Via Francigena – récit d’un parcours de Lausanne à Rome

La Ligne Claire signale à l’attention de ses lecteurs la parution ces jours derniers de ce petit ouvrage de qualité dû à la plume de Dominique de la Barre. Belge de l’étranger, naturalisé suisse, il a parcouru la Via Francigena de Lausanne à Rome en 2013 et 2014. La Via Francigena, la Voie des Francs désigne ce faisceau d’itinéraires par lesquels les Francs étaient descendus en Italie au VIIIe siècle et aujourd’hui élevé au rang d’itinéraire culturel européen par le Conseil de l’Europe.

Connu pour son blog (https://blogs.letemps.ch/dominique-de-la-barre/), l’auteur, qui a grandi à Rome il y a un demi-siècle, livre ici d’une plume élégante le récit de ce pèlerinage, selon ses propres mots, ce qui fait de la marche une démarche. On y croisera tout autant les immigrés italiens en Suisse, Rajiv, le nouvel immigré indien en Italie qu’une princesse issue de la noblesse noire et un prêtre de cour.

La Via Francigena est ce lieu où se rencontrent la géographie et l’histoire, le long duquel les cathédrales gothiques s’égrènent comme les grains d’un chapelet et où des palais baroques resplendissent comme un ostensoir de tous leurs feux. On y ressent, nous dit l’éditeur en quatrième de couverture, toute l’admiration et l’enthousiasme avec lesquels l’auteur nous conte l’histoire riche et tumultueuse de cet itinéraire millénaire. Récit de voyage où se mêlent des souvenirs personnels, les Itinerrances invitent le lecteur à se lever de bonne heure et à emboîter le pas à l’auteur et à découvrir avec enchantement les marques de notre propre culture.

 

Dominique de la Barre, Via Francigena : Itinerrances sur le chemin de Rome, Editions Nevicata, 2021, 164 pages

 

On pourra se procurer Via Francigena : Itinerrances sur le chemin de Rome en librairie, mais aussi chez l’éditeur (https://editionsnevicata.be) ou encore en ligne (www.fnac.com, www.amazon.fr, www.payot.ch) et enfin en format Kindle.

ISBN 978-2-87523-185-7

Pape François

Vendetta au Vatican?

Mardi prochain 27 juillet, s’ouvre au Vatican un procès pénal, où comparaissent dix inculpés, dont un cardinal, Angelo Becciu, une première dans l’histoire de l’Église. Trois affaires sont concernées dont la principale est l’acquisition par la Secrétairerie d’État du Vatican, le dicastère en charge des affaires politiques et diplomatiques, d’un immeuble à Londres pour EUR350m. Alors que le Vatican ne prend au départ qu’une participation minoritaire, en 2018 il décide de racheter l’ensemble du bien, ce qui implique le paiement d’une commission de EUR15m, que le promoteur de justice, le ministère public du Vatican, juge le produit d’une escroquerie. Les dix inculpés sont accusés tour à tour de détournement de fonds, abus de pouvoir et subornation de témoin ; tous protestent de leur innocence.

Angelo Becciu avait exercé les fonctions de substitut ou sostituto à la Secrétairerie d’État de 2011 à 2018, ce qui en faisait le troisième personnage du Vatican après le pape et le Secrétaire d’État. En juin 2018, le pape François lui confère la barrette de cardinal mais en 2020, alors que l’acquisition de l’immeuble à Londres prend la tournure d’un scandale financier de première ampleur, le pape le limoge et le prive des droits liés à sa dignité cardinalice.

L’affaire de l’immeuble, un ancien entrepôt de Harrods destiné à être reconverti en appartements, démarre en 2013 avec un premier investissement par le Secrétaire d’État, dont le titulaire depuis cette année-là est le cardinal Pietro Parolin, appuyé depuis 2018 par Mgr Edgar Peña Parra, l’actuel sostituto et successeur de Becciu. Il s’agit d’une opération spéculative particulièrement complexe, financée en partie par les dons des fidèles catholiques. Pendant cette période, il est établi que non seulement Parolin était informé de cette opération mais qu’il lui a apporté son approbation.

Si on tombe rarement à court de scandales au Vatican, ce procès, qualifié d’historique en vertu de l’inculpation d’un cardinal, est censé témoigner de la volonté du Pape de réformer la gouvernance de l’Église. En réalité, comme le souligne notamment John Allen, auteur du blog Crux News, ce procès soulève autant de questions qu’il n’apporte de réponses.

Outre Becciu, principal protagoniste de cette affaire, parmi les rangs des inculpés figurent de manière étonnante René Brülhart et Tommaso Di Ruzza. De 2012 à 2019, Brülhart occupe les fonctions d’abord de directeur (2013-2014) puis de président du conseil d’administration (2014-2019) de l’Autorité d’Information Financière (AIF, renommée depuis ASIF), le régulateur financier du Vatican ; quant à Di Ruzza il occupe la fonction de directeur adjoint (2014-2015) puis de directeur (2015-2020) de l’AIF. Or la compétence de l’AIF se limite à la tutelle de l’Istituto per le Opere di Religione (IOR), communément appelée la « banque du Vatican », et ne s’étend nullement à la  supervision de la Secrétairerie d’État ; de plus, dans le cas de Brülhart, il occupe pendant l’essentiel de la période qui nous intéresse ici des fonctions non-exécutives. Faute d’un lien évident entre l’AIF et l’investissement immobilier à Londres, on a du mal à voir les raisons pour lesquels Brülhart et Di Ruzza sont inculpés, d’aurant que La Ligne Claire sait de source fiable qu’à la date du 8 juillet, ni l’un ni l’autre n’avaient été notifiés de leur acte d’inculpation ; alors que le procès s’ouvre le 27, ils ne sont donc pas en mesure de préparer leur défense.

