seulement 1/10ème de sa masse) ; elle a une atmosphère très ténue (6 millibars au datum, son « altitude zéro ») ; sa surface est aride car, à cette pression, l’eau (saumâtre) ne peut être qu’exceptionnellement liquide ; sur cette surface, les sels de perchlorates, très agressifs pour les matières organiques, sont omniprésents ; les radiations solaires et galactiques sont relativement peu filtrées par l’atmosphère et par l’absence de magnétosphère, si bien que leur intensité est comparable à celle qui est mesurée dans l’environnement terrestre à l’altitude de l’ISS ; enfin elle évolue entre 56 et 400 millions de km (entre 3 et 23 minutes lumière) et il faut entre 6 et 9 mois tous les 26 mois pour l’atteindre dans des conditions énergétiques optimum. Certes !

Cependant ces faiblesses, ou ces défauts, sont largement compensées par les avantages relatifs et absolus par rapport aux autres astres que nous pouvons observer.

Les atouts de la planète rouge

D’abord la planète Mars est « loin » mais elle n’est pas « si loin ». Elle est d’abord toujours, bien qu’en limite, dans la zone habitable de notre système solaire. Jupiter et sa lune Europe qui contient sans doute un océan d’eau salée sous sa croûte de glace, évoluent entre 591 et 965 millions de km et il faut 1400 années à la lumière pour nous parvenir de la planète Kepler 452b, située dans la zone habitable de sa propre étoile.

Ensuite, son atmosphère, équivalente à celle de la terre à 35 km d’altitude (l’espace est officiellement à 100 km), a au moins « le mérite d’exister ». Il n’y en pratiquement pas autour de la Lune ou de Mercure et celle de Vénus est si épaisse qu’elle maintient une pression et une température de « cocotte-minute » en surface (450°C et 90 bars).

De même la quantité d’eau sur Mars n’est pas nulle. Elle est présente sous forme de glace aux pôles et dans le sous-sol immédiat un peu partout. Surtout elle doit être liquide dans le sous-sol profond depuis toujours et on la voit parfois ruisseler en surface sous la poussière (« Recurring Slope Lineae »). Au cours des premiers âges, bien avant 4 milliards d’années (ères Phyllosienne et Theiikienne), jusqu’à il a 3,5 milliards d’années puis ensuite épisodiquement, elle a marqué le sol de son empreinte et hydraté les roches dans un environnement relativement chaud. Ce long travail de l’eau active sur une matière très semblable à la nôtre, accompagné par un volcanisme puissant, a permis une très longue géologie active.

En fait Mars a été une planète vivante au sens qu’on peut donner à ce terme sur la Terre, jusqu’à l’époque où les premières traces de vie sont apparus « chez nous ». Comme l’érosion a été très faible depuis, la surface de roches inchangées qui peuvent en porter témoignage s’élève à des centaines de milliers de km2. C’est donc là où nous avons le plus de chance de trouver un jour des traces de vie ailleurs que sur Terre et, plus même que sur Terre, des traces de l’évolution avancée de molécules organiques vers la vie.

Vénus et la Lune sont des sirènes à éviter

Rien de tel sur nos autres voisines, la Lune dont la vie géologique active n’a sans doute duré que quelques petits millions d’années  ou bien Vénus sur laquelle l’effet de serre a conduit à des conditions dans lesquels les effusions magmatiques ont effacé toutes traces géologiques vraiment anciennes et qui est très difficilement explorable. Et que l’on ne vienne pas nous parler de l’eau lunaire ! Il y a certes de la glace d’eau dans le fond de rares cratères situés aux pôles de la Lune jamais éclairés par le soleil mais les quantités en sont infinitésimales par rapport aux masses d’eau martienne.

Pour l’installation de l’homme « hors de son berceau », Mars présente des avantages certains : une protection atmosphérique, une alternance jour / nuit comparable à celle de la Terre (24h39) et qui, liée à la présence de l’atmosphère, permet de lisser les pics de température (songez aux nuits de 14 jours de la Lune !), une température adoucie (à l’équateur martien la température peut dépasser les 15°C et rester la nuit au-dessus de -60°C) ; la possibilité d’utiliser des ressources locales intéressantes, à commencer par l’atmosphère de gaz carbonique qui permettrait d’obtenir facilement de l’oxygène et du méthane (utiles pour la propulsion du voyage de retour) ; la possibilité d’utiliser l’atmosphère pour freiner la descente des vaisseaux en surface.

Cette richesse de Mars ne peut pas faire oublier l’intérêt des autres astres mais elle justifie que dans un souci de meilleur retour sur investissement on y affecte relativement plus de ressources.

Photo en tête d’article : Mars prise par le télescope Hubble lors de l’opposition 2001 (26 juin). Crédit : NASA/ESA, The Hubble Heritage Team (STScI/AURA)

Lecture recommandée: Jean-Pierre Bibring, Mars Planète Bleue ? chez Odile Jacob (Sciences) Nov. 2009.

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.

2 réponses à “Mars, pourquoi?

  1. Bonjour Pierre,
    Impresionnee par tes articles dans ton blogue..felicitations.
    Mais comment peut on imaginer une adaptation de la vie a des temperatures -60 degres…au mieux…?
    Meme si tu penses que Mars est l astre le plus comparable a la terre, il y a encore….du boulot ..
    Amicalement Dominique

  2. Pierre,
    J ai bien vu la pub des americains au sujet de la decouverte d eau sur mars, ce que tout le monde savait deja..comme tu dis. Il fallait juste qu ils tentent de redorer leur blason,car il n y avait eu aucune sortie spectaculaire sur Mars.. depuis longtemps de leur part. Donc cela permet de re parler un peu d eux, et puis de ce qu ils ont fait comme decouvertes sur Mars… mais avant….
    Amicalement. Dominique

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