Corona—cultures

Arsène Doyon–Porret (“PODA”), dessin et coloriage, crayons et feutre noir, octobre 2021

Sur les stades de foot, les enfants shootent le ballOVID-19! La pandémie COVID-19 inspire sa sublimation. Elle éprouve le monde depuis environ 17 280 heures. Avec des reflux et des récidives, des embellies et des rechutes, la pathologie désorganise les sociétés, éprouve l’économie et alarme les individus. Elle impacte négativement l’espérance de vie.

Beaucoup d’incertitude sur son origine: un laboratoire chinois mal sécurisé? La chaîne de distanciation biologique brisée entre les espèces -zoonose? Un acte malveillant? «L’industrialisation des élevages couplés à l’accélération des échanges à l’échelle mondiale et à la dégradation de la santé des populations dans les pays industrialisés»? (Barbare Steiger, De la démocratie en pandémie, Tracts Gallimard, No 23, janvier 21). Quoi d’autre?

Trauma pandémique

Dans les sociétés nanties et sécularisées, la mort retrouve une visibilité oubliée depuis des décennies, car, à l’opposé du sexe, elle reste le tabou majeur de notre société médicalisée selon Philippe Ariès. Peut-on oublier l’étreinte collective de la mort, les convois militaires funéraire, les inhumations solitaires en vrac, le tocsin funèbre à Bergame, épicentre pandémique en Italie? Des images d’Ancien régime. Des images fondatrices du trauma pandémique en Europe qui s’est ajouté à l’incertitude sur la genèse pandémique.

Au terme d’un cycle néolibéral, la remise en selle de l’État providence et la «politique budgétaire keynésienne» de relance donnent la mesure de l’ampleur du choc social et politique. Cher à la social-démocratie, l’État providence se réaffirme dans sa double dimension historique : contrôle social et déficit des comptes publics. Peut-être découvrions-nous notre impréparation?

En des formes différentes, la pandémie préoccupe et mobilise chacune et chacun. Plus que la faim dans le monde, le chaos climatique, la mortalité routière, la criminalité et la morbidité du narcotrafic mafieux ou l’errance cosmopolite des déracinés de la misère que la Méditerranée submerge. Ce “concernement” universel, quasi quotidien, est globalement morbide et angoissant. Bientôt, les parents fâchés rabroueront-ils ainsi les polissons : «Si tu n’es pas sage, j’appelle COVID-19»?

En Suisse (8,5 millions d’habitants), plus de 9.400 personnes sont décédées de la Covid-19. En Europe, plus de 900.000 personnes ont succombé au virus, selon un comptage réalisé par l’AFP.

Le tabassage médiatico-pandémique et statistique sur les radios publiques n’arrange pas les choses avec les chiffres oscillants de la démographie morbide en temps réel! La cité des vivants est assiégée jour et nuit.

Y rêvons-nous?

Ainsi, dans notre intimité, nous ne cessons d’y penser, voire d’y rêver chaque nuit que Dieu fait. Dans notre for intérieur, nous avons un avis raisonnable ou insensé sur les gestes barrières, sur les gels désinfectants, sur le vaccin traditionnel ou à ARN messager, sur le passe sanitaire que des démagogues ombrageux dénoncent comme le retour de l’Ausweis nazi. Sans rien y connaître, entre refus, prudence, crainte, adaptation et soumission, nous sommes devenus les spécialistes quotidiens de la prophylaxie. Nous avons un budget dédié aux produits de protection. Les tests seront bientôt payants. Les pharmaciens sont heureux. Nous nous sommes mués en hygiénistes professionnels sur-adaptés au moment de la COVID-19. Nous sommes les «Modernes» covidés-19 par rapport aux «Anciens» pestiférés ou cholériques du temps passé. Singulière adaptation collective!

COVID-19 produit à forte intensité des sous-cultures qui fabriquent un imaginaire social aussi  consumériste et ludique.

La mode

La « Pandemic Fashion » est née. Le «confinement» est tendance. Les gestes-barrières sont du dernier cri! Le « Lockdown » est esthétisé. On le rend sublime, désirable et attractif. Sa plus-value symbolique et marchande s’ajoute à celle du matériel de protection médicalisé non couvert par les assurances maladies: hygiaphones, gel, masques, gants.

Masques démédicalisés, colorés, ludiques et de luxe, gel parfumé au gingembre, au musc ou à la bergamote. Parmi d’autres labels, « Pour un homme de Caron » propose un « gel parfumé pour mains désinfectant » sous la même présentation fastueuse que les parfums ou eaux de toilette de la gamme. Avec un prix avoisinant. Se désinfecter les mains, quel chic!

Entre deux accalmies, pas seulement à la nuit tombée, l’infection rôde. Certes. Or, la haute couture et le prêt-à-porter récupèrent, transcendent et érotisent les codes hygiéniste et les gestes barrières. On joue sur la «pop culture». Le masque imprimé sur un t-shirt devient l’icône universaliste de la pandémie dévorante comme la figure de Che Guevara a été celle de la révolution universelle dans les années 1960, avant d’être étouffée dans l’œuf.

Corona Style

On décline Éros et Thanatos en des formes provocantes, chatoyantes et séduisantes. On parle maintenant du «Corona style» (pas la bière mexicaine mais le virus insatiable). Il inspire les créateurs et les “performateurs” contemporains qui subliment ou ridiculisent COVID-19.

Corona style gagne aussi l’industrie pornographique dont la consommation en ligne est exponentielle depuis deux ans. Dès l’aube de la pandémie, la «surconsommation de pornographie entraînerait des problèmes érectiles» s’alarme finement un grand quotidien romand qui perpétue le préjugé des seuls adeptes masculins du X.

«New Coronavirus Porn», «Pandemic-porn videos», «Coronavirus vidéo porno», «Pandmia videos porn», «Pandemie Xart Pornos»: l’”X-culture” prolifère dans tous ses états et en toutes ses posture (dé)masquées.

Le code pandémique se glisse progressivement en pornographie. Le geste-barrière, la seringue, le gant hygiéniste et le masque adapté aux intimités d’Éros deviennent les ingrédients obscènes et transgressifs du commerce sexuel en style genré.

Quelle étreinte à travers l’hygiaphone?  La distance des corps virtuellement infectés invite au corps à corps jouissif irrépressible. Le geste-barrière devient le geste qui dénude le derrière.

Il reste à écrire l’anthropologie des cultures en pandémie.  Champ complexe. Celui de l’imaginaire érotique du désir masqué serait le contrepoint résiliant à l’imaginaire dystopique du COVID 19-84. Tout comme le ballOVID-19!

On joue?

 

Pandémie: résurgence de la haine

Michel Porret: “Effroi urbain” (Saint-Julien en Genevois, samedi 5 septembre 2021).

Comme l’écrit en 1978 l’historien du sentiment religieux Jean Delumeau dans La Peur en Occident, dès la fin du Moyen âge, la «cité est assiégée». S’y réitèrent «à intervalles plus ou moins rapprochés, des épisodes de panique collective, notamment lorsqu’une épidémie s’abattait sur une ville ou une région» (p.98). Après les mesures sanitaires étatiques du premier «confinement» (quarantaine domiciliaire) imposé un peu partout en Europe entre mars 2019 et mai 2020 contre la pandémie de la Covid-19, nous vivons méfiants, inquiets, apeurés et alarmés. La cité est assiégée, comme le rappellent les nouvelles mesures sanitaires édictées vendredi 8 septembre 2021 par le Conseil fédéral, pour application dès le 13 septembre.

https://www.academie-francaise.fr/le-covid-19-ou-la-covid-19: «l’emploi du féminin serait préférable; il n’est peut-être pas trop tard pour redonner à cet acronyme le genre qui devrait être le sien».

