Chrétiens d’Orient: repères chronologiques élémentaires

Naissance et Empire Romain

Jésus naît sous le règne de l’empereur Auguste et meurt sous celui de Tibère. C’est dans ce vaste ensemble culturel que forme l’empire romain que se développe le christianisme primitif. En 313 l’empereur Constantin publie l’édit de Milan qui consacre la reconnaissance du culte chrétien ; en 324 il fonde une nouvelle ville à laquelle il donne son nom, Constantinople, qu’il consacre en 330 et qui comprend dès sa fondation une église nouvelle, Sainte-Sophie. En 395, l’empire romain est formellement partagé en un empire d’Occident qui disparaît en 496 et un empire d’Orient qui durera mille ans jusqu’à la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453.

Conquête Arabe et Croisades

Au cours de la première moitié du VIIe siècle les tribus arabes font irruption hors de la péninsule arabique et, en l’espace de quelques années, s’implantent d’abord en Syrie et en Mésopotamie, puis en Egypte en enfin à Carthage, toutes provinces romaines (byzantines), qui seront à jamais perdues pour l’Empire. En 637 les Arabes prennent Jérusalem.

Cette présence musulmane durable sur les Lieux Saints comptera parmi les facteurs majeurs qui alimenteront les Croisades, un phénomène qui naît en Europe occidentale, alors patrie des « Francs » ainsi que les nomment les Byzantins. Dès la Première Croisade, les Francs prennent Jérusalem en 1099 et établissent une présence latine en Orient qui durera deux siècles.

Lors de la Quatrième Croisade, les Francs et leurs alliés Vénitiens, sensés délivrés les Lieux Saints, se dirigent au contraire vers Constantinople, y mettent le siège et en 1204 livrent la ville au pillage (1) et établissent un Empire latin d’Orient qui durera jusqu’en 1261. Plus que tout autre événement, le sac de Constantinople marquera la présence chrétienne en Orient. Tout d’abord, même si l’Empire byzantin subsistera jusqu’en 1453, jamais il ne se relèvera du coup porté par ceux qui étaient supposés être des alliés dans la foi ; ensuite il provoque une blessure profonde entre les églises catholique et orthodoxe qui n’est toujours pas cicatrisée en 2015.

Empire ottoman

Les Ottomans supplantent et les Grecs et les Arabes dans tout l’Orient où ils assoient leur domination jusqu’au démembrement de leur empire au lendemain de la Première Guerre Mondiale, qui voit la création des Etats tels que nous les connaissons aujourd’hui, auxquels viendra s’ajouter l’Etat d’Israël en 1948.

(1) les célèbres lions qui ornent la basilique Saint-Marc à Venise ornaient autrefois l’hippodrome de Constantinople, furent pillés par les Vénitiens à cette occasion.

Chrétiens d'Orient

Chrétiens d’Orient: Introduction

Les événements tragiques au Moyen-Orient ont conduit La Ligne Claire (l’auteur de ce blog), à se renseigner plus soigneusement sur l’identité des chrétiens de cette région, aujourd’hui en proie aux persécutions et poussés à l’exil. Aussi La Ligne Claire se propose-t-elle d’offrir à ses lecteurs un guide des différentes églises qui composent la communauté chrétienne de cette région.

Au risque de mentionner évidence, rappelons que le christianisme naît en Palestine après la mort de Jésus survenue vraisemblablement autour entre 30 et 33 de notre ère. Quelques années plus tard, Paul de Tarse, à la suite d’une vision sur le chemin de Damas entre 37 et 40, se fait l’ardent propagateur de cette religion naissante qui se conçoit au départ comme une branche du judaïsme.

Réalité complexe et non figée

Dès 45, Paul parcourt le pourtour oriental de la Méditerranée et s’adresse en premier lieu aux nombreuses communautés juives de la diaspora, de culture hellénique, qui s’y sont établies à partir de l’exil à Babylone au VIe siècle avant notre ère. C’est donc dans cette région du monde que nous appelons le Proche et le Moyen-Orient que se diffuse en premier lieu le christianisme.

Aux yeux du lecteur européen, le christianisme oriental peut apparaître comme une réalité complexe en raison des ses nombreuses confessions; de plus, cette réalité n’est pas figée et a bien entendu connu d’importants développements au cours de deux mille ans au gré l’histoire politique comme religieuse, très vite marquée par les divergences de doctrine.

