Couronne royale

Harry et Meghan: Histoires de famille

Si la diffusion de l’interview de Harry et Meghan par Oprah Winfrey constitue le dernier épisode retentissant de ce feuilleton, l’avant dernier remonte au 19 février à peine, le jour où la Reine a dépouillé le jeune couple de leurs titres honorifiques. Le lendemain, loin des plateaux de télévision, le Pape François approuvait un décret qui reconnaît les vertus héroïques de George Spencer, en religion Frère Ignace de Saint Paul, à qui le Pape a désormais conféré le titre de Vénérable.

Fils cadet du 2e Comte Spencer, George Spencer (1799-1864) fut d’abord ordonné prêtre au sein de l’Eglise anglicane avant de se convertir à la foi catholique en 1830 et d’être ordonné à nouveau prêtre catholique cette fois deux ans plus tard. On imagine mal le scandale et l’opprobre que cette conversion pouvait susciter à l’époque, en particulier au sein d’une famille de la haute aristocratie anglaise, pour qui, selon les mots de Lord Grantham dans Downton Abbey, l’Eglise catholique représentait quelque chose «d’étranger ».

George (Ignace) Spencer était l’oncle de Harry à la sixième génération, comme lui un fils cadet qui n’avait guère de perspectives d’hériter du titre familial. Troisième dans l’ordre de succession de leur titre respectif à leur naissance, ils n’ont, comme la plupart des cadets, d’autre expectative que de voir ce rang reculer plus loin encore. Tant le Prince Harry que Father Spencer ont, d’une certaine manière, résolu d’échapper au sort qui les a vu naître au sein de la famille royale pour l’un, d’une famille de l’aristocratie pour l’autre.

Pourtant, s’ils ont chacun à leur manière rompu avec leur famille, à deux siècles de distance, ils ont effectué des choix de vie radicalement différents : Harry a conclu des contrats à hauteur de centaines de millions et s’est installé à Hollywood, tandis qu’Ignace s’est dépouillé de tout pour se consacrer aux habitants des taudis de Birmingham, alors le moteur de la révolution industrielle en Angleterre. Là où Harry et Meghan se drapent des vertus de la compassion, une feuille de vigne réputée philanthropique qui cache mal leur désir de s’enrichir, Father Spencer se sent l’obligé de la condition sociale privilégiée dans laquelle il a été élevé. L’un est en quête de vérité, les autres font appel aux agences de relations publiques de Hollywood. Là où les uns se donnent en spectacle, l’autre mène une vie humble et fait de sa haute naissance un service qui le conduit au seuil de la sainteté.

 

La Ligne Claire a puisé son inspiration dans l’article publié récemment par Father Raymond de Souza sur le site First Things (https://www.firstthings.com/web-exclusives/2021/03/aristocratic-freedom-and-duty).

Couronne royale

Familles royales – mode d’emploi, épisode 3: Harry et Meghan

La publication ces jours-ci de Finding Freedom, une biographie consacrée à Harry et Meghan a tiré La Ligne Claire de son confinement estival et l’a amenée à examiner la stratégie du jeune couple qui s’inspire, à son avis, de celle développée avec succès par David et Victoria Beckam.

Mais auparavant un peu d’histoire économique s’impose. Qui se souvient encore des Spice Girls, un groupe pop de cinq filles, préfabriqué comme un produit de consommation, destiné à occuper le segment de marché des adolescentes ? Alimenté par un marketing sans précédent (jeux, verres, vidéos etc à l’effigie des chanteuses), il connaîtra dans les années nonante du siècle dernier une réussite commerciale éclatante mais éphémère, sauf pour l’une des cinq filles, Victoria Adams qui en 1999 épousera David Beckham, un footballeur de talent. Victoria Beckam, surnommée Posh [1] du temps des Spice Girls, développera avec succès une approche alors inédite des affaires, que la presse anglaise décrira comme « famous for being famous », sans que la question d’un véritable talent ne soit jamais véritablement abordée.

C’est, de l’avis de La Ligne Claire, la stratégie qu’entendaient poursuivre Harry et Meghan. Difficile à mettre en œuvre en raison d’une exigence de rapidité, il s’agit d’atteindre un point (appelé point d’inflexion par les économistes), au-delà duquel la notoriété s’auto-alimente : puisque vous êtes célèbre, tout le monde parle de vous, ce qui vous rend plus célèbre encore. En cas d’échec, la rude sanction de l’anonymat s’abat comme la lame de la guillotine.

Deux éléments sont venus perturber la mise en œuvre (ou l’exécution, pour ceux qui sont friands du jargon des affaires) de la stratégie élaborée par les Sussex. Tout d’abord Harry et Meghan ont mal jugé de la fermeté de la Reine, qui d’un coup de sceptre a réduit à rien le branding Royal Sussex qu’il s’étaient attribué. Ensuite le confinement a, ma foi, confiné tout le monde, y compris les journalistes qui écrivent au sujet des Beckam et des Sussex.

Que faire, alors pour se faire voir ? Pourquoi pas un livre ? Certes un livre, mais Finding Freedom est tout autant un règlement de comptes qu’un outil marketing de repositionnement. C’est pourquoi le jeune couple a pris soin d’en confier la rédaction à deux journalistes et de faire semblant de n’y être pour rien alors que les auteurs avouent par écrit s’être entretenus avec leurs sujets. Dès lors que les piques envers la famille royale se font trop vives, Harry et Meghan font mine de se retrancher derrière le point de vue des auteurs. Personne n’est dupe car en réalité on a affaire à ce que les Anglais appellent une « authorised biography », dont le but ici est de paraître à nouveau.

Le titre Finding Freedom fait référence à l’ambition du duc et de la duchesse non seulement de couper les ponts avec la famille royale mais de s’assurer une indépendance financière. On n’en est pas encore là puisqu’ils n’ont pu procéder à l’achat d’une villa de luxe à Los Angeles pour 11 millions de £ qu’avec le généreux concours du Prince de Galles. Quant à leur vie privée et celle du bébé Archie, dont Meghan dit faire grand cas, elle s’est empressée de la déballer au grand jour avec les caisses de son récent déménagement à l’occasion d’une interview en ligne.

Les Sussex ont choisi de s’établir dans une banlieue branchée de Los Angeles plutôt que, mettons, à Marcinelle, où leur tranquillité – La Ligne Claire en est convaincue – aurait pourtant été à coup sûr assurée. Il n’est pas impossible que Meghan, qui, à une carrière réussie d’actrice a conjugué l’exploit de devenir duchesse, décroche un contrat de plusieurs millions voire plusieurs dizaines de millions de $ à Hollywood, qui viendrait rétablir leur stratégie sur la ligne que le duc et la duchesse s’étaient fixés il y a six mois. D’ici là, il ne reste guère d’autre issue que de faire de la figuration en espérant qu’un producteur les remarque ou que La Ligne Claire vienne à leur rescousse.

 

 

[1] Expression anglaise qui signifie à peu près BCBG en français. Abréviation dit-on de “Port over, starboard home”, qui indiquait le côté du bateau où il convenait de réserver sa cabine lors du voyage des Indes : bâbord (port) à l’aller, tribord (starboard) au retour en vue de profiter au mieux de la vue des côtes. Il va de soi que la Ligne Claire ne considère pas du tout que Posh soit posh.