Pendant ce temps-là, à Coire

La Ligne Claire habite dans l’arc lémanique est n’est donc pas directement concernée par la nomination d’un nouvel évêque à Coire. Le 21 avril dernier, conformément au droit canon, l’évêque diocésain, Mgr Huonder, a présenté sa démission au pape le jour de son septante-cinquième anniversaire ; quinze jours plus tard, à la surprise générale, le pape l’a confirmé dans ses fonctions pour deux années supplémentaires.

Ce qui surprend la Ligne Claire cependant c’est la réaction de tous ceux qui espéraient du pape François un changement d’orientation au sein du diocèse de Coire et qui sont donc déçus de la prolongation du mandat de Mgr Huonder.

Ainsi, on peut entendre dans la bouche de Mme Simone Curau-Aepli, une représentante de la Ligue Suisse Femmes Catholiques (SKF) au sein de l’Alliance « Es Reicht », un collectif opposé à Mgr Huonder les mots suivants : « Le pape François n’est clairement pas au courant de la situation du diocèse de Coire ». La Ligne Claire s’étonne, disons au mieux, de la naïveté qui consiste à écarter la possibilité, même au titre de simple hypothèse de travail, que le pape puisse avoir une autre opinion, par exemple qu’il apprécie le travail de Mgr Huonder, qu’il ait des réserves face au système dual en vigueur en Suisse alémanique ou que, s’il souhaite octroyer un plus grand rôle aux femmes au sein de l’Eglise, il n’entend pas autoriser leur ordination, comme le réclame la SKF. Le pape a pris une autre décision que celle que j’aurais voulu moi qu’il prenne ? C’est qu’il est forcément mal informé. Ben voyons, wenn der Führer nur wüsste.

L’Alliance Es Reicht avait procédé l’an dernier à une pétition en ligne exigeant non pas la nomination d’un nouvel évêque mais celle d’un administrateur apostolique jusqu’à ce que la situation dans ce diocèse « polarisé » soit « apaisée ». De l’avis de La Ligne Claire, mal lui en a pris car s’il y une chose que le pape François n’aime pas c’est qu’on tente de lui forcer la main. Qu’on songe à la tentative de François Hollande de nommer un ambassadeur homosexuel auprès du Saint-Siège ou aux pressions exercées sur le pape pour révoquer Mgr Barros, évêque d’Osorno au Chili ; dans le premier cas M. Hollande a en définitive été contraint de retirer son candidat tandis que dans le deuxième Mgr Barros est toujours en place.

Le pape François exerce ses prérogatives de manière résolue et indépendante, solitaire même dirons certains. S’il n’hésite pas à demander la démission d’un évêque lorsque des circonstances graves l’exigent, il sait aussi leur prodiguer son appui, par exemple au cardinal Barbarin, archevêque de Lyon. Evêque de Rome, il n’entend pas se substituer aux évêques locaux dans la gouvernance de leur diocèse. Et puis il y a cette foi catholique qui se professe en communion avec le pape et les évêques, et qui exclut qu’on tente de manipuler le premier en vue de destituer les seconds.

Pape François

Le pape à la rencontre des Coptes

Le pape François entame aujourd’hui un voyage difficile en Egypte où il manifestera son soutien aux Eglises chrétiennes qui y vivent des moments douloureux et où il rencontrera aussi les hautes instances du clergé sunnite en vue de poursuivre et de promouvoir malgré tout le dialogue avec les musulmans. Fait remarquable, il est accompagné dans sa démarche par le patriarche oecuménique Bartholomée Ier, signe manifeste de la volonté du pape de renforcer non seulement le dialogue mais aussi l’agir oecuménique au sein des différentes églises chrétiennes. Cette démarche conjointe mérite d’être d’autant plus soulignée que la plupart des chrétiens d’Egypte se réclament de l’Eglise copte, qui n’est ni catholique ni orthodoxe au sens où nous comprenons ces mots de nos jours.

Fondation

Selon la Tradition, l’Eglise en Egypte trace sa fondation à l’évangéliste saint Marc, identifié au personnage de Jean-Marc qui apparaît dans les Actes des Apôtres. Vers le milieu du Ier siècle, soit à peine une douzaine d’années après la mort de Jésus, saint Marc aurait fondé l’Eglise d’Alexandrie, une ville qui comptait alors une importante population de Juifs hellénisés (parmi lesquels on compte Théophile à qui saint Luc adresse son évangile). De nos jours encore, le pope de l’Eglise copte porte le titre de patriarche d’Alexandrie et patriarche de la prédication de saint Marc.

Dès le IIIe siècle se développe en Egypte un courant jusqu’alors inédit du christianisme, le monastisme, qui voit des hommes se retirer dans une vie de solitude au désert. C’est l’époque de saint Antoine le Grand, célèbre pour avoir affronté les tentations du démon, une scène reproduite maintes fois dans l’histoire de la peinture, de Jérôme Bosch à Salvador Dali.

Le concile de Chalcédoine en 451

Dès les premiers siècles du christianisme apparaîtront des disputes théologiques, ces fameuses querelles byzantines, que des conciles seront appelés à trancher. Au Ve siècle de notre ère le monde antique est agité par les débats au sujet de la nature du Christ: a-t-il une seule nature ou une double nature, humaine et divine?