Plusieurs lectures du christianisme oriental sont possibles selon le pays, le groupe ethnique, la langue les rites ou encore l’histoire politique. Cependant La Ligne Claire a choisi de suivre ces églises à partir des points de doctrine qui leur ont donné naissance et qui, dans une large mesure, assurent le fondement de leur identité.

C’est pourquoi, après un bref rappel des grands repères historiques de l’histoire politique et religieuse de la région, La Ligne Claire offrira à ses lecteurs un bref guide des principales églises de la région. La Ligne Claire a pour vocation d’être un blog de vulgarisation et n’entend pas se substituer ni aux historiens ni aux théologiens. Dans le cas présent, elle a pour objectif d’offrir à ses lecteurs une sorte de «Who’s who» des chrétiens d’Orient, des origines jusqu’à nos jours.

Photo: Chrétiens d’Irak à Bagdad, 2015 (Reuters)

Fioretti II

Ivrée, au débouché du Val d’Aoste, là où les montagnes le cèdent aux collines et la pierre à la brique, compte au rang de ces villes auxquelles on jette un coup d’oeil distrait d’une aire d’autoroute sans que jamais on ne s’y arrête. Le château et le campanile qui dessinent leur silhouette dans le ciel témoigner de la haute antiquité de la ville, dont la fondation remonte à deux millénaires et demi. La cathédrale, autrefois de style roman, aujourd’hui masqué par un porche néo-classique, abrite les restes mortels de l’évêque irlandais Thaddée McCarthy, sans nul doute appelé Taddy par ses copains et dont La Ligne Claire vous livre le récit.

On ne connaît que peu de choses des premières années de la vie de Taddy, sinon qu’il était d’extraction noble et qu’il menait une vie pieuse, ce qui le mena à effectuer le pèlerinage de Rome au départ de l’Irlande, à travers l’Angleterre où, au départ de Canterbury, il emprunta la Via Francigena. Parvenu à destination, a l’âge de 27 ans à peine – nous sommes en 1482, le pape Sixte IV le nomme évêque de Ross et lui conféra l’ordination épiscopale. Il entreprit alors de remonter la Via Francigena pour prendre possession de son siège épiscopal mais arrivé sur place quelle ne fut pas sa surprise de voir que Hugh O’Driscoll y avait déjà posé sa crosse et sa mitre au motif qu’il prétendait avoir été nommé au même siège par le même Sixte IV mais en 1473 plutôt qu’en 1482. Fort de ces neuf ans d’avance O’Discoll déclara McCarthy un imposteur et fit part de ses remontrances à Rome, ce qui valut à McCarthy d’être excommunié toujours par Sixte IV, dont on peut dire, avec le recul des siècles, que sa politique en matière de nominations épiscopales manquait parfois de cohérence. Refusant de s’avouer vaincu, McCarthy reprit sa mitre et son chapeau et pour la troisième fois, simple pèlerin, emprunta la Via Francigena jusqu’à Rome pour y plaider sa cause. Entretemps, le pape Sixte, l’esprit troublé par la confusion que ces questions avaient provoquée, avait rendu son âme à Dieu si bien que ce fut son successeur, Innocent VIII, qui reçut Taddy et même l’écouta. Innocent, inspiré par la sagesse du roi Salomon, choisit de couper la poire en deux (à la différence du nourrisson dans le livre des Rois), confirma O’Discoll au siège de Ross, leva l’excommunication qui pesait sur McCarthy et en 1490, en guise de prix de consolation, le nomma au siège épiscopal de Cork et Clone. Fort de cette nomination, la fleur aux dents, Taddy s’empressa de remonter la Francigena, un chemin qu’il avait entretemps appris à bien connaître, pour prendre possession de son nouveau siège. Quelle ne fut pas sa stupeur de constater sur place que Gerald FitzGerald, neuvième comte de Kildare, occupait confortablement le siège que le pape venait de lui octroyer et n’entendait pas que l’on en délogeât, nomination papale ou pas. Car, le lecteur l’aura désormais compris, en Irlande il est plus important d’appartenir au clan des O’Discoll ou à celui des FitzGerald que de frapper de façon impromptue à la porte d’une cathédrale, même muni d’un ordre de mission émanant du pape.

– Gerry que fais-tu là ?

– Un whiskey ? Kildare, spécial reserve ?

