The Crown, saison 4

La couronne découverte

En début d’année, à l’occasion de la diffusion de la série 3 de The Crown, La Ligne Claire exprimait sa préoccupation face à la capacité d’une entreprise capitalisée à 144 milliards de dollars à forger l’opinion que le monde entier se fait de la famille royale britannique. En cette fin d’année, La Ligne Claire doit avouer devoir réviser son jugement puisque Netflix est désormais capitalisée à 244 milliards de dollars.

Entretemps, les abonnés de Netflix qui auront regardé The Two Popes se seront familiarisés avec les mécanismes que déploie la chaine en ligne : une histoire inspirée par des événements réels où se mêlent faits avérés et scènes de fiction, que l’insertion d’actualités d’époque vient brouiller davantage encore, sans que le spectateur ne sache s’il a affaire ou non à un documentaire.

La saison 4, qui se déroule dans les années 80 du siècle dernier, introduit deux personnages qui exerceront une influence profonde sur le Royaume-Uni : Margaret Thatcher, qui réformera le pays de fond en comble, et Lady Di, bientôt Princesse Diana, qui conquerra si bien le cœur de la nation que cette conquête fera d’elle une icône planétaire. Pour souligner encore ce mélange des genres, la série campe les personnages en une caricature de la réalité : Madame Thatcher est aussi coincée qu’intransigeante, les Royals un groupe d’incultes qui enfilent des gins and tonics tandis que la pauvre Diana est une fleur bleue victime des machinations de la Firme; pour couronner le tout et s’assurer que le spectateur ne confonde pas les bons et les méchants, le prince Andrew, âgé de 22 ans à l’occasion de la guerre des Malouines, est dépeint sous le jour qu’on lui connaît aujourd’hui, 40 ans plus tard.

Cela dit, avec la saison 4, Peter Morgan signe une réalisation de qualité, relevée par des décors somptueux, la beauté du tournage mais avant tout porté par l’interprétation des personnages féminins : Olivia Colman dans le rôle de la reine, Gillian Anderson dans celui de Margaret Thatcher, Emma Corrin en qualité de la Princesse Diana sans oublier Erin Doherty qui interprète de manière décidée le personnage de la Princesse Anne. En outre Morgan aborde des thèmes nouveaux, les préoccupations de la Reine et de Margaret Thatcher pour leurs enfants respectifs, les personnes qui souffrent d’un handicap mental et la détresse sociale que provoque la révolution thatchérienne, et que révèle Michael Fagan, l’intrus qui s’introduit dans la chambre de la Reine.

Certes, les Royals demeurent des personnalités publiques, et à ce titre un sujet qu’il est légitime d’aborder dans le cadre d’une œuvre artistique. Il demeure néanmoins regrettable qu’il faille faire appel à des experts de la famille royale, Hugo Vickers par exemple, pour discerner le vrai du faux dans cette affaire, d’autant qu’il s’agit d’histoire récente et que la plupart des protagonistes sont toujours en vie. Tous ceux qui ne se donneront pas cette peine demeureront convaincus que les visiteurs à Balmoral, résidence écossaise de la Reine, sont soumis à une test, auquel Margaret Thatcher a échoué mais que Lady Di a réussi avec distinction. C’est plus que regrettable, c’est dangereux.

Dominique de la Barre

Dominique de la Barre est un Belge de l'étranger naturalisé suisse, amateur d'histoire et du patrimoine culturel européen, attaché aux questions liées à la transmission.

6 réponses à “La couronne découverte

  1. Excellent, comme souvent. Il se passe en matière de monarchie avec Crown ce qu’il s’est passé en matière de christianisme avec Dan Brown… La plupart des gens, et notamment des adolescents, pensent qu’ils savent tout et ont tout compris après avoir vu ces fictions très loin de la réalité. Mais beaucoup d’entre nous ont bien appris “l’histoire de France” dans Dumas… Avant que Stéphane Bern ne viennent remettre les pendules à l’heure… Donc ce n’est pas désespéré.

    1. Sans oublier toutes celles et ceux d’entre-nous qui avons découvert l’histoire de France avec Astérix et Obélix, celle de la Nouvelle-France (l’Amérique française) avec Oumpah-Pah le Savasavah et le chevalier Hubert de la Pâte Feuilletée (alias “Double-Scalp”), la Russie passée dans la BD de l’attaman Fulgor et la royauté avec Blanche-Neige et le Prince Charmant (aux dernières nouvelles, Darius Rochebin, en quête d’emploi, aurait accepté un rôle de figurant pour interpréter ce dernier dans un remake très attendu du célèbre conte des frères Grimm par les studios Disney à Burbank, dans leur guerre sans merci avec Netflix).

    2. si, si, c’est désespéré ! parce que avant ( je ne connais pas votre âge ), à mon époque, l’enseignement de l’Histoire à l’école était tel qu’on n’avait pas besoin d’attendre Stéphane Bern. En étudiant l’Histoire de mon Pays, vu qu’il était le Pays préféré pour les invasions des autres, même avant le tourisme de masse, nous étions obligés d’étudier un peu l’Histoire de France, de l’Autriche, de l’Espagne, Allemagne etc. et je vous assure que j’en sais beaucoup plus que mon fils et mes petits enfants qui ont subi les multiple réformes scolaires du canton de Vaud.
      C’est vrai que les Romains avaient conquis tous ces Pays il y a longtemps et c’était peut-être un juste retour de manivelle, mais ça a été cela l’Histoire de l’Europe et maintenant on dirait que tous les Pays font des grands efforts pour que les nouvelles générations ne sachent rien : tabula rasa !

      1. Tabula rasa, c’est tout à fait ça…
        Je me souviens d’une phrase, qu’il y a bien longtemps, un professeur d’histoire m’avait dite, pour m’encourager dans cette étude, apparemment aride : “Apprends du passé, ainsi le présent t’apparaîtra comme sensible, et tu sauras ce que le futur attend de toi”.
        L’apprentissage de l’Histoire nous permet de mieux saisir le présent pour appréhender l’avenir et résister aux flots d’information de toute sorte qui nous parviennent à jet continu. Quand on voit le résultat de ces réformes avec quelques décennies de recul, on ne peut s’empêcher de penser qu’un but a été atteint, à savoir décérébrer les nouvelles générations pour mieux les influencer, les contrôler, les diriger….
        L’actualité récente en est une pénible confirmation…

  2. Les hautes valeurs de l’élite influente d’une nation semblent varier comme le climat, la mode ou la Une médiatique. Mais certaines restent ancrées dans notre intime humanité quand il s’agit de faire le bien, selon notre choix d’êtres libres.
    Vérité, honneur, honnêteté, loyauté, respect, humilité, déférence, patience, courage, serviabilité, persévérance, foi, charité, générosité, reconnaissance, discernement, volonté, obéissance, justice, humour, sincérité, hospitalité, écoute, bienveillance, spiritualité, modération, attention, réflexion, prudence, prévision,.. En cherchant un peu, on s’aperçoit que le Bien, le Beau et le Bon sont cachés partout: dans le cœur de chacun comme en chacun de nos actes. Juste à côté de nos maladresses!
    La tradition demeure le socle essentiel d’une civilisation, les illusions et les errances sont négligeables.

  3. Personnellement, j’avoue être assez sensible à la Monarchie, mais tudieu, la vraie, des Saxe-Cobourg, des Zähringen et autres Habsbourg ou Hohenzollern.

    Mais de grâce, pas ces paltoquets français et autres anglais!

    Les portuguais sont des grands 🙂

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