La Ligne Claire renvoie les lecteurs intéressés à ce long article paru le 3 juillet dernier sur le site de Vatican News, le portail d’information du Saint-Siège, où sont effectivement mentionnés les dix inculpés mais sans qu’on sache qui est accusé de quoi. Il en ressort qu’il s’agit d’un résumé de l’acte d’accusation, amplement cité (en italiques), mais qui jamais ne mentionne la défense. De l’avis de La Ligne Claire, au-delà d’une présentation structurée des chefs d’accusation, l’article a pour véritable but d’exonérer Parolin. Alors qu’il n’est pas inculpé et qu’on ne sait pas s’il sera appelé à comparaître comme témoin, l’article prend par avance sa défense et fait valoir que, certes il avait apporté son concours à l’opération immobilière mais qu’en réalité il avait été abusé et ne disposait que d’informations fragmentaires.

Les cyniques qui pensent que la Vatican a « balancé » Becciu pour protéger Parolin et Peña Parra, ne seront pas surpris si les avocats de la défense avancent que leurs clients avaient été couverts par leurs supérieurs. A l’ouverture du procès, on attend de voir si l’ex cardinal Becciu se sacrifiera par charité chrétienne ou au contraire se vengera en compromettant Parolin son ancien patron, voire le pape François. Ce procès, présenté comme le symbole du nouveau vent de transparence et de tolérance zéro sensé souffler au Vatican, risque au contraire de se retourner contre le pape François et mettre à nu la confusion qui règne au sein de son administration, qu’il a manqué de réformer à ce jour alors qu’il avait élu par ses pairs précisément dans ce but.

 

 

La chute des chevaliers

Le limogeage en novembre 2020 du Cardinal Becciu, entre autres délégué spécial du Pape auprès de l’Ordre de Malte, vient rappeler les affaires qui ont secoué l’Ordre ces dernières années. Aussi l’ouvrage tout récent de Konstantin Magnis tombe à point nommé pour raconter ces événements, sorte de polar ecclésiastique fondé, pour autant que La Ligne Claire puisse en juger, sur un compte-rendu exact des faits, que l’auteur relate de façon fluide avec un mélange de détachement et d’intimité.

Deux pistes s’y croisent : d’une part la lutte qui oppose le Grand Maître Matthew Festing et son entourage à Albrecht (Freiherr von) Boeselager, Grand Hospitalier et puis Grand Chancelier de l’Ordre, et qui conduira elle-même à une confrontation entre l’Ordre et le Saint-Siège et à la démission forcée de Festing, et d’autre part une histoire d’argent liée à un trust administré à Genève, dont l’Ordre de Malte est certes l’un des bénéficiaires mais qui intente néanmoins un procès au trustee.

Magnis mène cette enquête en connaissance de cause, visiblement non seulement très bien informé mais aussi très sensible au milieu culturel qui entoure l’Ordre : les comtesses aux coiffures laquées, les cercles mondains, les parties de chasse, les intrigues nouées dans les palazzi de la noblesse noire à Rome, rien de tout cela ne lui est étranger.

 

Structures

Les deux querelles évoquées ci-dessous connaîtront un dénouement heureux ; au terme d’une lieutenance, on élira un nouveau Grand Maître, successeur de Festing tandis que l’Ordre trouvera un accommodement avec le trustee et retirera sa plainte. Magnis souligne donc à juste titre que le règlement de ces deux questions doit mener à une rénovation en profondeur de l’Ordre. A ce propos on relèvera qu’aux côtés de l’Ordre de Malte proprement dit, sujet de droit international exerçant une souveraineté et qui entretient des relations diplomatiques avec 110 pays, et qui maintient de surcroît des missions d’observateur auprès des Nations Unies à Genève et New York, on trouve les chevaliers profès organisés en grands prieurés, les associations nationales, les services hospitaliers et enfin Malteser International, la force d’intervention humanitaire de l’Ordre créée il y soixante ans et longtemps dirigée par Boeselager. Cela peut paraître un peu compliqué dès lors qu’il s’agit de nettoyer le popo d’un sans-abri et doit amener à une réflexion quant aux structures de l’Ordre.

 

Rénovation

Mais, et le Pape François n’a de cesse de le répéter à l’échelle de l’Église tout entière, vaines sont les réformes de structure si elles ne se fondent pas d’abord sur une rénovation intérieure. Au sein de l’Ordre de Malte, celle-ci concerne au premier chef les chevaliers profès, au nombre d’une soixantaine actuellement, au sein desquels est élu le Grand Maître. Garants du caractère religieux de l’Ordre en raison de leurs vœux évangéliques, ils sont désormais invités par le Pape à s’y tenir et, dans la mesure du possible, à vivre en communauté, regroupés en prieurés. Cet appel à la rénovation s’étend bien entendu à l’ensemble des membres de l’Ordre, y compris les dames et chevaliers dits d’honneur et de dévotion, une catégorie réservée aux membres de la noblesse, chez qui on peut parfois observer le goût d’un certain faste.

 

Rites et rituels

L’homme est non seulement un animal social mais un animal tribal si bien qu’il n’est guère surprenant qu’une catégorie particulière de personnes, ici la noblesse, prenne plaisir à se retrouver entre soi. En ce sens rien ne distingue les membres de la noblesse de, mettons, les supporters d’un club de foot. Les uns comme les autres font appel à des rites qui marquent l’appartenance, ici les écharpes colorées, les casquettes et les pétards et là des habits d’un autre âge, des décorations et des titres ronflants, car chez les chevaliers de Malte on cherchera en vain un petit hospitalier ou un petit chancelier. Cependant si le rite est nécessaire à l’homme, il ne prend son sens que s’il demeure habité par un engagement religieux et un esprit de service faute de quoi il se mue en un rituel stérile, en le cas d’espèce une mondanité, ce mal que le Pape François n’a de cesse de dénoncer. Magnis ne semble guère porter dans son cœur tout ce cérémonial un peu vain mais relève avec beaucoup d’émotion les innombrables services prodigués par l’Ordre, soins aux malades, accueil des sans-abris, gestion d’hôpitaux, intervention lors de catastrophes naturelles, et qui sont autant de marques de la charité chrétienne qui anime ses membres.

 

On retrouve dans ces conflits internes à l’Ordre de Malte tant les lignes de faille entre conservateurs et progressistes (pour utiliser des étiquettes commodes) qui traversent l’Église et que le pontificat du Pape François a révélées au grand jour, qu’une sombre histoire d’argent de plus contre lesquelles le Pape François ne cesse de combattre. En filigrane apparaît aussi le style de management du Pape François, davantage enclin à nommer et révoquer des hommes en fonction de l’existence d’un rapport de confiance ou pas, que pour leur aptitude à occuper un poste particulier ; au sein de l’Ordre, les cardinaux Burke et Becciu témoignent de ce style de gestion très personnalisé.

