Test du 20 avril du Starship. Discussion des résultats, de leurs causes et de leurs conséquences

Le test du 20 avril du Starship (vol S24/B7) apporte beaucoup de données qui sont capitales pour poursuivre le projet. De ce fait, il n’est certainement pas négatif comme beaucoup d’observateurs mal informés et mal disposés envers SpaceX ont tenu à le dire mais malheureusement on est probablement encore loin d’un vol sans histoire.

Comme chacun devrait le savoir mais souvent refuse de le considérer, l’objet du vol S24/B7 du 20 avril était non pas de mettre quoi que ce soit en orbite mais de réunir autant de données que possible sur le décollage et le comportement en vol de l’ensemble intégré du Starship, cette fusée révolutionnaire qui doit nous emmener sur Mars et, auparavant, sur la Lune dans le cadre de la phase 3 du programme Artemis. Cependant, compte tenu de l’importance des modifications, ajustements, améliorations qu’il semble (en attendant les analyses approfondies) nécessaire d’apporter maintenant à l’ensemble du dispositif, il semble difficile que l’on puisse utiliser rapidement ce système de transport XXL.

Pour ce qui est du décollage, il est maintenant très clair que le pas de tir n’était pas adapté. Certes la table de lancement était suffisamment haute (25 mètres) comme on le verra ci-dessous, et un dispositif était prévu pour éviter que les gaz ultra-chauds ne refluent, puisqu’un anneau de jet (« sprinklers ») à gaz comprimé devant avoir cet effet, encerclait le trou au-dessus duquel était posé le lanceur. Mais l’ensemble ne comprenait pas de « carneau » (« flame trench ») comme en sont équipés toutes les autres plateformes de lancement dans tous les autres astroports du monde. Pour ceux qui l’ignorent, un carneau est une grande tranchée très profonde située en dessous du lanceur. Au fond, un déflecteur en béton permet d’orienter les gaz d’échappements vers une large ouverture (comme une gueule ouverte) pour les évacuer immédiatement après le déclenchement de l’ignition et avant le décollage, et empêcher, ce qui est arrivé dans le cas du test S24/B7, le creusement d’un cratère et les projections qui en résultent. A Baïkonour le carneau du premier pas de tir a une profondeur de 42 mètres. Au Cap Kennedy, celui qui a été spécialement construit pour le SLS ne fait que 13 mètres de profondeur mais il est très large. Celui du second pas de tir de Baïkonour fait 20 mètres. A Kourou, celui du Centre Spatial Guyanais fait 26 mètres. On voit donc que les profondeurs sont variables, avec bien sûr une adaptation des largeurs puisqu’ils doivent prendre en compte le volume de gaz éjecté par seconde. Peut-être les ingénieurs de SpaceX ont-ils considéré que la table de lancement étant aussi haute que les carneaux sont profonds et que portée par cinq piliers, elle laisserait suffisamment de volume libre pour que les gaz ultra-chauds animés d’une très grande vitesse, dégagent. Ils ont visiblement sous-estimé la puissance de l’éjection de ces gaz mais, plus vraisemblablement, l’erreur a été l’impasse au niveau du déflecteur et une mauvaise évaluation de la résistance des piliers de la table.

Si l’on considère d’abord le déflecteur, peut-être faut-il envisager que les gaz ne puissent être évacués que d’un seul côté, comme dans un carneau, et non pas de tous les côtés et entre les cinq pieds de la table ce qui rend peut-être la canalisation du flux plus difficile par la création de tourbillons. Il y a toute une étude de mécanique des fluides à effectuer et il est étonnant qu’elle n’ait pas été faite.

Il était prévu, sur le sol en-dessous du trou de la table, une plaque d’acier épaisse. Malheureusement cette plaque n’a pu être livrée à temps et les ingénieurs de SpaceX ont estimé qu’elle n’était pas indispensable ! C’est dommage de ne pas l’avoir attendue car, refroidie constamment par de l’eau circulant à grande vitesse au-dessus (« déluge ») et à l’intérieur (tuyaux) pour éviter qu’elle ne fonde, elle aurait sans doute pu éviter la création d’un cratère par les jets ultra-chauds des moteurs lors de l’allumage et les projections de matière qui ont détruit les trois premiers moteurs défaillants et endommagé les pieds de la table (dont l’ancrage au sol a peut-être aussi été affaibli par le cratère). On ne sait pas si même avec cette plaque, les piliers auraient résisté. Peut-être convient-il de les renforcer aussi avec un blindage d’acier également refroidi par une circulation d’eau ?

Il y a donc à ce niveau, beaucoup de réflexion, d’études et d’aménagements à faire avant le deuxième lancement.

Pour ce qui est de la défaillance en vol, on a pu constater que l’ensemble intégré a été propulsé dès le début avec une puissance limitée puisque trois moteurs sur trente-trois au décollage puis trois autres après (dont un qui a explosé…mais sans détruire les autres) ont fait défaut. La défaillance initiale est sans doute due à une détérioration par impact au décollage et elle n’était pas dramatique, le rapport 30/33 restant acceptable. Mais on ne sait pas ce qui s’est passé pour les trois autres. Le plus ennuyeux serait que leur défaillance soit due à l’environnement de l’ensemble de propulsion car cela remettrait en cause la structure même du lanceur qui effrayait beaucoup de spécialistes par le grand nombre contigus de moteurs (le Falcon Heavy qui en a 27, les regroupe en trois corps distincts de 9). Cependant, même avec 30 moteurs le Starship pouvait (et a pu) décoller et avec 27 seulement la force de propulsion a été suffisante pour lui permettre de continuer l’ascension et même atteindre puis dépasser Mach 1 (vitesse provoquant un effet acoustique très dangereux pour la structure du lanceur par les contraintes mécaniques qu’il génère du fait de sa très grande puissance*) puis le seuil de Max-Q (point de pression dynamique maximum également difficile à supporter pour toute fusée) qui sont les points les plus critiques de la trajectoire d’un lanceur (c’est pour cela que l’on parle d’une réussite à 50%). L’échec de la mise sur orbite est donc à rechercher ailleurs.

*exprimée en Watts, elle atteint plusieurs gigawatts.

Regardons les faits. Dès T+25’’ après le décollage (« T ») une explosion est survenue dans le bas du lanceur, arrachant une partie du revêtement extérieur. On n’en connaît ni la cause ni les conséquences. Ensuite le vaisseau a progressé en restant stable pendant un peu plus de deux minutes. A T+02’40’’, l’ensemble intégré avait engagé son inclinaison pour la mise en orbite. Cette inclinaison prématurée s’est poursuivie en boucle ce qui était normal pour déclencher la libération du vaisseau. Mais il ne s’est pas séparé alors du lanceur et l’ensemble s’est engagé dans trois loopings successifs avant que SpaceX, par sécurité, déclenche l’explosion depuis le sol. Juste avant l’explosion le Starship-vaisseau s’est peut-être détaché mais on ne sait pas si la séparation s’est faite « normalement » ou sous l’effet d’une tension mécanique trop forte. A ce stade, il est important d’insister sur le fait que l’explosion n’est pas involontaire, un « accident », mais résulte d’une décision de Space X qui a actionné depuis Starbase son système FTS (Flight Termination System) pour éviter que le Starship aille causer des dégâts hors de la zone de surveillance (il était encore propulsé).