Anthropologie de l’effroi

Masques, gestes barrières, désinfection quotidienne, écart corporel, dépistage manuel et automatisé par température: la nouvelle culture sanitaire augmente l’intolérance sensible au morbide, pour paraphraser Alain Corbin. Elle nous transforme en acteurs improvisés d’une histoire sociale et planétaire de la peur qu’accélère la médiatisation continuelle et irréfléchie de la forte mortalité due à la Covid-19, dont la courbe saisonnière oscille entre embellie et rechute. Cette anthropologie de l’effroi culmine avec les rituels du deuil escamoté qui marque le temps des catastrophes humaines, des épidémies aux guerres selon Alessandro Pastore. Peut-on oublier l’étreinte de la mort collective, les convois militaires funéraires et les inhumations solitaires en vrac à Bergame, épicentre pandémique en Italie?

La démocratie pandémique

Le régime d’«exception ordinaire», mis aux libertés individuelles et collectives, mène-t-il à la «démocratie en pandémie»? Peut-on associer ces deux termes? Le «Lock down» sanitaire, selon Xavier Tabet, est un moment politique inédit par son ampleur où le droit à la vie est ancré dans la biopolitique au profit de la majorité mais avec des risques liberticides. Comment l’État de droit va-t-il ajuster durablement le paramètre politique de la démocratie pandémique? À moyen terme, dans le pire des mondes possibles, entre macro-économie et discipline sociale, la «gouvernance de la peur» peut certainement rapprocher les États libéraux et autoritaires, comme parfois les guerres l’ont fait. Est-elle probable cette nouvelle alliance sanitaire du régime d’exception pour miner l’offensive pathologique de Covid-19? En Chine comme aux U.S.A., les lieux publics réservés aux personnes doublement vaccinées se multiplient. À New York, de nombreux commerces affichent «No mask. No Entry».

Mal pandémique, mal moral

Au risque contagieux, que depuis 6 mois endiguent les campagnes vaccinales sur fond de rivalités scientifiques et d’enjeux économiques colossaux entre trusts pharmaceutiques, suit la crainte anti-vaccin. L’auto-défense des «antivax» et des «anti-passes» dérive en refus «libertaire». Une minorité politiquement hétéroclite conteste l’État providence sanitaire. Le vaccin et le «passe sanitaire» symbolisent la tyrannie hygiénique. «Ma liberté » — dit-on— est «incompatible avec votre politique préventive». À bas la dictature sanitaire!

Dans ce contexte de délabrement moral et social, un problème crucial noircit l’horizon : le mal pandémique réveille le mal moral. Le libertarisme anti-sanitaire devient antisémite. En «retournant les stigmates» du mal, il brouille sciemment la mémoire collective du mal. «Non au passe nazitaire; Prochaine étape: rafle des non vaccinés» : sous de tels slogans, en France, mais aussi en Suisse et ailleurs, la mobilisation graduelle «anti-passes et anti-vaccins» a des relents nauséabonds. Numéros tatoués sur les avant-bras de manifestants qui arborent une étoile jaune, étoile de David peinte sur la façade d’un centre de vaccination (Neuillé-Pont-Pierre, Indre-et-Loire), huée contre les «empoisonneurs juifs» : l’hostilité anti-sanitaire emprunte le symbolisme concentrationnaire de l’antisémitisme nazi entre 1939 et 1945.

Résurgence de la haine

Ce «phénomène viral» canalise et attise la résurgence de la «haine antijuifs» (rancune confuse contre les «institutions de l’ordre établi»; haine trouble des élites, haine jalouse du cosmopolitisme). Selon Tal Bruttmann, remarquable historien de la Shoah, nous assistons sous la pandémie à l’inquiétante et décomplexée «jonction entre l’antisémitisme primaire de ceux qui pensent que le vaccin a été inventé par les juifs pour détruire les autres, et l’antisémitisme plus politique de ceux qui disent que les juifs contrôlent les médias, le pouvoir» (Le Monde, 19 août 2021). Dès l’aube de la pandémie, toujours complotistes, toujours marquées par les rumeurs invraisemblables, les démesurées «accusations à relents antisémites» sur les réseaux sociaux (Europe, Russie, États-Unis) renouent avec l’imaginaire criminel des «allégations d’empoisonnement» qui ont culminé au Moyen âge.

Cette constante de l’antisémitisme chrétien et politique né avec peste noire (mi-XIVe siècle), comme l’a montré le grand historien italien de la chasse aux sorcières Carlo Ginzburg, peut se banaliser dans le durcissement de la démocratie sanitaire. Or, il y a pire.

En comparant la politique sanitaire de l’État providence aux rafles antijuives et le président Macron ou le Conseil fédéral à Hitler et à l’État totalitaire, la mouvance antisémite des antivax et des anti-passes relativise la «barbarie nazie». Les droites nationalistes et extrêmes  hostiles à l’État libéral et à la culture de l’État providence trouvent leur compte dans la chimère pseudo libertaire.

La pandémie de la Covid-19 pose ainsi un double défi démocratique, complexe à résoudre, impératif pour l’avenir de nos enfants: sortir de la gouvernance de la peur en plaçant sans concessions autoritaires le droit à la vie sous le régime de l’État de droit; combattre le renversement des stigmates qui relativise et réactive le mal moral toujours assoupi. Un gros chantier pour abattre la populisme sanitaire et ses démons pestilentiels, spectres hideux d’un autre temps!

Lectures utiles:

Gastone Breccia, Andrea Frediani, Epidemie e Guerre che hanno cambiato il corso della storia,  Newton Compon, 2020;  Cécile Chambraud, Louise Couvelaire, « Mobilisations anti-passe sanitaire : l’antisémitisme d’extrême droite resurgit », Le Monde 19.08. 2021 (p. 8-9); Alain Corbin, Le Miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social 18e-19e siècles,  Aubier, 1982; Jean Delumeau, La Peur en Occident (XIVe-XVIIIe siècles). Une cité assiégée, Paris, Fayard, 1978; Carlo Ginzburg, Le Sabbat des sorcières, Paris, Gallimard, 1992; Marino Niola, « Perché oggi è cosi eguale a ieri », La Republica, Robinson, 243, 31.07.2021 (p. 4-5); Alessandro Pastore, Crimine e giustizia in tempo di peste nell’Europa moderna, Roma-Bari, Laterza, 1991; Corey Robin, La Peur, histoire d’une idée politique, Armand Colin, 2006; Barbara Stiegler, De la Démocratie en pandémie. Santé, recherche, éducation,  Tracts Gallimard (23), janvier 2021; Xavier Tabet, Lockdown. Diritto alla vita e biopolitica, s.l., Ronziani numeri, 2021.

