Continuation du Dialogue entrepris à Venise en 1624 par Galilée + annonces de bas de page

Cette semaine, Christophe de Reyff reprend avec son propre Dialogue, celui initié par Galilée, en l’ouvrant sur les perspectives de l’Univers résultant de ce que nous savons de son état actuel et des potentialités que nous lui connaissons du fait de l’étude de son passé.

En réfléchissant à ces perspectives et au fait que le Dialogue se déroule à Venise, je ne peux m’empêcher de penser à l’histoire de cette ville magnifique et à ses propres perspectives. Après un début éclatant qui l’a portée au plus haut de la Civilisation dans tous les domaines, Venise se meurt depuis des siècles, en fait depuis le coup de poignard qui lui a été infligé par les Grandes Découvertes et ses conséquences économiques et donc politiques. Cependant, comme l’Univers, elle a continué sur sa lancée initiale et n’a jamais perdu de sa splendeur. Le 18ème siècle, totalement décadent, a été sans doute la période où la Ville a brillé avec le plus d’éclat, comme le début du bouquet final d’un feu d’artifice. Souvenez-vous de Vivaldi et écoutez sa musique dans vos têtes comme elle devait emplir les murs de la Basilique Saint-Marc. Aujourd’hui ses vestiges dont toute force politique a été évacuée et dont la population native diminue année après année, attirent encore comme un aimant la curiosité, l’admiration et l’affection de l’humanité toute entière. Venise se meurt mais Venise n’est pas morte. Elle est simplement mourante, en représentation, comme une cantatrice d’un des splendides opéras qui sont nés ici. Elle est de plus en plus dégradée, de plus en plus menacée par les flots et le tourisme de masse, et pourtant, dans la flamboyance de son Automne, elle est toujours plus belle, attirante et émouvante. Cela dure depuis des siècles et cela durera encore des siècles car l’humanité entière fera tout pour que Venise ne disparaisse jamais complètement tant qu’elle même restera consciente. On peut dire sans se tromper que laisser cette image grandiose de ce que nous avons été, disparaître, serait entrer dans la barbarie définitive ou le néant de la Civilisation et sera sans doute le signe ultime de notre déliquescence. C’est un peu (seulement « un peu » car à la différence de Venise nous n’y pourrons vraiment rien) comme l’Univers qui perdra petit à petit au fil des milliards d’années à venir son éclat pour tout observateur possible, et dont l’énergie un jour sera tellement diluée qu’elle ne pourra même plus porter son souvenir. Mais jusqu’au bout, la grandeur, la force et la beauté de l’Univers restera le plus merveilleux des concepts que l’on puisse imaginer, hormis celui de son éventuel créateur. Pour ressentir l’analogie vous pouvez toujours écouter un lento de Vivaldi.

Après cette introduction un peu longue, je passe la parole à Christophe de Reyff.

Nous reprenons le spectacle après l’entracte hebdomadaire mais, avant de continuer, je vous en rappelle les toutes dernières lignes (interventions de Salviati et Simplicio) :   

Salviati : On doit donc admettre que l’Univers a eu une phase d’expansion décélérée, est ensuite passé par un état d’« hésitation », comme l’a joliment écrit le chanoine Georges Lemaître, puis a repris une accélération qui se poursuit actuellement.

Simplicio : Vous me rassurez, Maître. Donc nous allons bien avoir un de ces jours notre feu d’artifice ?

Salviati : Du calme, Signor Simplicio ! Il faut regarder les choses d’un point de vue astronomique. Ce ne sera pas demain ! Je reprends la suite de mon raisonnement. La vitesse d’expansion subit donc une accélération, mais jusqu’où cela ira-t-il ? Jusqu’à la vitesse de la lumière ? Au-delà ? Remarquez bien : ce ne sont pas les galaxies qui « bougent » en s’éloignant radialement de nous, ce que montre le décalage vers le rouge de leur spectre ; c’est bien plutôt le « tissu » de l’espace-temps lui-même qui se dilate, transportant les galaxies, disons, pour prendre une image parlante souvent utilisée, un peu comme des raisins secs de Corinthe dans un soufflé qui gonfle au four : chacun s’éloigne de chacun de ses voisins sans bouger lui-même, car c’est la pâte qui gonfle. Il est donc possible, sans violer aucune loi, que cette vitesse dépasse la vitesse de la lumière ; l’espace « vide » peut se dilater à n’importe quelle vitesse, même supérieure à celle de la lumière. Cela, du reste, a déjà lieu depuis longtemps. Si l’on prend la valeur du « paramètre de Hubble », son inverse est une durée, nommée « temps de Hubble » (mais ce n’est pas du tout l’« âge de l’Univers », comme on le lit ici ou là). Si l’on multiplie cette durée par la vitesse de la lumière, on obtient une distance, dite justement « rayon de Hubble ». C’est tout simplement la distance à laquelle, depuis notre point d’observation, et j’insiste sur cela, la vitesse apparente de fuite des galaxies franchit la vitesse de la lumière. On ne pourra donc depuis ici plus jamais rien voir au-delà de cette distance, car aucun signal lumineux ou autre ne pourrait nous parvenir d’objets qui depuis là-bas sont plus rapidement transportés que la vitesse des photons qu’ils émettraient vers nous. Mais …

Simplicio : Ah ! J’ai compris, c’est l’horizon cosmologique ou horizon de visibilité, comme on l’appelle …

Sagredo : Mais voyons, Signor Simplicio, laissez notre Maître poursuivre son explication !

Salviati : Non, Signor Simplicio ! Ce « rayon de Hubble », ce n’est pas cela. On confond – et même d’éminents astronomes le font – l’« horizon cosmologique » et ce « rayon de Hubble », où la vitesse de fuite des galaxies dépasse la vitesse de la lumière. L’« horizon cosmologique » est, tout simplement, la distance qu’ont pu parcourir les photons de la lumière émise par des objets les plus lointains, et les plus anciens, vus de la Terre, durant la durée que représente l’âge de l’Univers ; c’est le temps maximal actuel qui est à leur disposition pour nous faire parvenir leur lumière. Si l’Univers a quelque 13,8 milliards d’années d’âge, notre horizon de visibilité est bien situé à 13,8 milliards d’années-lumière de la Terre, cela, par définition. Mais si l’on calcule le « rayon de Hubble », le nôtre, à ce jour bien entendu, avec la meilleure valeur actuelle du « paramètre de Hubble », on arrive à déjà 14,4 milliards d’années-lumière. Ce rayon de Hubble est donc, actuellement du moins, situé encore bien au-delà de notre « horizon cosmologique ». Ce qui est intéressant pour nous autres Terriens, c’est que chaque année qui passe augmente ainsi notre horizon cosmologique d’une année-lumière ; on a donc des chances chaque année de pouvoir observer l’un ou l’autre nouvel objet céleste lointain, et ancien, qui entre enfin dans notre horizon, disons, en moyenne, probablement une nouvelle galaxie par an. De son côté, puisque le paramètre de Hubble décroît, le « rayon de Hubble » continue aussi de croître, mais de plus en plus lentement, dans la même mesure où le « paramètre de Hubble » diminue continûment avec le temps qui passe ; ce qui est le cas.