– Bouge ton siège de mon siège.

– Kill Dare if you dare, telle est ma devise.

Faute de pouvoir faire valoir ses droits, le temps de changer de chaussures et voilà Taddy, qui décidément ne se décourageait pas aisément, reprendre la route de Rome, vous l’aurez deviné, en empruntant la Francigena une fois encore. Cette fois-ci c’était la bonne. Innocent l’écouta d’une oreille paternelle, le conforta dans ses droits, le confirma dans sa nomination et, sage précaution en ces temps-là, lui confia une lettre dans laquelle il menaçait d’excommunier Gerald FitzGerald, comte de Kildare ou pas, de vider les lieux et fissa fissa s’il vous plaît, sous peine d’excommunication, la seule menace prise au sérieux par les clans irlandais.

– Merci Sainteté, je repars aussitôt.

– Restez encore un peu monseigneur, je vous ferai accompagner.

– Ne vous donnez pas cette peine Saint-Père, je connais le chemin.

Taddy donc repris la route et parvint à Ivrée gravement malade ; accueilli à l’Hospice du Vigintuno, en qualité de simple pèlerin, il y mourut le 24 octobre 1492. Ce n’est qu’après sa mort qu’on découvrit dans ses bagages l’anneau épiscopal de cet évêque toujours en marche, toujours victime des usurpateurs, de cet homme qui aura parcouru cinq fois et demi la Via Francigena. La mort de cet homme qui avait tant marché pour faire valoir ses droits, tant marché face à l’adversité et la cupidité des puissants, tant désiré de servir en qualité d’évêque émut les gens du lieu qui, forts du sensum fidei, bientôt lui vouèrent un culte. Déclaré bienheureux par Léon XIII en 1896, ses ossements reposent sous un autel dans la chapelle saint Sébastien de la cathédrale d’Ivrée, et qui porte la mention Sepulcrum beati Thaddaei episcopi Hiberniae tandis que l’anneau épiscopal que le pauvre Taddy portait humblement dans ses bagages orne de nos jours encore le doigt de l’évêque d’Ivrée, son successeur en quelque sorte dans ce pèlerinage terrestre.

 

Fioretti

Dans sa jeunesse, La Ligne Claire avait grandi en Italie ; le motorino que son père lui avait offert auxquels venaient s’ajouter dix puis vingt mille lires d’argent de poche suffisaient à son bonheur, une fille du lycée assise en amazone derrière lui les cheveux au vent, en ces temps où sévissait l’inflation et où Celentano chantait Svalutation.

Aujourd’hui La Ligne Claire ne se hasarderait plus guère sur un motorino, moins encore avec une fille. C’est donc en voiture qu’il s’est rendu ces jours-ci à Bologne, certes pas un insider tip mais néanmoins à l’écart des grandes destinations touristiques que constituent Venise, Florence et Rome. Bologne est la ville qui abrite la plus ancienne université d’Europe, dont on peut visiter le siège, l’élégant Palais de l’Archigymnase, datant du XVIe siècle, restauré après sa destruction causée par le bombardement américain de la ville en 1944. Initialement destinée à bombarder Prato, une ville industrielle au nord de Florence, l’escadre aérienne n’avait pu mener à bien sa mission en raison de la météo. Mais les bombes, oui les bombes, on ne va pas tout de même les ramener à la maison ? Alors, bombardons plutôt Bologne et tant pis pour neuf siècles de culture, on balaiera après la guerre.

Septante ans plus tard, parmi les milliers d’étudiants qui fourmillent dans toute la ville, on observe ici et là un professeur d’uni américain : pantalon de toile claire, veste de velours, chemise en coton avec boutons de col, suivi d’un groupe d’étudiants dont on imagine qu’ils répètent « Captain, my captain » indifférent semble-t-il aux ravages causés par son grand-père, capitaine de l’US Air Force.

Les Bolonais ne lui en tiennent pas rigueur car nous sommes ici en Emilie-Romagne, le pays du catho-communisme, illustré par les comédies de Don Camillo et Don Peppone et visible ici sous la forme de l’imposante statue du pape Grégoire XIII sur la façade du Palazzo Comunale,  qui semble faire bon ménage avec les partisans communistes tombés sous les balles fascistes lors de la libération de la ville, et dont les photos ornent la même façade.