Il est manifeste que l’auteur a bénéficié d’accès en haut lieu au sein de l’Ordre, qui lui ont permis par exemple de prendre connaissance de courriels internes ; aussi est-on en droit de regretter qu’il ne rende compte essentiellement que du point vue allemand, au détriment d’autres courants au sein de l’Ordre, anglais (sauf celui de Festing), français, italien et américain, qui font eux une autre lecture de ces événements passés et ont pour l’avenir une autre conception de l’Ordre. Cela dit, ceux qui maîtrisent l’allemand liront avec délice ce petit livre qui revient sur un face à face inédit entre les institutions les plus anciennes de la chrétienté, le Saint-Siège et l’Ordre.

 

 

 

Konstantin Magnis, Gefallene Ritter, Harper Collins

Les trois Rois

Vers l’an 80 de notre ère, un demi-siècle après la mort de Jésus-Christ, un auteur que la tradition a retenu sous le nom de saint Mathieu entreprit de rédiger un évangile à destination des premiers chrétiens d’origine juive. Pour cette raison, au chapitre premier, son évangile s’ouvre sur la généalogie de Jésus qui vise à montrer à ses lecteurs qu’il naît dans la descendance de David, une condition essentielle pour qu’il soit le vrai messie.

Au chapitre second, Mathieu élargit sensiblement son propos puisqu’il relate l’histoire de ces Mages qui se déplacent de l’Orient vers le lieu où ils ont appris que le roi des Juifs était né. Au fil des siècles, la tradition populaire, inspirée des évangiles apocryphes, fera de ces Mages des rois, fixera leur nombre à trois, leur donnera un nom et leur attribuera une couleur de peau, qui représente les trois continents alors connus, l’Europe, l’Asie et l’Afrique.

Mathieu s’attache à fournir un contexte précis à cet épisode, en Judée sous le règne d’Hérode le Grand, un roi client des Romains, qui n’était pas juif mais iduméen et qui pour cette raison demeurait sans cesse sur le qui-vive face à d’éventuels prétendants.

Sous la plume de Mathieu, les Mages désignent sans doute des membres de la caste sacerdotale perse ou, plus généralement des personnages savants par ailleurs influencés par la philosophie grecque.

Les Mages observent dans le ciel une conjonction entre les planètes Saturne et Jupiter survenue en l’an 7 avant notre ère, semblable à celle que nous avons connue le 21 décembre dernier. Ils ne sont sans doute pas les seuls à pouvoir calculer le cours des planètes si bien qu’il y a lieu de se poser la question, pourquoi les Mages se mettent-ils en route non seulement vers la Judée mais précisément pour y rencontrer le roi des Juifs ? Les Mages sont donc des hommes qui savent déterminer ce qui est exact, ici la conjonction des planètes, mais qui sont à la recherche de ce qui est vrai : de quoi cette étoile est-elle la signification ? Dans le monde païen antique circule alors l’idée que de Juda doit naître le dominateur du monde et c’est d’ailleurs ce qui inquiètera Hérode une fois que les Mages seront parvenus jusqu’à lui. Du reste, l’expression-même « roi des Juifs » est une expression païenne qu’on ne retrouve que dans la bouche des Mages et dans celle de Pilate lors du procès de Jésus, alors que les Juifs eux attendent le messie d’Israël.

Les Mages se mettent donc en route vers la Judée et c’est tout naturellement qu’ils se rendent en premier lieu chez Hérode ; puisque celui qui doit naître est le roi des Juifs, ils s’attendent à le trouver au palais royal de Jérusalem. Hérode troublé convoque alors ses conseillers qui lui répondent que non, selon le prophète Michée, le lieu de naissance n’est pas Jérusalem mais Bethléem. Seuls Hérode et les Mages tirent conséquence de cette information qui s’avère correcte : les Mages poursuivent leur route jusqu’à Bethléem tandis qu’Hérode s’empresse d’éliminer tous ceux qu’il juge être un prétendant concurrent ; quant aux docteurs de la loi, qui ont fourni la « bonne » réponse, ils referment leur parchemin ; à la différence des Mages, il leur manque la philo qui les pousse à se mettre en chemin.

Dans ce récit, Mathieu opère deux mouvements d’ouverture de grande envergure. Alors, on ne saurait trop le répéter, qu’il s’adresse à des chrétiens issus du judaïsme, il étend la signification du salut opéré par le Christ au monde entier, dont les Mages sont les premiers témoins. En second lieu, il expose très clairement que non seulement la connaissance scientifique et philosophique ne s’oppose pas à la foi mais qu’elle peut y mener. C’est même ce qui fait défaut aux docteurs de la loi.

Arrivés à Bethléem, les Mages se prosternent devant l’enfant et sa mère. Puis, nous dit Matthieu, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin. C’est la définition même de la conversion.

 

La Ligne Claire renvoie ses lecteurs qui souhaitent explorer davantage ce récit biblique au livre L’Enfance de Jésus de Joseph Ratzinger paru chez Flammarion en 2012.

 

Pape François, le silence du baroque

Tout le monde connaît le style de vie sobre adopté par le Pape François, loin des ors du palais apostolique. En juin 2013, trois mois après son élection, il avait refusé d’assister à un concert de musique classique au motif qu’il n’était pas « un prince de la Renaissance ». On peut trouver sur internet des photos du fauteuil laissé vide à cette occasion.

Mais, vendredi dernier (27 mars) le pape François a fait appel au grandiose registre de la mise en scène baroque pour prononcer sa bénédiction Urbi et Orbi, à la Ville et au Monde, d’ordinaire réservée aux temps de Noël et de Pâques.

Une estrade sur le parvis de Saint Pierre devant la façade de Maderno, la place toute vide enserrée par la colonnade du Bernin, l’homme presque seul, la démarche hésitante et la mine tendue, la pluie battante tandis que le jour cède le pas à l’obscurité, tout cela confère à l’intervention du pape une intensité dramatique rarement égalée et qui demeurera sans doute comme une des images les plus prégnantes des heures que nous vivons.