Simplicio : J’ai bien compris : il ne faut pas confondre ni identifier l’« horizon cosmologique » et le « rayon de Hubble » qui, pour l’instant, ne coïncident pas. Mais un jour viendra …

Salviati : C’est cela, très bien, Signor Simplicio ! Continuons : après le Russe Alexandre Friedmann et le Belge Georges Lemaître, d’autres savants ont montré par leurs équations, que le « temps de Hubble », donc l’inverse du « paramètre de Hubble », a toujours été supérieur à l’âge de l’Univers jusqu’à aujourd’hui. Le passionnant dans tout ça, c’est que, même si l’expansion accélère, il va arriver un jour prochain où l’âge de l’Univers va « rattraper » exactement le « temps de Hubble », autrement dit, que la distance de notre horizon va coïncider exactement avec le « rayon de Hubble ». Cela se fera dans plus d’un milliard d’années. Que se passera-t-il au-delà de cette époque ? Simplement dit, la distance limite de visibilité que représente aussi le « rayon de Hubble », mais pour une autre raison, celle de la vitesse de fuite qui dépasse celle de la lumière, cette distance, donc, se substituera à notre horizon actuel : les objets nouveaux qui apparaîtraient sur cet horizon disparaîtraient aussitôt, cela étant dû à leur vitesse de fuite qui dépassera tout juste celle de la lumière.

Simplicio : Je ne vois toujours pas venir mon feu d’artifice …

Salviati : Ce qui va vous décevoir, je le crains, Signor Simplicio, c’est qu’il n’y en aura probablement pas, car un certain feu d’artifice a déjà eu lieu il y a des milliards d’années, quelque trois-cent quatre-vingt mille ans après le Big Bang à l’origine de l’expansion de l’Univers ! Du fait de l’expansion accélérée, nos galaxies lointaines, puis celles de plus en plus proches vont toutes être accélérées et, un jour, elles vont comme « franchir la vitesse de la lumière » et, par-là, vont donc sortir de notre horizon en passant à la distance de notre « rayon de Hubble » atteint ce jour-là. Le ciel va peu à peu littéralement se vider de son contenu, sous nos yeux ! Notre Univers proche – mais est-ce tout l’Univers -, du moins notre Univers visible ne sera plus qu’un Univers-île, formé de notre Galaxie, familièrement appelée la Voie Lactée, avec ses immédiates galaxies voisines du Groupe Local, retenues toutes ensemble en un amas par la gravitation. Mais le ciel sera vraiment noir au-delà. Il y a un physicien hollandais qui a prévu cela, sans savoir que ce serait le destin ultime de l’Univers, Willem de Sitter : son Univers théorique est quasi vide, homogène, de courbure spatio-temporelle positive, mais de courbure spatiale quelconque, éventuellement nulle (on parle alors d’espace plat ou euclidien), et en expansion, rempli seulement de… presque rien, de quoi ? De ce qui correspond à une densité d’« énergie du vide », exprimée sous la forme mathématique d’une « constante cosmologique » positive, ayant une valeur bien définie, minuscule, quoique non nulle. Notre Univers évolue inéluctablement vers cet état de vacuité qu’il atteindra de façon asymptotique dans un temps indéfini. Cela, ce sera notre point de vue de Terriens ; mais, dans n’importe quel autre endroit de l’Univers, le point de vue sera le même : tout aura disparu à l’horizon de chacun, à sa propre distance de visibilité qui sera autant de réalisations locales du « rayon de Hubble final », atteint asymptotiquement.

Sagredo : Vos explications sont lumineuses, Maître, mais, en contraste, quel tableau sombre vous nous faites là. Au fond, dites-nous encore, qu’est-ce que cette « constante cosmologique » positive qui va remplir tout l’Univers ?

Simplicio : … Et moi qui m’attendais à une explosion grandiose …

Salviati : Gardons encore les pieds sur notre Terre, voulez-vous, Messeigneurs ! Vous avez raison de vous poser ces questions qui sont des plus pertinentes. Qu’en est-il, tout d’abord, du destin de ce « paramètre de Hubble » ? Va-t-il diminuer toujours pour aller vers zéro lorsque le temps va tendre vers l’infini ? La réponse est : non ! Comme je vous le disais, c’est un quotient d’une vitesse par une distance. Toutes deux tendent vers l’infini. Le quotient de l’infini par l’infini, comme celui de zéro par zéro, est indéterminé en bonne mathématique. Mais, tout aussi mathématiquement, ce quotient peut être fini ! Et ce sera bien le cas ici. Le « paramètre de Hubble » va diminuer, et de plus en plus lentement, le « temps de Hubble » va croître, mais de plus en plus lentement au fur et à mesure que l’âge de l’Univers va continuer de passer. Le « rayon de Hubble » va aussi croître de plus en plus lentement. Ils vont tous deux atteindre, asymptotiquement, une valeur limite, déterminée uniquement par la valeur de cette « constante cosmologique » qui caractérise le vide. Je ne vous dirai pas ici comment, ni leurs valeurs numériques. Pour le savoir il faudrait lire attentivement tout un autre article…

Simplicio : C’est bien noté, on le lira.

Sagredo : D’accord ! Mais je ne vois pas très bien cette situation finale …

Salviati : Je le redis autrement : nous aurons comme une sorte de « bulle », invisible et non transparente, autour de nous, qui sera notre rayon de l’Univers, le « rayon de Hubble final » qui ne croîtra quasiment presque plus, et cela indéfiniment. Tous les objets que nous voyons actuellement au-delà de notre Groupe local de galaxies, auront franchi cette limite. On peut se consoler, en se disant qu’il en est de même pour chaque point de l’Univers. Le centre de l’Univers n’étant nulle part, on peut considérer qu’il est partout, et chaque point de l’Univers sera entouré d’une telle bulle limitant dès lors son horizon. Rien ne semblera plus changer dans le ciel. L’Univers, notre Univers sera devenu comme statique.

Simplicio : Dites-moi, Maître, ce sera alors à ce moment-là la fin du monde ?

Salviati : Oui et non ! Ce sera en quelque sorte une fin qui durera, une fin qui ne finira pas ! Le temps pourra indéfiniment continuer de couler. L’Univers continuera de vieillir ; il le fait déjà, mais ce sera indéfiniment, comme un ralentissement du temps. Justement, le modèle d’Univers prévu par de Sitter prédit que le temps semble aller de l’avant en se figeant de plus en plus. Nos descendants, s’ils ont encore un Soleil, un autre soleil, bien sûr, pour les réchauffer, auront beau observer avec leurs télescopes, ils ne verront plus rien du tout en dehors de notre Groupe local de galaxies, et, avec leurs radiotélescopes, ils ne pourront même plus mesurer le fonds diffus cosmologique du rayonnement fossile qui se sera à tel point dilué, du fait de l’expansion de l’Univers, qu’il sera devenu strictement indétectable, passant des 2,73 degrés kelvin actuels à quasiment zéro, sans pourtant jamais l’atteindre. On se retrouvera dans la situation expérimentale de la cosmologie du début du XXe siècle, où l’on ignorait même l’existence d’autres galaxies en dehors de la nôtre et où l’on croyait l’Univers statique et perpétuellement le même. Mais il est certain que d’ici là notre Soleil et toutes les étoiles de notre Galaxie se seront depuis longtemps éteints. Comme l’a bien décrit le chanoine Georges Lemaître, « le feu d’artifice se terminera en laissant ici ou là quelques escarbilles finissant de rougeoyer… » Mais plus personne ne sera là pour les contempler.