Rappel : quelques offensives pandémiques

Peste d’Athènes : 430-426 av. J.C.
Peste antonine : 65-180
Peste justinienne : 542
Peste noire : 1347-1350
Peste d’Arles : 1579-1581
Peste de Londres : 1592-1593
Peste espagnole : 1596-1602
Peste italienne : 1629-1631
Grande peste de Naples. 1656
Grande peste de Séville : 1647-1652
Grande peste de Londres : 1665-1666
Grande peste de Vienne : 1679
Grande épidémie de variole en Islande : 1707-1709
Épidémie de peste de la Grande guerre du nord (Danemark, Suède) : 1710-1712
Peste de Marseille : 1720-1722
Grande peste des Balkans : 1738
Peste de Russie : 1770-1772
Peste de Perse : 1772-1773
Variole des Indiens des plaines : 1780-1782
Fièvre jaune des États-Unis : 1793-1798
Épidémie ottomane : 1812-1819
Première pandémie de choléra :1817-1824 (Afrique orientale, Asie mineure, Extrême-Orient)
Deuxième pandémie de choléra : 1829-1851 (Asie, Europe, U.S.A.)
Variole des grandes plaines (USA) : 1837-1838
Troisième pandémie de choléra : 1846-1860 (Monde)
Peste de Chine : 1855-1945 (Monde)
Quatrième pandémie de choléra : 1863-1875 (Europe, Afrique du Nord, Amérique du Sud)
Cinquième pandémie de choléra : 1881-1896 (Inde, Europe, Afrique)
Grippe russe : 1889-1990 (Monde)
Sixième pandémie de choléra : 1899-1923 (Europe, Asie, Afrique)
Grippe espagnole : 1918-1920 (Monde) : 50 à 100 millions de †
Grippe asiatique : 1957-1958 (Monde) : 1 à 4 millions de †
Septième pandémie de choléra : 1961-présent (Monde)
Grippe de Hong-Kong : 1968-1969 (Monde) : 1 à 4 millions de †
Grippe russe : 1977 (Monde)
SIDA (1920) : 1980-présent (Monde) : 32 millions de †
Grippe A (H1N1) : 2009-2010 (Monde)
Ebola : 2013, 2018 (Afrique de l’Ouest ;République/Congo)

LDM 76

Poésie du monde: je suis troublé, mais je ne sais pas pourquoi

 

«L’Afrique est ensablée, l’Europe est inondée»: Lars Von Trier, Element of Crime (1984)

Covid: première vague pandémique

Covid: seconde vague pandémique

Covid: troisième vague pandémique

Planète affolée: émissions de Co2 en pleine vigueur

Amérique du Nord, Canada: dôme de chaleur

Afrique : «Se dirige-t-on vers une catastrophe au Tigré?»

 

«Canicule en Australie, confinement à Hong Kong, ambulances au Portugal.»

«La température mondiale continue d’augmenter: l’été 2021, marqué par des incendies violents gigantesques, des températures records et des inondations, s’annonce comme le plus chaud jamais enregistré.»

On s’en jette un petit vite fait?

Allemagne, Belgique, Chine : destruction de masse par inondation

Brésil: déforestation

Californie: calcination

Méditerranée: combustion

Grèce: inflammation

Turquie: ignition

«Une vague de chaleur provoque un épisode de fonte « massive » des glaces au Groenland»

«Les SUV, deuxième cause du réchauffement climatique en France, selon WWF (40% des immatriculations)»

Irak : 52 degrés Celsius en Enfer (politique)

Migrants : déracinement suicidaire et embarquements naufrageurs sur rafiots de fortune

«Plus de 700 migrants secourus durant le week-end en Méditerranée»

«Les corps de 25 migrants retrouvés au large du Yémen»

 

Chine: répression kafkaïenne et contrôle social futuriste

Russie: canicule autoritaire

Europe: délire anti-vaccinal, peste antisémite, frémissements fascistes

Palestine: le statu quo! Quoi d’autre?

Afghanistan… à suivre!

On s’en jette un petit vite fait?

Poésie du monde global ou pesée globale du monde?

«Peine de mort : 88% des exécutions commises en Égypte, Iran, Irak et Arabie saoudite.»

«Amazon a dégagé 7,8 milliards de dollars (6,56 milliards d’euros) de bénéfice net au deuxième trimestre, 48% de plus qu’il y a un an.»

«Plus de 56 milliards de bénéfices: Apple, Google et Microsoft avalent le monde.»

«Le chiffre d’affaires des drogues dans le monde est estimé à 243 milliards d’euros.»

«L’ONG Oxfam alerte avec un nouveau rapport : la faim a de nouveau beaucoup progressé dans le monde. Elle tuait « habituellement » six personnes à la minute et elle menace dorénavant onze personnes à la minute, nettement plus que la Covid-19, sept personnes à la minute…»

On s’en jette un petit vite fait?

Covid : l’objectif de la 4e vague sera atteint en automne!

«Le variant Delta à l’assaut du monde arabe.»

«Selon les projections de l’Institut Pasteur, 50.000 enfants et adolescents pourraient être infectés chaque jour à partir de septembre

«Papa…le monde sera comment quand je serai plus grand?»/« Meilleur, moins crépusculaire. Plus fraternel. Il ne faut pas avoir peur! Mais les adultes doivent cesser de mentir devant l’accalmie qui s’en va!»

On s’en jette un petit vite fait?/Ouais, où t’as parqué ton SUV?

 

Joan Baez – I’m Troubled And I Don’t Know Why (BBC Television Theatre, London – June 5, 1965):

https://www.youtube.com/watch?v=RD3_A9TYggQ

Je zoome. Tu zoomes. Il ou elle zoome. Nous zoomons. Vous zoomez. Ils ou elles zooment. Sergio Leone zoome !

 

 

Sergio Leone, Il buono, il brutto, il cattivo, Italie, 1966, 175 min., © PEA. Zooms: « duel final » à trois.

Avec la pandémie COVID19 (et autres variables virales), zoomer, verbe intransitif du 1er groupe conjugué avec l’auxiliaire avoir, désigne la bureaucratie planétaire des vidéoconférences insaturées au moyen de logiciels dédiés dans les établissements d’enseignement obligatoires, les universités et les hautes-écoles, les administrations publiques ou privées ainsi que dans les entreprises.

Zoomer instaure en temps réel la communication et la discussion entre des personnes physiquement éloignées, car bien souvent mises en quarantaine chez eux (« confinement »). Mais aussi pour leur contrôle que les zoomers, en fait, savent de mieux en mieux déjouer.

Le «distanciel» (pour relations sociales dans la distance) remplace le «présentiel» (pour relations sociales en chair et en os). Depuis 18 mois environ, ce nouveau mode de sociabilité virtuelle dans l’éloignement se banalise.

«Une fois les choses redevenues normales», comme le dit souvent mon aimable facteur sous le masque qui l’étouffe, le vie en zoom va-t-elle se pérenniser?

D’un point de vue pragmatique et utilitaire, beaucoup de choses militent pour ancrer durablement le zoonage (néologisme) dans l’économie et le contrôle social: gain temporel (donc financier), autorité, technocratie, flexibilité, mondialisation des normes bureaucratiques, discipline individuelle, ordre collectif.

Zoom pour un ! Tous pour Zoom!

Or, ce zoom-là, on ne l’aime guère. On s’y habitue car il n’est que la prothèse obligatoire et virtuelle de la vie sociale. Sa modernité que certains exaltent nous étouffe.

Ce zoom-là usurpe la place d’un autre!

