Pour SpaceX le lancement du Starship du 20 avril est un demi-succès

Les spectateurs retenaient leur souffle et quand, au décompte T+0, la fusée s’est élancée, on y a cru. L’espoir a duré 02:40 minutes car, juste avant la séparation du lanceur SuperHeavy d’avec le vaisseau spatial Starship qui devait intervenir à T+3 m, on a vu que quelques chose n’allait pas. L’ensemble a commencé à faseiller, puis, déstabilisé, il a perdu sa direction, a perdu de l’altitude et a explosé. On était à T+4 m.

Voir en fin d’article, une mise à jour du 22 avril.

C’est évidemment une déception mais Elon Musk nous avait prévenu, il n’y avait que 50% de chances que le lancement réussisse. Par ailleurs SpaceX avait également déclaré que le but était de recueillir autant de données qu’il était possible avec ce premier lancement d’un Starship pleinement intégré (vaisseau ET lanceur).

Il est vrai que le lanceur SuperHeavy n’avait jamais volé. Une seule mise à feu statique avait pu être accomplie avec succès (31 moteurs sur 33) le 11 février de cette année. On peut dire que non seulement la seconde mise à feu (celle de ce jour) a été satisfaisante pour l’allumage mais qu’elle a bien réussi à conduire le vaisseau presqu’à l’altitude de la séparation (34 km d’altitude, 1950 km/h). A ce moment 28 moteurs Raptors sur 33 fonctionnaient, ce qui n’est pas mal du tout. D’autant qu’on peut constater que les 5 qui n’ont pas fonctionné n’ont ni explosé ni empêché de les autres de fonctionner (2 seulement étaient contigus).

C’est donc quand même un succès d’autant que ce test correspond à la manière de progresser d’Elon Musk, ne pas attendre que tout soit théoriquement parfait mais tenter tout ce qu’il est possible de faire dès qu’il est possible de le faire afin d’apprendre de son échec et corriger les défauts ou les faiblesses si l’on constate que l’on s’est engagé dans une mauvaise voie. C’est exactement ce qu’il a fait avec le vaisseau Starship seul puisque ce n’est qu’avec le SN 15 (Serial Number 15) que le vol a été concluant (il n’a pas explosé en revenant se poser au sol).

Il ne faut donc pas désespérer du vol S24/B7 (S pour le vaisseau, B pour le lanceur, « booster »). D’autant qu’une autre grosse étape a été passée avec succès, l’autorisation de voler donnée par la FAA (Federal Aviation Administration). Les complications administratives générées par cette administration ont été en effet à l’origine de plusieurs mois d’attente et de 75 mesures préventives à satisfaire avant la mise à feu. Les 75 mesures sont un catalogue de contraintes écologiques plus ou moins justifiées (mais certainement si l’on se place au niveau d’un écologisme ambiant absolument délirant). On peut en déduire que puisque le vol S24/B27 s’est terminé sans dommage pour l’environnement, la FAA ne va pas durcir sa position et que le prochain test orbital aura lieu plus rapidement. On a pu en effet constater par le passé qu’Elon Musk a réagi très vite. Je ne serais pas étonné que dès ce soir, réunis à Starbase (Boca Chica, Texas) on analyse les données et on commence à en discuter. Elon Musk dort très peu et les personnes qui travaillent avec lui n’ont pas beaucoup le choix de faire autrement, d’ailleurs ils s’intéressent à ce qu’ils font et sont bien payés pour cela.

On peut douter qu’un jour les vols de Starship deviennent une routine. On aurait tort. Souvenez-vous des premiers vols d’aéroplane, des premiers km des trains et des balbutiements de l’automobile. Rien n’était certain et on considérait les pratiquants comme de dangereux baroudeurs. Certes l’explosion d’une fusée est plus spectaculaire que l’éclatement au sol de la carcasse d’un avion ou le déraillement d’un train de la belle époque. Cela s’explique aisément par l’énergie déchainée pour faire voler une fusée, qui plus est une fusée de la masse d’un Starship (4500 tonnes avec un poussée qui doit être de quelques 5500 tonnes et 1200 tonnes d’ergols). Il faut penser qu’avec beaucoup d’essais, d’échecs donc de progrès, l’époque des pionniers paraitra bientôt comme une époque fantastique, dangereuse, mais révolue, un peu comme le vol de Gagarine quand on le considère aujourd’hui.

Sur le fond j’ai réentendu de la bouche de la présentatrice de SpaceX que le but du Starship était plus que jamais de faire de l’humanité une espèce multiplanétaire. Quoi qu’on puisse dire par ailleurs, c’est cela l’objet du Starship. Elon veut aller sur Mars pour y établir une présence humaine durable, ce qu’on appelait avant le wokisme, une « colonie ». Les autres vols seront faits pour rendre accessible le coût du voyage vers Mars. C’est pour cela qu’il y aura Starlink (hélas ! pour la pollution que cela va occasionner) et les vols sur la Lune dans le cadre du programme Artemis. Seul un vaisseau offrant un volume viabilisable et utilisable capable de transporter des dizaines de passagers ou 100 tonnes d’équipements sur Mars, permettra la réalisation de ce rêve et aussi de revenir sur Terre si l’on en a envie. Et pour sûr la plupart des passagers voudront revenir sur Terre, surtout au début de l’Aventure.

Nous venons de faire un premier pas. On to Mars !

Illustration de titre: capture d’écran émission SpaceX dédiée. Nous sommes encore à “0km” mais le décollage a eu lieu. Ce sont les premiers mètres qui sont les plus durs car c’est à ce moment que le vaisseau est le plus lourd et que, par définition, il n’a aucune vitesse acquise.

PS: mise à jour du 22 avril

On dit de plus en plus que le non fonctionnement de quelques moteurs s’expliquent par la destruction de la table de lancement lors de l’impulsion de départ. Des blocs de béton et de métal aurait été projetés dans toutes les directions et certains auraient heurté des moteurs les rendant inutilisables. Ensuite le lanceur SuperHeavy a manqué de puissance pour monter jusqu’à l’altitude prévue pour la séparation d’avec le Starship-vaisseau.

Elon Musk ajoute qu’une plaque en acier très épaisse était prévue pour recevoir la flamme au fond de la table de lancement mais que cette plaque n’avait pu être livrée à temps. Il a quand même voulu faire le test le 20 avril car il y avait d’autres observations à faire dans le comportement de la fusée. Lors du prochain lancement, dans deux ou trois mois, il y aura bien cette plaque de métal (et peut-être quelques ajustements à l’architecture de la plateforme de lancement).