Sagredo : Eh bien ! Ces considérations nous ont passablement échauffés et assoiffés. Le jour tombe, Messeigneurs ; il est temps que nous nous rendions maintenant à bord de la gondole que j’ai commandée et qui doit déjà nous attendre au pied de ce palais, avec quelques rafraîchissements à bord, pour nous permettre de prendre le frais de la soirée et de nous désaltérer en parcourant nonchalamment la Laguna. Venez, descendons et embarquons-nous !

Illustration de titre : Ca’ Sagredo (Palazzo Morosini Sagredo).

Salutations à Jakob qui a la chance de se trouver actuellement à Venise et qui m’a envoyé une photo de la Ca’ Sagredo:

 

Mise à jour sur Relativity Space:

Les déçus de l’échec du lancement le 11 mars de la fusée GLHF de Relativity Space (mon article du 11 mars) peuvent se réjouir car un nouvel essai, le 22 mars, a été couronné de succès. Ses objectifs ont été atteints (notamment passage au point Max-Q) et un nouveau concurrent dans le monde astronautique est né ce jour. L’Europe doit “faire quelque chose” si elle veut rester en lice.

Annonce exposition “Traces de vie”.

A partir de lundi 26 mars, l’exposition “Traces de vie”, certitude sur Terre, hypothèse sur Mars, est ouverte au public dans le beau cadre de la villa du jardin botanique de Neuchâtel. Préparée avec soin par des spécialistes incontestables, elle est à voir absolument. Je vous en parlerai la semaine prochaine plus longuement. L’exposition restera ouverte jusqu’au 3 décembre.

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 23 03 17

Un Dialogue, initié à Venise en 1624, continué 400 ans plus tard

Cette semaine et la suivante je passe la plume à Christophe de Reyff que les lecteurs de ce blog connaissent bien pour ses nombreux commentaires perspicaces et parfaitement documentés, assis sur une qualification professionnelle incontestable*. Il nous emmène à Venise, cité choisie par Galilée pour y tenir son fameux « Dialogue » qui osait défendre, avec une force nouvelle donnée par l’observation avec lunette astronomique, la théorie de Copernic. Non, la Terre n’était pas le centre de l’Univers, comme l’affirmait l’Eglise qui avait fait de l’adhésion aux thèses d’Aristote une question de foi. Il fallait du courage en ces temps d’Inquisition ; ce n’était que quelques années après que Giordano Bruno eut été brûlé vif pour son ouvrage « De l’infinito, universo e Mondi ». Même le Pape qui avait été l’ami de Galilée mais qui estimait sa confiance trahie, ne voulut pas s’opposer à sa condamnation fondée sur ce discours « sulfureux ». Mais le Dialogue avait été publié et il allait faire son œuvre dans les esprits car de plus en plus, l’observation allait démontrer que Galilée, comme Copernic, avaient raison. Aujourd’hui nous vivons à nouveau une époque passionnante de grandes avancées dans la Connaissance. Heureusement l’Eglise ne prétend plus se mêler de tout et la recherche est libre, quoique l’académisme et ses rigidités soient toujours présents dans certains esprits bien diplômés (cf. l’intangibilité de l’hypothèse de la matière ou de l’énergie noire). Mais enfin la parole est libre et la Science peut continuer à avancer, les incertitudes ou le brouillard étant peu à peu éclairés par l’esprit critique des pairs et la multiplication des observations croisées. Grâce à quoi, nous avons fait beaucoup de chemin. Il est donc temps de reprendre ce Dialogue, dans un environnement apaisé, sans jamais oublier ni pardonner le crime commis contre l’esprit il y a 400 ans. C’est à quoi Christophe de Reyff s’est attaché. Pour commencer il va, comme il se doit, dessiner le cadre et rappeler le contexte pour bien nous situer. Maintenant que vous êtes assis, le rideau s’ouvre et je laisse la parole à ses personnages:

Giovan Francesco Sagredo : Messeigneurs, je suis heureux de vous accueillir une nouvelle fois ici à Venise dans mon palais. En ces beaux jours d’automne profitons encore du soleil d’après-midi sur le Canal Grande ! Venise n’est jamais aussi belle en cette saison qu’en fin de journée lorsque les rayons solaires apportent une touche rose aux façades claires et suscitent aussi des reflets cuivrés somptueux dans les eaux de la Laguna.

Simplicio : C’est vrai, Signor Sagredo, vous avez tout à fait raison. Rien ne vaut ce spectacle que je ne me lasserai jamais de contempler.

Filippo Salviati : Je me permets d’ajouter de mon côté que, à première vue, presque rien n’a changé devant nous … Les gondoles sont toujours faites avec exactement deux cent quatre-vingts morceaux de bois, provenant de huit essences diverses, et glissent, toujours sans bruit, sur cette surface plombée et, ce soir, cuivrée, comme vous le dites bien, Signor Sagredo ; ou presque sans bruit, avec seulement, quelquefois, le crissement ligneux du remo dans la fórcola qui transmet l’impulsion donnée par le gondolier à l’embarcation.

