La Zone Circumstellaire Habitable (« CHZ ») de notre système solaire, définie comme étant la région du système où l’eau d’une planète peut être liquide en surface, pourvu que la température soit supérieure à 0°C, qu’elle dispose d’une atmosphère et que la pression de cette atmosphère le permette (c. à d. qu’elle soit supérieure à 611 pascals, point triple de l’eau), couvre une zone qui commence après Vénus et va jusqu’à Mars. Cela revient en fait à dire que, dans cette CHZ, l’énergie reçue de notre étoile (irradiance) doit être au plus d’environ 2000 W/m2 et au moins d’environ 500 W/m2. (NB : La Terre reçoit en moyenne 1380 W/m2 ; Vénus, 3140 W/m2 ; Mars, 492 W/m2 en hiver austral –le plus froid, et 715 W/m2 en été austral –le plus chaud). Notre CHZ est donc une enveloppe sphérique autour du soleil dont l’épaisseur est d’environ une petite unité astronomique (« UA », distance de la Terre au Soleil). C’est très peu, comparé à la taille de notre système solaire, considérant que Pluton évolue à une distance d’environ 29 à 39 UA, que la Ceinture de Kuiper se situe entre 30 et 55 UA et le nuage d’Oort (l’élément le plus externe, qui enveloppe tout le système), entre 30.000 et 100.000 UA.
Comme la puissance énergétique varie pour chaque étoile, la distance de la CHZ à l’étoile varie dans chaque système stellaire. Cependant elle ne peut être trop proche (cas de celle de la naine rouge Proxima Centauri) car les planètes qui s’y trouveraient (en l’occurrence “Proxima-b”) seraient trop exposées aux tempêtes radiatives de l’étoile, par nature très instable. Par ailleurs, les planètes situées dans l’environnement des géantes ou supergéantes, bleues ou rouges, pourraient sans doute bénéficier d’eau liquide en surface mais la durée de vie de leur étoile étant d’autant plus courte que l’étoile est massive, on devrait dire qu’elles seraient situées dans une “CHZ temporaire” car la durée d’évolution de la planète serait probablement trop courte pour permettre de donner naissance à la vie (mais pas trop courte pour faciliter une visite d’explorateurs). C’est le cas des éventuelles planètes de Rigel ou de Deneb, deux géantes bleues de notre galaxie qui ont une masse de 17 et de 20 soleils et dont l’espérance de vie est limitée à une centaine de millions d’années. Le plus probable est ainsi que la masse de l’étoile générant une “vraie CHZ“, se situe entre 0,5 et 2 masses solaires (entre la masse de Lacaille 9352 et celle de Sirius).
En ce qui concerne notre système solaire, on envisage aujourd’hui que la CHZ pourrait être étendue au sous-sol de certains satellites glacés des planètes géantes gazeuses, tels qu’Europa (Jupiter), Encelade (Saturne) ou même Triton (Neptune), dans la mesure où la chaleur interne emmagasinée dans leur masse et générée par les forces de marée de leur planète, serait suffisante pour que cette glace soit liquéfiée sous une croûte plus ou moins épaisse.
Maintenant il faut voir que la présence d’eau liquide ne suffit pas pour qu’il y ait possibilité de vie. L’eau est un médium facilitant les échanges et un composant de la vie telle que nous pouvons la concevoir mais celle-ci est impossible sans les minéraux porteurs d’éléments chimiques indispensables (les fameux C.H.O.N…*) et composants de couples “rédox” (réducteurs /oxydants) permettant un échange d’électrons, dans certaines conditions de températures et de pH (ou plutôt, de différentiel de pH). Il faut donc que cette eau liquide soit en contact avec des minéraux dans ces conditions et il n’est pas évident que dans ces lunes glacées, l’eau liquide soit dans tous les cas en contact avec les minéraux ni que ces conditions (de température et de pH) soient remplies de telle sorte que les échanges aient lieu de manière efficace. Enfin il n’est pas prouvé que le contact direct avec la lumière (et les radiations) du Soleil ne soient une condition nécessaire au démarrage du processus de vie. Rappelons que sur notre Terre, notre LUCA (Last Universal Common Ancestor) vivait il y a quelques 3,8 milliards d’années et que depuis, aucune nouvelle vie étrangère à cette souche, n’est venue le défier. L’émergence de la vie terrestre n’a pas été facile. Elle résulte de conditions très particulières réunies à une époque courte et bien précise de notre histoire. Cette possibilité de CHZ du sous-sol des lunes glacées doit donc être considérée avec encore plus de précaution que celle de savoir si Mars se trouve suffisamment dans la zone d’habitabilité en surface.