Celui qui fait rêver. Celui de la grande aventure.

Dans le langage visuel (photographique puis filmique), zoomer signifie photographier ou filmer en opérant un gros plan (focalisation) au moyen d’un appareil spécifique ou d’une mécanique particulière de prises de vue («zoom»).

Zoomer : isoler et amplifier un détail. Le grossir. Lui donner un sens saillant. L’amplification visuelle réverbère le gros plan d’un objet, d’un visage, d’un corps, d’un lieu.

Le bon, la brute et le truand (1966) : en conclusion de son chef d’œuvre sur la «mystique du colt», Sergio Leone multiplie et accélère les zooms sur les protagonistes du duel (triel) suprême. Entre éclat solaire, sonorité des cuivres, croassements de corbeaux et ombre de la mort qui va happer l’un d’eux dans le cercle sépulcral des tombes environnantes, les zooms répétés scandent la vigilance, la ruse et la bravoure (ultime) des duellistes.

Une des plus belles scènes de toute l’histoire du cinéma après 1945.

Visages burinés, yeux méfiants, fatalistes ou sarcastiques, paupières agitées, ceinture lourde de munition, main prête à saisir la crosse du colt: zooms en chaîne, la mort est en marche dans le temps suspendu.

Zooms enchaînés comme des clignement d’yeux.

Le zoom accroît la tension et annonce le dénouement du feu pour Sentenza (Lee Van Cleef). Il est mis en tombe par les deux balles consécutives du cynique Biondo (Clint Eastwood) qui a pris soin de vider nuitamment le colt du troisième larron (Tuco Ramirez).

Au zoom, suit le plan général sur les survivants du duel à trois. Le retour au plan large suspend pour un temps le face à face mortel.

Face à face virtuel.

Le zoom accentue l’isolement dans la dureté pandémique qui semble aujourd’hui marquer le pas. Le dispositif visuel grossit les traits du visage mis en ligne virtuelle. Pour atténuer l’incursion panopticale dans leur univers domestique, maints zoomers changent l’écran en fond noir ou en photographie exotique.

D’autres mettent leur cravate pour être présentable. D’autres encore, leur chapeau à fleur voire leur voilette.

Genèses de fiction: ouvrir zoom, agir en zoomers, cadrer, fermer, enregistrer.

Western solaire de Sergio Leone: splendeur du zoom filmique, le desperado meurt dans un combat homérique. Les murailles de Troie sont remplacées par les rangées de pierres tombales.

Quotidienneté des gestes barrières: grisaille du zoom hygiéniste, la sociabilité agonise dans la trivialité de la désincarnation.

On s’y habitue? Pas de résignation!

Être desperado ou ne pas être socialisé dans la virtualité? Telle est la question.

A quand le retour au plan large?

 

Il Buono, Il Brutto e il Cattivo: colonne sonore

https://www.youtube.com/watch?v=d6RL67BMtiM

LDM 72

Anatomie politique du COVID 19. Surveiller et endiguer

Arsène Doyon-Porret, “Stop!”; avril 2021 (© Poda – 2021)

Lever la quarantaine, que certains nomment curieusement «confinement»: cette décision politique, socialement plébiscitée, repose sur l’«avis scientifique» de comités d’experts ad hoc. Un peu partout, dans l’urgence de la guérilla anti-pandémique avec les vaccins en ligne de front comme les snipers en temps de guerre, la politique devient biopolitique.

Diversement motivée, souvent assénée, répercutée au diapason médiatique, assénée jour et nuit, la gouvernance de l’autorité biopolitique prend une ampleur sociale inédite depuis le XIXe siècle.

Il suffit d’écouter les radios nationales comme France Inter pour mesurer le périmètre croissant du consentement biopolitique et de la médiatisation incessante (tintamarresque) des variation sur la courbe démographique et pandémique. La France a peur tous les soirs à vingt heures!

Autorité biopolitique

Sa légitimité : le bien commun (antienne de la culture politique des Lumières).

Son objectif : retrouver la normalité sociale, soit la sociabilité démasquée que tous souhaitent avant l’été. Un état des choses notamment consumériste de biens matériels et culturels.

Le bien commun est l’enjeu biopolitique de la protection de la vie. Il faut «défendre la société» avec les instruments scientifiques et médicaux du contrôle social. Des instruments sophistiqués dont la complexité technologique surpasse les conséquences éthiques.

À part les conspirationnistes égarés qui confondent la dystopie et la réalité, le consensus est universel sur la nouvelle donne biopolitique de la défense sociale contre la pandémie. La sécurité prime pour défendre la vie.

La biopolitique contemporaine réverbère certainement la révolution pasteurienne et l’hygiénisme du XIXe siècle dont les campagnes massives sur les conditions de vie dans la société industrielle et urbaine, tout autour de l’insalubrité, de la morbidité, de la «dénatalité», de la «dégénérescence», de la violence familiale, de la «déviance» sexuelle, de l’alcoolisme ou du choléra. L’État de droit y devient un État médico-légal comme l’a magistralement rappelé Gérard Jorland dans son chef d’œuvre : Une société à soigner. Hygiène et salubrité publiques en France au XIXe siècle (Gallimard, 2010).

Temps pathologique

Depuis longtemps, la population pose les termes sociaux, politiques, statistiques et scientifiques de la gouvernance étatique. L’offensive pandémique est un élément aléatoire qui menace les données vitales de la gestion et de la police des êtres humains. Elle éprouve et inscrit la gouvernance dans la «durée non sociale et non politique» du temps pathologique. Ce moment d’incertitudes pèse sur les mécanismes régulateurs et disciplinaires d’endiguement de la morbidité que déclenche l’autorité politique.

Le temps du mal naturel ne recoupe pas celui du bien démocratique. Il détermine à l’infini les outils sécuritaires et technologiques qui tentent d’endiguer l’aléatoire pandémique. Des outils toujours et encore modulables au gré des avancées scientifiques et des marchés économiques. L’incertitude pathologique détermine désormais la temporalité biopolitique. Le temps politique s’essouffle, comme un grand corps malade.

Temps biopolitique

Avec COVID-19 (et autres variantes actuelles et futures), sommes-nous arrivés au point culminant de ce nouveau temps biopolitique? Celui de la «technologie individualisante du pouvoir» selon Michel Foucault. Une «technologie qui vise […] les individus jusque dans leur corps, dans leur comportement», dans leurs gestes, dans leurs désirs, dans leur devenir, dans leurs pathologies, dans leur mort.

Motivée par l’aléatoire biologique du virus virulent, cette nouvelle «anatomie politique» est devenue universelle. Désormais, elle normalise la population, soit les êtres humaines sains et malades que régissent les «lois biologiques», les taux de natalité et de mortalité, la morbidité.

Potentiellement contagieux

L’existence et le corps de chacun.e cordonnent le dessein de la biopolitique contemporaine qui doit surveiller pour endiguer.

Il faut discipliner les individus (potentiellement «infectables», potentiellement contagieux) contre la pandémie. La culture des «gestes-barrières» devient l’inédite anthropologie politique de la discipline sociale anti-infectieuse. Le masque sanitaire efface le genre. Le vaccin est le supplément thérapeutique (démocratique) du consentement bio-politique.

Le «dressage individuel» visera la sécurité sanitaire globale de la société : «Cet été, il faudra encore respecter les gestes barrières et porter le masque» affirme amèrement  l’épidémiologiste Antoine Flahault. Le vaccin ne changera pas grand-chose ajoute un autre expert!

