Lucy in the sky with diamonds

Ce 16 Octobre 2021, à 05h34 en Floride (11h34 chez nous), la NASA vient de commencer une Odyssée de 12 ans qui permettra à l’homme d’observer pour la première fois les astéroïdes Troyens de Jupiter.

Il s’agit d’étudier des astres qui sont les témoins de notre disque protoplanétaire, très peu modifiés par l’histoire complexe de notre système solaire du fait de leur localisation privilégiée. Aller voir les Troyens c’est un peu comme aller se promener dans la Ceinture de Kuiper, au-delà de Pluton, à une quarantaine d’unités astronomiques (UA, distance Soleil Terre) ou comme remonter dans le temps à quelques 4,56 milliards d’années…mais à seulement 6,4 UA (965 millions de km).

Les points de libration d’un système planétaire, qu’on appelle aussi « points de Lagrange » du nom du scientifique français (d’origine piémontaise) Joseph-Louis Lagrange, qui en a conçu l’existence en 1772, sont les points où les influences gravitationnelles des planètes et de leur Soleil s’équilibrent (plus généralement celle de deux gros corps sur une troisième masse relativement négligeable). Il y en a cinq, dénommés L1, L2, L3, L4, L5. Seuls les points L4 et L5 sont stables (si on en est écarté, on s’en rapproche). Les autres sont instables (si on en est écarté, on s’en éloigne). L1 et L2 sont situés dans l’axe du second corps au premier (ici le Soleil), l’un avant, l’autre au-delà, de part et d’autre du second corps et beaucoup plus près de ce dernier que du premier puisque la masse du second est beaucoup plus faible. L3 est situé sur l’orbite du second corps, diamétralement opposé au Soleil (« de l’autre côté »). L4 et L5 sont situés sur l’orbite du second corps, de part et d’autre de lui (l’un en avance, l’autre en retard) au sommet d’un triangle équilatéral dont l’un des côtés est formé par l’axe du second corps au Soleil.

Les planètes ont plus ou moins de Troyen(s). Les plus grosses masses en permettent davantage, Jupiter est la plus riche (5.879 en L4 et 3.448 en L5). Neptune vient en second avec 24 en L4 et 4 en L5, La Terre, Vénus et Mars en ont aussi (un seul pour la Terre en L4, « 2010TK », 300 m de diamètre). Seule Mercure semble ne pas en avoir.  L’histoire du système solaire a été très violente et peut-être beaucoup d’astéroïdes des planètes proches du Soleil ont-ils été décrochés de leur « nid » au cours des pluies d’astéroïdes qui ont parcouru l’espace proche dans les premiers temps.

A noter en effet que ces Troyens ne sont pas forcément tous « nés » sur place. Il se peut que certains proviennent de beaucoup plus loin à l’extérieur de l’orbite où ils se trouvent aujourd’hui. Mais si c’était le cas, ils résulteraient d’un accident (une rencontre avec un objet déjà sur place) dont l’occurrence a dû être très faible puisque la gravité générée par la masse d’un astéroïde est faible. La force d’impact aurait ainsi été de toute façon relativement faible (faible accélération des masses).

A noter que, comme la Ligne de glace du système solaire se situe à l’intérieur de la Ceinture d’Astéroïdes, et que les petits corps, glacés ou non, y ont été joyeusement mélangés, on est certain que les Troyens seront plus purs, c’est-à-dire qu’ils contiennent leurs « volatiles » d’origine. Ils ont donc un intérêt différent de ceux des astéroïdes que l’on peut rencontrer dans notre environnement (les géocroiseurs) et qui sont secs (sans glace d’eau).

Le nom de Lucy, celui du squelette de cette jeune australopithèque découvert en Ethiopie en 1974 qui a été donné à la sonde, veut exprimer le fait qu’en explorant cette zone où l’on a l’espoir de trouver des fossiles de notre histoire très ancienne, on va faire en quelque sorte de la paléontologie spatiale.

Le lanceur de la mission, parti de Cap Canaveral ce matin, est une fusée Atlas V (401) de l’ULA (United Launch Alliance) comme c’est le plus souvent le cas pour les missions scientifiques américaines. Elle est évidemment gérée par la NASA.