Le concile de Chalcédoine en 451 marquera un tournant fondamental dans l’émergence de l’Eglise copte. Le concile définit de manière claire que le Christ possède deux natures, humaine et divine, réunies en une seule personne ; cette définition dogmatique conduira à un schisme majeur dans le chef de l’Eglise d’Egypte, alors province byzantine et, dans une moindre mesure, dans le chef de l’Eglise de Syrie. A Chalcédoine l’opposition aux positions défendues par le concile était menée par Dioscure, patriarche d’Alexandrie et qui fut déposé pour cette raison. Mais l’Eglise d’Egypte ne l’entendait pas de cette oreille et nomma à sa place son propre patriarche, Timothée (Tawadros), ce qui l’amena à rompre la communion avec l’Eglise impériale. En guise de réplique, l’empereur à Constantinople nomma son propre candidat au patriarcat d’Alexandrie à la tête d’une Eglise qualifiée depuis lors de melkite (un mot d’origine syriaque signifiant royal ou impérial), séparée de l’Eglise qu’on peut désormais appeler copte, mais qui demeurera toujours minoritaire au sein du christianisme égyptien. Notons  que le mot copte même est dérivé du nom grec pour Egyptien « Egyptos »).

La conquête arabe

En 639 les Arabes conquièrent l’Egypte sur les Byzantins. Si les califes omeyyades pratiquent une politique de tolérance religieuse, ils réclament de la population chrétienne des taux d’imposition supérieurs à ceux dus par les musulmans si bien que dès la fin du XIIe siècle une majorité de la population égyptienne est de confession musulmane.

Il faudra attendre le XIXe siècle pour que l’Eglise copte puisse sortir de l’ombre. C’est l’époque où les premières écoles chrétiennes sont fondées et où l’Ecole théologique d’Alexandrie, la toute première de ce type, fondée en 180, rouvre ses portes au terme d’un hiatus de quatorze siècles.

Situation actuelle

De nos jours l’Eglise copte constitue la plus importante des Eglises d’Orient avec dix à quatorze millions d’adeptes en Egypte même, soit 12 à 15% de la population, et environ cinq autres millions à l’étranger. Depuis 2012 elle est dirigée par le Pope Tawadros II, 118e patriarche d’Alexandrie. On assiste depuis plusieurs années à un rapprochement entre les Eglises copte et orthodoxe sur des sujets comme le mariage et à des efforts en vue d’aplanir les divisions nées des divergences d’interprétation doctrinales des canons du concile de Chalcédoine. Si la langue liturgique traditionnelle est le copte, une langue dérivée de l’égyptien ancien, de nos jours les services religieux se déroulent également en arabe.

En 1988 les Eglises catholique et copte se sont accordé sur une définition commune au sujet de la nature de Jésus-Christ dans le but de mettre fin aux querelles, il est vrai obscures, nées du Concile du Chalcédoine. Cette déclaration réaffirmait une foi commune et reconnaissait que les mésententes et les schismes passés devaient être attribués à des différences culturelles et de divergence dans la formulation, qui ne portaient pas atteinte à la substance de la foi.

Parmi les personnalités égyptiennes contemporaines de confession copte, on peut citer Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général des Nations Unies et Suzanne Moubarak, l’épouse de l’ancien président.

Annonciation

Annonciation

Dring.

« de Nazareth, Marie, c’est ici ? »

« Euh oui »

« Voilà vous allez enfanter un fils, il s’appellera Jésus, et il siégera sur le trône de David son aïeul ».

« Ah bon ?»

« Oui, signez là, là et là. Salutations à Beppe ».

Cette scène qui est reportée au chapitre Ier de l’Evangile selon saint Luc est connue sous le nom de l’Annonciation. Elle relate le moment où le divin fait irruption dans la vie ordinaire d’une jeune fille qui vaque à ses occupations tandis que son mari poursuit sa besogne à l’atelier. En ce 25 mars, les pendulaires suisses vaquent aussi à leurs occupations sans songer que neuf mois après cette conception virginale ce sera Noël, à savoir la naissance annoncée du gamin, Jésus.

Pourtant cette scène a inspiré d’innombrables peintres, au rang desquels figurent Fra Angelico, Botticelli, Léonard de Vinci et le Caravage, ce voyou génial. Alors que les CFF annoncent un dérangement, l’Annonciation, elle s’est annoncée de manière définitive dans l’art européen, avec des codes très clairs auxquels se tiennent tous ces grands artistes : l’archange Gabriel figure le plus souvent à gauche de la scène tandis que Marie, toujours vêtue d’une robe rouge, qui évoque la passion du Christ, et d’une cape bleue, figure maternelle de l’Eglise, est placée à droite ; un lys symbolise sa virginité, tandis qu’une colombe figure le Saint-Esprit. A leur arrivée à Cornavin, les pendulaires pourront en voir un exemplaire sous la forme d’un vitrail de la Basilique Notre-Dame.

Pape François

Le pape François à l’affiche

Le pape François a récemment fait l’objet de deux marques inhabituelles d’attention, d’une part une affiche rédigée en dialecte romain où il se voyait reproché un défaut de miséricorde envers l’Ordre de Malte et les Franciscains de l’Immaculée et d’autre part une fausse édition de l’Osservatore Romano qui abondait dans le même sens.