Sagredo : Nos souvenirs de ce Dialogue entre nous, de quatre journées, tenu ici-même, ne se sont pas estompés. Si vous le voulez bien, reprenons notre discussion ! Mais il nous faut aller aujourd’hui bien au-delà du point où nous l’avons laissée il y a bientôt 400 ans ! N’oublions pas que notre cher et vénéré Maître Galileo a publié nos entretiens vénitiens dans son ouvrage, devenu vite célèbre : Dialogo … sopra i due massimi sistemi del mondo tolemaico e copernicano …, rédigé entre 1624 et 1630. Il en reçut l’Imprimatur officiel, après bien des péripéties, seulement en 1632. Malgré cela, il a été condamné, précisément le 22 juin 1633, pour cette publication par le tribunal de la Sainte Inquisition à Rome. Lors de cette condamnation, notre académicien a dû abjurer, donc renoncer officiellement à ses idées. Il a été ensuite assigné à résidence pour le reste de ses jours, soit jusqu’à ce triste 8 janvier 1642, où il mourut sereinement dans sa villa retirée, Il Gioiello, sise dans la campagne, près d’Arcetri, non loin de Florence. On sait que, aussitôt, le Grand-Duc de Toscane, Ferdinando II de’ Medici, avait manifesté l’intention d’ériger à sa mémoire, dans la Basilique de Santa Croce à Florence, un « tombeau somptueux, comparable à celui de Michelangelo Buonarroti et lui faisant face ». Mais le Pape Urbain VIII, de son vrai nom Maffeo Barberini, avait fait savoir, par son neveu, le Cardinal Francesco Barberini, sa vive contrariété à l’idée de voir « construire un mausolée destiné au corps de celui qui a été puni par le tribunal de la Sainte Inquisition, et qui est mort au cours de sa pénitence ». On obtempéra… et une simple cérémonie funèbre eut lieu dans l’intimité le 12 janvier, donc sans aucune personnalité. Et ce n’est que presque cent ans plus tard, le 27 mars 1737, sous le règne finissant de l’ultime Grand-Duc, Gian Gastone de’ Medici, que notre cher Maître Galileo put enfin être enseveli dignement, et publiquement. Et tout cela arriva du fait d’un jugement peu éclairé, c’est le moins qu’on puisse dire, au triple motif d’avoir « tenu pour vraie, défendu et enseigné » l’hypothèse héliocentrique du chanoine polonais Nicolas Copernic. On l’a répété à notre cher Maître Galileo : « tu avevi precetto di non tenere, difendere né insegnare in qualsivoglia modo tale dottrina ». Pour toute personne tant soit peu instruite en astronomie, c’est un comble d’entendre cela aujourd’hui ; cette condamnation était due à des juges bien ignorants en la matière, ou simplement bornés, qui refusaient même d’accepter ce qu’ils avaient eu l’occasion de voir dans la lunette astronomique que Galilée avait mise à leur disposition ! Son Dialogo a donc été inscrit à l’Index Librorum Prohibitorum en 1633, ce qui signifie qu’il figurait dès lors dans la liste des livres « les plus pervers et les plus condamnés » ! Il y restera jusqu’en 1757… Au-delà des siècles écoulés, nous avons encore de la peine à y croire. Par cette condamnation, en effet, on signifia à notre cher Maître Galileo qu’il avait désobéi à une ancienne admonition, une interdiction prononcée en 1616 par le Cardinal Roberto Bellarmino, alors à la tête du Saint Office, et décédé du reste dans l’intervalle en 1621. Lors du procès, on exhiba devant notre grand astronome une petite note, écrite curieusement verso-recto – donc sur deux feuillets d’autres documents (ff. 43v et 44r), comme un ajout intercalaire, sur deux autres documents -, devenue un document-clé pourtant, sur lequel ne figurent ni sceau ni la moindre signature ! C’est la fameuse « prescription » (le soi-disant « precetto »), du Cardinal Bellarmino, qui aurait été rédigée le 26 février 1616 ; mais c’était probablement une simple note personnelle faite par le Commissaire général du Saint Office, après l’entretien entre l’astronome et le cardinal, précisant l’injonction signifiée alors de vive voix par ce dernier à l’astronome. Pourtant, notre académicien, lors de son procès, nia, en vain, avoir reçu une telle interdiction ce jour-là.

Simplicio : Ce que vous nous dites là, Signor Sagredo est effrayant. Un astronome ne pouvait donc pas défendre, publier et enseigner une hypothèse qu’il jugeait plus vraisemblable que la conception traditionnelle ?

Sagredo : C’est cela ! J’ajoute maintenant une coïncidence curieuse de l’histoire de l’astronomie : quasiment une année après la mort de notre cher et vénéré Maître Galileo, naissait en Angleterre, le 4 janvier 1643 – pour être précis, c’était à Noël, le 25 décembre 1642 dans le calendrier julien alors encore utilisé en Angleterre jusqu’en septembre 1752 ! -, naissait donc un certain Isaac Newton qui allait bâtir une nouvelle physique, valable sur Terre et dans tout l’Univers, et qui, par-là, allait permettre de décrire correctement et la chute des corps et les mouvements des astres. Il allait aussi concevoir un nouveau type de lunette astronomique, le télescope, avec un miroir concave.

Salviati : Ah bien ! Le flambeau de la science ne s’est donc heureusement pas éteint. De mon côté, pour continuer de parler histoire de l’astronomie, j’ajouterai ceci – et en vous le donnant en mille, comme on dit – : un astrophysicien anglais des plus célèbres, Stephen Hawking, est né le 8 janvier 1942, soit exactement trois cents ans après la mort de notre maître ! On lui doit la conjecture d’un Univers « sans bord », ayant un « commencement » dans un temps imaginaire (au sens mathématique du terme), tout cela afin d’éviter des « singularités » et des grandeurs infinies ; mais c’est un tout autre problème, celui du « commencement » alors que nous allons nous intéresser aujourd’hui à celui de la « fin » de l’Univers !

Sagredo : Depuis ces tristes évènements arrivés à notre cher et vénéré Maître Galileo, bien de l’eau a coulé sous les ponts du Tibre à Rome et sous ceux de l’Arno à Florence et à Pise. Et, au fil des ans, notre Laguna vénitienne a vu son niveau monter et descendre plus de deux cent quatre-vingt-cinq mille fois…

Salviati : Finalement, la révolution, dite « copernicienne » s’est imposée, puis la physique newtonienne, et bien d’autres nouveautés inattendues après elles, donnant dès lors une place très modeste à notre Système solaire parmi les cent milliards d’étoiles de notre Galaxie, ou Voie Lactée, et à celle-ci, parmi des centaines de milliards d’autres galaxies, dans ce que l’on peut nommer l’Univers, ou, plus prudemment, « notre » Univers. Depuis longtemps, heureusement, les astronomes ne sont plus passibles de tels jugements de l’Église, même si les hypothèses qu’ils continuent d’énoncer vont bien au-delà des audaces coperniciennes et galiléennes d’alors ! Je voudrais que nous parlions maintenant justement de l’Univers et plus particulièrement de son destin, laissant pour une prochaine occasion l’autre face du problème, soit son début, joliment nommé Big Bang quasiment dans toutes les langues, au commencement du temps, ou… à peu après.

Sagredo : Serait-ce à dire que les cosmologistes sont encore partagés entre les tenants d’un Univers infini et perpétuel – vous êtes d’accord qu’il ne faut pas utiliser l’adjectif « éternel » qui signifie strictement que le temps n’existe pas, ne s’écoule pas ? -, donc sans commencement ni fin, et ceux qui prônent un Univers fini, avec un vrai début, une vraie fin ou, éventuellement, un début, mais pas de fin brutale du tout ?

Salviati : Oui ! Et il y a aussi ceux qui pensent que le temps existe depuis toujours et pour toujours et que l’Univers a simplement débuté à un moment dans cette durée, comme une fluctuation du vide, et qu’il s’achèvera à un autre moment de ce temps qui s’écoulera toujours ; voire aussi qu’il renaîtrait indéfiniment de ses cendres, de façon cyclique. Parler de fin est-ce vraiment parler de fin apocalyptique, brutale, spectaculaire ?

Simplicio : Si je comprends bien, Signor Salviati, vous allez nous annoncer que nous n’allons pas nécessairement assister dans le ciel à un feu d’artifice sans précédent pour signaler le moment de l’Apocalypse, la fin du Monde ? Mais les observations les plus récentes ne nous disent-elles pas que l’Univers non seulement est en expansion, ce qu’a montré l’Américain Edwin Hubble en 1929, en proposant sa fameuse loi, mais que cette expansion serait même accélérée ?