La trajectoire est étonnante par sa complexité (voir image de titre). Après son lancement, Lucy doit effectuer deux survols rapprochés de la Terre pour l’accélérer pour qu’elle puisse rencontrer ses cibles troyennes aussi vite que possible. Dans le nuage L4, de 2027 à 2028, Lucy survolera Eurybates (3548) et son satellite Polymele (15094), Leucus (11351) et Orus (21900). Après avoir à nouveau plongé vers la Terre, Lucy passera « de l’autre côté » et visitera le nuage L5. Elle rencontrera alors, en 2033, l’astéroïde double Patroclus-Menoetius (617). Mais, cerise sur le gâteau, en 2025, pour commencer ses observations, Lucy survolera sur le chemin du L4 un petit corps de la Ceinture d’astéroïdes, 52246, que l’on a nommé Donald-Johanson, en l’honneur du découvreur du fossile Lucy. Après avoir observé Patrocle-Ménoetius, Lucy restera sur sa trajectoire et continuera à parcourir les deux nuages ​​troyens tous les six ans. La mission active aura duré douze ans (et je serai malheureusement très, très vieux !).

La sonde a été construite chez Lockheed Martin. Les instruments sont nombreux :

L’LORRI, Lucy LOng Range Reconnaissance Imager, est une camera à haute résolution

L’Ralph est composé de deux instruments, MVIC (Multispectral Visible Imaging Camera), un imageur en couleurs visibles et LEISA (Linear Etalon Imaging Spectral Array), un spectromètre infrarouge qui recherchera les composés organiques, les glaces, les minéraux hydratés; d’une manière générale il permettra de connaître la composition des astéroïdes approchés.

L’TES, Lucy Thermal Emission Spectrometer, détectera en infrarouge les émissions thermiques des surfaces.

Lucy est équipée d’une antenne à grand gain de deux mètres de diamètre. L’antenne servira évidemment d’outil de communication avec la Terre mais aussi à mesurer l’effet Doppler généré par le déplacement des astéroïdes et en déduire leur masse.

Enfin, avec T2CAM, sa « terminal tracking camera » Lucy, pourra repérer les astéroïdes et, dans une certaine mesure, naviguer ou plutôt orienter ses appareils dans leur l’environnement.

Elle pèse 770 kg sans son carburant et 1500 kg avec (il y aura pas mal de manœuvres de modifications de trajectoires). L’énergie pour le fonctionnement interne et les transmissions sera solaire (panneaux de 7,3 mètres d’envergure qui doivent pouvoir fournir une puissance de 504 Watts au plus loin du Soleil).

Après la mise en orbite de parking, la prochaine étape et l’injection vers l’espace profond le 7 Novembre. Bon vol Lucy!

Illustration de titre, le périple de Lucy. Credit: Southwest Research Institute

référence:

https://www.nasa.gov/mission_pages/lucy/news/index

illustration ci-dessous: vue d’artiste de Lucy avec ses panneaux solaires déployés (crédit NASA):

PS: Pour ceux qui ne s’en souviendraient pas, je rappellerais que Lucy reçut son nom de Louis Leakey à cause de la chanson des Beatles qui tournait en boucle sur le site de fouille au moment de la découverte.

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.

25 réponses à “Lucy in the sky with diamonds

  1. Puisqu’il est question de Lucy notre lointaine “ancêtre” Australopithecus afarensis (même si cette espèce est depuis longtemps éteinte), il semblerait que ce soit par erreur, du fait de sa petite taille, qu’on lui ait initialement attribué le genre féminin alors que l’analyse de son os pelvien indiquerait maintenant que c’était plus vraisemblablement un mâle.
    Espérons en tout cas que les données qui seront, on l’espère, fournies par notre nouvelle “Lucy spatiale” ne souffriront pas de la même ambiguïté 🙂 !

    1. Lucy, notre ancêtre, son les paléontologue est moins intelligente que les chimpanzés actuels car son cerveau peut contenir deux fois moins de débit sanguin… A voir ce qu’une civilisation de chimpanzés conscients et d’une intelligence qui se rapprochera de l’homne donnera dans un million d’années si nous nous pas tous massacrer…

  2. Toujours épaté par ces missions de longue durée, époustouflant !
    Dans quelles mesures “l’horloge planétaire” est-elle bien réglée pour assurer ces rencontres à l’avance par calculs ou faut-il des corrections importantes de trajectoires en cours de route ?