Que répondre à l’injonction sanitaire et hygiéniste de l’expert qui veut infiniment surveiller pour toujours mieux endiguer?

Dans la longue durée, émerge peut-être la société masquée du sinistre zoom, du couvre-feu à répétition, du «distanciel» et des technologies individualisantes du pouvoir que concrétisent les premières et orwelliennes «Smart Cities», radicalement connectées pour centraliser et rationaliser le contrôle social, tout en individualisant en flagrant délit toute forme de pathologie ou de déviance repérables dans la communauté.

Recul de la souveraineté

La grande question ouverte par la pandémie 2020-2021 est celle de la puissance régulatrice de l’État de droit dans sa conception politique traditionnelle. Est-il vrai, doit-on demander avec Michel Foucault, que le «pouvoir de la souveraineté recule de plus en plus et qu’au contraire avance de plus en plus le bio-pouvoir disciplinaire et régulateur»?

Comment répondre sereinement à cette interrogation légitime sur l’effritement politique devant le biologique?

Cela revient à demander ce que deviendront, lors du retour à la normalité socialo-sanitaire, l’idéologie, le discours, la bureaucratie, les savoirs, la technologie individualisante, les gestes et les usages exacerbés du contrôle social, déployés de manière exponentielle pour surveiller et endiguer l’offensive de COVID-19? Les nouveaux experts du bio-pouvoir rentreront-ils dans les rangs ? Quel nouveau Léviathan se dresse sur l’horizon? De quoi demain sera faite la culture (bio)politique?

Le retour à l’insouciance sociale et à l’État de droit pré-pandémiques est un leurre. Le dispositif «sécuritaro-sanitaire» du biopolitique laissera de profonds sillons théoriques, pratiques et institutionnels dans le «monde d’après». Des blessures mal cicatrisables. Le discours préventif du risque pandémique peut devenir assez rapidement la matrice normative à tout dessein  sécuritaire dans le champ socio-politique.

Surveiller et endiguer la pandémie et ses vecteurs humains : telle est la donne sanitaire d’aujourd’hui.

Surveiller et endiguer les libertés, les contestations et les flux humains : telle peut être la donne sécuritaire du monde d’après.

Les instruments biopolitiques de la «technologie individualisante du pouvoir» sont désormais bien rodés. Ils sont opérationnels. Il suffit de les mettre en œuvre au moment sécuritaire opportun.

La pandémie 2020-2021 : un tournant historique entre l’État de droit et l’État biopolitique.

Toujours intellectuellement stimulant : Michel Foucault, « Il faut défendre la société ». Cours au Collège de France, 1976 ; Hautes études, Gallimard-Seuil, 1997.

Monsieur Prémonitoire

Les Mystères de Genève III

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Hergé, L’étoile mystérieuse, 1942 (Prophète Philippulus), © Moulinsart.

Parfois, au grand carrefour, près des ponts qui enjambent le Rhône, proche des palais bancaires, à la nuit bien tombée, Monsieur Préminitoire tient salon. En pleine rue… murmure fluvial.

«Voulez-vous savoir ce que je sais»? assène-t-il aux noctambules abasourdis, un instant figés dans la suffisance des nantis.

Un instant, un instant seulement Monsieur, les badauds s’agglutinent.

Quelle drôle de dégaine que celle de Monsieur Prémonitoire, filiforme, trop haut pour son coupe-vent râpé, avec son bonnet tibétain et son sac à dos militaire ruiné comme la défaite.

Barbe tailladée, face émaciée, yeux clairs mais exorbités, mains tendues aux ongles endeuillés qui assignent à l’écoute.

Comment peut-il encore sillonner la ville, Monsieur Prémonitoire, avec ses Pataugas laminés et ficelés d’où déborde son pantalon treillis?

À cet étrange prophète, il ne manque que la clochette de l’Apocalypse. Voire la trompette ou le gong du Jugement dernier.

Un terrible oracle de la dèche que Monsieur Prémonitoire.

«Voulez-vous savoir ce que je sais»?

Que sait-il vraiment?

Pour quelques pièces de monnaie, le prophète s’enflamme: «Je vais vous dire le vérité!»

La voix gronde, intarissable, rauque : « Venez!»

Tout y passe. Il n’ignore rien du mal pandémique qui épuise la planète et mène au gouffre.

«La colère noire du bon dieu nous frappe!» annonce et répète Monsieur Prémonitoire, l’index combattif, l’œil enflammé, tournoyant sur lui-même.

«CORONA, l’bon dieu y venge la nature. Oui, la nature. Trop de bombes, trop de guerres, trop de pollution, trop de bagnoles, trop de pauvres. Pas assez de silence! Les chauves-souris sont innocentes!»

Monsieur Prémonitoire s’embrase. Il plaint les chiens, les montagnes, les rivières, les arbres et les humains.

«Eh les malheureux enfants dans tout ça ?»: sanglote-t-il Monsieur Prémonitoire?

Il accuse les «politiciens», les «savants» et les «médecins» de cacher la «cause du virus».

L’État, la police et les ambulances sont complices! Pas vrai? Une vraie conspiration silencieuse des «présidents» et des «journalistes».

Le «sconfinement(!)» est la punition bien méritée. Le «sconfinement c’est notre premier châtiment», martèle Monsieur Prémonitoire.

«Il y en aura beaucoup d’autres… beaucoup d’autres…. Vous verrez, les vaccins n’y feront rien! Le virus, le virus, c’est un monstre qui se lève. Chaque jour, il change de forme! Il change de visage! Il approche. Je le sais… vous verrez. Nous sommes punis!»

Monsieur Prémonitoire ne désarme pas. Au contraire. Il insiste.

Il tremble:« Voulez-vous savoir ce que je sais? La guerre est perdue ! Et tous ces morts, ils vont-où?»

Apitoyés, hautains, les curieux s’égaient dans la ville assoupie.

Plus éveillé que jamais, face à lui-même, lucide ou aveuglé, Monsieur Prémonitoire poursuit le soliloque nocturne du cataclysme.

CORONA et complot y font bon ménage. Le sconfinement ne fait que commencer. La fin des temps approche.

Châtiment et expiation!

La Bête avance insatiable.

Mais il est tard Monsieur, il faut que je rentre chez moi.

Infiniment lentement, la nuit semble grignoter puis avaler l’oracle du ruisseau.

À moins qu’il ne disparaisse dans sa part d’ombre.

Voire la nôtre!

L’outillage contre le bouquinage ! Rouvrir les librairies.

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“Les librairies n’ont que faire de l’air du temps”: V. Puente, Le Corps des libraires, p. 7.

Pandémie urbaine : scènes paradoxales dans la ville blessée. Spectacles contradictoires.

Amertume aussi.

À la péripétie urbaine, entre la verticalité grise du faubourg et le ghetto bobo, l’immense surface du bricolage et du jardinage est ouverte. Toujours populaire. Toujours achalandée.

Béant l’hyper-marché: «Venez M’sieurs dames !»

Parking quasi complet. Cohorte habituelle de SUV. Foule bigarrée des grands jours.

Temple du Do it yourself

Après le rituel palmaire du gel hydro-alcoolique, chacun s’égaie joyeusement et rassuré dans la caverne d’Ali Baba du bien-être domestique.