Sagredo : Mais oui ! Vous êtes très bien informé, Signor Simplicio. Pourtant, je préciserai, de mon côté, qu’on dispose d’une valeur pour la « constante de Hubble » qui semble assez petite aujourd’hui. Du temps des mesures de Hubble, durant les années 1920 et jusqu’à récente date, on a parlé de 500, puis de 150 puis de 100, puis de 75 kilomètres par seconde et par mégaparsec (c’est là l’unité habituelle de cette constante pour les astronomes contemporains). On va donc plutôt vers le bas puisque la valeur actuelle semble être juste en dessous de 70. Qu’en dites-vous, Maître ?

Salviati : Vous avez raison, Signor Sagredo, et vous aussi, Signor Simplicio ! Vos deux énoncés sont exacts. Il existe une loi, dite de Hubble, énoncée en 1929, mais qu’on devrait appeler « loi de Hubble-Lemaître », car le chanoine Georges Lemaître – un autre chanoine après Nicolas Copernic ! – l’avait prévue théoriquement deux ans avant, soit déjà dès 1927, une loi qui donne une relation entre la vitesse et la distance des objets célestes très lointains, les galaxies. Entre les mesures de Hubble dans les années 1920 et aujourd’hui, il s’est passé à peine une petite centaine d’années. Cela n’est pas suffisant pour détecter une éventuelle variation de la « constante de Hubble ». Simplement, les mesures de distances, à l’époque, étaient entachées de grossières erreurs. On a sous-estimé ces distances et la constante était alors trouvée d’autant plus grande. Pourtant, et on en a la preuve expérimentale, il est vrai que, voici des milliards d’années, la « constante de Hubble » était beaucoup plus grande qu’aujourd’hui. C’est pourquoi on ne doit plus parler de la « constante », mais bien du « paramètre de Hubble », car il décroît inéluctablement avec le temps qui passe, avec l’âge de l’Univers, et possède une valeur actuelle, dite « constante de Hubble », qui correspond uniquement à nos observations du moment. Cela semble contredire la très juste affirmation de Simplicio. Car l’Univers est bel et bien actuellement en expansion accélérée. Reprenons la définition du « paramètre de Hubble » : c’est, finalement, le quotient d’une vitesse par une distance. On sait que, actuellement, toutes les deux croissent avec le temps qui passe, mais la distance, qui est une mesure spatiale de l’expansion, et qui est au dénominateur, a toujours crû et continue de croître de plus en plus vite, quasiment aujourd’hui comme le carré du temps qui passe, et, bien sûr, plus vite que la vitesse d’expansion elle-même, qui est au numérateur et qui croît quasiment linéairement avec le temps ; donc le « paramètre de Hubble » diminue, progressivement mais inéluctablement, avec le temps. C’est toujours le cas pour un Univers en expansion. Mais, si l’expansion est aujourd’hui accélérée, cela n’a pas été le cas il y a très longtemps. Car dès le tout début de l’Univers, après une probable et extrêmement rapide phase très puissante, dite d’« inflation » initiale, dont la réalité est encore disputée dans la communauté des astrophysiciens, l’expansion a bien sûr continué sur sa lancée, mais à un rythme freiné, décéléré par la gravitation : le numérateur était décroissant et le numérateur toujours croissant. Bien que l’expansion se fît toujours (le dénominateur allait et continue d’aller toujours croissant), sa vitesse est allée diminuant, elle est ensuite passée par un minimum il y a quelque 6 milliards d’années, puis elle a augmenté à nouveau. Et on en est là actuellement ; la vitesse d’expansion continue d’augmenter. Je vous rappelle que qui dit vitesse décroissante, dit décélération, qui dit vitesse croissante dit accélération. On doit donc admettre que l’Univers a eu une phase d’expansion décélérée, est ensuite passé par un état d’« hésitation », comme l’a joliment écrit le chanoine Georges Lemaître, puis a repris une accélération qui se poursuit actuellement.

Simplicio : Vous me rassurez, Maître. Donc nous allons bien avoir un de ces jours notre feu d’artifice ?

(à suivre)

Illustration de titre : Galilée devant le Saint Office lors de son procès en 1633, huile de Joseph-Nicolas Robert-Fleury (Musée du Louvre)

* Christophe de Reyff, Dr ès sciences, retraité de l’OFEN (Office Fédéral suisse de l’Energie), y a été l’un des responsables de la recherche, pendant plus de 20 ans.

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Index L’appel de Mars 23 03 17

NB: L’assemblée Générale des membres de la Mars Society Switzerland aura lieu le 22 mars à 16h00 dans les locaux de Microcity (EPFL, Neuchâtel). Les personnes intéressées à participer peuvent écrire sur le site de l’association (page “contactez-nous”). Ils seront accueillis avec plaisir, sur preuve de paiement de leur cotisation pour adhésion.

Lien vers la page adhésion du site de l’association : https://planete-mars-suisse.space/fr/adhesion

La concurrence qui monte en Astronautique avec les sociétés New Space comme Relativity Space laissera peu de place aux institutionnels frileux

Ce mercredi 8 mars, un nouvel acteur dans le domaine astronautique, la start-up américaine « Relativity-Space » a pointé son nez en tentant le lancement de sa première fusée, « Terran-1 ». Elle a finalement renoncé (« aborted ») à -70 secondes de l’allumage en raison d’une température trop élevée constatée par ses capteurs dans les réservoirs d’ergols de son second étage. Elle retentera le lancement ce samedi 11 mars, entre 19h00 et 22h00 (heure suisse).

PS (23/03/23): Après deux tentatives malheureuses, les 8 et 11 mars, le lancement a pu finalement avoir lieu dans la nuit du 22 au 23 mars. La fusée s’est parfaitement comportée. Elle a notamment bien supporté son passage au point Max-Q (voir ci-dessous).

Le fait est remarquable pour plusieurs raisons : l’entreprise est privée ; elle est toute jeune puisque créée seulement en 2015 ; ses deux fondateurs, Tim Ellis et Jordan Noone, sont de jeunes ingénieurs relativement peu diplômés mais passionnés ; tous deux sont passés par SpaceX et Blue Origin ; surtout, et c’est la grande nouveauté, leur première fusée, « GLHF » (Good Luck, Have Fun), a été réalisée à 85% (en masse) en impression 3D et leurs fusées suivantes le seront en quasi-totalité (95%?) ; l’objectif clairement annoncé est l’envol vers la planète Mars et ce, dès 2024 ; enfin, Relativity Space dispose des moyens financiers de ses ambitions.