On en déduit que (1) avec 27 moteurs, le vaisseau n’avait pas une poussée suffisante (déficit de 20%), d’autant que les ergols non brulés par les six moteurs restaient dans la masse à propulser et ils ont pu par leur surcharge (estimée de 900 à 1000 tonnes) créer un déséquilibre général. Par ailleurs (2) le système de « Guidance & Control » embarqué a été défaillant puisqu’il n’a pu constater que le Starship avait quitté sa trajectoire d’ascension programmée et qu’il était entré dans cette succession de loopings (ou bien qu’il l’a constaté mais n’a pu réagir).

Le problème est de savoir si le décollage à moitié réussi/raté a pu causer les dommages qui se sont révélés ultérieurement dans le comportement du lanceur ou s’il y a eu défaillance des trois moteurs qui se sont arrêtés après le décollage pour une autre raison. Nous le saurons certainement bientôt. L’ennui est que cela met en péril l’exécution de l’agenda du programme Artemis puisque le Starship HLS (Human Landing System) est censé relayer le SLS à partir de l’orbite lunaire NRHO (Near Rectilinear Lunar Orbit) pour descendre sur la Lune en 2025 en passant par une orbite basse circulaire. Agenda d’autant plus contrarié que le vol habité doit être évidemment précédé d’un test à vide sur cette orbite basse lunaire.

Pour le moment l’heure est à (1) étudier les données recueillies sur le décollage et le vol ; (2) décider des aménagements à apporter à la plateforme de décollage et éventuellement au lanceur SuperHeavy ; (3) effectuer ces aménagements et bien sûr à réparer les dégâts causés au sol.

Le premier communiqué de SpaceX, daté du 20 avril, tel que rapporté par Jim Hillhouse d’AmericaSpace, était tout à fait positif (voir ci-dessous). La NASA de son côté a félicité SpaceX rappelant que « toute grande réussite dans l’histoire a demandé un certain niveau de risques calculés ». Par ailleurs, Elon Musk parle d’un nouveau test dans deux ou trois mois. Il est sans doute un peu optimiste, comme d’habitude. Reste surtout à savoir comment la FAA appréciera. Compte tenu des difficultés qu’il a fallu surmonter pour obtenir son accord, le manque d’anticipation des risques environnementaux qui pouvaient se produire au décollage, et se sont effectivement produits, ne fait malheureusement pas montre de la part d’Elon Musk d’une psychologie très adaptée à la situation. On peut tout à la fois avoir confiance dans la faisabilité du Starship et le déplorer.

Illustration de titre : vol S24/B7 après décollage (crédit SpaceX via Twitter).

Première déclaration de SpaceX après le vol, d’après Jim Hillhouse:

Starship gave us quite a show during today’s first flight test of a fully integrated Starship and SuperHeavy from Starbase in Texas.

At 8:33 CT, Starship successfully lifted off from the orbital launch pad for the first time. The vehicle cleared the pad and beach as Starship climbed to an apogee of 39 km over the Gulf of Mexico, the highest of any Starship to-date. The vehicle experienced multiple engines out during the flight test, lost altitude and began to tumble. The flight termination system was commanded on both the booster and ship. As is standard procedure, the pad and surrounding area was cleared well in advance of the test and we expect the road and beach near the pad to remain closed until tomorrow.

With a test like this, success comes from what we learn, and we learned a tremendous amount about the vehicle and ground systems today that will help us improve on future flights of Starship. Thank you to our customers, Cameron County, and the wider community for the continued support and encouragement. And congratulations to the entire Space team on an exciting first flight test of Starship!”

Liens:

https://www.presse-citron.net/cratere-scene-de-chaos-7-images-effrayantes-des-degats-de-starship/

https://www.kosmonavtika.com/lanceurs/soyouz/sol/carneau/carneau.html

https://www.france24.com/en/live-news/20230424-giant-spacex-rocket-leaves-crater-serious-damage-at-texas-base

https://www.americaspace.com/2023/04/21/starship-orbital-test-flight-raises-serious-questions/#:~:text=Yesterday%2C%20April%2020%20at%208,terminated%204%20minutes%20after%20launch

https://www.nasa.gov/feature/launch-pad-39b-flame-trench-nears-completion

https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/vols-habites-starship-decryptage-premier-vol-expert-acquis-positifs-il-explose-104878/

https://trustmyscience.com/spacex-starship-lancement-explosion-prevue/

Pour SpaceX le lancement du Starship du 20 avril est un demi-succès

Les spectateurs retenaient leur souffle et quand, au décompte T+0, la fusée s’est élancée, on y a cru. L’espoir a duré 02:40 minutes car, juste avant la séparation du lanceur SuperHeavy d’avec le vaisseau spatial Starship qui devait intervenir à T+3 m, on a vu que quelques chose n’allait pas. L’ensemble a commencé à faseiller, puis, déstabilisé, il a perdu sa direction, a perdu de l’altitude et a explosé. On était à T+4 m.

Voir en fin d’article, une mise à jour du 22 avril.

C’est évidemment une déception mais Elon Musk nous avait prévenu, il n’y avait que 50% de chances que le lancement réussisse. Par ailleurs SpaceX avait également déclaré que le but était de recueillir autant de données qu’il était possible avec ce premier lancement d’un Starship pleinement intégré (vaisseau ET lanceur).

Il est vrai que le lanceur SuperHeavy n’avait jamais volé. Une seule mise à feu statique avait pu être accomplie avec succès (31 moteurs sur 33) le 11 février de cette année. On peut dire que non seulement la seconde mise à feu (celle de ce jour) a été satisfaisante pour l’allumage mais qu’elle a bien réussi à conduire le vaisseau presqu’à l’altitude de la séparation (34 km d’altitude, 1950 km/h). A ce moment 28 moteurs Raptors sur 33 fonctionnaient, ce qui n’est pas mal du tout. D’autant qu’on peut constater que les 5 qui n’ont pas fonctionné n’ont ni explosé ni empêché de les autres de fonctionner (2 seulement étaient contigus).

C’est donc quand même un succès d’autant que ce test correspond à la manière de progresser d’Elon Musk, ne pas attendre que tout soit théoriquement parfait mais tenter tout ce qu’il est possible de faire dès qu’il est possible de le faire afin d’apprendre de son échec et corriger les défauts ou les faiblesses si l’on constate que l’on s’est engagé dans une mauvaise voie. C’est exactement ce qu’il a fait avec le vaisseau Starship seul puisque ce n’est qu’avec le SN 15 (Serial Number 15) que le vol a été concluant (il n’a pas explosé en revenant se poser au sol).

Il ne faut donc pas désespérer du vol S24/B7 (S pour le vaisseau, B pour le lanceur, « booster »). D’autant qu’une autre grosse étape a été passée avec succès, l’autorisation de voler donnée par la FAA (Federal Aviation Administration). Les complications administratives générées par cette administration ont été en effet à l’origine de plusieurs mois d’attente et de 75 mesures préventives à satisfaire avant la mise à feu. Les 75 mesures sont un catalogue de contraintes écologiques plus ou moins justifiées (mais certainement si l’on se place au niveau d’un écologisme ambiant absolument délirant). On peut en déduire que puisque le vol S24/B27 s’est terminé sans dommage pour l’environnement, la FAA ne va pas durcir sa position et que le prochain test orbital aura lieu plus rapidement. On a pu en effet constater par le passé qu’Elon Musk a réagi très vite. Je ne serais pas étonné que dès ce soir, réunis à Starbase (Boca Chica, Texas) on analyse les données et on commence à en discuter. Elon Musk dort très peu et les personnes qui travaillent avec lui n’ont pas beaucoup le choix de faire autrement, d’ailleurs ils s’intéressent à ce qu’ils font et sont bien payés pour cela.