Haut-parleurs feutrés de la dystopie du Do it yourself : la voix suave d’un androïde féminin répète les coutumiers messages sur la distance sociale : «Chères clientes, chers clients, dans les conditions sanitaires actuelles, nous vous demandons… !»

Un remake consumériste du film THX 1138 de George Lucas (1971)!

La clientèle masquée, parfois endimanchée, hésite entre la perceuse électrique BOSCH dernier cri, un tournevis cruciforme lumineux ou un «marteau de mécanicien» (mais aussi d’électricien, de maçon ou à piquer les soudures, voire d’arrache-clou), un sinistre set de douche bleuâtre Made in China, un bac plastique fourre-tout, un révolutionnaire spray de «rafraichisseur pour textile automobile», un tube de colle universelle ou encore un ficus microcarpa ginseng en pot.

Cohorte humaine aussi devant le «Click and Collect» où s’entassent les articles préemballés de la félicité laborieuse et bricoleuse.

Recluse derrière le haut hygiaphone en plexiglas, la mine défaite, les caissières débitent les flux monétaires du bricolage ménager.

Exit du supermarché: cohue métallique des charriots surchargés, insouciant embouteillage démocratique. Noms d’oiseaux habituels aux carrefours surchargés du parking bétonné.

La vie normale, quoi!

Librairies endeuillées

Retour au cœur de la cité. Stupeur.

Honte aussi?

Petites et grandes, nationales ou locales, généralistes, de bande-dessinée ou pour enfants: les librairies sont fermées.

«Fermées M’sieurs dames !» On vous le dit!

Hermétiquement closes. Radicalement barrées. Niet.

Quasi murées dans l’oubli social.

Comme endeuillées d’elles-mêmes, même si des libraires offrent le port gratuit des livres commandés en ligne.

En vitrine, miroir lugubre des faces masquées, les livres et les ouvrages de tous formats attendent. Dépérissent.

Romans, libelles, ouvrages de sciences humaines, albums d’art ou de photographie, bande-dessinée, livres d’enfants et scolaires mais aussi traités culinaires, cartes géographiques et guides de voyage: le patrimoine livresque de l’esprit est drastiquement mis en quarantaine. Les livres de poche perdent leur sens social.

Le livre se retrouve en réclusion matérielle et symbolique.

Banni de la cité prospère. Exilé de la sociabilité démocratique.

Tous ces imprimés qui espèrent retrouver leurs amis en chair et en os.

Tous ces imprimés qui attendent d’être feuilletés et collationnés.

Choix sanitaire et politique

Dans la pandémie inapaisée, il existe donc un choix sanitaire et politique insolite.

La flânerie à l’hyper-marché du bricolage domestique est licite (recommandée ?).

Le bouquinage dans les librairies de l’esprit est illégale (déconseillée ?).

Constatation empirique: au supermarché du bricolage, les gestes barrières seraient donc plus efficaces qu’à la libraire, temple de l’esprit.

L’outillage est libéré! Vive le bricolage!

Le livre est «confiné»! À bas le bouquinage !

En excluant le livre des «biens essentiels», la décision controversée du Conseil fédéral (13 janvier 2021) claquemure les libraires et les autres lieux culturels devenus inaccessibles. Par contre, la perceuse électrique et le spray de «rafraichisseur pour textile automobile» sont promus au rang de biens indispensables. Quasiment patrimoine de l’humanité!

Une décision politique qui oppose la vie matérielle et à celle de l’esprit.

La chaîne du livre est fragile

Quelle a été la négociation sociale ou commerciale derrière ce scénario autoritaire et contestable?

On le sait, de l’auteur au lecteur, via l’éditeur et le libraire, depuis toujours, la chaîne du livre est fragile.

Beaucoup plus fragile que celle de la perceuse électrique et du set de douche made in China.

La sociabilité du livre serait-elle moins primordiale que celle du marteau et du tournevis?

Déposons un instant les outils et réclamons sine die la réouverture des librairies aux mêmes conditions sanitaires que les cathédrales du Do-it-yourself!

Comme les musées, les bibliothèques, les dépôts d’archives ou les salles du spectacle vivant et filmique, les libraires sont les lieux d’accès populaire à la culture. Les seul et les plus simples avec la presse de qualité.

Ce qui évidemment ne disqualifie pas le marteau (de ferratier, de chaudronnier, à ciseler ou de commissaire-priseur) qui existe dès l’apparition de l’intelligence humaine, mais les “librairies n’ont que faire de l’air du temps“!

Lecteurs de tous bords unissons-nous! Nous avons nos habitudes et nos secrets dans les librairies comme les bricoleurs ont les leurs au Do it yourself!

Le livre vivant ne doit pas devenir une ruine de la pandémie.

Pour rêver, magnifique essai sensible de : Vincent Puente, Le Corps des libraires. Histoire de quelques librairies remarquables et autres choses, Éditions de La Bibliothèque, Paris, 2015, 125 p.

Si vous aimez la poésie: Le slam de Narcisse: perceuse:

https://www.rts.ch/play/tv/rtsculture/video/le-slam-de-narcisse-perceuse?urn=urn:rts:video:11944936

MUTANTS : QUI-VIVE !

© Arsène Doyon–Porret (crayon de couleurs, papier extra-blanc 75 g/m²): mutants.

 

 

 

“What makes this fragile world go ’round ?”, Beach House, “Space Song” (2015).

Comme dans un excellent film d’anticipation « série B » des années 1950, dont Invasion of the Body Snatchers de Don Siegel (1956; https://www.heidi.news/profil/michel-porret), COVID-19, notre redoutable ennemi invisible mute.

COVID-19 en pleine mutation.

Le virus « contre-attaque », si l’on peut dire, notamment avec les variantes britanniques, sud-africaines et brésiliennes.

Après l’Angleterre exsangue, l’Europe continentale est gangrénée. Ailleurs dans le monde, le virus marque des points. Les plus démunis payent un lourd tribut sanitaire.

Où serons-nous cet été ?

D’autres offensives sur l’horizon pandémique ? Plus virulentes, plus contagieuses moins propices à l’immunité humaine ? Nul le sait. Aucun scénario n’est écrit à l’avance.

Où serons-nous cet été ?

En quarantaine domiciliaire ou libres et ivres de soleil ?

COVID-19 transmute.

Peut-être est-ce nous les vrais mutants de l’histoire ?

La nonchalance démocratique s’effrite. La vigilance anxieuse s’affirme. Les corps se renfrognent. La prévision se rétrécit.

Vivre sur le qui-vive, ce n’est pas la vie.

Qui-vive ! : injonction de la sentinelle devant la présence suspecte.

Wer lebt ? Who lives ? Che vive? Quien vive?

Cri d’alarme universel.

Appel au branle-bas.

Sommation avant le coup de feu.

Gouvernance de la peur

À partir de 2001, nous vivons massivement sur le qui-vive ! Bientôt vingt ans : quasiment une génération de l’effroi.

La génération troublée de l’inquiétude et de l’anxiété. Plus d’une fois, les enfants nés après cette date le ressentent.

Aussitôt accompli le raid sur les Twin Towers du Word Trade Center, le terrorisme a engendré la gouvernance de la peur fondée sur les législations d’exception.

La gouvernance du qui-vive !