Tim Ellis, né en 1990, est le CEO (Chief Executive Officer) de l’entreprise, Jordan Noone, né en 1992 fut son CTO (Chief Technical Officer) et il en est aujourd’hui l’ETA (Executive Technical Advisor). Ils ont été, tous deux, étudiants enthousiastes en astronautique à l’USC (University of Southern California, Los Angeles) où ils animèrent son « Rocket Propulsion Lab ». Dans ce cadre, ils mirent au point une fusée étudiante (« Traveller ») qui fut la première de ces petites fusées, à être lancée dans l’espace avec succès (après avoir obtenu l’accord des autorités américaines pour le faire !). Leurs études se terminèrent assez vite (BS pour Jordan Noone et MS pour Tim Ellis) car tout de suite après leur exploit (le lancement juste mentionné), ils furent recrutés par les deux grandes sociétés astronautiques privées américaines. Noone entra chez SpaceX comme « in-space propulsion development engineer » après un très court passage chez Blue Origin ; Ellis entra, lui, chez Blue Origin. Il y fut « propulsion development engineer » mais surtout il y introduisit l’impression 3D avec métal, qu’il avait expérimentée et pratiquée pour réaliser leur fusée lorsqu’il était étudiant. Les deux amis se retrouvèrent très vite pour fonder Relativity Space. Ellis en est resté le « patron » alors que Noone, séduit par l’aspect financier de son travail, vole déjà vers d’autres cieux. Tout en restant présent par ses conseils auprès d’Ellis, il vient en effet de fonder la société « Embedded Ventures », un fonds qui se spécialise dans le financement des industries de la Défense et de l’Aérospatial. Il faut dire qu’il a démontré ses aptitudes dans ce milieu très dynamique et attractif (aux Etats-Unis). En juin 2021 il avait en effet obtenu, bien sûr avec la participation d’Ellis, le montant énorme de 1,3 milliards de dollars en fonds propres privés (capital risque) pour Relativity Space. Ceci leur permet aujourd’hui de « faire tourner » une entreprise de 170 employés en y travaillant librement (et ardemment) à la réalisation de leur rêve (chaleureusement approuvé bien entendu par leurs financiers).

L’originalité de la société, justifiant l’importance des financements reçus, est qu’elle fabrique ses fusées par impression 3D, en y intégrant l’intelligence artificielle et la robotique, induisant un maximum d’autonomie dans les opérations, sur la base de deux brevets déposés par Noone « Real-time adaptive control of additive manufacturing processes using machine learning » et « Real-time adaptive control of manufacturing processes using machine learning ». Cette impression 3D est quelque chose que les deux partenaires connaissent bien pour l’avoir déjà pratiquée, comme mentionné plus haut. Les avantages de l’impression 3D sont la suppression de nombreuses étapes intermédiaires dans la production et son corollaire la diminution drastique du nombre de pièces à assembler (100 fois moins), la rapidité d’exécution (60 jours pour réaliser une fusée à partir des matières premières), l’adaptabilité (on peut modifier les programmes d’impression) et le faible coût. A noter qu’elle est également utilisée pour certains équipements, comme les moteurs, par SpaceX. Le développement des « outils » et process depuis 2015 a permis l’utilisation d’imprimantes de trois générations successives. La génération prochaine pourra faire de l’impression horizontale (actuellement elle est verticale) ce qui facilitera les manipulations et contrôles d’objets longs comme les coques ou les réservoirs.

La première fusée de la classe « Terran-1 » est encore petite (33 mètres), comporte deux étages, a une charge utile possible de 1,25 tonnes (mais GLHF n’en emportera pas). Elle devra atteindre une altitude en orbite de 185 km (comme chacun sait, c’est un minimum). La même fusée Terran-1 pourra, si elle fonctionne, porter 900 kg sur une orbite SSO (Sun Synchronous Orbit, héliosynchrone) à 500 km d’altitude ; ou 700 kg sur une orbite SSO à 1200 km).  GLHF fonctionne au LNG, ce qui implique qu’elle sera facilement adaptable au méthane, brûlant dans l’oxygène. Le méthane a été visé parce que c’est un gaz que l’on peut obtenir sur Mars à partir du CO2 de l’atmosphère et de l’hydrogène de la glace d’eau. GLHF n’est pas réutilisable alors que les fusées Terran-1 suivantes le seront. Comme les autres futures Terran-1, elle utilise neuf moteurs « maison », « Aeon-1 », pour son premier étage et un autre moteur maison, « Aeon-Vac », pour le second étage (vac = vacuum, propulsion dans le vide). L’objet de ce premier vol n’est clairement qu’un essai. Au-delà du décollage il sera important de franchir l’étape « Max Q » (période du début de vol au cours de laquelle la fusée subit une pression dynamique maximale) pour voir sa résistance. L’ensemble du vol doit démontrer que les processus de réalisation « tiennent le choc » et que les principes appliqués pour les différents paramètres de contrôle et de navigabilité sont bons. La société en tirera un maximum d’enseignements grâce à un maximum de capteurs embarqués.

Il y aura exploitation commerciale de cette première classe de fusées Terran-1, qui peut se comparer à la Vega européenne. Il faut toujours penser à se financer car une entreprise privée ne peut pas vivre si elle n’est pas rentable. Mais en même temps la société préparera son objectif suivant qui est la réalisation puis le lancement dès l’année prochaine d’une fusée plus puissante, la « Terran-R ». Ce sera une fusée à deux étages (66 mètres), réalisée entièrement en impression 3D, récupérable et réutilisable. Elle aura une capacité d’emport de 20 tonnes en orbite et sera donc de la classe de l’Ariane 6, de la H3 japonaise ou de la Falcon-9 de SpaceX.

Sans attendre davantage, dès Novembre 2024, Relativity Space prévoit d’envoyer une fusée Terran-R en orbite de Mars, en partnership avec une autre start-up, « Impulse-Space ». Relativity fournira le lanceur et son second étage, Impulse qui s’est spécialisé dans le service « last-mile » en orbite, fournira la capsule et l’atterrisseur car il est bien prévu, dès le premier vol, de descendre sur la planète. Mars est en effet bien présent dans les esprits des membres de l’équipe. S’y poser est non seulement le but exprimé dans la présentation de la Société mais Ellis et Noone ne veulent pas se contenter de missions robotiques. Ils veulent pouvoir y aller pour que l’homme s’y installe physiquement. Dès aujourd’hui la société met en avant que l’impression 3D facilitera non seulement le séjour mais aussi l’implantation puisqu’elle permettra la construction des fusées à partir de matières premières martiennes. C’est en quelque sorte la quintessence de l’ISRU (In Situ Resources Utilization) recommandée par Robert Zubrin (fondateur de la Mars Society) dès le début des années 1990.

On peut remarquer que la fusée Terran-1 pourra concurrencer la fusée Vega (3ème échec au lancement, le 13 juillet 22) et que Terran-R pourra concurrencer Ariane 6 dont le premier lancement est sans cesse reporté, de même que la fusée H3 de la JAXA japonaise (2nd échec, 7 mars). C’est d’autant plus inquiétant (pour elles) que ces fusées concurrentes européennes et japonaises ne seront pas réutilisables (du moins tout de suite) ni bien sûr imprimables et que leurs lancements seront donc beaucoup plus coûteux que celui des Terran. C’est encore plus inquiétant quand on sait que SpaceX, déjà pleinement opérationnel et qui tient le marché avec sa gamme de lanceurs, Falcon-9, Falcon-Heavy et bientôt Starship, ne fera de cadeau à personne. Certes Ariane-6 deviendra sans doute un jour réutilisable (cf travaux en cours de la société suisse Almatech, spin-off de l’EPFL sur les pieds rétractables) mais en attendant, il faudra que l’ESA survive en dépensant davantage d’argent que ses concurrents. Autant dire que, comme actuellement, elle ne pourra compter que sur des commandes de lancement d’entités publiques européennes, captives. Et ceci se fera aux frais des contribuables de ces pays qui auraient pu dépenser l’argent autrement. Du moins quand Ariane 6 pourra voler (même dans son format non réutilisable) ce qui n’est pas encore démontré.