Et puisque le Palazzo Comunale est un lieu public, franchissez-en le portail, personne ne vous demandera ce que vous venez faire là, gravissez la monumentale cage d’escalier et, arrivé sur le palier, entrez dans l’imposante salle Farnese d’où vous jouirez de la meilleure vue sur la Piazza Maggiore qu’on puisse avoir. Mais surtout, puisque le public c’est vous, admirez les fresques de Fontana, celle figurant François Ier de passage à Bologne auréolé de sa fraîche victoire à Marignan ou celle dépeignant le couronnement de Charles-Quint, dernier empereur à avoir été couronné par le pape, auréolé de sa victoire à Pavie en 1525 sur son compère François. And so to bed.

 

Cathédrale de Lausanne

Pape et empereur à Lausanne

Le Moyen Âge dit central se plaisait dans la construction de cathédrales, dont celle de Lausanne constitue assurément le plus bel édifice de style gothique en Suisse.

Le siège épiscopal de Lausanne remonte aux temps reculés du Royaume de Bourgogne mais l’édifice que nous avons aujourd’hui sous les yeux date lui du XIIIe siècle. Les hommes de cette époque-là ne savaient pas qu’ils vivaient au Moyen Âge ni non plus que, mille ans plus tard, leurs descendants se sentiraient un peu gênés de cette période de leur histoire que les Anglais n’hésitent pas à appeler The Dark Ages. Non, les hommes du XIIIe siècle eux vivaient dans un espace géographique, religieux et culturel qui s’appelait la chrétienté et dont ces cathédrales formaient le témoignage visible. Car ces cathédrales, c’était toute une affaire et c’est pourquoi, à l’occasion de la consécration solennelle de la cathédrale, et le pape, Grégoire X et l’empereur, Rodolphe de Habsbourg, firent le déplacement.

Tebaldo Visconti, archidiacre du puissant évêché de Liège, était réputé pour sa vie austère. Elu pape pour cette raison-là, il prit le nom de Grégoire X et s’empressa de convoquer un concile à Lyon, dans le but notamment d’assurer la réunion des Eglises grecque et latine. C’est de là, qu’en remontant le cours du Rhône, il joignit Lausanne.

Rodolphe, lui, c’était presque un gars du pays. Petit prince possessionné en Argovie, élu précisément pour cette raison-là en qualité de candidat de compromis pour mettre un terme à vingt-trois ans d’interrègne, il allait assurer à sa Maison la destinée que l’on sait.

On imagine la rencontre. « Hi, Greg », « Salü Rudi » non, sans doute pas, plutôt « Sainteté », « Majesté » car au XIIIe siècle, le pape et l’empereur, ce sont les deux faces d’une même médaille ; au premier revient la charge pastorale de l’unique peuple de Dieu, dont le second assure le gouvernement dans le siècle. C’est pourquoi ils président conjointement à la consécration d’une cathédrale. C’était à Lausanne en 1275, là où les observateurs attentifs reconnaissent ce X de la croisée du Camino et de la Via Francigena.

FB-f-Logo__blue_512La Ligne Claire est également disponible sur Facebook.

Le 9 novembre, le poids de l’histoire allemande

On célèbre ce lundi 3 octobre la fête nationale allemande, der Tag der Deutschen Einheit, qui commémore la réunification des deux Allemagne scellée par traité en 1990.

S’il s’agit certes d’un geste important, il prend la forme d’une cérémonie où des messieurs en costume sombre sortent leur stylo et où l’une des parties, la RDA, signe son suicide officiel. On est loin de la valeur symbolique que confère le panache d’une prise de la Bastille. La chute du Mur le 9 novembre 1989, ça c’est du panache! Mais voilà, le Mur tombe le jour où tout se bouscule dans l’histoire d’Allemagne.

Car le 9 novembre est une date au poids trop lourd: en 1918, le Kaiser abdique, en 1923 Hitler effectue sa tentative de putsch à Munich tandis qu’en 1938, dans la nuit du 9 au 10 se déroule la Nuit de Cristal, le premier pogrom d’envergure fomenté par les Nazis contre les Juifs. Les casques à pointe, les médailles du Kaiser, les barriques de bière et les barricades renversées et puis les bris de la vitrine de la boucherie kasher, tout cela pèse tant et tant encore que même les débris du Mur de Berlin, la poussière retombée, ne feront pas suffisamment contrepoids.

Ce sera donc le 3 octobre et non le 9 novembre.