Avions, trains, aéroports, gares, bâtiments publics, boîtes de nuit, centres commerciaux, écoles, marchés, rédaction de médias, rues et places urbaines, terrasses des cafés : face à l’hydre terroriste, l’État sécuritaire avec la vie sur le qui-vive !

Vivre sur le qui-vive, quelle vie !

Printemps 2020-aube 2021 : vivre sur le qui-vive devient progressivement la nouvelle norme biopolitique de la sociabilité suspicieuse. Celle qu’instaurent l’éloignement social, le port du masque, le gel hydro-alcoolique et les gestes barrières : du télétravail aux répétés couvre-feu et isolement sanitaire à domicile prolongé, remis en œuvre ou abrogé.

La vie en chair et en os est éprouvante. Épouvante ?

Les hôpitaux tiendront-ils le coup ?

Cadence improvisée et alarmée de la vie sur le qui-vive avec la fermeture-réouverture-fermeture-réouverture des commerces « non essentiels » et des restaurants ou bars.

Le qui-vive toujours recommencé !

Le bio-Léviathan

Vivre sur le qui-vive : refrain sonore de l’anxiété dans les supermarchés : « Nous rappelons à notre aimable clientèle que dans ce magasin le port du masque est obligatoire même pour les enfants à partir de 12 ans. Veuillez svp respecter la distanciation sociale ». Même son de cloche tourmenté dans les gares, les aéroports et les transports publics.

Continuellement sur le qui-vive ! Le regard inquiet au dessus du masque FFP2 ou autre.

Dès lors, l’État retrouve une puissance morale et politique qui fait plier la réticence néo-libérale.

L’« État est méconnaissable : il dépense à tour de bras et déploie de grands programmes de vaccination et de soutien à l’emploi » (Charlotte Epstein, « Notre sécurité est devenue corporelle avant tout », Le Monde, « Idées », 15 janvier 2021, p. 27).

Diagnostiqué, traqué, ausculté, mesuré en ses minimes oscillations et ses fluctuations fiévreuses, vacciné, réexaminé : le corps biologique refonde plus fortement le corps politique. L’extension des mécaniques et des applications de surveillance individuelle et corporelle se normalise. Elle forge le consensus sécuritaire de la guerre sociale anti-virale qui radicalise le nouveau Léviathan du bio-pouvoir.

On peut imaginer une  forme radicale de contrôle social étendu à l’ensemble des individus d’une communauté politique : le pointage automatique de l’état fébrile en lieu et place de la la biométrie faciale !

Usual suspects ?

“37°6 de température: vous êtes en état d’arrestation sanitaire !

Toute opposition est louche : le pandémo-réticent est un allié potentiel du virus ! Donc – en forçant le trait – un ennemi public.

Prémonition dystopique !

La « sécurité corporelle » : prodigieux enjeu sanitaire au niveau planétaire, gigantesque marché médical et sécuritaire, fondement de la gouvernance du qui-vive.

Celle de la peur qui s’est fortement banalisée depuis 2001 avec l’impératif sécuritaire.

Comment en ressortir tous indemnes ?

Faut-il vraiment abandonner les réconforts du couvre-feu et du « confinement » ?

Bas les masques : l’espoir sanitaire est-il suffisant pour l’espoir démocratique ?

COVID-19 mute ! Il nous transmute progressivement dans l’incarnation morale et physique du qui-vive !

Bientôt, les anthropologues  de l’anxiété sociale et du régime sécuritaire pourront écrire des pages substantielles et inoubliables sur les mutations socio-mentales du début du XXIe siècle.

LM 67

La pandémi-néologie

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© P. Geluck

A Marco M.

Disciple moraliste de Rousseau, Sébastien Mercier (1740-1814) était un homme des Lumières avec une vaste curiosité sociale et culturelle. Dramaturge, romancier, journaliste, “hérétique en littérature”, arpenteur urbain dans le Tableau de Paris, révolutionnaire modéré, le polygraphe a inventé l’« uchronie » avec L’An 2440 où rêve s’il s’en fut (1772).

Il y déplace l’utopisme dans le futur. Il mise sur le progrès social et la perfectibilité humaine. Matrice de la science-fiction, cette uchronie éclairée inspirera Émile Souvestre dans l’anti-utopie hygiéniste et ploutocratique Le Monde tel qu’il sera (1846).

Néologie

Durant la Révolution française, l’accélération de l’histoire frappe Mercier. En témoigne le changement langagier. L’écrivain traque l’ère nouvelle dans les mots inédits de l’égalité républicaine. Mercier devient linguiste politique. Il publie en 1801 La néologique : Vocabulaire des mots nouveaux, à renouveler, ou pris dans des acceptations nouvelles. Attentives à la féminisation des mots masculins, 300 entrées et leurs  définitions illustrent la néologie :

j’ai osé, bravant de vaines et passagères clameurs, envisageant la langue telle qu’on la parlée, telle qu’on la parlera sans doute un jour, ou telle qu’on devrait la parler ; j’ai osé, dis-je, certain de son prochain et long triomphe, déployer sur ses plus hautes tours l’Oriflamme de Néologie.

Mercier déploie !

Il fabrique des néologismes souvent ironiques pour éclairer le recul des préjugés, le progrès des Lumières, l’avènement de la citoyenneté.

Florilège :

Abêtir. À quinze ans, un Jésuite m’enquinauda ; je fus novice, on m’abêtit pendant deux années (Voltaire).

Agitateur. Tel agitateur d’un peuple est un grand homme ; tel autre n’est qu’un misérable. Les époques, les intentions, le succès imprimeront à ce mot les acceptations les plus opposées.

Anthropophagie. Dans le sens littéral, ce mot nouveau signifie manger des hommes ;  dans le sens figuré, il signifie régner (…).

Autrice. (…) Les auteurs encensent, adulent les Autrices, mais ils ne les aiment pas.

Barbariser. L’exemple du sang répandu sur les échafauds n’a pas peu contribué à barbariser les cœurs et avilir le peuple (…).

Biforme. Homme qui a deux faces. C’est dans les révolutions que l’on voit figurer ces êtres Biformes qui se jettent tantôt dans un parti, tantôt dans un autre, qui les trompent tous les deux, et qui finissent par se tromper eux-mêmes

Fictionner. Ce n’est pas narrer, conter, fabuliser ; c’est imaginer des caractères moraux ou politiques, pour faire passer des vérités essentielles à l’ordre social.

Négricide. C’est le colporteur d’hommes noirs, l’avide marchand qui arrache à l’Afrique ses habitants pour engraisser l’Amérique de leur sueur et de leur cadavres (…).

Nélologuer. Faire des Néologies de mots ou de phrases, dans le discours et dans les écrits.

Pédantiser. Faire le docteur, prendre un ton de suprématie, s’attribuer un rôle de régent : c’est le vice des esprits médiocres (…).

Pictomane. Qui achète des tableaux à un prix considérable, excessif. Il y a bien des fous ; mais le Pictomane, je le déclare le plus insensé des hommes (…).

Républicide. Comme on dit parricide, régicide, liberticide, etc. Ce substantif, si souvent applicable, désigne l’assassin d’une république (…).

Vampirisme. Succion du sang du peuple (…), avidité du gain sans mesure, qui brave tout ; lois, reproches, indignation publique (…).

Néologuons… nous invite Mercier : la pandémie de COVID-19 accélère l’histoire.