    1. Il ne s’agit pas de l’horloge planétaire mais de l’horloge des différents environnements. Les perturbations de temps dans les différents environnements considérés sont minimes car il n’y a aucune masse vraiment importante. La sonde n’approchera jamais Jupiter puisqu’elle n’ira qu’à ses points de Lagrange.
      De toute façon il y aura des corrections de trajectoires, notamment aux passages près de la Terre pour réorienter la sonde.

      1. Ces « coups de gaz » ne seront pas seulement pour réorienter la trajectoire, mais bien pour obtenir une autre trajectoire grâce à une impulsion dont l’efficacité est la plus efficace au passage au périgée ; c’est la fameuse « assistance gravitationnelle » qui fait que, plus on va vite (au périgée), plus une même impulsion est efficace pour communiquer une accélération et donc faire croître la vitesse et par là accéder à une nouvelle orbite.
        La réflexion de M. Serge semble plutôt porter sur la connaissance plus ou moins précise des éphémérides calculées pour chaque astéroïde à survoler. Il faudra ultimement « naviguer à vue ». Wikipedia le dit bien :
        « Pour passer à la distance souhaitée des astéroïdes, la précision des orbites, telle qu’elle résulte effectuée depuis la Terre, n’est pas suffisante. La sonde spatiale utilisera son système de navigation optique (OpNav), qui exploite les images prises par les caméras scientifiques, pour affiner la trajectoire des astéroïdes et réussir les survols des astéroïdes à la distance attendue en corrigeant sa vitesse à l’aide de sa propulsion. »

  3. C’est vrai que c’est frustrant de devoir attendre 12 ans, même si elle sera suivie tout le temps. Ce qui m’épate aussi c’est que ces engins arrivent généralement très loin de la terre sans accident. La station spatiale, de temps en temps, reçoit un débris qui donne de sacrées frayeurs. Loin de la terre cela semble vraiment vide. L’électricité sera fournie par des panneaux solaires. Espérons que cela suffira, qu’il n’arrivera pas de malheur à ces panneaux dans ces zones remplies d’astéroïdes. Jupiter peut-il leur fournir un peu d’énergie? Il faut vraiment mettre au point un propulseur plus rapide, oublier un peu SETI pour se concentrer davantage sur les moteurs de fusée. Les Américains en ont un en chantier. Les Chinois semblent beaucoup penser à la guerre. Ils publient parfois mais on est peu au courant, leur langue est connue de trop peu de gens. L’Europe à ma connaissance se contente de s’entredéchirer. Soif d’apprendre!

    Si vous voulez voir les photos des concepteurs ou leur état d’esprit:
    https://www.nasa.gov/mission_pages/lucy/overview/index
    http://lucy.swri.edu/2021/02/23/LTEAM-DavidTurner.html

    1. “Il faut vraiment mettre au point un propulseur plus rapide, oublier un peu SETI pour se concentrer davantage sur les moteurs de fusée”, Je partage assez votre opinion; si on veut aller plus loin dans l’exploration spatiale, il serait grand temps de mettre enfin au point des moteurs-fusées nucléaires qui ont une impulsion spécifique bien meilleure (> 800 s) que les moteurs-fusées chimiques (435 s pour LOX-LH2) tout en offrant la possibilité de produire de fortes poussées (ce qui n’est pas le cas des moteurs ioniques par exemple, même s’ils permettent de hautes impulsions spécifiques, > 1500 s).
      On était pourtant tout près d’avoir un moteur nucléaire opérationnel au début des années 1970, qui aurait dû équiper le 3ème étage de la Saturn V, quand le programme NERVA été prématurément stoppé aux USA en raison de la fin du programme Apollo. Comme dans d’autres domaines du spatial, on a “perdu” 50 ans!

      1. @Pierre-André Haldi
        Vous avez mille fois raison, on a perdu cinquante ans et c’est impardonnable.

        Objectivement, la faute en incombe aux Chinois. Oublions une fois pour toutes les fainéants de la NASA qui, une fois leurs nazis décédés, n’ont plus produits que des âneries scientifiques comme la station orbitale. Et ne parlons même pas de l’ESA dont le système Galileo n’est toujours pas opérationnel. Quant aux Russes, la chute du Mur de Berlin a anesthésié définitivement leurs chercheurs. Et les Chinois ont attendu trente ans avant de profiter de cet état de faits !

