Annonciation

Les archanges dans nos campagnes

Qu’il existe des anges, ça tout le monde le sait, mais des archanges ? Et, d’abord, qui sont-ils ? Si les anges interviennent régulièrement tout au long de l’Histoire Sainte, seuls trois d’entre eux sont désignés par leur nom, Michel, Gabriel et Raphäel, ce qui leur vaudra d’être qualifiés d’archanges. Saint Augustin nous rappelle qu’ange désigne la fonction, messager – angelos en grec, – et non pas l’être. Si jamais Michel, Gabriel et Raphaël ne seront désignés archanges en tant que tels dans l’Ecriture, il est clair cependant que chacun est investi d’une mission spéciale.

Michel, dont le nom signifie « qui est semblable à Dieu » a pour fonction de signifier aux hommes comme aux puissances célestes que nul ne peut se rendre égal à Dieu. Aussi est-ce lui, prince des milices célestes, qui au chapitre XII, verset 7 du livre de l’Apocalypse engage la bataille avec le Dragon et le précipite à terre.

L’annonce de la naissance du Fils de Dieu dans le monde est une affaire qui ne pouvait pas être laissée au premier venu ; aussi, comme le rapporte saint Luc au chapitre 1erde son Evangile, est-ce l’archange Gabriel, la Force de Dieu, qui est investi de cette mission d’importance. Bien qu’il n’ait pas été annoncé, il se présente chez la Vierge Marie et entretient avec elle un dialogue assez soutenu jusqu’à ce qu’il se satisfasse qu’elle ait bien compris le sens de son message. Alors il la quitta.

Quant à Raphaël, il intervient tout au long de la délicieuse histoire rapportée au Livre de Tobie ; tantôt il sert de guide pusiqu’il connaît le chemin qui mène en Médie (V, 4-8) et tantôt il se présente en guérisseur puisque c’est lui qui donne instruction à Tobie de prendre le poisson et d’en extraire les entrailles (Chapitre VI), qui serviront à guérir Tobit, père de Tobie, de sa cécité (XI, 7). Raphaël, dont le nom signifie justement « Dieu guérit » annonce donc lui aussi la venue de Jésus-Christ, qui guérira l’homme du péché.

Si les archanges ne sont donc mentionnés qu’à peu de reprises dans la Bible, ils n’en sont pas moins très présents dans notre culture. Leurs noms se déclinent tant au masculin qu’au féminin car, s’il est désormais admis que les anges n’ont pas de sexe, c’est que la sexualité appartient à la chair tandis que les anges sont de purs esprits. Le personnage de Michel-Ange Buonarotti surgit immédiatement à l’esprit accompagné de son contemporain Raphaël Santi ; le troisième archange aura inspiré tout autant Gabriel de Broglie, Gabrielle Petit que Peter Gabriel.

Mais c’est surtout dans le domaine de la peinture que le souvenir de leur présence se perpétue. On ne compte pas les tableaux qui représentent l’Annonciation, un thème repris par les plus grands artistes, Fra Angelico, Botticelli, Léonard de Vinci et le Caravage parmi eux. Botticelli, le Titien et Andrea del Sarto ont quant à eux dépeint Raphaël guidant Tobie, le plus souvent dans la scène du poisson, devenu son emblême iconographique. Quant à Michel, il apparaît non seulement dans la peinture, soit terrassant les anges déchus soit dans le cadre d’un jugement dernier mais également dans la statuaire et l’architecture. Les Lombards lui vouaient un culte particulier, ce qui explique en partie qu’à travers l’Europe un grand nombre de sanctuaires lui soient voués, le Mont Saint Michel bien sûr mais aussi l’abbaye Saint-Michel de la Cluse, lieu de tournage du Nom de la Rose ou encore le Château Saint-Ange à Rome.

Etres spirituels, créatures personnelles et immortelles, ils accompagnent l’histoire du salut et sont présents dans l’histoire et la géographie humaine à telle enseigne que leur fête aujourd’hui, qu’en anglais on appelle Michaelmas, désigne ainsi la session d’automne du Parlement

 

La vocation de Saint Matthieur

Où est Matthieu?

Matthieu Cointrel, né en Anjou en 1519, résidait déjà depuis longtemps en Italie quand il s’associa à Catherine de Médicis, reine de France, en vue de reconstruire l’église Saint Louis des Français à Rome et lui conférer la façade que nous lui connaissons aujourd’hui, achevée en 1589. Ce demi-siècle écoulé en Italie avait fait de lui l’homme, bientôt le cardinal Contarelli, dont la postérité retiendrait le nom. Bien avant sa mort survenue en 1585, il avait fait l’acquisition de la chapelle qui porte aujourd’hui son nom et qui est ornée de trois tableaux du Caravage, tous trois consacrés à saint Matthieu l’évangéliste, le saint patron du cardinal bienfaiteur. Réalisés à l’occasion de l’année sainte 1600, le cycle comprend au centre de la chapelle Saint Matthieu et l’Ange flanqué à gauche de la Vocation de Saint Matthieu et à droite du Martyre de Saint Matthieu.

Dans les récits évangéliques, Matthieu nous est présenté comme un publicain, un collecteur d’impôts à la solde des Romains, ce qui lui vaut le mépris, voire l’hostilité de la population juive. Le récit de sa vocation, que nous relayent les synoptiques est succint : Jésus vit un publicain assis à son bureau de douane et lui dit « Viens et suis-moi » ; alors il se leva et le suivit. Matthieu ensuite figurera au nombre des Douze et bien entendu on lui attribuera l’évangile qui porte son nom.