On peut douter qu’un jour les vols de Starship deviennent une routine. On aurait tort. Souvenez-vous des premiers vols d’aéroplane, des premiers km des trains et des balbutiements de l’automobile. Rien n’était certain et on considérait les pratiquants comme de dangereux baroudeurs. Certes l’explosion d’une fusée est plus spectaculaire que l’éclatement au sol de la carcasse d’un avion ou le déraillement d’un train de la belle époque. Cela s’explique aisément par l’énergie déchainée pour faire voler une fusée, qui plus est une fusée de la masse d’un Starship (4500 tonnes avec un poussée qui doit être de quelques 5500 tonnes et 1200 tonnes d’ergols). Il faut penser qu’avec beaucoup d’essais, d’échecs donc de progrès, l’époque des pionniers paraitra bientôt comme une époque fantastique, dangereuse, mais révolue, un peu comme le vol de Gagarine quand on le considère aujourd’hui.

Sur le fond j’ai réentendu de la bouche de la présentatrice de SpaceX que le but du Starship était plus que jamais de faire de l’humanité une espèce multiplanétaire. Quoi qu’on puisse dire par ailleurs, c’est cela l’objet du Starship. Elon veut aller sur Mars pour y établir une présence humaine durable, ce qu’on appelait avant le wokisme, une « colonie ». Les autres vols seront faits pour rendre accessible le coût du voyage vers Mars. C’est pour cela qu’il y aura Starlink (hélas ! pour la pollution que cela va occasionner) et les vols sur la Lune dans le cadre du programme Artemis. Seul un vaisseau offrant un volume viabilisable et utilisable capable de transporter des dizaines de passagers ou 100 tonnes d’équipements sur Mars, permettra la réalisation de ce rêve et aussi de revenir sur Terre si l’on en a envie. Et pour sûr la plupart des passagers voudront revenir sur Terre, surtout au début de l’Aventure.

Nous venons de faire un premier pas. On to Mars !

Illustration de titre: capture d’écran émission SpaceX dédiée. Nous sommes encore à “0km” mais le décollage a eu lieu. Ce sont les premiers mètres qui sont les plus durs car c’est à ce moment que le vaisseau est le plus lourd et que, par définition, il n’a aucune vitesse acquise.

PS: mise à jour du 22 avril

On dit de plus en plus que le non fonctionnement de quelques moteurs s’expliquent par la destruction de la table de lancement lors de l’impulsion de départ. Des blocs de béton et de métal aurait été projetés dans toutes les directions et certains auraient heurté des moteurs les rendant inutilisables. Ensuite le lanceur SuperHeavy a manqué de puissance pour monter jusqu’à l’altitude prévue pour la séparation d’avec le Starship-vaisseau.

Elon Musk ajoute qu’une plaque en acier très épaisse était prévue pour recevoir la flamme au fond de la table de lancement mais que cette plaque n’avait pu être livrée à temps. Il a quand même voulu faire le test le 20 avril car il y avait d’autres observations à faire dans le comportement de la fusée. Lors du prochain lancement, dans deux ou trois mois, il y aura bien cette plaque de métal (et peut-être quelques ajustements à l’architecture de la plateforme de lancement).

JUICE, mission majeure de l’ESA vers les lunes de Jupiter, a été lancée ce 14 Avril

Ça y est, elle est partie ! La mission JUICE de l’ESA a quitté la Terre ce vendredi 14 avril de la base de Kourou en Guyane pour le monde de Jupiter (le nom derrière l’acronyme est « JUpiter ICy moons Explorer »)*.C’est, pour l’Europe, l’événement astronautique de l’année. L’objet de la mission est de chercher à savoir jusqu’à quel niveau de complexification vers la vie ont pu mener les « astres-océan » que sont Europa, Ganymède et Callisto**, les plus grosses lunes de la « géante gazeuse » qu’est Jupiter. La mission sur place durera quatre ans, le vaisseau passant de l’orbite de l’une à l’orbite de l’autre. Mais il lui faudra malheureusement cheminer huit années pour parvenir dans l’environnement jovien qui n’évolue pourtant que de 590 à 966 millions de km de la Terre (Mars, de 56 à 400 millions).

*Voir les détails du déroulé du lancement en fin d’article.

**vous remarquerez que Io n’est pas dans les objectifs de JUICE. Il n’y a pas d’océan sous la croûte d’Io, trop proche de Jupiter, et son environnement radiatif, résultant de cette proximité, est trop perturbateur pour être supporté sans dommage trop longtemps. Cette même situation requerrait également trop d’énergie pour s’en éloigner après s’y être satellisée.

C’est en 2004 que tout a commencé, quand l’ESA a entrepris de consulter la communauté scientifique des pays membres pour choisir l’orientation de son futur programme « Cosmic Vision 2015-2025 » (sur des thèmes extrêmement vagues ou complétement ouverts selon le point de vue). L’ESA a ensuite, en 2007, lancé un « appel à missions » pour déterminer quelle devrait être la mission majeure (de classe « L ») de ce programme. En 2012, trois propositions ont été retenues pour étude plus approfondie (phase de « définition ») : JUICE, NGO et ATHENA. Finalement JUICE a été choisie et les deux autres ont été reportées. ATHENA (Advanced Telescope for High Energy Astrophysics) qui doit étudier avec un capteur à rayon X l’accumulation de la matière dans les galaxies ainsi que la formation et l’évolution des trous noirs, pourrait faire l’objet d’une seconde mission « L » mais, telle que prévue, elle coûte trop cher et elle a été remise à l’étude en 2022. NGO (New Gravitational wave Observatory), dédiée à l’étude des ondes gravitationnelles (adaptation de LISA) reste « en suspens ». Tout ça pour dire que la progression des projets se fait très lentement au milieu de beaucoup de concurrence, de beaucoup de bavardages et de beaucoup de précautions, notamment financières, au-delà même du raisonnable (je ne dis pas qu’une bonne définition est évidemment indispensable). L’explication est sans doute à rechercher dans le nombre des intervenants et le poids des administrations.

Ceci dit l’étude des mondes de Jupiter est passionnante et elle est tout à fait faisable sur le plan astronautique. Sur le plan scientifique les équipements d’observation embarqués nous font espérer une moisson magnifique de connaissances nouvelles.

Sur le plan astronautique, c’est une fusée Ariane 5-ECA d’Arianespace, qui a effectué le lancement d’aujourd’hui. La version « ECA » est la plus puissante de la gamme de ces lanceurs. Elle permet de placer 21 tonnes en orbite basse terrestre et 10,5 tonnes en orbite géostationnaire. Sur trajectoire interplanétaire c’est environ moitié moins. En l’occurrence cela a suffi mais de justesse pour la masse à injecter qui était de 5,2 tonnes (dont 285 kg d’instruments scientifiques). C’est cette version d’Ariane qui a lancé le télescope JWST vers le point de Lagrange L2 le 25 décembre 2021. JUICE était son 84ème et avant-dernier lancement (il aurait été impardonnable de le rater !).

Le problème, comme évoqué en introduction, c’est la durée du voyage (pour ceux qui, comme moi, attendent avec impatience les données). Les missions précédentes ont été nettement plus rapides. Galileo, lancé par la navette-spatiale de la NASA, arriva dans l’environnement de Jupiter en 6 ans ; Cassini, lancé par un Titan-IVB de Martin Marietta y parvint en 3ans (et de Saturne en 6 ans) ; Juno, lancé par un Atlas V 551 de Lockheed Martin y parvint en 3 ans. Huit ans pour JUICE c’est donc vraiment beaucoup. L’explication est que la masse de la sonde ne permettait pas d’aller plus vite. Par ailleurs, on a voulu économiser au maximum les ergols pour le voyage puisqu’on aura besoin une fois arrivé « sur place », d’une quantité supérieure aux précédentes missions pour circuler d’une lune à l’autre (35 survols prévus !).