        Or les seuls sur qui nous pouvions compter, ce sont ces Chinois. Je sais que c’est de la science fiction mais, dans sa célèbre tétralogie, ce sont eux qu’Arthur Clarke faisait atterrir sur Europe. Mais, même dans la réalité, ce sont eux maintenant qui font les progrès les plus rapides en astronautique. Alors, c’est eux que nous devons asticoter pour qu’ils ne restent pas les mains en poches.
        Quand je demande à des étudiants en sciences où ils souhaiteraient trouver un emploi, beaucoup répondent chez Google mais plus encore préfèreraient aller chez le Chinois DJI car, disent-ils, c’est là que ça va se passer. Mais on dirait que les Chinois, eux, n’en ont pas encore pris conscience.

        1. Quand on lit, comme je l’ai fait, dans Air et Cosmos, les grandes lignes de la politique spatiale de la France* (et donc de l’Europe, compte tenu de l’importance de la France dans le spatial européen), on réalise que le pays a pour l’instant totalement abandonné les possibilités qu’il aurait pu avoir d’explorer l’espace profond. Ariane 5 est en fin de vie, Ariane 6 ne parvient pas à naître et de toute façon on ne lance presque plus de fusées d’ArianeGroup (trop chères, non réutilisables).
          Alors oui, bien sûr les Chinois…mais personnellement je crois toujours au potentiel de SpaceX. Je pense qu’Elon Musk en a la volonté et qu’il voudra aller jusqu’au bout, c’est à dire même effectuer ses lancements depuis l’extérieur des Etats-Unis et même travailler sur un nouveau mode de propulsion.
          * déclaration d’Emmanuel Macron (soutenue par une subvention de 1,5 milliards d’euros…les élections approchent!): le soutien de l’Etat est pour « les mini-lanceurs réutilisables – un objectif qu’on doit pouvoir atteindre d’ici 2026 –, mais aussi, les micro, minisatellites, les constellations de demain, et l’ensemble des innovations technologiques et de services qui sont au cœur justement de ce nouvel espace. »
          NB: Pourquoi dites vous que la faute incombe aux Chinois si nous avons perdu cinquante ans? A cause de la guerre du Viet Nam?

          1. Pourquoi la faute incombe-t-elle aux Chinois ? Parce qu’ils ont regardé les autres qui ne faisaient rien et qu’au lieu d’en profiter pour montrer à ces autres de quoi ils étaient capables, ils ont attendu trente ans pour s’y mettre. N’avaient-ils pas lu Arthur Clarke qui, bien qu’anti-communiste avait su évoquer leur génie.

            N’oublions jamais que ce sont les Chinois qui ont inventé la fusée et que, deux cents ans avant Gutenberg, ils disposaient déjà de l’imprimerie à caractères mobiles.

            C’est vrai, j’oubliais Elon Musk et pourtant j’ai entièrement confiance en lui et en son génie créatif. Il est probablement autiste et ça fait de lui un jusqu’au-boutiste que rien ni personne ne déviera des but qu’il s’est fixés.

            Le Temps évoque aujourd’hui la mise au point d’un nouveau type de propulseur par l’Américain Hermeus mais un ami ingénieur aéronautique me dit que leur site internet est complètement bidon. (https://www.hermeus.com/ ) Ils en sont seulement au stade de trouver des pigeons à plumer pour payer la mise au point d’un éventuel premier prototype.

          2. @J.-J. Louis: Je ne vois pas le rapport de ce nouveau “propulseur” avec le domaine spatial. Si j’ai bien compris sur le site indiqué, il s’agit “simplement” d’un turbo-réacteur amélioré pour propulser un avion hypersonique, ce n’est pas du tout un moteur-fusée (pouvant fonctionner dans l’espace).

  4. Super, le titre de votre article. Ça fait plaisir de voir que tout le monde n’a pas oublié les Quatre de Liverpool. Arthur Clarke aussi avait mentionné ce titre dans 2061, roman dans lequel Lucy était le mot de code pour désigner un diamant géant.

    Mais, concernant les Troyens, une question me turlupine.

    Sont-ils si purs que ça ? Comme vous le signalez, tous ne sont pas nés sur place. Les point L4 et L5 sont des puits de potentiel donc tout corps céleste errant, de la comète à l’astéroïde en passant par la multitude de météorites qui traversent notre Système Solaire, et qui passerait à une distance raisonnable de ces points finirait par y tomber, indépendamment de la trop faible force d’attraction de ceux qui y sont déjà. Simplement parce que ces petits espaces du Système Solaire sont des puits de potentiel. Même des objets nettement plus jeunes que le Système Solaire pourraient s’y retrouver piégés. Peut-être même de nouveaux corps célestes errants y tomberont encore dans le futur, venant de notre système solaire ou d’un autre, comme Oumuamua pour ne citer que lui.

