Je vous parlerai cette semaine des conditions nécessaires pour qu’animés par l’objectif de trouver de « nouvelles-Terres », nous puissions nous intéresser à nos proches voisines de type solaire.
Une fois exclues de nos cibles prioritaires les étoiles géantes, les étoiles blanches de la Séquence-principale et les naines-rouges, il nous reste en effet à considérer les naines-jaunes (0,8 à 1,2 masses solaires « MS ») et les naines-orangées (0,5 à 0,8 MS).
Mais avant de vous présenter en détails la semaine prochaine les systèmes planétaires dont nous disposons dans la réalité, je voudrais évoquer, toujours en restant dans le cadre des étoiles de type solaire, le cas des étoiles doubles ou triples puis le cas des jupiters-chauds et enfin celui des super-terres qui sont probablement également des causes d’exclusion de notre liste de systèmes planétaires abritant de potentielles nouvelles-Terres ou de nouvelles-Terres elles-mêmes.
A noter tout de suite que, dans l’observation, nous avons malheureusement un biais en défaveur des planètes telluriques de type terrestre orbitant ces étoiles de type solaire car elles sont très petites relativement à leur étoile et que leur influence sur cette étoile est très peu visible et extrêmement fugace, contrairement aux grosses planètes ou aux planètes de type terrestre appartenant à un système stellaire de naine-rouge, peu massive. Il faut dire que vu d’un observateur hors de notre système, la Terre atténuerait la lumière solaire de 100 ppm (100 parties par million) pendant seulement 12h00 sur 365 jours. Ceci fait référence à la méthode des transits (atténuation de la luminosité de l’astre par le passage d’une planète entre nous), mais on comprend bien que le même raisonnement peut s’appliquer pour celle des vitesses radiales. En fait, à ce jour, nous n’avons observé aucune planète de ce type même si on peut extrapoler de l’observation d’étoiles plus proches de leur étoile, qu’elles existent bel et bien (probabilité de 5% sur un grand nombre).
Les étoiles doubles
Les étoiles-doubles, comme toute étoile, sont certainement entourées de disques de gaz et de poussière qui éventuellement s’organisent pour partie en planète(s) puisque, lors de l’accrétion, toute la matière du disque protoplanétaire dont elles sont issues ne s’est sûrement pas agglomérée exclusivement au sein de chacune d’elles avant son « allumage ». Se pose donc le problème de cette matière située entre-deux. Elle va dépendre de l’un ou l’autre astre, ou bien passer de l’un à l’autre en fonction de leur rapprochement périodique.
A moins de 200.000 UA (pour une étoile de type solaire), la distance entre les deux ne peut permettre l’évolution de nuages de Oort indépendants (100.000 pour chaque étoile) et à moins d’une centaine d’UA, celle de Ceintures de Kuiper indépendantes (50 pour chaque étoile). Une partie de la matière, celle qui est la plus proche de l’un ou l’autre (« système interne »), va pourvoir s’agglomérer en planète(s) mais sans doute pas la matière plus lointaine tiraillée et cisaillée entre les deux forces gravitationnelles. Il est intéressant de réfléchir non seulement à cette limitation mais aussi aux conséquences de l’instabilité de cette matière plus lointaine, pour les planètes proches de chacune des étoiles, notamment de celle(s) qui se trouvent dans la zone d’habitabilité.
Il est fort probable que cette matière « entre-deux », distante, soit chassée assez rapidement vers les régions les plus basses de chacun des deux systèmes stellaires et s’agglomère aux planètes « internes ». Ceci implique une histoire planétologique beaucoup plus violente que celle que nous avons connue pendant les premières centaines de millions d’années de notre propre histoire. Et plus les étoiles auront un périastre proche, plus le nombre de planètes possibles entre elles sera limité, plus la masse de ces planètes sera importante. Dans ces conditions les nouvelles-Terres sont plus qu’improbables et seuls les jupiters-chauds ou super-terres sont possibles.
Certains ont imaginé des planètes qui formées aux confins des deux systèmes imbriqués auraient une orbite complexe suivant laquelle elles passeraient de l’influence gravitationnelle d’une étoile à celle de l’autre. Pourquoi pas ? Mais le règlage très fin semble improbable et la possibilité que la planète soit une nouvelle-Terre évoluant à l’intérieur de deux zones habitables, encore plus improbable.