Chloroquiniste. Partisan ardent de la choloroquinine ou antipaludique comme panacée du coronavirus. L’antichloroquiniste rejette cette médication.

Clapeur, clapeuse. L’individu qui, posté le soir sur son balcon ou à sa fenêtre, applaudit à l’unisson le personnel sanitaire engagé dans les soins des malades du COVID-19.

Confinement. Mise en quarantaine ou enfermement domiciliaire pour freiner la pandémie. Anciennement, déportation politique à la frontière d’une région ou d’un État sous un régime autoritaire (voir déconfinement)

Covidiot. Individu qui dit tout et son contraire sur le COVID-19. Souvent il rejette le port du masque au nom des libertés individuelles. Par contre sa liberté peut culminer au volant de son SUV qui fonce dans la ville piétonne. Complotiste, il estime que le virus a été fabriqué volontairement en Chine pour favoriser la commercialisation en Occident de la 5G chinoise ou du système Huawei ! Un nouveau péril jaune ?

Covido-sceptique. Il a des climato-sceptiques qui nient l’évidence du réchauffement climatique comme il y a des covido-sceptiques qui contestent la gravité pandémique.

Déconfinement. Fin de la mise en quarantaine domiciliaire. Avec le déconfinement, le clapeur et la clapeuse quittent le balcon.

Distanciation sociale (Distance sociale). Éloignement d’au moins 1.5 m que deux individus masqués doivent respecter dans les lieux de forte sociabilité: supermarchés, transports en commun, restaurants (etc.). Or le lien social ne diminue pas dans la distance comme le prouve la conversation téléphonique entre deux personnes éloignées de plusieurs centaines de kilomètres. Au contraire, l’espace renforce ici le lien social.

Distanciel. Mot bureaucratique pour désigner toute forme d’interaction humaine (examen universitaire, messe, travail, entretien d’embauche, discussion) qui emprunte un support virtuel. On dit : “Honorer Dieu en distanciel”; « Passer un examen en distanciel » au lieu de « Passer un examen à distance ». Restons simple !

Écouvillon. Longue tige en métal ou en bois nantie à son bout d’un morceau de coton ou de gaze, utilisée pour procéder des ponctions diagnostiques ou pour apposer des solutions antiseptiques ou analgésiques dans les cavités naturelles. Anciennement : Vieux linge attaché à un long bâton, avec lequel on nettoie le four [chauffé au bois], lorsqu’on veut enfourner le pain. Dans le langage militaire, l’écouvillon était la petite brosse métallique qui permettait de nettoyer ou graisser une arme à feu. Le covido-sceptique refuse que l’on introduise un écouvillon dans son nez. Il est semblable au climato-sceptique qui continue de rouler en SUV. Par contre, le covidiot estime que l’écouvillon matérialise le complot chinois.

Geste-barrière. Ensemble de dispositifs comportementaux ou corporels altruistes utiles à maintenir la distance sociale entre deux individus : porter un masque de protection sanitaire, ne plus se serrer la main, bannir l’échange de bises, éternuer (pouah !) dans le pli du coude. Le geste-barrière clôture la pandémie. Barrière est synonyme de palissade ou de clôture. Faut-il augmenter le nombre des « gestes-palissades » ? Le covido-sceptique, plutôt égoïste, tombe le masque, continue de serrer la main de son prochain, voire de l’embrasser, sans éternuer dans le plis de son coude (pouah !) De son côté, le covidiot, enfonce la pédale d’accélérateur du SUV.

Pangolinphile. Ami du pangolin (manidé, mammifère édenté et fourmilier écailleux insectivore) à qui certains imputent l’origine du COVID-19. Pour le pangolinphile, le fourmilier écailleux est un bouc émissaire sacrifié sur l’autel de l’ignorance pandémique. Puisque ce sont des chercheurs chinois qui ont avancé l’hypothèse que la bestiole a transmis à l’homme le virus morbide, le covidiot y voit la preuve du sino-complot.

Présentiel. Vocabulaire bureaucratique. Remplace en “chair et en os”. Passer un examen en présentiel signifie plus simplement être présent en “chair et en os”. La vraie vie quoi !

Quatorzaine. Confinement (voir supra) de deux semaines. Tend à remplacer quarantaine.

Reconfinement. Retour à l’enfermement sanitaire à domicile. À ce moment le clapeur et la clapeuse regagnent au crépuscule le balcon pour applaudir le personnel sanitaire.

Skypero ou skypéro. Mot valise formé de skype et apéro. Apéritif organisé en ligne avec le logiciel de visioconférence Skype. On dit aussi apéro balcon. Par extension, toute forme d’apéritif visuel. « En confinement, le clapeur a organisé un skyapéro en distanciel ». « Evidemment, c’est moins sympa », résument les clapeurs partisans du skypero.

Webminaire. Francisation du mot anglais webminar. Conférence ou séminaire donnée en ligne. Synonyme de webunion. Ne permet pas le travail en chair et en os. Le pangolinphile d’Europe communique avec son homologue asiatique lors du webminaire. Encore le complot chinois, même en distanciel, pour le covidiot !

Whatsaperos. Voir skypero (« moins sympa ! »).

Zoomatitude. Dispositif virtuel en distanciel qui permet à deux ou plusieurs clapeurs de communiquer par le logiciel zoom. Il fournit un service de conférence à distance qui combine la vidéoconférence, les réunions en ligne, le chat et la collaboration mobile. S’il permet de généraliser la vision conférence entre deux ou plusieurs ordinateurs, le système est parfois perturbé par le zoombombing ou zoom raiding, soit l’intrusion de pirates informatiques. Le pangolin n’y est pour rien se réjouit le pangolinphile. Par contre les Chinois… ah là là !! déplore le covidiot !

Zoombie. Usager excessif en distanciel du logiciel zoom : la folie le guette.

 Allez, « prenez soin de vous », néologuez !

Surtout pas de mélancovid ! (A suivre).

 Voir aussi: Benoît Melançon, Oreille tendue:

https://oreilletendue.com/2020/04/15/bref-lexique-du-confinement/

 

LDM 65

L’année terrible

Hantise de la pandémie

Arsène Doyon–Porret, aquarelle sur bristol.

La Terre s’amoche,

Covid-19 s’accroche.

Soignants sans repos, les brancards assaillent,

Mélopée autour du braséro où l’effroi ripaille,

Pandémie, ô pandémie que guident de morbides sections,

Qui clopinent au timbre de criards orphéons,

Ah, ogresse de destinée, qui, sauvage, pourrie,

Monstrueuse, nous emporte dans la charognerie,

Brouillard où la destinée oscille, où pour certains Dieu déguerpit,

Où le crépuscule augure la noirceur qui abasourdit,

Forcenée universelle, de rafales et de fulgurances infectées,

Quand reflueras-tu, pandémie ? comment te garrotter, souche mutée ?

Si la zoonose virale éparpille tout le convivial,

Si les confinements du télétravail n’assèchent pas le mal,

Si dans l’ombre plissée du masque s’entête le rêveur,

Alors le tourmenteur en enverra tant et tant au respirateur

La Terre a la pétoche,

Covid-19 l’empoche.

L’Année terrible est un recueil de poèmes (dont « Bêtises de la guerre ») que Victor Hugo publie en 1872 sur la guerre franco-prussienne et civile en France.