    1. J’ai pensé à cette “pureté”. En fait ce qui est important c’est qu’il y a très peu de chances que les astéroïdes aujourd’hui troyens proviennent d’en-dessous de la ligne de glace. Il y a aussi très peu de chances que ce soit des morceaux de planétoïdes ayant explosé suite à un impact.
      Pour la plus grande part ce serait donc des astéroïdes formés à l’époque protoplanétaire dans les environs de l’orbite de Jupiter ou des corps venant des confins du système, c’est à dire de la Ceinture de Kuiper. Mais même si cette dernière hypothèse était vérifiée, ils seraient relativement “purs” car non sensiblement transformés par la chaleur et les radiations internes du système solaire.
      Ils restent donc, très probablement, des corps très primitifs, comparables aux astéroïdes de la Ceinture de Kuiper.

      1. Bonjour, j’espère être au bon endroit pour poser ma question.
        J’ai une question à laquelle je ne trouve pas d’explication.
        Comment les astéroïdes se sont-ils formés à l’époque protoplanétaire au voisinage de l’orbite de Jupiter?

        1. Vous êtes au bon endroit! Merci de votre question.
          Des études très savantes ont été faites sur le sujet des astéroïdes Troyens et les observer permettra de confirmer la réflexion théorique.
          Au “début”, avant le système planétaire, il n’y avait dans notre région de l’espace, qu’un nuage de gaz et de poussière résultant de l’histoire cosmique l’ayant précédé.
          Par suite d’un “événement” gravitationnel, comme le passage d’un système planétaire, ou une supernova, une concentration/compression du nuage s’est produite. Le phénomène de formation du système solaire était déclenché et il était irrésistible du fait de la force de gravité résultant de ses divers composants.
          Le gaz et la poussière se mirent à tournoyer en disque comme l’eau dans un évier. Au centre de ce disque se rassembla naturellement la plus grande quantité de matière (le futur Soleil) mais tout autour cette matière s’aggloméra (on parle d’accrétion) également selon les quantités disponibles aux différentes distances du Centre.
          C’est dans ces conditions que se formèrent les astéroïdes, puis les planétoïdes, puis les planètes et leurs satellites, les plus grosses masses attirant le plus de matière. Le Soleil s’alluma lorsqu’il eu atteint sa masse critique et tout autour, la concentration de matière étant renforcée par ce centre, les planètes se formèrent avec ce qui restait (0,135% du total seulement). D’où, entre autres, Jupiter qui assez éloignée du Soleil puisqu’elle se trouvait au-delà de la ligne de glace, bénéficiait d’un environnement particulièrement riche, non seulement en matériaux secs comme ceux qui étaient disponibles en dessous de la ligne de glace, mais aussi de tous les “volatils” possibles dont une partie avait été rejetée du système solaire interne (en-dessous de la ligne de glace), par les premiers rayonnements du jeune Soleil.
          Jupiter “nettoya” ainsi, par sa force gravitationnelle propre, la quasi totalité des astéroïdes situés sur son orbite et à proximité de son orbite mais pas cette zone où se trouvent aujourd’hui les astéroïdes Troyens car ceux-ci étaient précisément situés à un endroit où l’influence gravitationnelles de Jupiter était exactement équilibrée (ou contrée) par celle du Soleil.
          Ces astéroïdes sont donc les témoins de cette époque très ancienne, les autres, situés au début de l’histoire sur l’orbite de Jupiter ayant été accrétés par cette dernière.

          1. J’aimerais beaucoup vous remercier pour ces claires explications.
            Merci pour vos partages plein de bienveillance.
            La théorie des avantages comparatifs ne dépend pas vraiment de la théorie de la gravitation.
            Vous pouvez donc utiliser soit la forme locale soit la forme globale ça c’est en fonction du problème que vous avez à résoudre.
            On regarde quelle est la version qu’elle à résoudre.
            J’ai une question:
            Tu as entièrement raison après, si vous appelez Troyen n’importe quel objet qui se trouve sur un point elles L4?