Si les attaques contre le pape ne sont pas chose nouvelle – qu’on songe à Luther ou aux pamphlets dénonçant la prostituée de Babylone aux XVIe et XVIIe siècles – celles-ci surprennent en raison du caractère anonyme de leurs auteurs et dans le cas du faux Osservatore par le recours aux nouvelles technologies de l’information.

L’Eglise catholique se veut universelle et, pour cette raison, héberge depuis toujours en son sein de nombreux courants, certains bien en cour auprès de la papauté et d’autres pas. Qu’on songe par exemple à la théologie de la libération, un courant de pensée auquel Jean-Paul II s’était opposé avec vigueur et qu’il avait réduit à l’impuissance. A l’époque, ceux qu’on appellera par convenance la frange conservatrice de l’Eglise non seulement s’en étaient réjoui mais justifiaient l’action du pape au nom de sa juridiction universelle.

Ces mêmes personnes, qu’on soupçonne d’être derrière les affiches et le faux Osservatore, se trouvent aujourd’hui bien empruntées car elles ne peuvent à la fois ouvertement critiquer le pape et se réclamer de son autorité. Aussi les voilà contraintes à avancer à visage masqué et de tacher de distinguer leur conception du ministère papal de la manière dont François l’exerce et qui leur déplait. Cette contradiction fait le lit de la déloyauté.

Pape François

Le Pape, les terroristes et les catholiques

Le 26 juillet dernier le père Jacques Hamel était sauvagement égorgé dans son église à l’issue de la messe qu’il venait de célébrer par deux individus qui se réclament explicitement de l’Etat islamique. Le Pape François s’est exprimé à deux reprises à ce propos, une première fois dans l’avion qui l’emportait aux JMJ à Cracovie, et une seconde fois au retour.

A l’aller le pape a insisté sur la notion de guerre, « une guerre d’intérêts, une guerre pour l’argent, une guerre pour les ressources naturelles, une guerre pour la domination des peuples, …pas une guerre de religions car toutes les religions veulent la paix » qui, selon lui, explique la situation du monde.

Si ces propos ont pu surprendre, ceux prononcés lors du vol du retour ont provoqué un émoi plus considérable encore. « Je ne pense pas qu’il soit juste d’associer islam et violence…tous les jours quand j’ouvre les journaux, je vois des violences en Italie, quelqu’un qui tue sa petite amie, un autre qui tue sa belle-mère, et ce sont des catholiques baptisés ».

Face à la perplexité qu’ont causé ces commentaires, La Ligne Claire souhaite présenter trois hypothèses susceptibles de les déchiffrer.

 

L’accident selon Aristote

La première pourrait s’appeler l’hypothèse de l’accident. Un type tue un autre type, cela arrive tous les jours, et s’il s’avère que l’assassin est un Français de confession musulmane et la victime un autre Français, prêtre catholique, cela relève de l’accident aristotélicien. Dans cette optique, cet incident tragique tient du fait divers et devient donc tout à fait comparable à l’histoire de cet autre type, le baptisé catholique, qui zigouille sa belle-mère. Ce personnage fictif auquel le pape se réfère est celui qui permet de conférer une certaine validité à cette hypothèse.

Elle n’est pourtant partagée par personne d’autre. Selon la sœur Hélène Decaux, témoin du meurtre, les assassins se réclament à la fois de la guerre en Syrie, menée selon eux par les Chrétiens et qu’ils invoquent comme justification de leur geste, et de motifs religieux car « Jésus ne peut pas être à la fois homme et Dieu ». Pour sa part le Président François Hollande, qui se professe athée, déclarait que « tuer un prêtre, c’est profaner la République » ; il s’est ensuite rendu, accompagne du Premier Ministre Manuel Valls à la cérémonie d’hommage célébrée par le cardinal Vingt-Troix à Notre-Dame de Paris, tandis que Bernard Cazeneuve assistait à la messe de funérailles prononcée par Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen. En d’autres termes, les plus hautes autorités de l’Etat ont rendu hommage à Jacques Hamel parce qu’il a été égorgé à dessein en tant que prêtre catholique et pas comme victime d’une affaire qui aurait mal tournée. Enfin, la Nation tout entière s’est associée à cet hommage, y compris les représentants des communautés musulmanes.

 

La sociologie

La deuxième hypothèse est celle qu’à la suite d’Aldo Maria Valli, vaticaniste de renom a la RAI, la télévision italienne, on peut appeler l’hypothèse sociologique.

