Garde à vous

Les chefs de la familiarité qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête d’une culture réputée populaire, ont formé une alliance. Cette alliance, alléguant la défaite de la courtoisie, s’est mise en rapport avec les forces de la médiocrité pour cesser le combat en vue d’une langue civilisée.

Certes, nous avons été, nous sommes submergés par la force du tutoiement déployée par l’ennemi, la vulgarité. Infiniment plus que le nombre, ce sont les ondes et l’internet qui nous ont fait reculer. Le tutoiement, désormais rendu obligatoire par certains, est le fait des régimes totalitaires.

Mais le dernier mot est-il dit ?

Non. car la langue française n’est pas seule. Nos alliés anglais ont consacré l’usage universel du vouvoiement (you), ne réservant le tutoiement (thou) plus familier que lorsqu’ils s’adressent à Dieu dans leurs prières. Et déjà en 1795, à la suite de l’annexion de leur pays, les Belges vigilants, les Belges valeureux, les Belges victorieux avaient formulé cet admirable dicton face au tutoiement imposé par l’envahisseur : « Ici, Monsieur, on n’est pas en république ».

Cette guerre de civilisation est une guerre mondiale. Moi, Général de l’Air QUELINNES, je m’adresse aux locuteurs de langue française en France, Belgique et Suisse et, par de là les mers, au Canada et en Afrique, en particulier au Congo, jadis belge, premier pays de langue française par le nombre d’habitants.

J’appelle tous ceux qui ont à cœur l’élégance de notre langue à raviver la flamme de la résistance à la familiarité en souvenir des temps, pas si lointains, où un gentilhomme ne tutoyait que ses camarades de régiment, sa maîtresse et son chien de chasse.

Alors le français outragé, le français brisé, le français martyrisé sera le français libéré.

 

Vive le vouvoiement, vive la langue française.

Dominique de la Barre

Dominique de la Barre est un Belge de l'étranger naturalisé suisse, amateur d'histoire et du patrimoine culturel européen, attaché aux questions liées à la transmission.

10 réponses à “Garde à vous

  1. Voila une sacre question a se poser en ces temps de Covid.

    Bon, ca me rappelled la response cinglante de Mitterrand a chirac lorsque ce dernier a volume le tutoyer lors du debat.

    Mon cher Dominique tu sembles avoir peu de soucis en ces jours. Je t envie!,
    Victor

  2. Contrairement aux idées reçus, le tutoiement généralisé et indifférencié ne rapproche pas les gens car il ôte toute nuance dans la relation et même toute notion de progressivité dans la découverte de l‘autre .Il en va de même pour les embrassades généralisées auxquelles le Covid a mis bon ordre !!

    Xavier Vercken de Vreuschmen

  3. “Moi, Général de l’Air QUELINNES…”

    Voulez-vous dire “Hair’Quelinnes – COIFFEURS de Erquelinnes – It Beauté”, Rue Albert 1er à Erquelinnes, Belgique)?

    Depuis que la monarchie et le beau langage ne sont plus que l’apanage (à défaut d’empennage) des nobles déchus recyclés en portiers d’hôtel, chauffeurs de taxi et autres Bartleby Scriveners de la presse républicaine, le langage a été déclaré fasciste (cf. Roland Barthes) et le tutoiement obligatoire. jeter les perles aux cochons est devenu devoir d’Etat. Mais j’ignorais que la Royal Belgian Air Force faisait la guerre avec bigoudis, brillantine et séchoirs à cheveux.

    Mes respects, mon Général.

  4. Excellent ! Pour le Général d’Air Quelinnes, Hourra ! Hourra ! Hourra !
    En effet, le vouvoiement ne s’oppose en rien à la chaleur humaine et au respect dû aux uns et aux autres.
    Les jeunes auxquelles je m’adresse lors mes formations “Protocole” comprennent cela. Petit à petit, encore et toujours, construire et reconstruire. Voilà, notre combat actuel, Mon Général 🙂
    Merci à la Ligne Claire de prendre la plume pour dénoncer tant de dérives actuelles de notre société.

  5. Autre manque de savoir-vivre dans la profession journalistique : sur les ondes radiophoniques de La Première, chaque matin est reçu “l’invité de la rédaction”. Eh bien ! que ce soit un simple citoyen, l’un ou l’autre responsable d’une organisation, ou une Conseillère fédérale, voire le Président de la Confédération, il n’y a plus de “Madame” ni même de “Monsieur le Président” qui tiennent ; ce ne sont plus que les prénom et nom de la personne interviewée que le journaliste répète à chaque question et qui, en plus, coupe souvent impoliment la parole à la personne en train de s’exprimer en réponse à la question précédente. Cela en devient désolant. Un minimum de forme devrait être respecté, au moins dans un service public.

    1. Couper la parole est devenu pour certains, dans la corporation, une marque de distinction, voire d’habileté tactique – ce qu’ils appellent “proactivité” (technique banale copiée du marketing). C’est leur manière à eux de se mettre en valeur quand ils sont payés pour valoriser leurs invités. Au fond, sous prétexte de les interviewer, n’est-ce pas d’abord eux-mêmes dont ils cultivent (si l’on peut parler de culture) l’image?

      Parmi cette faune, politesse et savoir-vivre sont considérés comme des faiblesses. Plus les roquets sont petits, plus ils aboient fort.

  6. Ariticle amusant !!!
    J’adore la maîtresse que l’on tutoie entre les camarades de régiment – Ah ! nostalgie – et le chien de chasse. Quelle morgue, mon cher…
    Je ne tutoie personne …à part époux, enfants, petits-enfants, et quelques vieux amis très proches…
    Mais je vouvoie mes amants …et tous ceux que je cotoie…
    Cela permet de garder une distance essentielle dans les rapports sociaux et cela évite que l’on ne vous traite de tous les noms …
    Je suis une vieille dame originale, subversive et quelque peu anticonformiste …

    1. “Mais je vouvoie mes amants …”

      Reporter débutant et encore plein d’illusions, je demandais au rédacteur-en-chef d’une importante chaîne de radio, qui m’avait accordé un entretien d’embauche, si je devais m’adresser à sa journaliste-vedette par “Madame” ou “Mademoiselle”.

      Sa réponse:

      – Au lit, on lui dit “tu”.

      Non, vraiment, ces journalistes n’ont aucun savoir-vivre.

  7. Merci que votre texte soit publié !
    Du fond du Valais (Crans-Montana), j’ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi tout le monde et surtout ceux que je ne connaissais pas m’imposaient un tutoiement obligé car sinon je n’étais pas dans l’ambiance !
    Idem pour le coup de blanc censé favoriser l’intégration de celui qui était « différent » par sa culture.
    En effet, ma mère était française et cultivée, et surtout éduquée.
    La médiocrité est visiblement plus facile à atteindre que l’excellence.
    Cette règle s’applique visiblement dans ce canton comme chez IKEO (je m’abstiendrai içi de citer cette marque qui tutoie ces clients … ).

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