La conclusion c’est que les Etats-Unis malgré leurs problèmes sociétaux (wokisme, ultra-écologisme, ultra-féminisme…) restent extrêmement dynamiques dans ce secteur de l’astronautique et du spatial. Sans doute est-ce parce que le sujet séduit une bonne partie des Américains, ingénieurs, entrepreneurs et investisseurs, que cette population riche et puissante considère sans aucune inhibition les voyages, habités ou non, dans l’espace et qu’elle ne considère pas Mars comme un objectif d’exploration habitée inavouable. Aux Etats-Unis, on peut encore parler de science-fiction dure sans être vu comme un adolescent attardé coupé des réalités mais comme un entrepreneur sérieux. Comme par ailleurs, le capital-risque est une pratique largement comprise et encouragée on ne doit pas s’étonner de la multiplicité de ces initiatives New Space qui ont l’avantage de ne rien coûter à la collectivité nationale. Avec Elon Musk comme modèle, tous les espoirs sont stimulés. Grace à lui également (le réutilisable !) toutes les audaces sont permises, sans tabou. C’est de là que peuvent sortir l’innovation et la création, non de l’esprit timoré et conformiste de fonctionnaires qui doivent rendre compte à des autorités politiques obsédées par les problèmes « sociaux » et la conformité au « possible ».

Le lancement de GLHF aura lieu depuis Cap Canaveral, car Relativity bénéficie de la mise à disposition par la NASA d’une plateforme de lancement à Cap Canaveral. Vous pourrez le suivre sur Youtube (lien ci-dessous).

Je remercie Christine Vogt, membre de la MSS, de m’avoir mis sur la piste de cette très belle start-up.

Liens :

https://qz.com/relativity-space-aims-for-a-record-breaking-debut-launc-1850197041 (avec la video de l’essai du 8 mars)

https://www.space.com/relativity-space-1st-terran-1-3d-printed-rocket-scrub

https://en.wikipedia.org/wiki/Relativity_Space

https://en.wikipedia.org/wiki/Terran_1

https://www.impulsespace.com/

Illustration de titre : un moteur Aeon-1 créé et réalisé en impression 3D par Relativity Space. Une véritable œuvre d’art ! Les ergols arrivent par la droite, sont mis au contact au centre dans la chambre de combustion ; les gaz résultant de la combustion sont expulsés par la tuyère à gauche. Il existe trois versions du moteur Aeon-1 ; Aeon-R ; Aeon-Vac. Ils utilisent du gaz naturel liquide (LNG) comme carburant et de l’oxygène liquide comme comburant.

Illustration ci-dessous: trajectoire de GLHF (crédit Relativity Space):

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Index L’appel de Mars 23 01 29

Pourquoi pas un Starship à propulsion nucléaire pour compléter les capacités du Starship à propulsion chimique ?

Avec la propulsion nucléaire thermique (« NTP ») le voyage jusqu’à Mars pourrait durer deux mois au lieu de six. Cela serait très appréciable pour les passagers humains puisque, notamment, le temps d’exposition aux radiations cosmiques serait réduit de quatre mois. Ceci dit, les transports d’équipements ne requérant pas de protection-antiradiations particulière pourront toujours se faire à bord de vaisseaux Starship à propulsion chimique. On peut donc envisager, en créant une version NTP du Starship « classique » à propulsion chimique, d’utiliser pour les deux versions un accès à l’orbite terrestre en utilisant le même lanceur SuperHeavy. De toute façon nul vaisseau à NTP ne sera autorisé à partir de la Terre une fois son réacteur à fission activé et, une fois le réacteur activé en orbite haute, aucun de ces vaisseaux ne sera autorisé à revenir sur Terre.

Il faut donc réfléchir à la possibilité de cette adaptation en sachant que cette solution impose un entretien du vaisseau NTP resté en orbite haute (si on veut s’en servir plus d’une fois !) ainsi qu’un transbordement des passagers et de leurs bagages sur cette même orbite ; ces deux opérations pouvant être effectuées par un Starship à propulsion chimique monté sur un SuperHeavy mieux qu’avec n’importe quel autre lanceur (volume et masse transportés). Au retour de Mars, le problème sera assez semblable puisque si le Starship n’aura pas besoin d’un lanceur SuperHeavy pour repartir du sol de la planète (gravité plus faible), la version NTP ne sera pas davantage autorisé à repartir du sol de Mars (après y être descendu) puisque cette planète possède aussi une atmosphère susceptible de transporter des particules irradiantes et que, par principe, elle sera en cours de colonisation humaine. Il faudra donc prévoir que le vaisseau NTP reste en orbite et que la navette entre le sol et l’orbite se fasse là aussi, avec une navette Starship à propulsion chimique.

Mais un préalable pour envisager ce mode de transport est de savoir si un vaisseau spatial serait compatible avec un SuperHeavy, ou plus précisément si un Starship à propulsion chimique pourrait être converti en vaisseau NTP en conservant le même volume dans la même coque, en n’excédant pas la masse pouvant être propulsée par un lanceur SuperHeavy et en restant adaptable à ce lanceur (docking, activation du réacteur aussitôt que possible après que le Starship aura été libéré par son lanceur). Après avoir lu les documents en référence ci-dessous, je pense qu’il est possible d’aménager une telle compatibilité mais je laisserai mes amis ingénieurs le confirmer par leurs calculs.

Voyons d’abord les risques auxquels on s’expose avec une propulsion NTP. Il s’agit plus précisément des radiations résultant des fuites de neutrons qui sortiront du réacteur, et du rayonnement gamma secondaire induit par l’impact des neutrons sur divers obstacles. Les fuites de neutrons sont d’autant moins négligeables que le réacteur est puissant et il faut qu’il soit puissant pour propulser un vaisseau spatial vers Mars. L’étude en référence mentionne 0,5% pour un réacteur d’une puissance de 1000 MW. Cela donne un ordre de grandeur. C’est peu en pourcentage de ce que produit la fission mais c’est beaucoup en valeur absolue, surtout considérant la durée d’exposition, même si le réacteur ne fonctionne pas pendant toute la durée du voyage.

Comment s’en protéger ? Il y a plusieurs solutions et elles sont cumulables : (1) la réserve de gaz utilisée comme élément propulsif, étant bien compris que la quantité de ce gaz diminue avec le temps puisqu’il est éjecté dans l’espace ; (2) la distance mise entre le réacteur et l’habitat ; (3) un bouclier en matière appropriée, d’une forme adéquate et bien positionné par rapport au réacteur et à l’habitat.