Le pape a souvent évoque cette guerre menée au nom de l’argent. Elle plongerait ses racines lointaines dans l’expansion de l’Occident au XVIe siècle puis dans sa domination économique du monde et, dans le cas du Proche-Orient, dans le démantèlement de l’empire ottoman, les accords Sykes-Picot, les luttes pour le contrôle des ressources pétrolières et bien entendu les deux guerres d’Irak. Cet impérialisme de l’Occident produit encore aujourd’hui ses effets : lutte pour le pétrole, guerre, flux migratoires, terrorisme. En somme le pape propose une théorie explicative du terrorisme dont la religion est absente et qui justifie ses propos selon lesquels toutes les religions veulent la paix. Les assassins du Père Hamel ont eux aussi invoqué la guerre au rang de leurs motifs et voient leur geste comme une rétribution de l’intervention française en Syrie ; dans cette optique qu’ils partagent avec le pape, le terrorisme n’est qu’un retour de bâton mérité par l’Occident en raison de son exploitation économique du monde arabe. Cependant là où l’Etat islamique comme les assassins se démarquent du point de vue du pape, c’est qu’ils proclament le terrorisme comme une guerre sainte à mener contre les « Croisés » dont le pape est du reste perçu comme le chef. Peu importe que par ailleurs la France soit une république laïque, qui compte en son sein cinq a six millions de musulmans, ce qui compte à leurs yeux c’est en définitive son histoire, qui fait d’elle une puissance chrétienne à combattre.

 

L’histoire

Le 3 décembre 2014, La Ligne Claire avait eu l’occasion de publier un article dans les colonnes du journal Le Temps (http://www.letemps.ch/opinions/2014/12/03/pie-xii-francois-impossibilite-chronique-designer-assassins) qui établissait un parallèle entre le pape François et Pie XII, deux hommes à la personnalité très différente ; l’article avançait l’hypothèse que l’un et l’autre avaient en quelque sorte succombé au terrorisme dans la mesure où la terreur, alors nazie et aujourd’hui d’inspiration islamique, les avait privés de leur pleine liberté d’expression en public. Aujourd‘hui La Ligne Claire reprend volontiers cette hypothèse pour expliquer les dernières paroles du pape, tout en soulignant une différence importante avec son prédécesseur. On a suffisamment reproche à Pie XII ses silences au sujet de la Shoah et de même le pape François, lorsqu’il plaide la cause des migrants, un sujet qui lui tient pourtant à cœur, omet soigneusement de mentionner l’islam et même le terrorisme d’inspiration islamique. On a depuis lors précisé que le pape, qui s’était exprimé en italien dans l’avion, lorsqu’il disait « violenza islamica », renvoyait à une violence musulmane et non pas islamique, qui permettrait donc une comparaison avec une violence catholique. Il n’en reste pas moins que, craignant d’enflammer le mal qu’il souhaiterait condamner, là ou Pie XII s’était muré dans le silence face aux crimes nazis, le pape François s’est senti obligé d’établir un parallèle entre le terrorisme d’inspiration islamique bien réel et un supposé terrorisme catholique, qui lui ne renvoie a aucune réalité.

Enfin, si les déclarations du pape François prennent place parmi les contingences du moment, elles sont aussi le reflet de sa personnalité et de son style d’expression. Adepte d’un style familier et des déclarations a brûle-pourpoint, le pape, dont il dit de lui-même qu’il est un peu fourbe, se plait à cultiver une ambiguïté calculée, disant ceci aux uns et cela aux autres, et à agir volontiers de façon impétueuse, solitaire sinon autoritaire.

On attribue au roi Salomon à la sagesse légendaire le proverbe qui recommande de « tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler », marque d’une sagesse, désormais à élever en réponse à la terreur dont fut martyr le Père Jacques Hamel.

Le Pape en Arménie

A l’occasion de la visite du pape François en Arménie, La Ligne Claire souhaite offrir à ses lecteurs une courte description de l’Eglise d’Arménie, dont l’histoire se confond avec celle de la nation.

Légende des origines

Le nom même de cette Eglise témoigne de son ancienneté puisqu’elle fait remonter sa fondation aux apôtres Thaddée et Barthélémy. Selon la tradition ou la légende selon les points de vue, l’apôtre Barthélémy aurait guéri le roi Abgar V en sa capitale d’Edesse (aujourd’hui Sanliurfa dans le sud-est la Turquie), alors capitale du royaume d’Arménie. D’après la légende, le roi, affligé d’une grave maladie, peut-être la lèpre, ayant entendu la renommée des hauts faits pratiqués par Jésus, lui aurait écrit l’invitant à Edesse afin qu’il le guérisse. Jésus lui aurait répondu que non malheureusement son emploi du temps ne lui permettait pas d’entreprendre un voyage si périlleux car il devait se consacrer aux affaires de son Père ajoutant toutefois, que si le roi voulait bien prendre patience, sitôt ressuscité, il dépêcherait auprès de lui deux de ses lieutenants les plus fidèles. Armés d’une image sainte appelée le Mandylion, un tissu sur lequel se serait imprimé la face de Jésus lors de sa passion, les apôtres guérirent le roi, qui les enjoigna ensuite d’évangéliser son royaume où ils moururent en martyrs. Quoiqu’il en soit, cette légende témoigne d’une présence sans doute très ancienne du christianisme en Arménie.