Pour réduire au maximum cette consommation on a prévu d’y substituer au maximum de l’énergie « naturelle », celle qu’on peut obtenir par assistance gravitationnelle (dans un sens positif d’accélération qu’on appelle l’effet de fronde). C’est une opération délicate car il faut s’approcher de l’astre (tomber vers lui) pour bénéficier de la force de son attraction qui va augmenter la vitesse, suffisamment mais pas trop pour qu’elle corresponde exactement à l’ellipse que l’on souhaite parcourir pour parvenir au mieux à l’astre suivant. Le moment de la libération permettra de réorienter la fusée.

Dans le cas de cette mission, l’assistance gravitationnelle suivra un programme « EVEE ». Cela veut dire que la propulsion chimique sera complétée par les impulsions gravitationnelles successives de la Terre (E), de Vénus (V) puis deux fois de la Terre (EE). La première manœuvre aura lieu en aout 2024 en utilisant le système Terre/Lune.

Quoi qu’il en soit du voyage, les objectifs sont passionnants. Il s’agit d’abord d’étudier les zones habitables de Ganymède (comme « objet planétaire et habitat potentiel »), Europa (en insistant sur les zones les plus récemment actives) et Callisto (comme témoin du système le plus ancien de Jupiter), les trois lunes abritant un océan sous une carapace de glace. Il est notable que le fond de ces océans soit constitué de roches, ce qui doit permettre sous l’effet de l’énergie tellurique, imprégnations, enrichissements, évolutions des molécules organiques qu’ils peuvent contenir. On veut en même temps explorer le système de Jupiter comme archétype des systèmes de planètes géantes gazeuses (leur atmosphère, leur magnétosphère et leur système de satellites et d’anneaux). Ce sera en fait la suite de la mission JUNO de la NASA (2016-2021-2025).

Ganymède va être étudié par de nombreux survols à basse altitude. C’est un satellite particulièrement intéressant du fait non seulement de son océan sous surface mais aussi de sa magnétosphère, le seul satellite du système solaire à en générer une, et de sa taille puisque c’est le plus gros des satellites du système solaire avec un diamètre de 5.268 km (plus que Titan, D = 5.149 km ; mais nettement moins que Mars, D = 6.779 km et beaucoup plus que notre Lune, D = 3.475 km). JUICE devrait terminer sa course en s’écrasant sur Ganymède (l’occasion de transmettre un supplément d’informations). Jusqu’à la fin, l’altitude minimum des survols sera de 500 km (pour référence, L’ISS orbite la Terre à environ 400 km).

Europa, bien connue pour sa surface de glace blanche (mais un peu sale, ce qui précisément nous intéresse) et réfléchissante, va être scrutée dans les régions où les rejets d’eau et de matière souterraines (le « sale » ci-dessus) de nombreuses fissures apparaissent les plus récents et l’on va essayer ainsi de déterminer la composition chimique des matériaux autres que la glace, tout en analysant aussi précisément que possible leurs processus de remontée en surface. L’altitude minimum sera de 400 km.

Callisto (la deuxième en taille avec D = 4820 km) est une lune particulière en ce qu’elle est la plus éloignée de Jupiter et de beaucoup, puisque son orbite est à 1.882.700 km de Jupiter (notre Lune est à 385.000 km de la Terre) alors que la deuxième, Ganymède, évolue à 1.070.000 km. Elle a donc été beaucoup moins transformée par Jupiter que les autres, par force de marée (ou par radiations), comme en témoigne d’ailleurs sa surface extrêmement cratérisée (qui est aussi une indication sur l’épaisseur de la croûte recouvrant son océan interne). Elle peut donner de ce fait des informations sur la période la plus ancienne du système jovien et servir de référence pour comparaison avec Ganymède.  Le survol le plus bas sera effectué à seulement 200 km (à noter que plus un passage est bas, plus la vitesse est grande, autrement la sonde s’écrase) !

Pour exploiter ces différents passages à basse altitude, la sonde sera équipée d’un grand nombre d’équipements, pertinents et à la pointe de ce que l’on sait faire aujourd’hui : Imaging system (JANUS), Visible-IR Imaging spectrometer (MAJIS), UV Spectrograph (UVS), Sub Millimeter Wave Instrument (SWI), JUICE Magnetometer (J-MAG), Radio and Plasma Wave Instrument (RPWI), Particle Environmental Package (PEP), Laser Altimeter (GALA), Ice Penetrating Radar (RIME), Radio Science Experiment (3GM), VLBI Experiment (PRIDE). Je les évoque ci-dessous :

Janus va nous fournir des cartes géologiques détaillées à haute résolution et imagées avec les altitudes (DTM) et donner le contexte des autres données observées. Il opérera dans les longueurs d’ondes du spectre visible et du proche infra-rouge. Il bénéficie du know-how des caméras des missions Bepi-Colombo, Dawn, Rosetta et Mars Express. MAJIS va ajouter une dimension spectrométrique à l’image, avec une précision jamais atteinte (1280 bandes spectrales dans le segment 0,4 µm à 5,7 µm, soit de l’IR moyen à l’IR profond). Mais pour analyser les différentes atmosphères et leurs interactions avec l’espace, JUICE sera aussi équipée d’un spectromètre, UVS, opérant de l’autre côté du visible, dans l’ultraviolet (55 à 210 nm, UV lointain et UV extrême). Dans l’atmosphère de Jupiter, SWI mesurera et dressera la carte des températures et des vents Doppler (verticaux) ; il étudiera les molécules CO, HS, HCN, H2O, présentes dans la stratosphère de cette planète géante. Il caractérisera les atmosphères ténues des lunes galiléennes. Il mesurera également les propriétés thermophysiques et électriques des surfaces et sous-sol de ces mêmes astres et les corrèlera avec leurs propriétés atmosphériques et les traits géographiques. Le magnétomètre J-MAG permettra de mieux comprendre la formation des lunes, de caractériser leurs océans souterrains (profondeur, étendue, conductivité), et permettra d’étudier le comportement d’un astre magnétisé en rotation rapide comme Jupiter, et la façon dont il accélère les particules qu’il émet. Il permettra aussi de caractériser la petite magnétosphère de Ganymède. En surface d’Europa, il pourra détecter et caractériser d’éventuels dégazages. RPWI disposera de sondes de Langmuir qui lui permettront de mesurer la température, la densité électronique et le potentiel du plasma circulant entre Jupiter et ses lunes et en particulier de mesurer comment les océans des satellites et les ionosphères réagissent aux variations très fortes de la magnétosphère de Jupiter. Le PEP permettra la mesure et l’imagerie des densités et des mouvements des particules énergétiques neutres (ENA) et du plasma dans tout le système de Jupiter (NB : les particules peuvent atteindre une énergie se mesurant en plusieurs MeV). GALA est spécifique à Ganymède. Il va mesurer l’effet de marée exercé par Jupiter sur cette dernière et déduira des déformations de la croûte, l’épaisseur de celle-ci et l’importance du volume de l’océan sous-jacent. Le rôle de RIME (Radar for Icy Moon Exploration) s’explique de lui-même. Il concerne au premier chef Europa. Compte tenu de ses caractéristiques visibles et de sa position dans le système de Jupiter (chaleur interne par effet de marée), cette lune est la meilleure candidate pour disposer de l’océan capable de faire évoluer les molécules organiques au plus loin vers la vie. RIME est la continuation des radars MARSIS et SHARAD opérant en orbite autour de Mars. Il aura une pénétration allant jusqu’à 9 km. C’est nettement moins que l’épaisseur de la banquise d’Europa qui peut faire entre 80 et 170 km mais cela donnera une vision en 3D de cette banquise (et ce qu’il conviendrait de faire si l’on veut commencer à la sonder). 3GM étudiera tous les effets que peut avoir la gravité dans le système de Jupiter : effet de la planète sur ses lunes, effets des lunes entre elles. PRIDE étudiera tout ce qui peut être mesuré par effet Doppler à l’intérieur du système de Jupiter et de ce système vers les autres astres du système solaire, par la mesure précise des positions et déplacements du vaisseau spatial sur le cadre de référence ICRF (International Celestial Reference Frame). Enfin les organisateurs de la mission ont insisté sur la coordination et la synergie des différents instruments embarqués (« Synergistic payload capabilities ») ce qui est judicieux pour un ensemble aussi riche.

