Nous avons vu les semaines précédentes que dans notre environnement immédiat (moins de 12 AL puis moins de 5 AL) il y a très peu de possibilités de trouver de vraies « nouvelles-Terres » où nous pourrions éventuellement nous rendre et séjourner. Une autre approche, la recherche des étoiles de type solaire les plus proches, nous entraîne plus loin, jusqu’à 200 AL parce qu’à part Alpha-Centauri-A qui présente le gros problème d’avoir une étoile compagne, il n’y en a pas à moins de 12 AL (et qu’il en faut quand même quelques unes pour en discuter). A ces distances, dans l’état actuel de la Science, il n’est pas question de voyage physique, par vols robotiques pas plus que par vols habités. Il ne peut être question que d’observation par télescopes ou capteurs divers. Mais ce sont ces étoiles solaires les plus proches qui sont les plus intéressantes, simplement parce que ce sont les plus semblables à notre propre système et les moins difficiles à observer. Nous ne recherchons plus de Terre(s) sur lesquelles éventuellement nous établir mais de Terre(s) ou d’autres vies auraient pu apparaître et évoluer. N’allons pas plus loin que 200 AL pour avoir quelques chances de « voir quelque chose » qui ressemble à une planète de type terrestre dans l’environnement de ces astres une fois qu’on les aura sélectionnés.
Les étoiles sont classées (« classification de Harvard », 1912) selon leur température (ou plutôt leur type spectral associé à une température), O, B, A, F, G, K, M. Un chiffre arabe allant de 0 à 9 est ajouté pour préciser cette température dans chaque catégorie et enfin un chiffre romain allant de I à V (classification MKK de Yerkes), pour préciser la taille (à partir de la gravité de surface). Le Soleil est une étoile « G2V » (température de surface 5.778 K). La classification est évidemment évolutive en fonction des progrès de l’observation. Aujourd’hui on a ajouté les « LBV » (variables lumineuses bleues) et les « W » (Wolf-Rayet) avant les « O » et, de l’autre côté (après les naines-rouges « M »), « L », « T », « Y » pour les naines-brunes de plus en plus froides.
Le critère choisi dans cet article est celui des étoiles « GV » c’est-à-dire les étoiles proprement solaires. Bien entendu, j’écarte toujours les étoiles multiples (doubles ou triples) pour les raisons déjà exposées ainsi que les étoiles de métallicité (complexification des éléments chimiques) trop basse ou celles de métallicité trop élevée qui risquent chimiquement de ne pas permettre le processus de la vie et, pour commencer, la présence de suffisamment de poussière dans le disque protoplanétaire pour que des planètes aient pu s’y former. Un autre critère important est celui de l’activité chromosphérique car cette activité va évoluer tout au long de la vie de l’étoile et elle donnera donc une indication sur son âge (et sur le stade possible du développement de la vie, si bien sûr elle a pu commencer).
J’attire aussi l’attention du lecteur sur la synchronicité des évolutions. Notre civilisation « faber » (par référence à « homo faber ») et communicante est toute récente. Aucune émission radio n’est partie de la Terre avant Marconi en 1886 et la première émission radio régulière date du 28 mars 1914. C’est-à-dire que dans notre environnement spatial, aucune étoile située à plus de 135 AL ne peut savoir qu’une civilisation faber et communicante s’est développée sur Terre, tout simplement parce qu’elle n’a pas pu encore recevoir d’émission radio d’apparence artificielle. Par ailleurs, une planète de type terrestre dans la zone habitable d’une étoile de type solaire pourrait avoir dépassé le stade où elle pourrait émettre quoi que ce soit parce que la vie a disparu de sa surface. En l’absence de signal, on ne peut évidemment savoir non seulement si la vie va se développer si les conditions favorables sont remplies, mais encore si cette vie a déjà commencé sa phase communicante mais que la communication n’a pas eu le temps de parvenir jusqu’à nous, ni non plus si cette phase communicante ne s’est pas déjà terminée.
Certains signes observables par des moyens astrophysiques dans l’atmosphère d’une planète (présence d’oxygène libre par exemple), peuvent témoigner d’un processus semblable à celui qui chez nous à conduit à la vie intelligente mais la vie dont cet oxygène témoignerait peut très bien n’être que celle de l’équivalent de nos cyanobactéries, ou plus exceptionnellement de l’équivalent de nos méduses, ou plus exceptionnellement de nos dinosaures, ou plus exceptionnellement de nos chiens ou singes.