Conversion

L’Arménie connaît un tournant décisif dans son histoire lorsqu’au tout début du IVe siècle, sans doute en l’an 314, un saint local, l’évêque Grégoire l’Illuminateur baptisa et convertit le roi Tiridate IV et toute sa cour faisant de l’Arménie la première nation chrétienne. Echange de bons procédés, le roi nomma Grégoire le premier catholicos (ou patriarche) de la toute jeune Eglise arménienne. Celle-ci se développe en communion avec les autres Eglises chrétiennes, ce dont témoigne la présence de son catholicos aux deux premiers conciles, celui de Nicée en 325 et celui de Constantinople en 381. Si l’Eglise d’Arménie n’est pas représentée au troisième concile à Ephèse en 431, Sahak (ou Isaac) Ier, sixième catholicos, souscrit à ses conclusions.

Schisme 

En revanche elle n’est pas présente au concile de Chalcédoine en 451 mais se trouve mêlée aux querelles qui ravagent la chrétienté orientale au sujet des rapports entre l’humanité et la divinité du Christ. Au siècle suivant, l’Eglise d’Arménie se réunira à deux reprises en concile local à Dvin, résidence du catholicos, en 506 d’abord et en 555 ensuite. On fait traditionnellement remonter à cette dernière date la séparation de l’Eglise d’Arménie de l’Eglise orthodoxe impériale bien qu’aucun des actes du concile de Dvin ne mentionne explicitement les canons de Chalcédoine. Toujours est-il que le schisme est consommé et que les Arméniens viennent se joindre aux Syriaques et aux Coptes dans les rangs des miaphysistes, ceux qui ne reconnaissent au Christ qu’une seule nature. Inversement en 609-610 lors du troisième concile de Dvin, l’Eglise géorgienne, jusqu’alors sous la juridiction de celle d’Arménie, adopte les canons de Chalcédoine, et s’en sépare.

La Bible en langue arménienne

L’ensemble des livres du Nouveau Testament et une partie de ceux de l’Ancien avaient été rédigés en grec, par ailleurs langue liturgique en usage dans l’Eglise arménienne. En 405, sous l’impulsion du catholicos Sahak, la Bible est traduite en langue arménienne ; bien plus, comme la langue n’était jusqu’alors qu’orale, un alphabet propre est élaboré afin de pouvoir mener à bien cette traduction. A titre de point de repère, c’est en ces années-là que saint Jérôme traduit la Bible des Septante du grec vers le latin.

Tribulations 

Royaume établi aux confins des empires byzantin et arabe, puis turc, l’Arménie voit l’émergence vers la fin du IXe siècle d’une dynastie propre, les Bagratides. Cependant cette indépendance ne sera que de courte durée puisqu’en 1045 les Byzantins reprennent le contrôle de l’Arménie provoquant l’exil d’une part importante de la population vers la Cilicie, un territoire situé le long de la côte sud de la Turquie actuelle. D’un point de vue religieux, l’importance de ses événements réside dans le déplacement du catholicosat en Cilicie, connu depuis lors sous le nom de Catholicosat de la Grande Maison de Cilicie. A la suite de la prise de ce royaume cilicien par les Turcs en 1375,  Kirakos Virepatsi fut élu catholicos du Saint-Siège d’Etchmiadzine, situé sur le territoire de l’actuelle République d’Arménie, en 1441 ; c’est ainsi que depuis cette date l’Eglise d’Arménie compte deux catholicoi, sachant que celui d’Etchmiadzine, appelé catholicosat de Tous les Arméniens, jouit d’une primauté d’honneur. Vers la même époque les Turcs absorbaient par ailleurs l’Arménie proprement dite (appelée alors Grande Arménie) au sein de leur empire, mettant fin à l’existence d’un état arménien jusqu’en 1918.

Plus proche de nous, l’événement marquant de l’Eglise arménienne comme de l’Arménie tout entière est constitué par les massacres perpétrés par les Jeunes Turcs à partir de 1915. Les conséquences pour l’Eglise sont triples: tout d’abord une diminution énorme de la population puisqu’on évalue le nombre de victimes de l‘ordre du million, ensuite un exode aux quatre coins du monde et enfin l’exil du catholicos de Cilicie d’abord en Syrie et ensuite au Liban, où il a actuellement son siège.

Organisation

Outre les deux catholicosats évoqués plus haut, l’Eglise apostolique d’Arménie dispose de deux patriarcats, l’un à Jérusalem et l’autre à Constantinople (Istanbul) l’un et l’autre sous la primauté du catholicos d’Etchmiadzine, tout en jouissant de l’indépendance quant à l’organisation de leur Eglise. Si la présence arménienne à Jérusalem est très ancienne puisqu’elle remonte à l’époque byzantine avant la prise de la ville sainte par les Arabes, celle à Constantinople est plus récente et trouve son origine dans le désir du sultan en 1461 d’avoir dans sa capitale un représentant de l’Eglise arménienne puisque cette dernière n’était plus en communion avec le patriarche oeucuménique orthodoxe.

Situation actuelle

De nos jours, l’Eglise d’Arménie jouit du statut d’Eglise nationale en République d’Arménie. Une petite population subsiste à Istanbul et ailleurs en Turquie ainsi qu’en Iran tandis qu’on trouve au Liban une importante communauté réunie autour du catholicosat de Cilicie, aujourd’hui établi en la ville libanaise d’Antelias. Enfin, les massacres de 1915 ont conduit à une migration importante à destination de la France, des Amériques et de l’Australie où leurs descendants sont établis de nos jours.