Si le pape François a su faire un usage inédit du décor qu’il avait à disposition, c’est à lui que revient le contenu, le déroulement et la cadence de cette cérémonie. François a choisi d’abord la lecture de l’évangile de la tempête apaisée, qui fournira le sujet de son homélie ; enfin le long temps d’adoration du Saint Sacrement, silencieux et grave, sorte d’adagio de cette liturgie, se clôt avec la bénédiction proprement dite. L’icône de la Madone Salus Populis Romani et le crucifix de San Marcello nous renvoient à la Ville tandis que la colonnade embrasse la place vide comme l’Église universelle le Monde.

Le pape François s’est attaché à dresser un parallèle entre le récit évangélique dans lequel Jésus invite les disciples à passer sur l’autre rive, et notre situation actuelle. Comme les disciples de l’Évangile, souligne le Pape François, nous avons été pris au dépourvu par une tempête inattendue et furieuse qui suscite en nous la peur, la peur de la mort, la peur de perdre son emploi, la peur face à un avenir qu’on pensait pouvoir maîtriser. N’ayez pas peur, dit le pape, reprenant à son compte le mot d’ordre de Jean-Paul II, n’ayez pas peur du passage sur l’autre rive. Sans fard, il précise que c’est la croix, instrument d’un supplice infâme chez les Romains, qui constitue l’ancre et le gouvernail qui permettent ce passage.

Le troisième temps de cette liturgie, la longue adoration eucharistique, constitue pour ainsi dire la reconnaissance dans l’espérance et la foi de l’arrivée à bon port. Nous les hommes, nous ne pouvons pas vraiment parler de la mort : soit il s’agit de celle des autres et elle ne nous concerne pas intimement, soit il s’agit de la nôtre et nous ne pouvons plus en parler. Seul le Christ peut en parler car il n’est pas simplement sorti du confinement mais est ressuscité des morts.

Loin paraît le temps où le Pape François appelait les fidèles à semer la pagaille. Aujourd’hui, la nature s’est chargée de reprendre cette injonction à son compte. Au lieu de cela, au temps de la tempête succède celui du calme et du silence, un vieil homme fait face seul à l’ostensoir rayonnant d’une rive à l’autre. Le monde retiendra que ce pape-ci, dans un mélange de faste baroque et de dépouillement cistercien, a su trouver le ton juste où aux accents dramatiques se mêlent des notes d’espérance.

Pape François

Du Vatican à l’Amazonie

Exhortation apostolique Querida Amazonia

La publication il y a deux semaines de Querida Amazonia permet de tirer des enseignements au sujet du pape régnant. En l’espèce, Querida Amazonia est une exhortation apostolique dite post synodale et qui expose les conclusions que tire le Pape François à propos du synode consacré à propos de l’Amazonie et qui s’était tenu à l’automne dernier.

Puisque le synode était consacré à l’Amazonie, et bien ma foi, l’exhortation apostolique l’est aussi, au grand dam de l’aile progressiste (mais qui se nomme elle-même réformiste) de l’Église catholique qui avait espéré que le pape traite de l’ordination d’hommes mariés et même de femmes. Que dit donc le pape et que ne dit-il pas ? Le point de vue de La Ligne Claire.

 

Réforme de l’Eglise

Si l’Ecclesia est semper reformanda, la structure épiscopale de l’Église, elle est irréformable. Lumen Gentium, constitution dogmatique de l’Église, rappelle à tous les croyants, que l’Eglise, puisant ses sources dans l’Ancien Testament,  est fondée par Jésus-Christ, et non pas les hommes, sur la tête de Pierre et des Apôtres, dont le pape et les évêques sont les successeurs. Non décidément, le pape n’apparaît pas convaincu par une conception fonctionnaliste de l’Église, selon laquelle il suffirait de modifier ses structures à la manière d’une entreprise pour qu’elle soit réformée.

 

Refus des manipulations

On l’a vu, sans surprise, Querida Amazonia traite de l’Amazonie. Tous ceux qui avaient souhaité un autre résultat en restent pour leur frais. Mal leur en a pris alors que des avertissements existent. Ainsi, ici en Suisse, en 2017 l’Alliance Es Reicht avait adressé une lettre au pape réclamant la nomination d’un délégué apostolique, plutôt qu’un évêque diocésain, à la tête du diocèse de Coire ; ce pape, qui n’aime pas qu’on tente de l’instrumentaliser, s’est empressé d’ignorer leurs vœux et de reconduire le mandat de Mgr Huonder.

 

Exercice de l’autorité papale

Alors qu’il s’était trouvé une majorité des deux tiers parmi les pères synodaux à voter en faveur de l’ordination de viri probati au sacerdoce, le pape François n’a pas relevé cette suggestion. La possibilité d’ordonner des hommes mariés existe déjà au sein de l’Église catholique y compris dans le rite latin quand bien même à titre exceptionnel. Qu’on conserve les exceptions, que l’on ne fasse pas de l’exception la règle et qu’on évite de faire des prêtres des fonctionnaires du divin, nous dit le pape François. Et le pape de rappeler enfin aux pères synodaux qu’un synode n’est pas un parlement.

 

La puissance de l’argent

Dès le jour de son élection, le pape François n’a pas caché sa méfiance à l’égard des puissances de l’argent, y compris maintenant lorsqu’elles émanent du sein de l’Église et en particulier des trois pays, Allemagne, Autriche et Suisse, qui connaissent le système de l’impôt ecclésiastique, source à la fois de deniers et d’orgueil.

 

Ordination féminine

Si le pape passe ce sujet sous silence, c’est qu’il reconnaît à nouveau que l’Église catholique ne dispose pas du pouvoir d’ordonner des femmes au sacrement de l’ordre et que lui ne peut s’arroger un pouvoir dont il ne dispose pas. Les sacrements sont issus de la grâce du Christ et aucun homme, pas même le pape, ne peut créer, modifier ni abolir un sacrement.