Cet orchestre absolument magnifique (on peut en effet comparer ces instruments scientifiques embarqués à des instruments de musique joués en harmonie du fait de la coordination et de la synergie ci-dessus mentionnées) doit nous permettre d’avancer considérablement dans la compréhension du système de Jupiter. On se rend bien compte qu’animé par un cœur violent, la redoutable planète-reine elle-même, c’est un milieu très hostile de par son environnement radiatif. Mais « la nature est bien faite » ; la vie, si elle existait dans les océans souterrains, bénéficierait d’une protection contre ces forces destructrices du fait de la présence d’une carapace de glace (et d’ailleurs ces océans n’existeraient pas sans ces carapaces) et de la chaleur interne des lunes stimulée par les forces de marée générées par la masse de Jupiter. On peut toujours espérer.

L’énergie à bord est fournie par 85 m2 de panneaux solaires. Les corrections d’attitudes et les impulsions pour changer de direction (principalement insertion en orbite de Jupiter puis insertion en orbite de Ganymède) seront faites grâce à 3650 kg d’ergols (mono-méthil hydrazine – MMH – brûlant dans un mélange d’oxydes d’azote – MON). Poussée maximum 425 Newton.

Les participants scientifiques (« JUICE Science Working Team ») à cette mission sont évidemment très nombreux. Ils sont ressortissants de plusieurs pays membres de l’ESA : l’Allemagne, l’Italie, la France, la Grande Bretagne, la Suède, la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique mais aussi des Etats-Unis et Israël.

Le décollage a eu lieu le 14 avril à l’heure prévue, 14h15 (avec un jour de retard compte tenu du temps orageux le 13 avril). Les deux boosters latéraux se sont détachés à 14h18. La coiffe protégeant la sonde s’est ouverte et a été évacuée à 14h20. La séparation du premier étage s’est faite à 14h22. L’allumage du second étage a eu lieu à 14h24. La séparation de la sonde et du second étage a eu lieu à 14h42. L’acquisition du signal radio a eu lieu à 15h05. Le déploiement des panneaux solaires a eu lieu à 15h50. Comme on dit en Franglais « All is nominal ! »

Le moment le plus délicat de la mission, après le décollage et après les multiples recherches d’assistance gravitationnelle sera l’insertion en orbite de Jupiter mais malheureusement nous n’en sommes pas encore là.

Au-delà, en m’éloignant de la science jusqu’aux rives de la science-fiction, je ne peux m’empêcher de me souvenir que c’est dans ce cadre grandiose qu’évoluait l’un des monolithes-relais de l’épopée 2001 Odyssée de l’Espace conçue par l’esprit fertile d’Arthur Clarke et merveilleusement mis en images et en musique par le génial Stanley Kubrick. JUICE rencontrera-t-elle un Monolithe ? Ce serait bien sûr une révolution pour nous, l’ouverture d’une porte splendide vers l’infini et vers la vie ailleurs. On peut toujours rêver.

Illustration de titre : Les quatre plus grosses lunes de Jupiter, de gauche à droite : Io, Europe, Ganymède, Callisto. Crédit ESA. Les proportions ainsi que l’ordre en distance à la planète sont respectées, la plus chaude et la plus « tourmentée » par sa proximité avec Jupiter, étant la volcanique Io couverte de souffre.

https://sci.esa.int/documents/33960/35865/1567260128466-JUICE_Red_Book_i1.0.pdf

https://www.esa.int/Science_Exploration/Space_Science/Juice

https://www.cosmos.esa.int/web/juice

https://www.esa.int/Space_in_Member_States/Belgium_-_Francais/JUICE_prochaine_grande_mission_scientifique_de_l_Europe

https://saf-astronomie.fr/la_mission_juice_esa/

https://sci.esa.int/documents/33960/35865/1567260193381-ESA_SPC%282012%2920_rev.-1_JUICE_SMP.pdf

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jupiter_Icy_Moons_Explorer

https://fr.wikipedia.org/wiki/Juno_(sonde_spatiale)

https://www.space.com/why-take-juice-spacecraft-eight-years-reach-jupiter

De la Poussière à l’Homme

Au commencement était un nuage, un gigantesque nuage de gaz moléculaire et d’un peu de poussière, d’une centaine d’années-lumière en étendue et de deux ou trois soleils en masse, comme il en existe partout dans l’Espace, matériau léger et froid provenant des origines mêmes de l’Univers, enrichi au cours du temps de quelques parties d’éléments lourds, « métalliques », forgés au cœur des étoiles-massives et libérés après leur mort.

« Un jour », comme l’ont théorisé Emmanuel Swedenborg (1734), Emmanuel Kant (1755) puis Pierre-Simon Laplace (1796), cette énorme masse immobile et passive fut animée par un événement extérieur fortuit, le passage d’une étoile proche ou l’explosion en supernova d’une étoile-massive qui ayant généré un vent puissant, souffla le nuage en l’enrichissant aussi d’un peu plus de matière. Le seuil critique de densité était atteint pour que la force de gravité intrinsèque à toute matière commence à faire son œuvre, que la concentration du nuage à peine esquissée se développe et s’auto-accentue et qu’un disque d’accrétion en rotation résultant de l’accélération de la rotation pendant la contraction, se forme autour des parties les plus denses et s’y réchauffe du fait de cette densité.

Le processus étant enclenché, rien ne pouvait plus l’arrêter. C’est au centre du disque que la densité était naturellement la plus forte et la température la plus élevée. Et c’est là qu’assez rapidement (une centaine de millions d’années) un astre ou deux devaient se former comme un enfant dans le ventre de sa mère. La masse seule devait déterminer leur puissance, c’est-à-dire leur capacité à générer une fusion nucléaire de l’hydrogène vers l’hélium plus ou moins importante. Pour notre système ce fut une « naine-jaune », c’est-à-dire une étoile de puissance moyenne (type spectral « GV ») et de durée de vie assez commune, soit quelques 10 milliards d’années…et sans doute un ou deux frères du Soleil dont nous ne savons rien sinon qu’ils sont probables et qu’ils ont dû partir vivre leur vie en fonction de leur masse, de l’influence des masses voisines et de leur vitesse propre autour du Centre galactique.

Aussitôt le feu allumé par la fusion, le Soleil, car c’était lui un des “happy few” qui naissaient, rayonna ; c’est-à-dire qu’il projeta au sein de sa sphère d’influence des particules résultant de son activité interne et rejeta au-delà de son environnement le plus proche les nuages de matière qu’ils n’avaient pas absorbés et en particulier les volatils, dont l’eau sous forme de cristaux. Celle-ci fut repoussée au-delà d’une certaine limite qu’on appellera la « Ligne de glace », située aujourd’hui au milieu de la Ceinture d’Astéroïdes.

