Niklas Natt och Dag: 1793

Niklas Natt och Tag : 1793

« On sait bien à quelles actions mène la chair : inconduite, impureté, débauche, idolâtrie, sorcellerie, haines, rivalité, jalousie, emportements, intrigues, divisions, sectarisme, envie, beuveries, orgies et autres choses du même genre. » (Ga, V, 19-21). A ces versets tirés de l’épître de saint Paul aux Galates, pour tous ceux qui trouveraient ces vices un peu fades, Niklas Natt och Tag, auteur de 1793, ajoute les sévices, la cupidité, le viol, le meurtre, le mensonge et la trahison.

Le livre s’ouvre sur le récit d’un cadavre mutilé retiré d’un étang vaseux où se déversent tous les excréments de Stockholm au XVIIIe siècle ; au fond le lecteur ne quittera jamais cet endroit immonde.

Déjà deux cent mille exemplaires vendus en Suède, proclame le revers de la quatrième de couverture de ce livre qui se situe aux confins du roman historique et du polar. De l’avis de La Ligne Claire, le roman historique est un succès quant à la précision de la narration et, pour sa version française, quant à la qualité de la traduction. Le polar en revanche laisse La Ligne Claire sur sa faim ; les fils que tisse l’auteur et qu’il tache de nouer dans les derniers chapitres se révèlent trop tenus pour constituer une trame solide ; aussi Natt och Tag n’a-t-il d’autre recours que d’avouer au lecteur le ressort de son livre, faute d’avoir pu l’y mener.

Pourtant, dans ce premier roman surgissent trois thèmes prometteurs dont on souhaite qu’ils soient abordés à l’avenir par l’auteur.

Tout d’abord apparaît le mythe du monstre, qui renvoie à Barbe-Bleue et à Frankenstein. Ici, le monstre est sensé être nourri par la Révolution française, tant par ses idéaux que par la Terreur, d’où le titre du livre, 1793, l’année où sont exécutés Louis XVI et Marie-Antoinette. En réalité le déclic n’opère pas et 1793 fait long feu à telle enseigne que la traduction anglaise du titre s’en dispense et s’intitule « The Wolf and the Watchman » qui annonce de manière figurative le caractère des acteurs de cette enquête.

Sous couvert d’un polar, le deuxième thème est celui de la vérité. La vérité matérielle d’abord, celle que les héros enquêteurs sont chargés de dévoiler dans leur recherche de l’auteur d’un meurtre, mais aussi, chemin faisant, une vérité plus grave qui révèle au lecteur que chacun des personnages est une autre personne que celle qu’il croyait être.

Le dernier thème enfin est celui de la transmission, cher à La Ligne Claire ; Kristofer Blix, personnage secondaire, épouse une femme enceinte avant de mourir afin de racheter son propre crime et de transmettre un nom légitime à l’enfant à naître, que le lecteur ne connaîtra pas mais qui aura vocation à être le Messie qui délivrera tous les personnages de leurs démons ; Blix est à cette femme ce que Joseph est à Marie. Par ailleurs, dans ce roman, une chevalière joue un rôle clé qui permet aux enquêteurs de résoudre l’énigme. Si en français ce mot a une consonance purement héraldique, en suédois, sigillring, évoque le sceau au sens des sept sceaux de l’Apocalypse qui sont la marque d’une révélation, la traduction du mot grec apocalypse. La chevalière, souvent transmise de père en fils, fournit également le biais par lequel l’auteur, issu d’une des plus anciennes lignées de la noblesse suédoise, s’inscrit à sa façon en son sein.

Ouvrage captivant par moments, mais dont la lecture peut s’avérer éprouvante, l’auteur vous plonge dans un monde glauque où pas même les pasteurs de l’église luthérienne suédoise ne témoignent du salut de Dieu.

Niklas Natt och Tag, 1793, traduction de Rémi Cassaigne, éditions Sonatine, 442 pages.

Dominique de la Barre

Dominique de la Barre est un Belge de l'étranger naturalisé suisse, amateur d'histoire et du patrimoine culturel européen, attaché aux questions liées à la transmission.

3 réponses à “Niklas Natt och Tag : 1793

  1. J’aime beaucoup les romans historiques qui mêlent réalisme et imaginaire, bien que le danger est de suivre une interprétation personnelle de l’auteur, alors qu’il donne l’impression qu’elle est solidement établie. A mon humble avis les passages et les descriptifs fidèles à la réalité historique devraient être distinguer clairement par une police d’écriture différente ou d’une autre façon.

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