 

Révélation et exhortation apostolique

Le christianisme est une religion révélée à laquelle on adhère par la foi qui certes doit sans cesse faire l’objet d’un approfondissement, mais dont le contenu est quant à lui est intangible car d’origine divine et ne saurait faire l’objet d’un supposé progrès. Le mystère de Dieu demande sans cesse d’être approfondi et non pas expliqué. La réforme dont parle le pape est une réforme du cœur, celle dont parlait déjà le prophète Ézéchiel. C’est aussi la condition nécessaire en vue de la nouvelle évangélisation, en l’occurrence de l’Amazonie, sujet de l’exhortation apostolique

Pape François

De la difficulté d’être un catholique conservateur

Résumé

Depuis l’élection du Pape François, les catholiques conservateurs se trouvent dans une situation délicate. Leur propre conception de l’Eglise exige d’eux une fidélité à un pape dont ils ne partagent pas les orientations.

Une Eglise, plusieurs chapelles

« Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »

Ces versets tirés du chapitre 12 de l’évangile selon saint Luc expriment sans doute assez bien un caractère permanent de l’Eglise catholique. Alors que chez les protestants, chacun est libre, en cas de désaccord avec son voisin, de tirer sa révérence et de s’en aller fonder une nouvelle communauté à sa guise, chez les catholiques on est condamné sinon à s’entendre du moins à cohabiter. Il ne peut y avoir une église catholique bis.

Conclave

Cependant depuis l’élection de Bergoglio au siège de Pierre en 2013, ces divisions ont acquis un nouveau relief. Sans doute les cardinaux électeurs, tous nommés par Jean-Paul II et Benoît XVI, qui en 2013 lui apportent leur suffrage, n’ont-ils pas bien lu la notice marquée sur l’emballage : « Attention, jésuite latino des années septante, à manipuler avec précaution». A l’aune de l’église d’Amérique latine de ces années-là marquée par la théologie de la libération voire l’appui à la lutte armée, la lettre écrite par le supérieur des jésuites argentins à l’occasion de la nomination de Bergoglio à l’épiscopat en 1992 le jugeant inapte à cette fonction, pouvait même passer pour un gage d’orthodoxie. Après tout, cet homme mène une vie austère, on ne lui connaît pas de casseroles, il s’est dressé face à la Présidente Fernandez de Kirchner au sujet du mariage pour tous et enfin, il est le patron d’un gros archidiocèse alors que ni Jean-Paul II, infirme au soir de sa vie, ni Benoît XVI, ce bouquiniste intello, n’ont été à même de mettre au pas la clique qui malmène la Curie. Ecce homo, se disent donc les cardinaux électeurs.

Vatican II

En 1979, lorsque Wojtyla est élu quinze ans après le Concile Vatican II, l’Eglise sort de la décennie la plus troublée de son histoire : les prêtres jettent leur froc aux orties par milliers, les nonnes se dévoilent, les premiers épousent les secondes tandis que d’innombrables expérimentations, souvent indues, voient le jour dans le domaine liturgique. Jean-Paul II et son successeur Benoît XVI s’attachent alors à relire les Actes du Concile à la lumière de la Tradition : puisque l’Eglise est catholique, à savoir universelle dans l’espace et dans le temps, il ne peut y avoir qu’une seule Eglise et il ne peut y être question de fondation ni même de refondation d’une église nouvelle en rupture avec la précédente. De plus, ils ont à cœur de s’en tenir aux documents conciliaires et d’exclure ce qu’un esprit du concile auto-proclamé fait dire au Concile et qu’il n’a pas dit en réalité.  Sur base de cette interprétation officielle du Concile, la cause paraît entendue – Roma locuta – jusqu’à ce qu’elle soit remise en cause par le seul homme à même de le faire, le pape François.

Vatican II revisited

Le mot d’ordre de François est de porter l’Eglise aux périphéries, périphéries du monde certes, mais aussi de la foi et de la morale. Pour traiter de cette dernière question et en particulier de l’accès  (ou non) des divorcés remariés (civilement) à la communion, mais aussi du regard de l’Eglise envers les homosexuels, il convoque dès octobre 2013 un synode des familles au cours duquel vont s’affronter conservateurs et progressistes.[1] Or c’est sur ce point-là que la ligne de front va se fixer. Dans le monde occidental tout le monde sait que depuis cinquante ans dans chaque paroisse il se trouve des divorcés remariés qui s’avancent vers la communion, soit à l’insu du curé soit avec sa bénédiction tacite. Certes, disent les conservateurs mais on ne peut élever une pratique abusive au rang du magistère de l’Eglise : les paroles de Jésus à ce propos sont claires (Matthieu, chapitre XIX). Au pape qui reproche aux conservateurs leur pharisianisme, ces derniers rétorquent que ce sont les Pharisiens qui cherchaient des tours de passe-passe pour s’accommoder de la Loi tandis que Jésus lui en rappelait toute la rigueur. De plus, si Jésus a pardonné à la femme adultère (Jean, chapitre VIII), non seulement il ne l’a pas confortée dans son état mais lui a enjoint de ne plus pécher. Puis, citant saint Paul (1 Co XI, 20-32) ils rappellent que quiconque mangera le pain de manière indigne mangera sa propre condamnation. Or les divorcés remariés vivent une sorte de scandale public.

Face à cette impasse et fidèle à sa propre exhortation de « flanquer la pagaille », François rédigera l’exhortation apostolique Amoris Laetitia où la question, loin d’être tranchée, est renvoyée en une note en bas de page. Cela vaudra aux détracteurs du pape non seulement de lui reprocher de s’exprimer de manière ambiguë mais de le faire de manière délibérée. Ce qui semble clair, c’est que François pense que la seule manière de régler ce débat c’est de rebattre les cartes d’où puisse émerger une nouvelle donne autour de laquelle puisse se forger un consensus qui fait défaut actuellement. Et effectivement, c’est ce qui se produit. Par exemple, l’Eglise allemande, riche et libérale, s’engage en faveur de l’accès à la communion des divorcés-remariés mais aussi du conjoint protestant dans un couple mixte sur le plan confessionnel tandis que l’Eglise polonaise, conservatrice, s’en tient à la position traditionnelle de l’Eglise telle que rappelée par le Magistère. Vérité en deçà de l’Oder, erreur au-delà.