Mais le Soleil n’avait pas épuisé la matière de son disque, même s’il en constituait et de loin, la plus grande partie, soit 99,86%. Ce disque continuait à tourner car une fois le processus de concentration du nuage initié, il ne pouvait s’arrêter puisque porteur de l’énergie cinétique liée à l’effondrement de ce même nuage dont il était issu. A l’intérieur, la matière, du fait de la diversité de son mixte de constituants en fonction de sa distance au jeune Soleil et de la vitesse générée par la gravité, ne pouvait y être homogène. Des tourbillons se formaient, des chocs multiples intervenaient, des attractions gravitationnelles de plus en plus puissantes s’exprimaient en fonction des masses en présence et de la distance à l’Astre central, tout ceci dans un « joyeux désordre » apparent mais toujours selon les lois universelles de la Physique (Lois de Kepler et de Newton).

C’est à plus grande distance du Soleil, au-delà de la Ligne de glace, par nettoyage et absorption de la quasi-totalité de la masse de leur environnement et notamment de leur orbite, que se formèrent d’abord les plus grosses planètes, les « géantes gazeuses », Jupiter, Saturne, Neptune, Uranus et peut-être la fabuleuse « Planète-9 » située entre Saturne et Neptune, car non seulement elles disposaient de la matière solide mais aussi des volatils à l’origine présents partout mais rejetés par le jeune Soleil au-delà de cette Ligne. En deçà de la Ligne, les masses étaient par définition sèches, sans eau libre (ce qui n’exclut pas l’eau chimiquement captive). C’est là que se formèrent ensuite les planètes telluriques, Mars, la Terre, Vénus, Mercure. C’était il y a quelques 4,6 milliards d’années.

Les étapes furent multiples. L’accrétion n’est pas quelque chose de simple dans un milieu occupé par d’innombrables masses différentes. Les plus grosses absorbent les plus petites à leur proximité mais en même temps elles se déplacent vers leur centre commun de gravité, leur barycentre. Certains chocs font éclater des astres déjà gros et les centres d’accrétion peuvent se recomposer différemment après impact et éjections. Enfin des zones entières peuvent être soumises à des forces gravitationnelles contradictoires qui empêchent ou limitent toute centralisation. C’est ainsi que la Ceinture d’Astéroïde se forma à distance respectable mais insuffisante de Jupiter et de Mars de telle sorte qu’elle ne put se concentrer en planète. Avant les planètes qui purent se former et après l’époque des astéroïdes, il y eut l’époque des planétoïdes. Certains fusionnèrent pour former ces planètes qui libérèrent de matière leur orbite. D’autres ne purent aller jusqu’au bout de cette évolution, ce sont aujourd’hui les planètes-naines (dans la Ceinture d’Astéroïdes ou la Ceinture de Kuiper, comme Cérés, Pluton ou Eris) et les gros astéroïdes.

Enfin la stabilisation fut longue et difficile. On pense ainsi (Alessandro Morbidelli, « le Grand Tack ») que Jupiter, après avoir concentré l’essentiel de la matière de sa zone mais toujours attiré par la matière voisine qui restait très abondante, « entreprit » de descendre vers la Ceinture d’Astéroïdes, région qui, vers le Soleil lui était la plus proche et où la matière était encore très diffuse. Jupiter entraîna sa voisine, Saturne, en amorçant sa descente et ce ne fut que lorsqu’une certaine résonnance fut établie entre les deux (trois rotations de Jupiter pour deux de Saturne) que les deux astres purent revenir de concert vers leur lieu de naissance. A l’aller et au retour elles capturèrent une bonne partie de la matière initiale de la Ceinture d’Astéroïdes et « chamboulèrent » le reste, remettant des corps glacés en deçà de la Ligne de glace toujours à l’intérieur de la Ceinture, ce à quoi le Soleil, un peu calmé de ses ardeurs juvéniles, ne put s’opposer. Quand les perturbations étaient trop violentes ces petits corps glacés étaient projetés en dehors de la Ceinture, soit vers le système planétaire externe soit vers le système planétaire interne et donc la Terre. Mais, comme dans toute manœuvre de ce genre, il y eut des excès ; c’est-à-dire des effets d’inertie ou de balancier. Jupiter descendit très bas vers le Soleil, jusque dans le domaine de Mars et captura beaucoup de matière à cette distance du Soleil, ce qui n’en laissa pas suffisamment à la future Mars pour devenir aussi massive que la Terre ou Vénus. Dans l’autre direction, après rebroussement, le retour du couple emporta Saturne bien au-delà du berceau de sa naissance. Neptune fut de ce fait éjecté au-delà d’Uranus et l’axe de rotation d’Uranus fut complètement perturbé (rotation rétrograde, sur un axe incliné de 97,7° sur l’écliptique). Certains pensent même qu’une autre géante gazeuse, qui s’était formée à distance respectable de l’orbite initiale de Saturne, fut, du fait de son retour, expulsée bien au-delà des autres planètes. C’est ce qu’on appelle la Planète-9 susmentionnée, qui serait aujourd’hui quelque part dans la Ceinture de Kuiper, ce tore d’astéroïdes trop lointain et trop immense (et ses composants animés d’une vitesse trop faible) pour avoir permis la création d’une planète unique sur son orbite bien qu’il soit peuplé de plusieurs planètes-naines de la taille de Pluton. D’ailleurs ces planètes naines résultent peut-être de perturbations créées par l’intrusion profonde de Neptune dans cette zone du fait qu’elle y avait été rejetée par le retour de Saturne. Du fait de ces bouleversements dans les Ceintures d’astres glacés, l’eau redescendit sous forme de pluies de comètes vers le Soleil. Et la Terre, comme Mars et Vénus purent jouir de ses bienfaits.

Les dés étaient jetés, les cartes distribuées, les rôles pouvaient se dérouler en fonction des positions de chacune des planètes par rapport au Soleil et de leurs dons ou aptitudes respectifs. La Terre, comme les autres, avaient ses potentialités sinon son destin. Compte tenu des circonstances particulières galactiques, compte tenu du dosage des composants chimiques les constituant, compte tenu de l’histoire ayant mené les astres jusqu’à ce point, beaucoup de voies étaient possibles. Ce qui est certain c’est que la Terre se trouvant alors dans la zone-habitable du Soleil et possédant de l’eau en plus des fameux éléments chimiques C,H,O,N (plus souffre, potassium, et quelques autres), elle devenait potentiellement habitable.

Cela a conduit jusqu’à nous au travers d’une multitude de vicissitudes, d’accidents, d’imprévus comme de possibles sinon de prévisibles. C’est précisément parce que la Vie a pris au bon moment les bonnes directions dans les multiples carrefours qui se sont présentés par accidents que nous sommes aujourd’hui présents sur Terre. Ces accidents étaient imprévisibles dans leur intensité particulière et dans le moment exact où ils survinrent par rapport à l’écoulement du fleuve de la Vie.

Certains voudraient que tout fut écrit. Je ne le pense pas. De la poussière à l’Homme il y a un très long parcours croisant de multiples carrefours, unique comme une empreinte digitale et qui s’est effacé au fur et à mesure qu’on a progressé. Il y a eu le Hasard et la Nécessité et aussi, lorsqu’il accéda à la conscience, la Liberté de l’Homme, sa Réflexion, sa Volonté et sa capacité de Faire. Maintenant on peut toujours s’interroger sur le Hasard, la Nécessité et l’issue de la Réflexion. Jamais nous n’aurons de certitude absolue sur la cause du résultat de ce cheminement absolument unique. C’est cela aussi notre Liberté. Le pari de Pascal a un bel avenir.