Relations avec l’Eglise catholique

A l’instar de la déclaration avec les Syriaques, le pape Jean-Paul II et le catholicos Karékine Ier promulguent en 1996 une déclaration où ils soulignent leur foi commune et expriment leur regret pour les controverses et les divisions passées, davantage le fruit de différentes manières d’exprimer la foi que de divergences touchant à la foi elle-même. Tout récemment en mars 2013, Karékine II, Catholicos de Tous les Arméniens, a marqué de sa présence la messe inaugurale du pontificat du pape François à Saint-Pierre de Rome. La visite du pape François aujourd’hui s’inscrit donc elle aussi dans cette démarche de rapprochement.

L’Eglise catholique arménienne

Face à la menace ottomane, un concile tenu à Florence de 1440 avait proclamé une réconciliation théorique des églises latine et orientales, qui était restée lettre morte. Plus tard, dans l’esprit de la Contre-Réforme,  l’Eglise catholique s’attacha à constituer des Eglises de rite oriental mais qui reconnaissent l’autorité spirituelle du pape, et qu’on appelle Eglises uniates ou encore Eglises catholiques orientales,  détachées de leur Eglise d’origine. C’est ainsi qu’en 1738 le pape Benoît XIV érigea formellement une Eglise catholique arménienne bien qu’auparavant de nombreux contacts se fussent noués à titre individuel entre Arméniens et catholiques, en Pologne notamment.  En 1740 Abraham-Pierre I Ardzivian, qui s’était auparavant converti au catholicisme, fut élu au patriarcat de Sis, siège du Catholicosat de la Grande Maison de Cilicie.

A l’instar de l’Eglise apostolique arménienne, l’Eglise arménienne catholique fait usage de la langue arménienne au cours de ses célébrations liturgiques et se réclame de la tradition de saint Grégoire l’Illuminateur, fondateur de la première église nationale au début du IVe siècle.

De nos jours, selon l’annuaire pontifical, on compte quelques 700’000 d’Arméniens catholiques, qui forment d’importantes communautés non seulement au en Arménie et en Orient mais aux Etats-Unis, au Canada, en Argentine et en France. Depuis 2015, l’Eglise est présidée par le catholicos Grégoire Pierre XX Gabroyan.

L’Eglise chaldéenne catholique

Introduction

De temps à autre La Ligne Claire consacre un article à un des églises présentes en Orient. Ces articles se veulent descriptifs et ont vocation à constituer une sorte de Who’s who des Chrétiens d’Orient. La présence du christianisme au Proche et Moyen-Orient est tout à la fois très ancienne et variée et a bien entendu connu d’importantes évolutions au long de deux millénaires. L’article publié le 25 octobre 2015 en guise d’introduction fournira au lecteur la méthodologie adoptée par La Ligne Claire.

L’Eglise d’Orient (rappel)

On se souviendra que L’Eglise d’Orient, établie principalement dans le nord de la Mésopotamie n’avait pu prendre part ni au Concile de Nicée en 325 ni au Concile d’Ephèse en 431, ce qui allait donner lieu au premier schisme de l’histoire de l’Eglise et à l’établissement des Eglises dites nestoriennes. Située principalement sur des territoires de l’empire perse puis mongol, l’Eglise d’Orient poursuit un développement en marge de la chrétienté catholique et orthodoxe, tout en maintenant des ambassades auprès du pape au cours du Haut Moyen-Âge.

All in the family

Au XVe siècle, la dignité patriarcale au sein de l’Eglise d’Orient était devenue héréditaire d’oncle en neveu au sein d’une même famille. En 1552, les évêques, indignés par cette pratique, refusèrent de reconnaître l’autorité du nouveau patriarche et élurent contre son gré un moine, Yohannan Soulaqa, qui se rendit cependant à Rome pour y obtenir l’ordination épiscopale de la part du pape Jules III. Le pape le proclama patriarche de l’Eglise assyrienne orientale sous le nom de Simon VIII Soulaqa, désormais à la tête d’une Eglise en communion avec Rome.

Le retour de Soulaqa en Mésopotamie provoqua de vives tensions avec l’Eglise d’Orient (nestorienne) à telle enseigne qu’il fut assassiné, non sans avoir ordonnée cinq évêques, à l’origine d’une hiérarchie parallèle, dite ligne de Simon. Il s’ensuit une période très trouble qui conduisit la ligne de Simon de rompre la communion avec Rome en 1692 tandis qu’au sein de l’Eglise assyrienne se détachait en 1672 une nouvelle ligne dite ligne joséphite d’Amid qui entra en communion avec Rome et qui en 1830 fusionna avec une troisième ligne dite du patriarcat d’Alqosh. Cette année-là le pape Pie VIII octroya le titre de Patriarche de Babylone et des Chaldéens au chef de l’Eglise fusionnée. On notera à ce propos que si la civilisation chaldéenne est présente dans l’Antiquité, elle ne s’est absolument pas transmise en tant que telle à travers les siècles jusqu’aux Temps Modernes et que l’appellation « chaldéenne » ne fait pas référence à une ethnie particulière. Etablis dans le nord de l’Irak actuel autour de la ville de Mosul, les chaldéens connurent à partir de 1830 une période de tranquillité, à laquelle la Première Guerre Mondiale allait mettre fin.