* pour Carbone, Hydrogène, Oxygène, Azote
Enfin il faut évoquer le cas particulier de Titan, lune principale de Saturne, le plus gros satellite naturel du système solaire, qui dispose d’une atmosphère épaisse et riche en éléments organiques. De ce fait, il constitue un environnement prébiotique probablement très intéressant mais, compte tenu de la température moyenne de sa surface (-180°C) la complexification de ces molécules vers la vie a malheureusement dû s’arrêter très vite.
Avec ces définitions de GHZ et CHZ on obtient une bonne approximation des régions du ciel intéressantes pour rechercher la vie. Que peut-on en faire pratiquement ? C’est ce que je suggérerai dans mon prochain article.
Image à la Une : diagramme de Hertzprung-Russel: les étoiles sont classées par luminosité en fonction de leur température de surface, donc de leur masse. Le Soleil est une étoile moyenne qui se situe à la jonction du segment des étoiles jaunes et des étoiles blanches de la “séquence principale”. Lacaille 9352 est une des premières étoiles rouges et Sirius une des premières étoiles bleues. Les fines diagonales délimitent des zones de masse solaire.
Image ci-dessous: Schéma de CHZ en fonction de la masse de l’étoile (crédit Pierre Thomas, Laboratoire de Géologie, ENS, Université de Lyon). En vert la zone habitable de surface, en brun l’extension possible de cette zone dans les océans sous-glaciaires des lunes glacées des Géantes gazeuses. NB: Dans notre système, Vénus est juste à l’extérieur de la zone habitable de surface (à gauche) et Mars sur la limite de cette même zone (à droite).
Merci beaucoup M. Brisson pour vos derniers articles très intéressants.
Où l’on voit que les planètes habitables dans notre galaxie sont probablement beaucoup plus rares que l’on ne pense.
Et où l’on voit que les planètes habitées sont certainement encore plus rares, voire inexistantes.
En pratique, vu le temps et la distance, nous sommes quasiment seuls !
Ainsi, vos articles remettent un peu en question la conviction, très optimiste, d’une vie assez répandue dans l’univers.
Gardons notre terre, peut-être unique berceau de la vie.
« Quelle chance et quels enchaînement incroyables » dit Leboissard…
Oui, vraiment, le pur hasard suffit-il à expliquer notre origine ?
Vaste question, encore sans réponse, malgré des indices…
Merci de votre commentaire Monsieur Tissot.
La faible probabilité de la vie, et encore plus d’une vie consciente, est exactement le message que j’ai voulu faire passer.
La Terre et la vie qui s’y est développée m’apparaît de plus en plus comme quelque chose d’exceptionnel dans l’univers.
Et dans ce contexte, non seulement la vie mais aussi l’évolution qui a conduit jusqu’à nous, me parait tout à fait extraordinaire.
Je pense que les hommes (en général) n’en sont pas suffisamment conscients. Cette inconscience les conduit à ne pas apprécier à leur juste valeur les êtres merveilleux qu’ils sont, combien ils sont étroitement liés à leur milieu naturel et combien ils devraient être prudents en “utilisant” ce milieu (“prudents” ne veut pas dire refuser le progrès mais éviter les destructions et les dérèglements irrémédiables/irréversibles)
Cela conduit ensuite à apprécier la chance que nous avons de pouvoir “disposer” si nous le voulons d’une planète comme Mars, à proximité relative. L’environnement martien est certes difficile mais il ne serait pas impossible pour l’homme de s’y établir. Nous ne devons pas dédaigner cette seconde chance.