La Zone Galactique Habitable, anneau-matrice des étoiles porteuses de vie

Au Commencement était l’Hydrogène, l’Hélium et la Gravité qui luttait contre la force énorme de l’Explosion Initiale. Avec le déroulement du Temps, les premières galaxies et les premières étoiles se formèrent. Ce fut le début d’un lent processus de concentration de matière au sein des étoiles, et d’explosions des plus grosses d’entre elles, disséminant à nouveau la matière dans l’univers en expansion continue, mais sous une forme modifiée par ce processus même, la nucléosynthèse. Cela conduisit à la complexifier de plus en plus, génération après générations d’étoiles, en créant de plus en plus en plus d’éléments chimiques lourds.

Plus l’étoile est massive, plus sa puissance de vie et de mort est forte et plus elle contribue à l’alourdissement des éléments qu’elle crée. Ainsi une étoile de type solaire ne mettra en circulation lors de ses explosions périodiques (« novas ») que de l’hélium, du carbone et de l’oxygène ; une étoile massive (plus de 9 masses solaires) lors de son explosion finale (« supernova ») ira beaucoup plus haut dans la « lourdeur » des éléments chimiques, en produisant des métaux, jusqu’au fer et au-delà. Au cours de l’Histoire de l’Univers on est ainsi passé, de l’élément « X » (hydrogène), à l’élément « Y » (hélium) et aux éléments « Z » affectés d’un numéro de plus en plus élevé en fonction du nombre de protons de leur noyau. On dit que la Matière évolue de ce fait vers une « métallicité » de plus en plus forte.

Heureusement nous avons encore « beaucoup de chemin à faire » avant que toute matière soit transformée en fer. Après près de 13,8 milliards d’années de fonctionnement du processus de transformation des éléments, l’hydrogène constitue encore 75% en masse (mais 92% du nombre d’atomes) de l’univers et l’hélium 24%.

Notre propre corps humain, lui, ne comprend plus que 10%, en masse, d’hydrogène (mais 63% en nombre d’atomes car l’hydrogène est largement le composant de l’eau dont nous sommes faits à 65% en masse, et d’autres molécules). Nous sommes donc bien, littéralement, des poussières d’étoiles. Mais il faut ajouter la deuxième remarque que notre vie n’est possible aujourd’hui que parce que la complexité chimique de l’Univers a atteint, dans certaines zones, un niveau minimum qui nous permet de disposer de tous les éléments indispensables à notre existence et à notre fonctionnement (Carbone, Hydrogène, Oxygène, Azote, Phosphore, Calcium, Soufre, Sodium, Potassium, Manganèse, Fer, Chlore, etc…). Le corollaire est que la Vie n’est possible que depuis l’époque où ces éléments existent et là où ils sont devenus suffisamment abondants.

On peut supposer que l’univers est suffisamment homogène et que ce dont il disposait il y a quelques 4,57 milliards d’années lorsque le système solaire s’est formé, il en disposait ailleurs à la même époque et, compte tenu des irrégularités inévitables, probablement “un peu avant” également, mais sans doute “peu avant” (6 milliards d’années ?). Il ne peut donc y avoir eu émergence de la vie « ailleurs » que quelques petits milliards d’années avant d’apparaître dans notre système solaire et ce d’autant plus qu’il faut introduire le bémol qu’au début de la période où la métallicité devint suffisante, il est probable que la fréquence des supernovæ était trop élevée.

Un autre point d’égale importance est la localisation dans la galaxie. Les supernovæ dont les éléments de notre planète et de notre corps proviennent, sont des créatrices et des destructrices. Elles créent des éléments chimiques mais elles détruisent toutes structures d’une complexité supérieure à l’atome (à cause de leurs émissions hyper violentes de rayons cosmiques, de rayons gamma et de rayons x). Elles sont plus fréquentes dans la région centrale des galaxies où la densité d’étoiles est aussi beaucoup plus grande. Par ailleurs, en allant vers le centre de la galaxie, on se rapproche du trou noir central autour duquel « tout » gravite et ce trou noir connaît des phases d’activités forcément très violentes, émettrices de radiations extrêmement puissantes. Il faut donc, pour qu’une étoile puisse jouir de la richesse des éléments chimiques en même temps que d’une certaine stabilité, qu’elle se trouve dans une zone où de la matière a pu s’enrichir par la présence de suffisamment de supernovæ, mais pas trop active pour que les processus lents d’évolution aient pu se dérouler suffisamment longtemps sans accident majeur. C’est précisément là où notre étoile, le Soleil, est née et où nous nous trouvons toujours aujourd’hui (à 28.000 années-lumière du centre galactique). On peut logiquement généraliser la zone à un anneau situé, pour notre galaxie, entre 23000 et 30000 années-lumière (pour mémoire, la Voie Lactée a un rayon de 50 à 60.000 années-lumière), dans le plan galactique, en évitant toutefois le centre des bras spiraux probablement également trop actifs. C’est cet anneau qu’on* a nommé la « Zone Galactique Habitable » (« GHZ » en Anglais), par analogie avec la « Zone Circumstellaire Habitable » (« CHZ » en Anglais) dont on a réalisé l’existence plus tôt.

Mais bien sûr il faut que, à l’intérieur de cette GHZ, le nuage de gaz et de poussières primordial considéré, soit suffisamment dense pour pouvoir se concentrer à l’occasion d’une perturbation, que sa métallicité soit suffisante mais pas trop forte pour que, après la formation de l’étoile, le processus de vie ait quelques chances de s’amorcer. Je vous en parlerai la semaine prochaine !

*Référence : “The Galactic Habitable Zone and the Age Distribution of Complex Life in the Milky Way” par Charles Lineweaver et al. in Science, 2 janvier 2004.

Image à la Une: Galaxie d’Andromède (crédit NASA). Nous ne pouvons pas avoir de vue d’ensemble de notre propre galaxie, la Voie Lactée, mais la Galaxie d’Andromède, sa sœur, lui ressemble beaucoup (et elle est la plus proche, à “seulement” 2,5 millions d’années-lumière). Sur cette image, la GHZ serait, d’après Lineweaver, une bande d’environ 6 kiloparsecs (1kpc = 3,26 années-lumière), située à mi-distance du centre et de la périphérie

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.