Adam et Eve

La Genèse de Google

Or le googlosaure était le plus rusé des animaux des champs et même des nuages. Alors il dit à l’homme (car, en cette époque reculée, les hommes se laissaient plus facilement abuser que les femmes): « Dieu vous a donc dit que vous ne pouviez pas surfer comme vous l’entendiez ? » Et l’homme répondit : « Nous pouvons naviguer comme nous voulons dans tout l’univers mais nous ne pouvons pas cliquer sur l’icône de l’arbre du bien et du mal, sous peine d’être deletés et éjectés du jardin. Le googlosaure répliqua : « Pas du tout, si tu cliques ici, tu vivras jusqu’à septante fois sept ans, et tu conserveras ta mémoire vive. Tu ne mourras pas du tout et tu pourras même être cryogéné, mais Dieu sait que, si tu cliques ici, tu pourras être partout tout le temps et que tu pourras tout savoir».

Alors StEve, car le nom de l’homme était StEve, vit que le site du googlosaure était bon et séduisant et qu’il était désirable pour acquérir l’entendement. Il cliqua sur le lien et le forwarda à sa compagne, qui était avec lui. Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils avaient été redirigés vers un autre lieu de la googlosphère où ils étaient seuls. Il entendirent alors le pas de Dieu qui venait leur demander de certifier les conditions de résidence dans le jardin et s’empressèrent de se cacher dans un périphérique de sauvegarde. « Où es-tu ? » demanda Dieu ; « ici » répondit StEve, « je ne savais pas que tu avais le mot de passe ». « Qui t’as dit qu’il y avait un mot de passe ? » dit encore Dieu, « Tu as donc cliqué sur l’icône de l’arbre du bien et du mal ». « C’est le googlosaure qui m’a liké », répondit StEve, « alors j’ai cliqué ».

Et Dieu dit alors à l’homme : « Parce que tu as cliqué sur l’icône de l’arbre du bien et du mal, tu ne connaîtra pas de véritables amis mais uniquement leur image virtuelle, tu ne pourras pas boire une bière d’orge avec les hommes de ton clan mais uniquement regarder l’image d’un verre de bière. Au lieu d’entrer en communion avec ton semblable, tu seras condamné à la peine de la communication perpétuelle ». Et puis Dieu se tourna vers la femme, Eve et lui dit : « désormais tu programmeras dans la douleur et tout ce que tu pensais avoir sauvé sera effacé ».

Alors Dieu éjecta l’homme et la femme du jardin où ils avaient été placés, pour qu’ils programment à la sueur de leur front le fichier-mère d’où ils avaient été tirés. Puis il posta deux chérubins à l’entrée du jardin derrière un mur pare-feu fulgurant pour sauvegarder l’arbre du bien et du mal.

Dominique de la Barre

Dominique de la Barre est un Belge de l'étranger naturalisé suisse, amateur d'histoire et du patrimoine culturel européen, attaché aux questions liées à la transmission.

12 réponses à “La Genèse de Google

  1. Brillant ! Mais la question reste entière : du googlosaure et de Google, qui engendre l’autre ?

  2. Rigolo. La «malédiction» donnée à Eve («tout ce que tu pensais avoir sauvé sera effacé ») tiendrait plutôt dans sa deuxième partie de «l’heureux oubli de réserve», souligné par Ricoeur dans La mémoire, l’histoire, l’oubli…

  3. Drôle et bien vu mais il me reste un mystère quel est ce verbe (?) deleté ici au participe passé (?) que je ne connais pas s’agit-il d’une coquille pour délester ou bien d’un verbe de la google sphère dont j’ignore le sens ?
    Quelqu’un peut m’éclairer ?
    merci

  4. En quoi est ce différent de notre propre modus-operandi avec la ligne claire?

    Pas de véritables amis mais uniquement leur image virtuelle (du moins celle de DDLB).

    Sur son ’icône j’ai clique, … son image virtuelle m’est apparue, … pas communion avec (m)on semblable, et suis condamné à la peine de la communication perpétuelle en recevant liens a ce blog.

  5. Excellent, bravo 🙂

    Le googlosaure vit que cela était rond. Et pourtant la théorie du disque dure.

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