          2. Oui on a donné le nom générique de Troyens à tout astéroïde qui se trouverait en L4 ou L5 dans un système à trois masses dont deux dominantes et une “négligeable”.
            Les points L1,L2 et L3, instables, sont parfois appelés “Points d’Euler” pour les différencier des points stables, “de Lagrange”, L4 et L5.
            On utilise parfois le terme Grecs et non Troyens pour désigner les corps en L4 (devant la planète dans sa course autour du Soleil).

          3. Je me posais souvent des questions sur les autres représentations. Ce qui m’étonne, c’est que devient la physique?
            Le premier devoir de l’homme sincère est de ne prétend pas être quelqu’un d’autre et ne mens pas.
            Newton était fort mais loin la vérité. Il n’a jamais eu la prétention d’expliquer la façon d’apparaître du gravité, et n’explique pas l’origine.
            Expliquer la gravité par la vibration des atomes”, c’est exactement ce que je m’étais toujours dit ! Parce que plus on se rapproche du centre de la Terre plus fréquence de vibration.
            L’explication est claire et basée sur de la physique non classique Andreï Grishaev, et je trouve génial ce nouveau concept.
            La physique classique n’apporte pas grand chose à la science en revanche la science fait évoluer la physique classique….je crois que ça donne un élément de réponse.

    2. @J.-J. Louis: “Super, le titre de votre article. Ça fait plaisir de voir que tout le monde n’a pas oublié les Quatre de Liverpool”. Je suis également fan de la musique des Beatles, et je ne pense d’ailleurs pas qu’ils soient aujourd’hui oubliés, loin de là, … mais en l’occurrence il ne faut pas oublier que le titre de ce morceau faisait l’apologie à peine déguisée d’une drogue qui faisait des ravages parmi la jeunesse à l’époque (le lsd).

      1. …drogue synthétisée à partir d’autres dérivés de l’ergot de seigle en 1938 puis en 1943 par Albert Hofmann et Arthur Stoll chez Sandoz. Ces derniers découvrent alors ses propriétés psychotropes et les décennies suivantes vont voir l’essor de sa consommation dans les milieux intellectuels et dans le milieu médical pour traiter divers troubles mentaux.

        Au printemps 1967, étudiant et journaliste stagiaire en Californie, j’ai entendu Timothy Leary, essayiste, psychologue, militant de l’usage des psychédéliques et le plus célèbre partisan des bienfaits thérapeutiques et spirituels du LSD, lancer devant quelques trente mille hippies rassemblés au Golden Gate Park de San Francisco, en prélude au “Summer of Love”, son slogan “Turn on, tune in, drop out” (mal traduit en français par “Vas-y, mets-toi en phase, et décroche”), devenu le mot d’ordre de la contestation et de la contre-culture, de la libération et de la contemplation – surtout psychédélique.

        Du genevois Albert Gallatin, l’un des premiers rédacteurs de la Constitution des Etats-Unis et Secrétaire au Trésor sous Monroe, et Johann Sutter, fondateur de la Californie, à l’ingénieur schaffhousois Othmar Ammann, réalisateur du Pont Verrazzano-Narrows sous lequel j’ai passé au matin du 5 août 1964 à bord du désormais légendaire paquebot “France”, j’ai toujours pensé que les Etats-Unis étaient une colonie suisse dont on devait à son président le slogan “Make America Swisss again” et que le LSD était sa poudre de perlinpimpin spirituelle (“In Go(l)d We Trust”).

        J’étais le premier journaliste étranger à en avoir observé les effets sur ses adeptes – sans pour autant y avoir goûté moi-même – pour avoir séjourné dans la principale communauté hippie de Californie, l'”Oracle Tribe”, et à avoir enquêté sur la presse underground, en particulier sur le “Los Angeles Free Press” et sur “The Village Voice”. Ce dernier réunissait des plumes qui s’étaient rendues célèbres en publiant dans des revues de prestige telles que “Harper’s”, “Esquire” ou “The New Yorker”, dont Norman Mailer, Truman Capote, Gay Talese, Tom Wolfe et Joan Didion, pionniers de ce qu’on appelait alors le “New Journalism” qui dénonçait la pseudo objectivité journalistique et la recherche du “petit fait vrai”, de l'”intérêt humain”, de l’anecdote.