Face à cette situation de fait, le parti conservateur s’alarme et rappelle que la Vérité ne peut se contredire et donc qu’elle ne peut être partagée. Ils désignent volontiers la Communion Anglicane, où le mot Communion ne sert plus désormais que de cache-sexe destiné à masquer la profonde désunion qui prévaut en son sein en matière de mœurs et d’ordination féminine. Ils craignent aussi que cette sorte de mise en mouvement lancée par le pape ne connaisse pas de limite propre ; à cet égard les conservateurs pointent volontiers du doigt les évolutions observées dans la société civile, de la dépénalisation de l’avortement à sa revendication comme un droit, de la pilule à la PMA ou encore du PACS au mariage pour tous. Ils ajoutent enfin que les églises protestantes qui ne font qu’emboîter le pas de façon servile à la société civile finissent par n’avoir plus rien à dire et à faire fuir leurs membres vers les églises évangéliques, très strictes sur les questions de moeurs.

Mais surtout ils estiment qu’il revient au pape de s’exprimer clairement en matière de doctrine et de mœurs et que ce pape-ci en quelque sorte sous-traite ces jugements à ses fidèles. On assiste alors tant à l’émergence d’une sorte de morale de situation (Certes monsieur Dumont a-t-il tué sa femme mais cette dernière était une mégère acariâtre) qu’à une confusion en matière doctrinale (« le pape m’a dit que l’enfer n’existe pas », écrit Eugenio Scalfari de la Repubblica, sans que le Saint-Siège n’apporte de démenti).

Que faire?

Les catholiques conservateurs se retrouvent désormais dans une position à la fois inédite et délicate dans la mesure où elle implique une critique du pape François et de l’exercice de son ministère. Car l’Eglise catholique repose sur la notion que le pape est le custode de la foi et de la doctrine plutôt que celui qui les remet (apparemment) en cause. Quelles sont alors leurs options ?

L’option nucléaire consiste à ne plus reconnaître l’autorité du pape et du concile Vatican II ; c’est le choix effectué par Monseigneur Lefebvre (bien qu’il s’en défende). Ceci dit, depuis l’élection de Bergoglio, on n’a pas assisté à un schisme formel.

La deuxième possibilité est de demander au pape de bien vouloir préciser ses propos et ses écrits. C’est le choix effectué par quatre cardinaux qui en 2016 demandent des clarifications (appelées Dubia) au pape au sujet d’Amoris Laetitia. Sans doute François a-t-il fait sienne la maxime du Cardinal de Retz selon laquelle on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses propres dépens, car les Dubia sont restées sans réponse à ce jour.

La troisième option consiste à faire trébucher le pape sur une affaire ou une autre, par exemple l’affaire McCarrick, du nom de ce cardinal américain déchu pour faits de pédophilie. Le pape était-il aux courants de ces faits sordides et, si oui, les a-t-il tus ? Oui, écrit Monseigneur Carlo Maria Viganò, ancien nonce à Washington, non sans appeler François à la démission.

Enfin, il y a tous ceux qui se retirent dans un exil intérieur, se taisent et refusent de prendre part à ce débat. C’est dans ce camp qu’on retrouvera la grande majorité des évêques à l’exception de l’une ou l’autre personnalité comme Monseigneur Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana au Kazakhstan, une de ces périphéries si chères au Pape François.

Quo Vadis ?

Pour l’instant, alors que le Pape François nomme des cardinaux qui partagent sa sensibilité, les catholiques conservateurs sont coincés car, répétons-le, il n’existe pas d’Eglise-bis où ils puissent trouver refuge.

Pourtant, La Ligne Claire estime qu’il existe une contradiction au cœur de la voie progressiste empruntée par le Pape François et plus encore par ses partisans. D’une part ils avancent que le pape ne fait qu’apporter des accommodements d’ordre pastoral mais d’autre part ils répètent à l’envi que Bergoglio est un pape révolutionnaire. Le pape lui-même semble parfois perdre la main sur cette Eglise qu’il veut en perpétuel mouvement. Tout récemment, il s’est vu contraint d’adresser une mise en garde à l’Eglise allemande, tentée par une voie synodale, un Sonderweg, qu’il a lui-même encouragée de ses vœux.

Les conservateurs, qu’on retrouve au sein de nombreux courants, ne sont ni des nostalgiques ni des opposants de principe à des réformes dans l’Eglise. Tous croient cependant que le christianisme est une religion révélée à laquelle on adhère par la foi ; certes cette révélation doit sans cesse faire l’objet d’un approfondissement, mais son contenu quant à lui est intangible car d’origine divine et ne saurait faire l’objet d’un supposé progrès.

Ils observent tant le monde protestant que l’aile progressiste catholique et en tirent la conclusion que le soi-disant progrès proposé ne consiste pas à aller de A à B mais qu’il est présenté comme inéluctable, irréversible, et une fin en soi, maintenant et toujours. Oui, mais alors, l’Eternel, le Dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob, ce Dieu qui était avant toute chose, ce Dieu-là à qui désormais on ordonne de changer tout le temps, est-il encore Dieu ? Non, disent les conservateurs, le progressisme comme fin en soi est en fin de compte une idolâtrie. Dans un bel exemple de reductio ad absurdum, on trouvait il y a quelques années un pasteur de l’église luthérienne au Danemark qui déclarait ne plus croire en Dieu mais qui n’y voyait pas malice et entendait poursuivre son ministère tout comme avant, mais sans Dieu.

Toujours est-il que pour le quart d’heure, les conservateurs sont condamnés à porter leur croix et à affirmer leur fidélité à un pape qui se définit lui-même comme un pò furbo, qui ne les aime guère et dont ils ne partagent pas la sensibilité et dont ils reprouvent les orientations. Quia extra Ecclesiam nulla salus.[2]

 

 

[1] En Amérique on qualifiera plutôt les progressistes de liberals tandis qu’en Europe ils se nomment eux-mêmes réformistes ; néanmoins La Ligne Claire retiendra l’appelation progressistes. Quant aux conservateurs, il y a lieu de les distinguer des traditionalistes, attachés à la messe en latin, et qu’on retrouvera aussi bien au sein de l’Eglise qu’en dehors (lefèbvristes).