D’une guerre à l’autre

La région de Mosul faisait alors partie de l’Empire ottoman ; encouragés d’une part par les promesses panarabes des Anglais et soutenus d’autre part par la Russie, ennemie de la Turquie et protectrice déclarée des chrétiens d’Orient, les Assyriens se soulevèrent contre les Turcs. Ceux-ci, conduits par Enver Pasha, Ministre de la Guerre, furent massacrés au cours d’un épisode connu sous ne nom du génocide assyrien et qui fait écho bien entendu au génocide arménien.

De nos jours ce sont bien entendu la Deuxième Guerre d’Irak, la guerre civile en Syrie, et la maîtrise par Daesh d’une frange de territoire qui s’étend à travers le nord de la Syrie et de l’Irak qui dominent la vie des chrétiens d’Assyrie, confrontés au choix de l’exil, de la conversion forcée à l’Islam ou du martyre.

En 1994, la conclusion d’un accord entre l’Eglise catholique, sous l’égide de Jean-Paul II, et du patriarche assyrien (nestorien) contribue grandement à l’apaisement des relations entre chaldéens catholiques et l’Eglise d’Assyrie. Depuis 2013, l’église chaldéenne est présidée par le patriarche Louis Raphaël Ier Sako, défenseur inlassable de la présence chrétienne en Orient et promoteur non moins infatigable du vivre-ensemble avec les Musulmans.

Chrétiens d’Orient: l’Eglise maronite

L’Eglise maronite

Après avoir parcouru les Eglises pré-chalcédoniennes puis les Eglises orthodoxes d’Orient, La Ligne Claire se tourne maintenant vers les Eglises catholiques, de rite latin ou autre. La première de ces vignettes sera consacrée à l’Eglise maronite.

Origines

L’Eglise maronite trace ses origines à saint Jean Maron, qui quitta la ville d’Antioche pour mener une vie d’ermite dans les montagnes de Syrie aux alentours de l’an 400. Persécutés par l’Eglise syriaque d’Antioche qui venait de rejeter les canons du concile de Chalcédoine, les disciples du saint, décédé en 410, se réfugièrent au Liban. Dès cette époque les Maronites nouent des contacts avec la papauté qui leur accorde sa reconnaissance en 518. L’invasion arabe conduit les Maronites à élire le propre patriarche en 687, appelé lui aussi saint Jean Maron, et portant en concurrence avec trois autres dignitaires d’Eglises orientales le titre de Patriarche d’Antioche. Alors que s’ouvre la longue période de domination arabe, de toutes les Eglises orientales, seule la Maronite maintient la communion avec l’évêque de Rome après le schisme de 1054.

Nouveaux contacts avec Rome

Avec l’arrivée des Croisés et l’établissement des royaumes latins du Levant, les Latins et les Maronites renouent des contacts interrompus par quatre siècles de présence arabe et qui voient le pape reconnaître à nouveau le patriarche maronite et le confirmer en sa qualité de Patriarche d’Antioche. La disparation des Etats latins d’Orient fait place à une domination mamelouke puis à partir de 1516 à la suzeraineté ottomane qui établissent au sein de leur empire une principauté du Liban, fondée sur une alliance entre Maronites et Druzes.

Fidèles à la communion catholique, les Maronites fondent un collège à Rome en 1584 à l’inauguration duquel préside le pape Grégoire XIII. Ces liens permettent l’établissement au Liban de communautés religieuses catholiques, les franciscains, les capucins et plus tard les Jésuites et dont l’influence se fait encore sentir à notre époque. Dans le même temps la liturgie maronite subit une profonde révision sous l’impulsion du Concile de Trente (1545-1563) qui voit l’importation de la liturgie latine alors rénovée ; cette latinisation persiste de nos jours encore à telle enseigne que le rite maronite peine à se distinguer du rite latin introduit par Paul VI, bien que le décret conciliaire introduisant le nouveau rite précise en autant de mots qu’il ne s’applique qu’au rite latin et non pas aux autres rites catholiques orientaux.

De nos jours

A l’époque contemporaine, au long patriarcat du cardinal Sfeir, succéda en 2011 Mar Bechara Boutros Rahi, actuel patriarche de l’Eglise maronite, qui accéda à la dignité de cardinal au sein de l’Eglise catholique en 2012 ; comme tous les patriarches de cette Eglise il a adopté le nom de Boutros, à savoir Pierre, en souvenir de la présence de l’apôtre à Antioche, fondateur de ce siège patriarcal. On estime à trois millions le nombre de fidèles de cette Eglise, répartis en vingt-trois diocèses au Liban bien sûre mais aussi en France, en Océanie et en Amérique où émigrèrent grand nombre de Libanais à la fin du XIXe siècle alors que le pays était encore sous domination ottomane.

Pape François

Les jésuiteries du Pape François

Comme de coûtume, le pape François a accordé une entrevue aux journalistes qui l’accompagnaient dans l’avion à son retour du Mexique et à répondu à sa manière aux questions qu’ils lui posaient à brûle-pourpoint.