        Ces journalistes-écrivains, qui ont été longtemps et sont restés à bien des égards mes modèles, mon LSD à moi (il ne laisse aucun effet secondaire), et que l’Académie ignore, ambitionnaient de réintroduire la subjectivité et le point de vue de l’auteur dans le reportage en empruntant aux techniques de la fiction. Mais leurs écrits ne restaient pas moins fondés sur des enquêtes factuelles, dont l’exemple classique est “In Cold Blood” de Truman Capote. S’ils étaient bien conscients de fabriquer des faux romans, leur but était de rappeler que le journalisme trouve ses sources dans la littérature, dont il n’est qu’un avatar. Et, comme bon nombre de lecteurs du “Village Voice”, pas insensible alors à la voix en question, aux “petits faits vrais” je préférais de loin les petits faits FAUX, comme dirait Nathalie Sarraute.

        Aucune allusion à la science-fiction, bien entendu.

  5. Il est intéressant de revenir sur le comportement orbital de ces astéroïdes troyens piégés aux points de Lagrange, dits triangulaires ou troyens, L4 et L5, de Jupiter. Du fait que ces deux points sont effectivement des maxima locaux de potentiel (disons, de la forme d’un sommet arrondi) et non pas, comme on pourrait le croire, des minima (disons, de la forme d’une cuvette), on s’attendrait en conséquence à une instabilité, mais à une instabilité autre que celle des points de Lagrange 1 à 3, dits aussi point d’Euler, qui sont des points en forme de col ou de selle, avec une stabilité dynamique tangentielle, mais une instabilité radiale, donc globalement instables.
    Aux points 4 et 5, c’est grâce à la force de Coriolis, qui est due au fait que tout le système de Jupiter et de ses Troyens est en rotation autour du Soleil, que les astéroïdes troyens sont forcés d’effectuer une pirouette locale autour du point de Lagrange, sommet du potentiel local. Les astéroïdes sont comme repoussés et rappelés périodiquement par la force de Coriolis, allant et venant, semblent danser tout autour du point de Lagrange. Ce comportement chaotique est décrit par une orbite, dite de Lissajous, qui ne se referme pas. C’est pourquoi, il sera nécessaire de naviguer à vue lorsque la sonde Lucy s’approchera pour les rejoindre à quelque 1000 km de chacune de ses cibles virevoltantes et non pas stables en orbite strictement fixe sur l’orbite de Jupiter bien prédictible.

  6. “il sera nécessaire de naviguer à vue” cela me suggère une question: la sonde a-t-elle un peu d’autonomie pour affiner sa trajectoire? Autrement dit, embarque-t-elle de l’intelligence artificielle aidant un minimum pour la navigation? Ou alors y aura-t-il uniquement des ordres envoyés depuis la terre (auquel cas la réactivité à cette distance risque de laisser à désirer)? Cette question deviendra cruciale si on construit un jour des appareils destinés à quitter le système solaire de façon élaborée.

    1. Oui, un certain automatisme est prévu avec la caméra T2CAM, la « terminal tracking camera ». Celle-ci va permettre à la sonde de se repérer dans l’espace par rapport aux astéroïdes et d’orienter ses équipements d’observation.
      A noter cependant que (1) les corrections de trajectoire seront décidées par la Terre sur indication de la caméra à haute résolution L’LORRI et (2) ce ne seront que des corrections légères car l’impulsion dominante au passage de la Terre est donnée lors du survol de la Terre (au périgée), pour aller dans cette région des Troyens. Il n’est pas question de s’arrêter puis de repartir, ni de revenir en arrière une fois dans la zone de L4/L5. Pour les corrections de trajectoire, la sonde dispose de réserves d’ergols importantes (1500 kg).
      Il est difficile de parler d’intelligence artificielle. Bien sûr il y aura des automatismes (pointage, réglage des instruments, exécution en chaîne des ordres) mais il faut voir que dans un environnement totalement nouveau on ne peut pas laisser à la machine décider de ce qu’il est important de faire.
      NB: l’orbite de Jupiter est en moyenne à 43 minutes-lumière de la Terre. Les modifications de trajectoire devront donc être faites très en avance.

  7. à CHRISTOPHE DE REYFF et PIERRE BRISSON. Vos réponses situent bien l’état de la technologie et de la réflexion de façon très intéressante… et wikipedia aussi: “60 jours avant le survol d’un astéroïde par Lucy, différentes méthodes sont mises en œuvre pour affiner la trajectoire”. Les américains vont apprendre en expérimentant. Il faut souhaiter que, dans l’avenir, une intelligence artificielle plus évoluée, fondée sur ces nouvelles connaissances, soit capable d’être opérationnelle dans un “environnement totalement nouveau”.

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