[2] La Ligne Claire invite ses lecteurs intéressés par cette analyse du pontificat actuel de consulter les publications de Ross Douhat, journaliste au New York Times.

 

Pape François

Memo to Pope Francis

Memo to :                   Pope Francis

Cc:                               Urbi et Orbi

From :                          Line, Clare & Co

Date:                            June 20th 2018 AD

Re:                                Audit

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Your Holiness,

Following the resignation last month of the entire board of your Chilean subsidiary, we have carried out an audit of your organisation, summarised hereunder along with our recommendations.

 

Executive summary

While expanding globally, your organisation has consistently been losing market share in your core European market for over half a century. Once renowned for the clarity of its message (“Let your yes mean yes and your no mean no“), your communications strategy is now often perceived to be confused. We recommend that you focus on your core product, Eternal Life, and that you position it as premium product, not to be discounted.

 

Offsite (1962-1965)

Even though a minority of your staff and some customers repudiated the decisions taken at your Offsite, most went along with its core findings. Fifty years on though, you need to challenge the way its decisions were implemented and not just blame loss of market share on external factors, however real.

 

Market share

As a global firm, you need to be present in all markets; Figure 1 below shows how you are positioned in each of them by measuring your market share against its growth rate.

This seemingly well-balanced positioning belies the fact that the current sizes of the European and American markets are much larger than the African one, not to mention the Asian market, still in its infancy.

 

Management

Experience suggests that your top-down approach to management, tested over 2,000 years, has revealed itself to be robust; with the benefit of hindsight, it proved itself surprisingly well suited to the peak of your global expansion from the 16th to the 19th centuries.

 

Communication

Your organisation used to be known for its crystal clear communications, but no longer. Latin, a crisp, synthetic language, offered a unique way of addressing your client’s spiritual needs that no competitor could match; such was its appeal that even the illiterate wanted to buy your product. Nowadays, coupled with the looser management culture that has prevailed since your Offsite, head office spokesmen come across as garbled, confused and even contradictory. Most recently, this confusion has led local managers, most notably in Germany, openly to oppose corporate policy as described in your policies and procedures.

 

Product positioning

We strongly recommend that you position your product as a premium brand, as it used to be. Debasing the currency, as it were, has hardly ever been a winning strategy in the long run. The key here lies in making your product feel timeless– something that never looses value, like a Patek Philippe watch; by contrast, make it too trendy and people will soon loose interest. Always remember Coco Chanel’s dictum: “La mode, c’est ce qui se démode”. There is evidence that the abandonment of this premium positioning has facilitated the emergency of budget competitors, particularly in Latin America, offering ever-expanding varieties of cheap religion.

Research also shows that product quality correlates with high recruitment levels, low staff turnover and corporate loyalty while the opposite holds true once the brand is devalued. There is evidence to suggest that this may have been happening.

 

Marketing

Demand for rituals is part of human nature – just think of those fútbol fans all over the world, who spontaneously develop their own chants. Drawing upon your rich cultural tradition, a selected use of Latin during your weekly Sunday sessions will lend your product a much needed touch of class and allow you to tap the insatiable demand for ritual and majesty, as the recent royal wedding just reminded us.  (*) Your job is then to ensure the consistency between the packaging and the end product as not to disappoint your customer.

(*) your founder was, after all, himself of royal blood

 

Code of ethics

No global entity can do without a Code of Ethics these days. You have one at hand, inherited from your predecessor firm, summarised in Ten bullet points, which you should observe at all times; and when it reads “don’t do it”, well, that is exactly what is meant. For, as Groucho Marx might have observed, “Who wants to be part of a club where no membership rules apply?”

 

Final considerations

There is no doubt that loose marketing and lack of corporate discipline have damaged your brand over the past half-century or so. Though weakened, your market position remains strong, as does untapped demand for your product. As a man close to the people, you will appreciate the common saying that goes, where there is hope, there is (eternal) life.

Focus on your core product, restore and maintain its sacred beauty, keep your eyes on the orbem terrarum at all times and, above all, do not throw the Baby Jesus with the holy water.

Yours faithfully (obviously),

Line, Clare & Co

Management Consultants

Comment peut-on être catholique?

Comment peut-on être catholique?

Cette question rhétorique, clin d’œil aux Lettres Persanes, donne son titre au livre paru il y a six mois sous la plume de Denis Moreau, professeur de philosophie à l’Université de Nantes. Catholique parce que philosophe, Moreau entend fournir en guise de réponse une argumentation raisonnée de la foi catholique et établir qu’elle constitue un choix raisonnable, au sens où il est conforme à la raison. Ce mariage de la foi et de la raison ne date pourtant pas d’hier : les Actes des Apôtres nous livrent le récit de Paul de Tarse s’adressant à l’Aréopage d’Athènes tandis que, face à la première grande crise doctrinale née de la diffusion de l’arianisme, le Concile de Nicée, réuni en 325, fera appel aux concepts empruntés à la philosophie grecque (nature, substance) et les réunira en une profession de foi que les catholiques de nos jours appellent le Credo.

Destiné à un large public, chrétien ou pas, l’ouvrage de Moreau est rédigé dans un langage très accessible, souvent drôle, qui tantôt fait appel aux classiques des lettres françaises, Pascal et Descartes en particulier, et tantôt fourmille des références les plus variées au monde actuel, le festival Hellfest, le philosophe Michel Onfray, ou encore le quotidien Libération, et qui fourniront autant de points de repères facilement identifiables. Car, faut-il le rappeler, le christianisme est la religion de l’incarnation, de la rencontre de Dieu avec l’homme tel qu’il est en réalité.

S’il s’adresse à un vaste public, le livre de Moreau n’en exige pas moins du lecteur un effort intellectuel honnête envers son sujet, celui-ci comme n’importe quel autre. Il invite le lecteur à s’intéresser tout autant à des concepts philosophiques, logos ou ontologie par exemple, à des citations bibliques ou à leurs commentaires par saint Augustin ou saint Thomas d’Aquin.

