Pape François

Vendetta au Vatican?

Mardi prochain 27 juillet, s’ouvre au Vatican un procès pénal, où comparaissent dix inculpés, dont un cardinal, Angelo Becciu, une première dans l’histoire de l’Église. Trois affaires sont concernées dont la principale est l’acquisition par la Secrétairerie d’État du Vatican, le dicastère en charge des affaires politiques et diplomatiques, d’un immeuble à Londres pour EUR350m. Alors que le Vatican ne prend au départ qu’une participation minoritaire, en 2018 il décide de racheter l’ensemble du bien, ce qui implique le paiement d’une commission de EUR15m, que le promoteur de justice, le ministère public du Vatican, juge le produit d’une escroquerie. Les dix inculpés sont accusés tour à tour de détournement de fonds, abus de pouvoir et subornation de témoin ; tous protestent de leur innocence.

Angelo Becciu avait exercé les fonctions de substitut ou sostituto à la Secrétairerie d’État de 2011 à 2018, ce qui en faisait le troisième personnage du Vatican après le pape et le Secrétaire d’État. En juin 2018, le pape François lui confère la barrette de cardinal mais en 2020, alors que l’acquisition de l’immeuble à Londres prend la tournure d’un scandale financier de première ampleur, le pape le limoge et le prive des droits liés à sa dignité cardinalice.

L’affaire de l’immeuble, un ancien entrepôt de Harrods destiné à être reconverti en appartements, démarre en 2013 avec un premier investissement par le Secrétaire d’État, dont le titulaire depuis cette année-là est le cardinal Pietro Parolin, appuyé depuis 2018 par Mgr Edgar Peña Parra, l’actuel sostituto et successeur de Becciu. Il s’agit d’une opération spéculative particulièrement complexe, financée en partie par les dons des fidèles catholiques. Pendant cette période, il est établi que non seulement Parolin était informé de cette opération mais qu’il lui a apporté son approbation.

Si on tombe rarement à court de scandales au Vatican, ce procès, qualifié d’historique en vertu de l’inculpation d’un cardinal, est censé témoigner de la volonté du Pape de réformer la gouvernance de l’Église. En réalité, comme le souligne notamment John Allen, auteur du blog Crux News, ce procès soulève autant de questions qu’il n’apporte de réponses.

Outre Becciu, principal protagoniste de cette affaire, parmi les rangs des inculpés figurent de manière étonnante René Brülhart et Tommaso Di Ruzza. De 2012 à 2019, Brülhart occupe les fonctions d’abord de directeur (2013-2014) puis de président du conseil d’administration (2014-2019) de l’Autorité d’Information Financière (AIF, renommée depuis ASIF), le régulateur financier du Vatican ; quant à Di Ruzza il occupe la fonction de directeur adjoint (2014-2015) puis de directeur (2015-2020) de l’AIF. Or la compétence de l’AIF se limite à la tutelle de l’Istituto per le Opere di Religione (IOR), communément appelée la « banque du Vatican », et ne s’étend nullement à la  supervision de la Secrétairerie d’État ; de plus, dans le cas de Brülhart, il occupe pendant l’essentiel de la période qui nous intéresse ici des fonctions non-exécutives. Faute d’un lien évident entre l’AIF et l’investissement immobilier à Londres, on a du mal à voir les raisons pour lesquels Brülhart et Di Ruzza sont inculpés, d’aurant que La Ligne Claire sait de source fiable qu’à la date du 8 juillet, ni l’un ni l’autre n’avaient été notifiés de leur acte d’inculpation ; alors que le procès s’ouvre le 27, ils ne sont donc pas en mesure de préparer leur défense.

La Ligne Claire renvoie les lecteurs intéressés à ce long article paru le 3 juillet dernier sur le site de Vatican News, le portail d’information du Saint-Siège, où sont effectivement mentionnés les dix inculpés mais sans qu’on sache qui est accusé de quoi. Il en ressort qu’il s’agit d’un résumé de l’acte d’accusation, amplement cité (en italiques), mais qui jamais ne mentionne la défense. De l’avis de La Ligne Claire, au-delà d’une présentation structurée des chefs d’accusation, l’article a pour véritable but d’exonérer Parolin. Alors qu’il n’est pas inculpé et qu’on ne sait pas s’il sera appelé à comparaître comme témoin, l’article prend par avance sa défense et fait valoir que, certes il avait apporté son concours à l’opération immobilière mais qu’en réalité il avait été abusé et ne disposait que d’informations fragmentaires.

Les cyniques qui pensent que la Vatican a « balancé » Becciu pour protéger Parolin et Peña Parra, ne seront pas surpris si les avocats de la défense avancent que leurs clients avaient été couverts par leurs supérieurs. A l’ouverture du procès, on attend de voir si l’ex cardinal Becciu se sacrifiera par charité chrétienne ou au contraire se vengera en compromettant Parolin son ancien patron, voire le pape François. Ce procès, présenté comme le symbole du nouveau vent de transparence et de tolérance zéro sensé souffler au Vatican, risque au contraire de se retourner contre le pape François et mettre à nu la confusion qui règne au sein de son administration, qu’il a manqué de réformer à ce jour alors qu’il avait élu par ses pairs précisément dans ce but.

 

 

Foot, guerre et politique

“La guerre, c’est la poursuite de la politique par d’autres moyens » écrivait Clausewitz ; « le foot, c’est la poursuite de la guerre par des moyens pacifiques » soutient La Ligne Claire.

Au XVIIIe siècle, Maurice de Saxe pouvait prêter son épée au service du Roi de France tandis que le Prince Eugène de Savoie combattait à la tête des armées impériales. L’arrêt Bosman de la Cour Européenne de Justice en 1995, qui autorisait les clubs européens à recruter les meilleurs joueurs, produit des effets similaires à telle enseigne que désormais les joueurs de foot s’offrent à qui les paie au mieux, comme jadis les mercenaires suisses.

Le tournois de l’Euro 2000 vient en quelque sorte siffler le contraire d’une trêve puisque les joueurs sont tenus de quitter le club qui les emploie et sont en quelque sorte rappelés sous les drapeaux de leur équipe nationale.

L’invention de l’artillerie au XIVe est venue changer de manière fondamentale l’art de la guerre ; désormais on se tuerait à distance plutôt qu’au coude à coude. Avec l’Euro 2000, le foot renoue avec l’art de la guerre tel qu’on le connaissait dans l’Antiquité. Des hommes, revêtus de jambières, peints ou tatoués aux couleurs de leur camp se toisent sur le champ de bataille. Lors des matchs de rugby, les combattants pratiquent le haka, une danse rituelle qui vise à intimider l’adversaire par des danses, des chants et surtout une démonstration de la puissance collective de sa propre équipe. De même qu’Athéniens et Spartiates s’invectivaient avant le combat, il n’est pas rare qu’on entende fuser des insultes avant le début des matchs de foot, qui souvent sont en rapport avec la mère du joueur adverse, et que la décence empêche La Ligne Claire de reproduire. Onze joueurs, champions de leur propre camp, arborent leur tatouage comme autrefois les chevaliers leur écu à la bataille d’Azincourt.

A l’issu du tournoi, un autre mot encore tiré du langage militaire, le vainqueur se voit discerner un trophée (du latin tropaeum) comme jadis un général romain. Et de même que les légions victorieuses défilaient à Rome, les équipes gagnantes descendent les Champs-Elysées, séjour des âmes vertueuses, sur un autobus découvert, qui pour la circonstance fera office de char de combat.