Jupiters-chauds
Les jupiters-chauds sont des astres qui ont été fréquemment observés parmi les exoplanètes. Ils semblent résulter d’un processus de migration naturel. La lente descente en dessous de la ligne de glace, par succession d’accrétions, de l’astre le plus gros du système, en fonction de la masse plus importante existant à cette distance et en fonction de la formation d’une planète à cet endroit avant les autres (vers l’étoile). Cette lente descente conduit naturellement à une énorme planète d’apparence gazeuse à la distance de Mercure de son étoile (ou un peu plus bas, là où la descente s’arrête faute de matière à accréter). Cela implique la concentration dans cette énorme boule, de presque toute la matière protoplanétaire sise entre la région d’origine de la planète et la proximité de l’étoile (à proche distance de l’étoile, il n’y a plus de matière à accréter car elle a été chassée par le fort rayonnement de l’étoile en formation). Elle conserve une enveloppe épaisse de « volatiles » en dépit de sa proximité à l’étoile, en raison de la très forte attraction gravitationnelle que sa masse importante génère. Un tel processus pourrait être accentué par la localisation de la matière dans la sphère d’influence gravitationnelle de deux étoiles comme décrit ci-dessus.
Le système solaire est probablement un cas très particulier, théorisé par Alessandro Morbidelli de l’Observatoire de Nice-Haute Provence pour notre Jupiter. Celle-ci a amorcé cette même descente mais a été rattrapé par Saturne pour former avec elle un couple gravitationnel qui a provoqué leur retour commun vers l’extérieur du système après que Jupiter soit parvenu jusque dans la région de la future Mars. Mais ce rebroussement a toutes les chances de ne pas se reproduire fréquemment (il a fallu dans « notre » cas que la masse respective de Saturne et Jupiter et leur distance soient juste ce qu’il fallait et que l’entrée en résonnance 2 pour 3 du parcours de leurs orbites se fasse au bon moment).
Les super-terres
Les super-terres sont des planètes dont la masse se situe entre 5 et 10 masses terrestres (MT); certains la font descendre jusqu’à 2 MT. Plus la planète est massive, plus la chaleur interne qu’elle génère réduit la possibilité de formation d’une croûte épaisse et durable. Et même si cette croûte est d’une épaisseur suffisante et si elles ont de l’eau, l’homme aurait beaucoup de mal à y vivre en raison d’une gravité trop forte. En effet, rapidement, la pression artérielle ne pourrait permettre une bonne irrigation du cerveau et le simple portage de son propre corps indépendamment de celui d’un scaphandre et d’un équipement de survie pourrait imposer à tout moment l’usage d’un exosquelette. Enfin le retour sur Terre serait quasiment impossible compte tenu de la vitesse de libération de la force attractive de l’une ou l’autre planète. Pour les exoplanètes habitables il vaut mieux pour l’homme, une Mars qu’une superterre.
On peut estimer, jusqu’à preuve du contraire, que ces trois configurations (étoile-double, jupiter-chaud, superterre) sont peu favorables à la présence de planètes de type nouvelles-Terres, même si ces planètes se trouve en « zone-habitable » et même si l’étoile est de type solaire. Un bémol tout de même, comme nous l’a bien fait remarquer David Cameron, l’auteur du film Avatar, les Polyphèmes peuvent avoir des Pandoras, c’est-à-dire que toute planète massive peut avoir des satellites de masse comparable à celle de notre Terre ou de Mars, qui eux pourraient bénéficier de leur localisation en zone habitable.
Nous verrons la semaine prochaine si, malgré ces exclusions, il pourrait rester parmi nos peu nombreux systèmes voisins de type solaire, quelques-uns qui pourraient être le « nid » de représentants de cette espèce rare.
illustration de titre: super-Terre (“TOI 1338 b”) orbitant une étoile double. Le système se trouve à 1300 années lumière de la Terre (constellation Pictor). TOI 1338 b a une masse de 6,9 Mt et les étoiles 1,1 et 0,3 Ms. Le transit est de 93 à 95 jours (ce qui implique une proximité en-deçà de la zone habitable pour l’étoile la plus massive). Il est peu probable qu’une nouvelle-Terre puisse évoluer dans un tel système. En tout cas, magnifique photo du satellite TESS, datée de janvier 2020, Crédit NASA/Goddard Space Flight Center.
Liens:
Prevalence of Earth size planets orbiting Sun-like stars: Erik Petigura et al. in PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA), 2013:
https://www.pnas.org/content/pnas/110/48/19273.full.pdf
https://www.pnas.org/content/pnas/suppl/2013/11/01/1319909110.DCSupplemental/sapp.pdf
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