La presse n’a pas manqué de relever ses déclarations au sujet de ceux qui veulent dresser des murs et y a vu une allusion aux prises de position de Donald Trump. Nous ne savons pas si, dans l’hypothèse où il était élu, Trump ferait construire ce mur et moins encore si les Mexicains accepteraient de prendre le coût à leur charge mais on peut se demander si cette polémique a pu jouer en la faveur du candidat qui s’en est allé remporter les primaires de son parti en Caroline du Sud. Et puis, à côté de ceux qui promettent d’ériger des murs, il y a ceux qui les ont effectivement érigés, les Israéliens par exemple.

Au sujet maintenant du projet de loi sur les unions civiles en débat actuellement au parlement italien, François a déclaré qu’il ne se mêlait pas de politique italienne et qu’il revenait aux évêques italiens de se débrouiller avec le gouvernement. Mais voilà, dès son élection il y a trois ans, il s’est présenté au monde comme l’évêque de Rome, qui de surcroît est ex ufficio primat d’Italie. La sénatrice Monica Cirinnà, qui porte ce projet, n’a pas manquer de se réjouir et de saluer les propos du pape. Mais l’affaire ne s’arrête pas là car le pape lui poursuivait en disant que ce qu’il pensait à ce sujet c’est ce que l’Eglise a toujours pensé et qu’il enjoignait les parlementaires catholiques non pas de voter comme bon leur semble mais selon une conscience bien formée. Que veut dire une conscience bien formée ?

Le pape lui-même nous l’a appris quelques jours plus tôt à l’occasion de la rencontre avec les familles au stade de Morelia, dans l’Etat de Michoacan, où dans un long discours, il s’est élevé contre « les colonisations idéologiques, qui détruisent nos sociétés, si bien que nous sommes réduits à être colonisés par ces idéologies qui détruisent la famille, le noyau familial, qui forme la base de toute société saine ». Et pour ceux qui n’auraient pas compris, il suffit de reprendre la déclaration commune du pape François et du patriarche Cyrille en son article 20 : « La famille est fondée sur le mariage, acte d’amour libre et fidèle d’un homme et d’une femme. » Voilà pour l’homme dont la phrase la plus célèbre demeure « qui suis-je pour juger ? ».

On connaît la vielle scie. Un dominicain rencontre un jésuite et lui demande : « Mon père, pourquoi répondez-vous toujours à une question par une autre question ». « Pourquoi-pas ? » répond le jésuite. François est ce jésuite-là, celui qui sait esquiver les coups, celui qui, conscient de son échec face à la législation sur le mariage homosexuel en Argentine, adopte un autre profil en Italie, celui qui ne se mêle pas de politique mais dénonce les politiques qu’il juge contraire au message chrétien. Ce faisant, non seulement il plait à beaucoup, mais il en touche davantage encore bien que, si sa ligne est sensée être claire, elle n’est pas toujours aisément reconnaissable au premier coup d’œil. Car il s’agit de ce François qui dit de lui-même : « Sono un furbo ».

Cathédrale de Lausanne

Pape et empereur à Lausanne

Le Moyen Âge dit central se plaisait dans la construction de cathédrales, dont celle de Lausanne constitue assurément le plus bel édifice de style gothique en Suisse.

Le siège épiscopal de Lausanne remonte aux temps reculés du Royaume de Bourgogne mais l’édifice que nous avons aujourd’hui sous les yeux date lui du XIIIe siècle. Les hommes de cette époque-là ne savaient pas qu’ils vivaient au Moyen Âge ni non plus que, mille ans plus tard, leurs descendants se sentiraient un peu gênés de cette période de leur histoire que les Anglais n’hésitent pas à appeler The Dark Ages. Non, les hommes du XIIIe siècle eux vivaient dans un espace géographique, religieux et culturel qui s’appelait la chrétienté et dont ces cathédrales formaient le témoignage visible. Car ces cathédrales, c’était toute une affaire et c’est pourquoi, à l’occasion de la consécration solennelle de la cathédrale, et le pape, Grégoire X et l’empereur, Rodolphe de Habsbourg, firent le déplacement.

Tebaldo Visconti, archidiacre du puissant évêché de Liège, était réputé pour sa vie austère. Elu pape pour cette raison-là, il prit le nom de Grégoire X et s’empressa de convoquer un concile à Lyon, dans le but notamment d’assurer la réunion des Eglises grecque et latine. C’est de là, qu’en remontant le cours du Rhône, il joignit Lausanne.

Rodolphe, lui, c’était presque un gars du pays. Petit prince possessionné en Argovie, élu précisément pour cette raison-là en qualité de candidat de compromis pour mettre un terme à vingt-trois ans d’interrègne, il allait assurer à sa Maison la destinée que l’on sait.

On imagine la rencontre. « Hi, Greg », « Salü Rudi » non, sans doute pas, plutôt « Sainteté », « Majesté » car au XIIIe siècle, le pape et l’empereur, ce sont les deux faces d’une même médaille ; au premier revient la charge pastorale de l’unique peuple de Dieu, dont le second assure le gouvernement dans le siècle. C’est pourquoi ils président conjointement à la consécration d’une cathédrale. C’était à Lausanne en 1275, là où les observateurs attentifs reconnaissent ce X de la croisée du Camino et de la Via Francigena.

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