A l’issue d’un intermède délicieux que La Ligne Claire se gardera bien de dévoiler, dans la seconde partie de son livre, Moreau, qui s’affiche sans fard en catholique de gauche, une espèce désormais menacée en France, Moreau donc enjambe à grands pas  le terrain de la philosophie politique en vue de plaider la cause de la gauche. Selon lui, si elle est aussi malmenée en France comme en Europe, c’est qu’elle s’est dépourvue d’éthique, c’est-à-dire de la faculté de distinguer le bien du mal (1) (« pas de discours moralisateur »). En guise d’ersatz, elle s’est lancée dans une poursuite à outrance du libéralisme des mœurs, tout aussi mortifère que celui du capital, que Moreau dénonce à corps et à cri.

Moreau se défend haut et fort d’être prosélyte, tout simplement parce qu’il sait que ça ne marche pas. Il se propose au contraire, pour reprendre un terme quelque peu désuet, de faire une apologie du christianisme, à savoir une défense, une argumentation qu’il mène avec intelligence, foi et humour ; il  mérite d’être écouté car son sujet le mérite.

 

(1) cf Philippe de Woot: la finalité de l’économie 

Denis Moreau, Comment peut-on être catholique ? Editions du Seuil, 368 pages

Place Saint Pierre

Les caves du Vatican

Avertissement au Lecteur

La Ligne Claire ne dispose pas d’une connaissance de première main des événements dont on va raconter l’histoire mais s’est appuyé sur le blog de Sandro Magister, un vaticaniste de renom et qui le premier les a portés à la connaissance du public, ainsi que sur une correspondance de l’agence Associated Press.

Apparence des Faits

A la veille du cinquième anniversaire de l’élection de Bergoglio au pontificat, Monseigneur Dario Viganò, préfet du Secrétariat pour la Communication, a tenu une conférence de presse le 12 mars dernier au cours de laquelle il a publié un communiqué dans lequel il citait le contenu d’une lettre que lui avait adressée le pape émérite Benoît XVI.

Benoît XVI y réfute «  le préjugé stupide en vertu duquel le Pape François ne serait qu’un homme pratique dénué de toute formation théologique ou philosophique tandis que je ne serais moi-même qu’un théoricien de la théologie qui n’aurait pas compris grand-chose de la vie concrète d’un chrétien d’aujourd’hui ». Et d’ajouter : « Les petits volumes montrent à raison que le Pape François est un homme d’une profonde formation philosophique ou théologique, et aident donc à voir la continuité intérieure entre les deux pontificats, même avec toutes les différences de style et de tempérament.»

Les lecteurs attentifs auront remarqué que Benoît XVI y salue la continuité de la formation qu’ont reçue les deux papes, qui plus est une continuité intérieure, et non pas celle qui pourrait exister dans leur pensées, écrits ou actions.

Néanmoins, certains ont pu y voir la marque d’un appui apporté par Benoît XVI, éminent théologien, à son successeur ; d’autres encore se sont autorisés à penser qu’en publiant ce communiqué, c’était là que résidait effectivement l’intention de Mgr Viganò.

La Réalité des Faits

Or il va s’avérer que les passages ci-dessus ne forment que deux paragraphes d’une lettre qui en réalité en contient plusieurs. Nous le savons car le Secrétariat pour la Communication a lui-même envoyé à la presse une photo de cette lettre, qui s’étend sur deux pages. Et que voit-on sur la photo ? Que le quatrième paragraphe commence en bas de la page 1 dont les deux dernières lignes sont floutées tandis que le contenu de la seconde page, à l’exception de la signature de Benoît XVI, est tout entier masqué par une pile de petits volumes. Ces derniers sont ceux auxquels se réfère Benoît XVI ; rédigés au sujet du Pape François et non par lui, ils sont l’œuvre de différents auteurs. Soulignons par ailleurs que la lettre de Benoît XVI est datée du 7 février et qu’elle n’a donc pas été rédigée à l’occasion de l’anniversaire du pontificat.

Car en réalité la lettre de Benoît XVI est une réponse à une précédente lettre que Mgr Viganò lui avait adressée le 12 janvier et dont le contenu n’a pas été divulgué. Dans sa réponse Benoît XVI poursuit comme suit  : « Toutefois, je ne suis pas en mesure de rédiger une brève et dense page théologique à leur sujet parce que toute ma vie il a toujours été clair que je n’écrirais et que je ne m’exprimerais jamais que sur les livres que j’aurais vraiment lus. Malheureusement, même si ce n’est que pour des raisons physiques, je ne suis pas en mesure de lire les onze petits volumes dans un proche avenir, d’autant plus que je suis soumis à d’autres obligations que j’ai déjà acceptées. » L’omission de ce dernier paragraphe change fondamentalement le sens de la lettre dont la lecture tronquée induit en erreur. L’Associated Press n’hésite pas à parler de doctored photo ou de photo truquée et de violation des standards en vigueur au sein des agences de presse.

Contrairement à Mgr Viganò qui publie à mauvais escient une lettre marquée personnelle et confidentielle, Benoît XVI a la délicatesse de ne pas en faire autant avec la lettre que Mgr Viganò lui avait lui-même adressée ; on peut cependant déduire de la réponse de Benoît XVI qu’elle était accompagnée de l’envoi des onze fascicules, assortie d’une demande d’approbation ou de commentaire de ces ouvrages, à laquelle Benoît XVI ne donne pas suite. En effet, non seulement Benoît XVI écrit-il qu’il ne lira pas ces ouvrages mais s’étonne de la présence parmi les auteurs de Peter Hünermann, professeur émérite de théologie dogmatique à l’université de Tübingen, qui « durant mon pontificat avait pris la tête d’initiatives anti-papales ».

Epilogue

Il est loin désormais le temps où une photo constituait un élément de preuve ; Stalin est passé par là et maintenant le Vatican, qui le 17 mars dernier s’est résolu à publier la lettre de Benoît XVI dans son ensemble. Saluons la rigueur professionnelle et la droiture morale de Sandro Magister et de Nicole Winfield, tous deux journalistes, face à ces manœuvres déplacées de la part du Secrétariat pour la Communication. Bienheureux les cœurs purs car ils verront Dieu. Quant à Mgr Viganò, à l’occasion de sa prochaine messe, il pourra méditer les paroles du Confiteor où les fidèles s’accusent entre autres du péché par omission.

Le 21 mars on apprenait que le pape avait accepté la démission de Mgr Viganò.