Comme quoi « On » peut tout faire avec la poussière, même l’Homme pour contempler le Ciel et se poser les questions qui lui sont essentielles.

Joyeuses Pâques!

Illustration de tire : Nébuleuse d’Orion, crédit NASA, ESA, M Robberto (STscl/ESA et al.).

Liens :

https://media4.obspm.fr/public/ressources_lu/pages_planetologie-formation/disque-protoplanetaire_impression.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9buleuse_solaire

Traces de vie. Terre, oui ; Mars, peut-être. Une exposition à Neuchâtel à ne pas manquer

L’exposition “Traces de vie”, certitude sur Terre, hypothèse sur Mars, a été ouverte au public lundi 26 mars ; elle durera jusqu’au 3 décembre. Il s’agit, dans le cadre bucolique du Jardin botanique de Neuchâtel (exposition dans la « Villa ») et grâce au concours de spécialistes reconnus, (1) de comprendre l’environnement terrestre particulier dans lequel le phénomène de la vie est apparu ; (2) de voir quels équipements l’ESA compte utiliser pour savoir si ce même phénomène s’est développé également sur Mars.

Les spécialistes sont l’astrophysicien Jean-Luc Josset, directeur du Space Exploration Institute de Neuchâtel (le « SpaceX » suisse, rien à voir avec l’autre SpaceX) et le biologiste Blaise Mulhauser, directeur du Jardin botanique de Neuchâtel. Les deux ont chacun une équipe parfaitement « branchée » aussi bien sur Mars que sur les problématiques de l’origine de la vie. Au sein de SpaceX, la géologue Marie Josset et le géobiologiste et exobiologiste Tomaso Bontognali connaissent Mars comme s’ils y avaient déjà été. Quant à Blaise Mulhauser, le sujet de la vie le passionne depuis toujours, aussi bien dans le domaine animal que dans le domaine végétal et, bien sûr, de leurs ancêtres eucaryotes et procaryotes. Pour préparer l’exposition ils ont reçu le confort de l’ESA (Jorge Vago, ExoMars Project Scientist), des Universités de Berne, de Neuchâtel, du Musée d’Histoire Naturelle de Berne (Beda Hofmann) et de la Haute Ecole Arc ingénierie ainsi que de chercheurs de renommée mondiale, comme la géologue-exobiologiste Frances Westall (Centre de biophysique moléculaire, Orléans) ou la géologue-exobiologiste Emmanuelle Javaux (Université de Liège).

L’hypothèse à la base de l’exposition, comme d’ailleurs des missions d’exploration martiennes, une éventuelle vie sur Mars (passée ou encore présente), repose sur la similitude entre la Planète Mars et la Terre dans les premières centaines de millions d’années suivant leur accrétion (entre -4,56 et -3,9 ou -3,8 milliards d’années). Dans les deux cas on se trouve en présence d’une planète rocheuse, avec présence d’eau liquide en surface (en zone dite d’« habitabilité ») sous atmosphère. Mars est de ce point de vue plutôt à la marge compte tenu de sa distance au Soleil et de l’excentricité de son orbite mais pendant cette période (essentiellement Hadéen et début Archéen sur Terre, Phylosien sur Mars) l’atmosphère était très dense (surtout au début car la gravité de Mars n’a pas eu la force de la retenir bien longtemps). Mais cela ce sont de « grandes lignes » et il faut probablement descendre loin « dans les détails » pour vérifier l’hypothèse. Nous n’aurons bien sûr de réponse que lorsque nous aurons trouvé, ou non, des traces de cette vie.

Pour ce faire, l’ESA a prévu depuis le début des années 2000 (à l’origine dans le cadre de son programme Aurora) d’envoyer sur Mars un rover (laboratoire mobile robotique), comme l’ont fait à plusieurs reprises les Américains. A partir de cette date, la mission, nommée « ExoMars », va subir de nombreuses vicissitudes. Elle passe d’une association avec les Américains à une association avec les Russes, pour le lancement et l’atterrissage. Elle devait être lancée en 2016 (ce fut heureusement le cas de la partie orbiteur, « TGO » qui fonctionne à merveille), puis en 2018, en 2020, en 2022. Finalement l’ESA a dû renoncer à cette dernière opportunité à cause de l’éclatement de la guerre en Ukraine*. Il a donc fallu reprendre le projet en 2022 pour repartir dans une coopération avec les Etats-Unis (puisque l’Europe ne dispose toujours pas d’un lanceur suffisamment puissant et ne maîtrise pas la technique très « pointue » de l’EDL pour descendre sur Mars). Mais, du coup, des ajustements nombreux doivent être faits. Le résultat c’est que le lancement ne pourra avoir lieu qu’en 2028 ! Ces différents reports sont à la fois impressionnants et très frustrants. On peut toutefois se consoler en considérant que les Russes n’ont jamais réussi à poser sur Mars un laboratoire robotique qui ait fonctionné avec succès (malgré trois semi-échecs/réussites d’atterrissage) et que les Américains maîtrisent, eux, parfaitement la technologie.

*Remarquez que cette guerre n’a pas empêché les Américains de continuer à coopérer avec les Russes dans l’ISS. Les Européens se veulent sans doute moralement plus irréprochables qu’irréprochables !

Le rover européen « Rosalind Franklin » de cette mission ExoMars, (bien présenté à l’exposition) est très clairement conçu pour nous faire avancer dans nos recherches exobiologiques. Il ne faut pas le voir comme une simple copie des rovers américains car il est porteur d’innovations considérables. Tout d’abord, il est équipé d’une foreuse qui lui permettra d’atteindre une profondeur de 2 mètres alors que les forets américains actuels (sur Curiosity ou Perseverance) ne peuvent pas être enfoncés au-delà de 6,5 cm. Cela représente une différence énorme car en raison d’une atmosphère très ténue et de l’absence de protection par champs magnétiques générés par dynamo interne de la planète, le sol de Mars est bombardé depuis des milliards d’années par toutes sortes de radiations cosmiques (galactiques et solaires) qui ont dû détruire toute molécule organique jusqu’à cette profondeur de 2 mètres. Par ailleurs, l’eau liquide de surface s’est forcément sublimée compte tenu de la très faible pression atmosphérique et on ne peut espérer trouver un peu d’humidité que si l’on s’enfonce assez profondément dans le sol (autrement l’eau se trouve sous forme de glace, si la température le permet).

Au-delà de la foreuse, Jean-Luc Josset (PI, Principal Investigator) et son équipe (Beda Hofmann et Frances Westall sont co-PI) ont conçu et fait réaliser un outil essentiel, la caméra CLUPI (CLose-Up Imager) qui est un trésor d’ingéniosité. Cette caméra équipe le bras de la foreuse qui doit examiner le sol avant puis après extraction des échantillons et également au moment de l’introduction de ces échantillons dans le laboratoire d’analyses embarqué dans le rover. Elle bénéficiera d’une capacité de réglage pour de multiples focalisations qui donneront des images claires à différentes distances et toutes ces images seront synthétisées avant l’envoi vers la Terre sur un document unique. A noter par ailleurs que le laboratoire embarqué qui fera l’analyse des échantillons n’utilisera pas d’oxydant pouvant fausser la composition des éventuelles molécules organiques prélevées et que la caméra CLUPI fonctionne sans lubrifiant ce qui est un gage de durabilité compte tenu du temps qui doit encore s’écouler avant utilisation et des conditions environnementales martiennes très dures pour les lubrifiants. Le rover européen pourra également affronter des terrains plus difficiles, en pente et sableux, grâce à des articulations aux « jambes » des roues, qui lui permettront par effet de braquet, de bloquer les roues dans la montée ou la descente.