Concernant le gaz, le plus probable car le plus efficace (le plus léger) est qu’on utilisera l’hydrogène. L’avantage pour la protection est que cet élément chimique est constitué d’un seul proton autour duquel orbite un seul électron. Face aux projections de neutrons, le proton unique de l’hydrogène constitue un excellent absorbeur d’énergie (beaucoup plus que les atomes de numéro atomique élevé qui peuvent éclater à l’impact, ce qu’on appelle la « fission »). L’inconvénient ce sont les fuites qui résultent de la très faible masse de la molécule d’hydrogène et qui nécessite un réservoir particulièrement étanche donc massif. Mais on parle de plus en plus de « powerpaste* » qui permet de piéger de l’hydrogène dans un matériau stable et transportable (hydrure de magnésium, MgH2 avec adjonction de quelques sels métalliques pour stabiliser le produit) avec reconversion facile et rapide en présence d’eau (MgH2 +2 H2O => 2 H2 + Mg(OH)2. Une partie importante de l’hydrogène (celle qui n’est pas utilisable dans l’immédiat) pourrait être transportée sous cette forme

*Fraunhofer Institute for Manufacturing Technology and advanced materials (IFAM), filiale de Fraunhofer Gesellschaft, Dresde.

Concernant le bouclier, le plus probable est qu’on utilisera principalement du carbure de bore (B4C). Cette matière est quatre fois plus légère que l’acier inoxydable (qui constitue la coque du Starship) et utilisée généralement dans les réacteurs à fission pour interrompre la diffusion des neutrons (lorsqu’on veut mettre le moteur à l’arrêt). Ce bouclier devra éviter que des neutrons émis par la réaction lors de l’utilisation des moteurs, parviennent à l’habitat. Mais il devra aussi éviter que ces neutrons réchauffent l’hydrogène dans son réservoir pour ne pas risquer son ébullition ou sa cavitation avant son chauffage pour expulsion. Par ailleurs certains équipements (circuits électroniques ou actionneurs motorisés) pourraient souffrir des radiations. Enfin il ne faut pas oublier le rayonnement gamma qui, lui, ne sera pas sensible à l’écran formé par l’hydrogène et qui ne pourra être contenu que par un élément à numéro atomique très élevé (le plomb). Le bouclier devra donc être constitué essentiellement de carbure de bore avec une couche aussi fine que possible (mais quand même suffisante pour être efficace) de plomb du côté exposé au réacteur.

Maintenant, le volume et la position du bouclier seront très importantes. Dans l’espace, les radiations parviendront en ligne droite du réacteur à l’intérieur du vaisseau. Pour se protéger, il conviendra donc de placer un disque orthogonal au réacteur, aussi épais que nécessaire, avant les réservoirs d’hydrogène et au plus près des moteurs. Le disque déterminera avec le réacteur, un cône dans l’ombre duquel la protection sera maximum (« shadow shield »). Si le bouclier a lui-même une forme de cône avec son sommet vers le réacteur, cela facilitera l’évacuation des radiations en dehors du corps du vaisseau et, par ailleurs, la trajectoire possible des neutrons à l’intérieur du bouclier sera étendue. Dans ce cas, l’épaisseur sur la périphérie du cône pourra être réduite mais l’épaisseur au droit du sommet du cône, devra être renforcée.

Le bouclier sera donc un cône de quelques centimètres d’épaisseur sur toute la section de la coque du Starship (diamètre de 9 mètres). La masse volumique du carbure de bore étant de 2,5 g/cm3, et celle du plomb 11,3 g/cm3 on voit tout de suite que les masses seront importantes (un disque de carbure de bore de 9 mètres de diamètre et de 5 cm d’épaisseur aurait une masse de 8 tonnes, un disque de plomb de même diamètre et de 0,5 cm d’épaisseur aurait une masse de 3,5 tonnes) d’autant que la forme conique du bouclier implique une masse plus importante qu’un simple cylindre. A noter qu’en plus de la masse du bouclier, le Starship devra embarquer un réservoir d’hydrogène avec son revêtement isolant pour éviter les fuites, plus une réserve d’eau pouvant libérer l’hydrogène à partir du powerpaste et bien sûr une réserve de powerpaste contenant la quantité d’hydrogène nécessaire à l’approvisionnement des moteurs (10 kg de powerpaste pouvant contenir 1 kg d’hydrogène). Ce réservoir remplacera les réservoirs de méthane et d’oxygène nécessaires à la propulsion chimique, pour une masse sans doute équivalente.

Quelle que soit la masse nécessaire pour le bouclier, pourvu qu’il ne dépasse tout de même pas une vingtaine de tonnes, on peut penser que le Starship classique pouvant transporter une masse utile de 100 tonnes ou 100 personnes jusqu’à Mars, il restera suffisamment de capacité d’emport pour transporter un équipage de dix à douze personnes sur Mars avec leurs vivres et équipements. Dans l’étude en référence, une enceinte supplémentaire est prévue autour de l’habitat pour le protéger des radiations cosmiques. Alternativement on peut prévoir de placer les réserves d’eau et de vivres dans des compartiments autour de l’habitat. Leur contenu en hydrogène donnerait une très bonne protection contre le flux régulier de protons portés par le vent solaire et l’eau pourrait récupérer la chaleur fatale provenant des réacteurs pour chauffer la partie habitable du vaisseau.

Schéma d’un vaisseau NTP avec son « shadow shield ». Vous remarquerez que sa forme est semblable à celle d’un Starship

Je ne dispose pas des éléments nécessaires pour démontrer que les hypothèses que j’avance dans cet article sont réalistes ou ne le sont pas. Si des lecteurs sont intéressés à calculer la faisabilité de ce Starship, je suis intéressé à dialoguer avec eux.

A noter que d’autres vaisseaux spatiaux que le Starship sont possibles, notamment ceux ayant une architecture au sein de laquelle l’habitat est séparé du réacteur par une structure métallique de longueur suffisante pour réduire les radiations à un niveau acceptable (d’autant qu’au début du voyage le réservoir d’hydrogène entre le réacteur et l’habitat ajouterait une protection supplémentaire).

L’avantage d’utiliser un Starship adapté (avec transposition des moteurs et du réservoir pour la propulsion NTP, dans le même volume) serait que l’on pourrait utiliser le SuperHeavy pour le porter jusqu’à l’orbite terrestre en même temps qu’on continuerait à utiliser le SuperHeavy pour mettre des Starship à propulsion chimique en orbite. Eventuellement, on pourrait ajouter entre le SuperHeavy et le Starship NTP, un deuxième étage “tampon” à propulsion thermique* capable de pousser le Starship sur une orbite suffisamment haute où il aurait tout le temps de mettre en route la propulsion NTP. Ce deuxième étage serait évidemment récupérable. L’ennui avec cet ajout c’est qu’on commence à modifier la coque du Starship et donc on renonce à une certaine standardisation du vaisseau (par ailleurs si on ajoute un volume complémentaire en hauteur, on modifie l’équilibre général SuperHeavy + Starship).

*comme je crois le propose Xavier Philippon.

Quoi qu’il en soit, ma conclusion est qu’il faudra réfléchir à deux fois avant de jeter le Starship avec l’eau du bain de la propulsion chimique car on devrait toujours en avoir besoin.

Liens :

https://www.mragheb.com/Nuclear%20Propulsion%20Choices%20for%20Space%20Exploration.pdf

https://ntrs.nasa.gov/api/citations/20150006884/downloads/20150006884.pdf

https://www.iter.org/newsline/-/3552

https://www.discoverthegreentech.com/powerpaste-pate-stocker-hydrogene/