Quoi qu’il en soit, il n’y a, à ce jour, aucun signe qu’une éventuelle autre vie ait abouti ailleurs que sur Terre au stade de faber et communicante. C’est donc dans cet état d’esprit intéressé mais prudent que je vais vous parler de la géographie des possibles.
On a aujourd’hui trois listes d’étoiles candidates. Dans l’ordre croissant de ressemblance au Soleil, on parle d’« étoiles de type solaire », d’« étoiles analogues au Soleil » ou d’« étoiles jumelles du Soleil ». Ce sont évidemment ces dernières qui m’intéressent de prime abord. Elles peuvent être nées dans le même « cluster » que le Soleil ou non ; ce sont les similarités ou les différences avec le Soleil qui comptent.
Pour déterminer les « jumelles », les critères suivants sont retenus : (1) températures, avec une marge de 50 K de fluctuation par rapport à celle du Soleil ; (2) métallicité allant de 89 à 112% de celle du Soleil ; (3) absence d’étoile compagne ; (4) âge proche de celui du Soleil à un milliard d’années près.
A “proximité”, très peu d’étoiles satisfont à toutes ces contraintes: dans un rayon de 200 AL, HD143436, qui se trouve à 141 AL, et, beaucoup plus loin, YPB 1194, qui se trouve à 2.772 AL. Mais quatorze autres en sont assez proches (différences un peu plus grandes en métallicité et/ou en âge). La plus proche est 18 Scorpii qui se trouve à 45,1 AL. C’est une « G2V » d’une température de 5.433K et d’une métallicité de 0,03% inférieure à celle du Soleil. Son seul « problème », si l’on peut dire, est qu’elle est beaucoup plus jeune, seulement 2,9 milliards d’années contre 4,6 pour le Soleil. Nous avons 10 autres étoiles dans une sphère de ce même rayon (donc douze avec 18 Scorpii et HD143436).
Bien entendu nous ne savons toujours pas si l’une de ces étoiles contrôle une planète de la masse de la Terre dans sa zone habitable ou si l’existence de jupiter-chaud ou de superterre l’ont exclue.
Pour reprendre l’argument des 135 ans d’émissions radio parties de la Terre depuis Marconi, seulement 8 des jumelles solaires ont pu recevoir la première émission et une seule, 18 Scorpii, a eu le temps de réagir (45 ans) pour que nous puissions avoir reçu sa réponse (la jumelle suivante la plus proche est à 88 AL). A supposer bien sûr que les hypothétiques habitants de ce système aient disposé de l’équivalent de notre programme SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence) il y a 45 ans et qu’ils aient pu capter l’émission de Marconi.
Les conclusions qu’on peut en tirer c’est que cet éloignement et cette rareté sont de bonnes raisons pour que nous n’ayons pas encore reçu de signaux extraterrestres. Comme dit plus haut, absence de signaux ne veut pas dire absence de vie, ni même de vie intelligente et communicante. Simplement cet état de fait met en évidence la faible probabilité de nouvelle-Terre et la très grande difficulté de capter des signaux qui en proviendraient. Continuons à observer bien entendu mais arrêtons de dire à chaque fois que l’on repère une exoplanète (plus de 4000 aujourd’hui) que l’on a « peut-être » trouvé une « nouvelle-Terre ». Jusqu’à présent cela est faut. La répétition est devenue très agaçante (de mon point de vue) et elle est totalement contre-productive sur le plan de la communication.
Illustration de titre : la Terre et le Soleil. Image et crédit NASA
PS :
J’ai peut-être été un peu trop prudent en limitant mon intérêt aux étoiles strictement « jumelles » du Soleil. On peut concevoir de l’étendre aux étoiles « analogues » ou même aux étoiles de « type » solaire, ce qui augmenterait la population d’une trentaine d’étoiles. La motivation du choix étroit est de se donner plus de chances de trouver une planète « vivable » dans l’environnement de l’étoile, étant données les contraintes très fortes à l’intérieur desquelles une évolution à partir de la matière inerte vers la vie semble possible. Mais on peut combiner ce premier choix avec une étude systématique des étoiles les plus proches de type F,G,K, centrée sur les « G », en éliminant quand même les étoiles de vie courte, de catégories « A » et au-dessus, ou les naines-rouges « M » et au-dessous pour les raisons évidentes déjà mentionnées.
De toute façon les « chasseurs d’exoplanètes » ne sont pas sectaires et l’astronomie ne se limite pas à la recherche de nouvelles-Terres mais vise à accroître l’étendue de notre Connaissance afin d’atteindre une meilleure compréhension de notre Univers !