Mais que s’attend-t-on à trouver sur cette sœur de la Terre ? On déduit de la ressemblance des environnements, que le « réacteur biologique » que constitue la planète aura conduit à la même évolution des matières organiques vers la vie que sur Terre. L’exposition montre dans cet esprit des procaryotes (bactéries ou archées) vivants et des procaryotes fossilisés. Ils montrent aussi des microbialithes, ces structures minérales, parmi lesquelles on classe les stromatolithes, créées par l’activité et le métabolisme des bactéries. Ils montrent aussi les traces plus discrètes de la vie, les plus anciennes formes de procaryotes telles qu’elles ont survécu dans la roche au travers du travail du temps (on est vers -3,5 milliards d’années). On peut cependant reconnaître des volumes de procaryotes par microscope électronique à balayage et confirmer leur nature par analyse chimique (compte tenu de l’évolution des molécules du fait du temps). Au-delà (jusqu’à -3,8 milliards), on ne peut plus identifier sans réserve les formes mais on peut toujours remarquer les assemblages chimiques particuliers, mettant en évidence la présence des fameuses molécules de la vie autour des atomes de carbone, hydrogène, oxygène, azote, souffre, potassium ou encore l’organisation de ces molécules en composés aromatiques ou encore le choix très caractéristique de leur homochiralité (démonstration faite à l’exposition).

Là où je diverge avec mes amis concepteurs de cette exposition, c’est que j’estime qu’ils vont trop vite trop loin, en supposant, c’est cela l’hypothèse, que ces matières organiques se sont organisées également sur Mars en organismes vivants, c’est-à-dire en organismes capables de se reproduire, presque à l’identique (avec quelques « accidents » permettant l’adaptation) en puisant leur matière et leur énergie dans leur environnement. Je ne les suis pas sur cette voie car je pense qu’il y a un saut énorme entre les molécules les plus complexes que peut sans doute produire le réacteur planétaire (il y a déjà complexification dans les astéroïdes) et la vie, c’est-à-dire l’organisation de ces molécules, et seulement elles, au sein d’une cellule qui « fonctionne ». Je pense que ce sont des conditions très particulières sur Terre qui ont permis le saut du prébiotique au biologique et je ne vois pas d’automatisme pour qu’il se réalise ailleurs. La Terre est en effet très “spéciale” ne serait-ce qu’en raison de son satellite de masse anormalement importante, relativement, qui dans les premiers temps évoluait très près de nous, 30.000 à 40.000 km seulement, provoquant de très fortes marées (et l’on sait que l’alternance d’humidité et de sécheresse a été indispensable à certaines réactions chimiques à l’origine de la vie). Ou bien ce sont les fumeurs gris (« Lost City ») dont les emanations s’échappent à grande profondeur le long des dorsales courant au fond des océans, dans des conditions spécifiques aussi bien de minéralogie que de température et de pression et sur un temps très long (les fumeurs gris ne sont pas des fumeurs noirs!). Ou encore des environnements de type Yellowstone en milieu aqueux acide sous une atmosphère riche en azote et en gaz carbonique, à des pressions et températures bien précises. Ou enfin, et ce n’est pas le moins important, un différentiel de taux de pH particulier entre le liquide basique qui sort des profondeurs de la planète et celui de l’environnement de l’Océan. Ce différentiel est évolutif et c’est un différentiel élevé qui a permis, à une époque précise, la mise en route du processus oxydation/réduction à la base de toute chimie de la vie. N’oublions jamais qu’il n’y a eu qu’un seul LUCA (Last Universal Common Ancestor) pour toute vie présente aujourd’hui sur Terre et que depuis près de 4 milliards d’années il n’y en a eu aucun autre (la phylogénétique nous le dit très clairement, sans contestation possible). Bref, il ne faut pas vendre la peau de l’ourse « Vie martienne » avant de l’avoir trouvée…ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas la chercher, bien sûr (et la recherche est d’autant plus “facile”, si l’on peut dire, qu’en l’absence de tectonique des plaques sur Mars, les surfaces datant de cette époque très ancienne, sont extrêmement étendues).

Un autre point de divergence est une réflexion inutile (de mon point de vue) qui est affichée à l’entrée de l’exposition : « il n’y a pas de planète « B ». Pour moi, il est évident au contraire qu’il y a bien pour nous, êtres humains, une planète-B et que cette planète est Mars. J’ai tout à fait conscience des difficultés qu’il y aurait à y vivre mais je sais aussi que notre technologie pourrait nous le permettre. Ce serait bien sûr pour un petit nombre mais un nombre suffisant tout de même pour survivre, pour nous reproduire et pour faire perdurer l’humanité dans des conditions acceptables au cas où la Civilisation (sinon l’Homme) disparaîtrait sur Terre.

Pour terminer je voudrais signaler deux faits qui ont flatté mon égo dans cette exposition. D’abord apprendre que c’est à l’occasion de la convention de la Mars Society Switzerland que j’avais organisée à La Chaux-de-Fonds en 2018 (« EMC18 »), que Jean-Luc Josset (un des sponsors de EMC18) et Blaise Mulhauser ont commencé à discuter de son principe. Ensuite ce fut le plaisir d’y retrouver « ma » double-horloge (« dual clock ») réalisée par Vaucher Manufacture Fleurier pour Baselword 2016 avec mon conseil (voir mon article du 17 mars 2016 sur ce blog)*. Ce bel objet (dimensions : 80 cm x 40 cm) montrant à la fois l’écoulement des temps martien (cadran ocre) et terrestre (cadran bleu), avait, après Baselworld, été exposé à la Convention EMC18 (outre sa présentation à la conférence à l’U3A de Neuchâtel en 2016 à l’invitation de Philippe Terrier et à la conférence à la commune du Val de Travers, organisée par Caroline Houriet, à l’occasion de la célébration du changement d’heure de 2019). Les deux parties de l’horloge sont reliés par un mouvement central instituant un rapport de 1,0275, correspondant à celui existant entre la journée terrestre de 24h00 et le « sol » martien de 24h39 (avec en plus, un décompte de 22 mois martiens et 12 mois terrestres).

*C’était Katia Della Pietra (alors responsable de la communication de Vaucher) qui m’avait contacté et nous en avions discuté avec Pierre-Yves Grüring (constructeur mouvement, chef de projets). Je les salue tous les deux ainsi bien sûr que Caroline Houriet et Philippe Terrier, s’ils lisent ce blog.

Ceci dit je n’émets aucune réserve sur la qualité de l’exposition. Chacun pourra réfléchir sur la probabilité d’une vie martienne à partir de l’excellente documentation présentée. Jusqu’en décembre, Mars sera à Neuchâtel. Vous pourrez même y mettre le pied car une expérience de réalité virtuelle vous permettra de vous promener autour de Rosalind Franklin comme si vous y étiez (et lui aussi !).

liens:

https://www.space-x.ch/

https://hal.science/tel-03572179/document

https://www.jbneuchatel.ch/

NB: Vous pourrez accéder facilement au Jardin botanique de Neuchâtel avec le bus 109 ou le bus 106, en dix minutes à un quart d’heure, à partir de la Place Pury.

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 23 03 17