Le Brexit et la Réforme anglicane

A l’occasion du troisième anniversaire du Brexit, de l’avis de La Ligne Claire, on peut voir le débat à ce propos comme une manifestation contemporaine de la querelle qui avait animé la cour du Roi Henri VIII au XVIe siècle. On se souviendra qu’en 1534 le Parlement anglais avait promulgué l’Acte de Suprématie qui faisait du souverain le chef suprême de l’Église d’Angleterre après qu’Henri VIII eût tenté en vain d’obtenir du Saint-Siège l’annulation de son mariage avec Catherine d’Aragon. Or, la prudence du pape est due, au moins en partie, à des considérations politiques puisque Catherine est la tante de l’empereur Charles-Quint, par ailleurs roi d’Espagne, le souverain le puis puissant d’Europe.

Toujours de l’avis de La Ligne Claire, cette idée impériale subsiste d’une part dans le domaine politique dans l’Union Européenne et dans le domaine religieux dans l’Église catholique. Sur cette base on peut alors établir un parallèle entre la Réforme anglicane et le Brexit. Par définition l’Acte de Suprématie réfute la suprématie pontificale (européenne) et fait du Roi le chef suprême de l’Église d’Angleterre (une nation libre et souveraine). Là où Henri VIII exige aussitôt de chacun des sujets majeurs de reconnaître par serment l’invalidité de son mariage à Catherine d’Aragon, et par extension l’autorité du pape, Jacob Rees-Mogg, figure de proue des Brexiteers parmi les députés conservateurs, a introduit ces derniers mois un projet de loi visant à rendre caduques les quelques 2’400 lois qui traduisent le droit européen en droit anglais.

De plus, à l’image de l’Église d’Angleterre, le Brexit est devenu de nos jours une religion d’État, en particulier au sein du parti conservateur. Au nom même de l’idée libertaire censée être incarnée par le Brexit, le parti tory tolère, au sens où il permet sous conditions, qu’on puisse se déclarer Remainer à titre privé, de même qu’à la suite de l’Angleterre élisabéthaine, la Couronne tolérait les Recusants catholiques sous la réserve qu’ils pratiquent leur culte en privé. Dès lors toutefois qu’il s’agit d’exercer une fonction publique, le parti exige une profession de foi qui fait du reste appel à des formulations religieuses. « I believe in Brexit » déclarait le Premier Ministre Rishi Sunak à la Chambre des Communes le 21 novembre dernier.

Enfin, on a pu entretemps observer l’érection de tribunaux de l’inquisition en la personne de Nigel Farage, autrefois chef du parti indépendantiste UKIP, ou encore de la chaîne GB News et du journal The Sun ; leur mission autoproclamée est de débusquer les hérétiques (les Remainers) et de les exposer à la vindicte publique comme autrefois les catholiques au pilori de Tyburn.

Dominique de la Barre

Dominique de la Barre est un Belge de l'étranger naturalisé suisse, amateur d'histoire et du patrimoine culturel européen, attaché aux questions liées à la transmission.

3 réponses à “Le Brexit et la Réforme anglicane

  1. Monsieur de la Barre,
    Excellente analyse tant sur le plan historique que politique et religieux. Quant aux imprécations pseudo-religieuses du Premier Ministre Rishi Sunak, on ne peut que s’étonner qu’un Indien, issu de la colonisation britannique, se retrouve chef du gouvernement de l’Etat qui a soumis et qui, par le truchement du Commonwealth, essaie, en vain, de maintenir l’Inde sous sa coupe !

  2. Monsieur de la Barre,
    Merci pour cette comparaison édifiante.
    Alors qui prendra le rôle de Clément VII? Donald Tusk ou Jean-Claude Juncker?

  3. Merci pour cet excellent rapprochement historique. Aux “Remainers” et aux “Brexiters” réfractaires, que restera-t-il alors pour échapper aux Torquemada de la Nouvelle Inquisition sinon à construire un second Mayflower et à émigrer, par exemple en Inde puisque celle-ci semble avoir envoyé sa caste de “WOGS” (pour “Western Oriental Gentlemen”) coloniser le Parlement et la “City”?

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