Dans Saint Matthieu et l’Ange, la question de l’identité de Matthieu ne se pose pas, on ne confondra pas l’évangéliste et l’ange qui l’inspire ; pas davantage dans la scène du martyre où on ne saurait prendre le bourreau pour la victime. On notera à ce propos que dans l’un et l’autre cas Matthieu y est représenté sous les traits d’un homme âgé, à la barbe grise et au crâne chauve.

Venons-en maintenant à la Vocation de Saint Matthieu, ce tableau énigmatique dont on ne sait trop s’il représente une scène d’intérieur ou d’extérieur. A droite, le Christ pointe son doigt vers un groupe de personnes attablées, de même que Dieu touche Adam du doigt dans la fresque de la chapelle Sixtine. Traditionnellement, la critique artistique a retenu que le personnage d’âge mûr, lui aussi barbu mais pas encore chauve, qui semble s’auto-désigner du doigt, représentait Matthieu, ayant l’air de dire « Quoi, moi, que me veux-tu ? ».

Lors d’une conférence donnée en 2012 et à nouveau dans un livre publié cette année (*), l’historienne de l’art Sandra Magister a remis en cause cette interprétation.

Examinons à nouveau la scène. Un rai de lumière, comme porté par le doigt du Christ vient éclairer cette table d’auberge. Le propos du Caravage est limpide : Jésus, la lumière des hommes, éclaire le monde et dissipe les ténèbres, comme Dieu créateur dans le livre de la Genèse.

Le deuxième propos du Caravage tient dans l’actualité de l’Evangile. Si l’Evangile est d’actualité, alors un collecteur d’impôts du Ier siècle peut sans autre être figuré par un prêteur à gages ou un usurier de cette fin du XVIe ; qu’importe le temps et le lieu, ce qui compte, c’est que le Christ fasse irruption dans un monde où l’on compte ses sous. Lui, le Christ, ne doit guère en avoir, des sous, puisque lui et son compagnon, un bâton de pèlerin à la main, pénètrent nus pieds dans cette scène habitée de personnages richement vêtus.

Trois d’entre eux esquissent un geste de surprise. Le personnage, ce barbu pas encore chauve, tout à coup ne semble plus se désigner lui-même mais son jeune voisin de droite (à gauche sur le tableau). Ce dernier, assis sur un fauteuil élégant alors que ses compagnons doivent se contenter d’un banc, est affaissé sur la table où, au sens propre, il compte ses sous. Indifférent à la présence du Christ, accaparé par son argent ou au contraire sonné par le geste du Christ, cette main tendue qui perce les ténèbres, voilà selon Sandra Magister le nouveau Matthieu, un homme si radicalement neuf que l’ange de Dieu l’inspirera à rédiger un Evangile pour lequel il acceptera de mourir. Toute la chapelle Contarelli est là en trois tableaux.

(*) Sandra Magister, Il Vero Matteo, Campisano Editore, Roma 2018

Journées du patrimoine: la vie des châteaux

Les Journées du Patrimoine fournissent l’occasion de saluer l’action de Patrivia, une start-up active dans le domaine de la promotion du patrimoine, principalement en France, mais aussi en Belgique.

Créée en 2016 à peine par un Français et un Belge, Patrivia (www.patrivia.net) a pour vocation d’offrir un service de billetterie en ligne à des propriétaires (ou à des gestionnaires) de monuments historiques susceptibles d’être visités. Au départ il s’agit d’une simple constatation économique : ces propriétaires, très nombreux, dispersés, souvent manquant de moyens, peinent à développer une action commune qui leur assurerait une visibilité accrue. Patrivia vient donc jouer ce rôle économique d’agrégateur, évitant par exemple à chaque châtelain de devoir développer et maintenir à jour son propre site web.

Du point de vue de l’utilisateur, c’est-à-dire du visiteur, le site offre non seulement la possibilité d’acheter un billet en ligne mais de rechercher les monuments au sein d’une certaine région, d’y trouver une première description des lieux qu’il se propose de visiter, assortie des informations pratiques quant aux conditions de visite et d’accès. Si on retrouve principalement des propriétaires privés parmi les monuments associés, il y a lieu de noter aussi la présence d’un certain nombre de lieux publics, par exemple des musées.

Au-delà de ces considérations un peu techniques et qui ont toute leur validité, il y a lieu de saluer l’inspiration des deux fondateurs, Christian Clarke de Dromantin et Maunoir de Massol d’allier les nouvelles technologies à la promotion du patrimoine. Le nom à consonance latine de leur entreprise suggère un chemin et même un cheminement parmi le patrimoine européen. Le dictionnaire historique de la langue française nous rappelle qu’en droit romain le patrimonium constituait l’ensemble des biens qui appartenaient à une famille, une notion différente de celle de la propriété individuelle que nous connaissons aujourd’hui. Bien souvent ce patrimonium était logé au sein d’une structure juridique, un fideicommis par exemple, qui lui conférait un caractère inaliénable en vue d’en assurer la pérennité dans la succession des générations.

Conserver, restaurer et promouvoir un patrimoine ne relève pas de la nostalgie d’un passé qu’on imagine glorieux mais matérialise au contraire le lien qui unit les générations entre elles et unit les différentes composantes de la société actuelle autour d’un objet ou d’un monument. Très souvent aussi, cette préservation aura des implications très pratiques mettant en œuvre des artisans, des artistes, des propriétaires, des bénévoles et désormais des spécialistes des nouvelles technologies.

Alliant la transition numérique à la transmission de cet héritage que constitue notre patrimoine architectural et artistique, Patrivia joue un rôle louable dans notre culture, que l’appui prodigué par Stéphane Bern il y a quelques mois est venu souligner.