The Two Popes

Intox chez Netflix

The Two Popes, un film réalisé par Fernando Mereilles et qui fait actuellement l’objet d’une diffusion sur Netflix. porte à l’écran une pièce de Anthony McCarten qui imagine une rencontre entre Benoît XVI et le cardinal Bergoglio, interprétés respectivement avec grand talent par Anthony Hopkins et Jonathan Pryce. Alors que Bergoglio avait sollicité une audience en vue de présenter sa démission au pape en qualité de cardinal-archevêque de Buenos Aires, le voilà convoqué à Rome par Benoît XVI qui lui confie son intention de démissionner prochainement. Face à cette intrigue improbable, la qualité des décors somptueux, la beauté de la photographie et la finesse des dialogues et le jeu des acteurs ont achevé de séduire La Ligne Claire.

Il y a quelque temps La Ligne Claire appelait de ses vœux au sujet de la série The Crown la présence d’un avertissement ; à première vue elle a vu ses vœux exaucés puisqu’ici on avertit le spectateur que le film est « inspiré par des faits réels ». Mais voilà, le cœur du film est constitué de cette rencontre fictive, déclenchée par une tentative de démission, fictive elle aussi. La Ligne Claire estime que cet avertissement, loin d’éclairer le spectateur, l’induit en erreur. Comme dans la série The Crown, la qualité de la production qui mêle des actualités de l’époque auxquelles s’ajoutent ici des flashbacks en noir et blanc décrivant la vie du jeune Bergoglio brouillent totalement les frontières entre fiction et réalité.

En dépit des épisodes qui prétendent retracer les actions de Bergoglio sous la dictature argentine, le film ne cache pas sa sympathie en sa faveur. Les deux interprètes qui opposent le pape intello et conservateur, détaché du peuple au jésuite, homme de terrain progressiste, réduisent leurs personnages à des caricatures des vrais Ratzinger (surtout) et Bergoglio (dans une moindre mesure). A cela s’ajoutent les nombreuses erreurs de fait : ainsi, lors du conclave de 2005 qui devait conduire à l’élection de Benoît XVI, le cardinal Martini, jésuite réputé progressiste, avait demandé que les voix dont il avait bénéficié lors des premiers scrutins se reportent vers Ratzinger, alors que le film montre le contraire.

Il ressort de ce film l’image trompeuse d’un Benoît XVI raide, gardien du dogme, incapable de s’attaquer à la pédophilie des clercs comme aux scandales financiers qui secouent le Vatican, alors qu’en réalité il est le premier à avoir pris ces deux graves questions à bras le corps.

Dans les années soixante du siècle passé s’était donnée une pièce à Berlin, Le Vicaire de Hochhuth et qui jusqu’à nos jours a contribué à nourrir la légende de Pie XII, le pape noir ami d’Hitler. La Ligne Claire regrette de penser que The Two Popes s’inscrit dans la même ligne que cette pièce de sinistre mémoire, et craint qu’elle ne produise des dégâts analogues.