Chrétiens d’Orient: l’Eglise apostolique d’Arménie

Légende des origines

Le nom même de cette Eglise témoigne de son ancienneté puisqu’elle fait remonter sa fondation aux apôtres Thaddée et Barthélémy. Selon la tradition ou la légende selon les points de vue, l’apôtre Barthélémy aurait guéri le roi Abgar V en sa capitale d’Edesse (aujourd’hui Sanliurfa dans le sud-est la Turquie), alors capitale du royaume d’Arménie. D’après la légende, le roi, affligé d’une grave maladie, peut-être la lèpre, ayant entendu la renommée des hauts faits pratiqués par Jésus, lui aurait écrit l’invitant à Edesse afin qu’il le guérisse. Jésus lui aurait répondu que non malheureusement son emploi du temps ne lui permettait pas d’entreprendre un voyage si périlleux car il devait se consacrer aux affaires de son Père ajoutant toutefois, que si le roi voulait bien prendre patience, sitôt ressuscité, il dépêcherait auprès de lui deux de ses lieutenants les plus fidèles. Armés d’une image sainte appelée le Mandylion, un tissu sur lequel se serait imprimé la face de Jésus lors de sa passion, les apôtres guérirent le roi, qui les enjoigna ensuite d’évangéliser son royaume où ils moururent en martyrs. Quoiqu’il en soit, cette légende témoigne d’une présence sans doute très ancienne du christianisme en Arménie.

Conversion

L’Arménie connaît un tournant décisif dans son histoire lorsqu’au tout début du IVe siècle, sans doute en l’an 314, un saint local, l’évêque Grégoire l’Illuminateur baptisa et convertit le roi Tiridate IV et toute sa cour faisant de l’Arménie la première nation chrétienne. Echange de bons procédés, le roi nomma Grégoire le premier catholicos (ou patriarche) de la toute jeune Eglise arménienne. Celle-ci se développe en communion avec les autres Eglises chrétiennes, ce dont témoigne la présence de son catholicos aux deux premiers conciles, celui de Nicée en 325 et celui de Constantinople en 381. Si l’Eglise d’Arménie n’est pas représentée au troisième concile à Ephèse en 431, Sahak (ou Isaac) Ier, sixième catholicos, souscrit à ses conclusions.

Schisme

En revanche elle n’est pas présente au concile de Chalcédoine en 451 mais se trouve mêlée aux querelles qui ravagent la chrétienté orientale au sujet des rapports entre l’humanité et la divinité du Christ. Au siècle suivant, l’Eglise d’Arménie se réunira à deux reprises en concile local à Dvin, résidence du catholicos, en 506 d’abord et en 555 ensuite. On fait traditionnellement remonter à cette dernière date la séparation de l’Eglise d’Arménie de l’Eglise orthodoxe impériale bien qu’aucun des actes du concile de Dvin ne mentionne explicitement les canons de Chalcédoine. Toujours est-il que le schisme est consommé et que les Arméniens viennent se joindre aux Syriaques et aux Coptes dans les rangs des miaphysistes. Inversement en 609-610 lors du troisième concile de Dvin, l’Eglise géorgienne, jusqu’alors sous la juridiction de celle d’Arménie, adopte les canons de Chalcédoine et s’en sépare.

La Bible en langue arménienne

L’ensemble des livres du Nouveau Testament et une partie de ceux de l’Ancien avaient été rédigés en grec, par ailleurs langue liturgique en usage dans l’Eglise arménienne. En 405, sous l’impulsion du catholicos Sahak, la Bible est traduite en langue arménienne ; bien plus, comme la langue n’était jusqu’alors qu’orale, un alphabet propre est élaboré afin de pouvoir mener à bien cette traduction. A titre de point de repère, c’est en ces années-là que saint Jérôme traduit la Bible des Septante du grec vers le latin.

Tribulations

Royaume établi aux confins des empires byzantin et arabe, puis turc, l’Arménie voit l’émergence vers la fin du IXe siècle d’une dynastie propre, les Bagratides. Cependant cette indépendance ne sera que de courte durée puisqu’en 1045 les Byzantins reprennent le contrôle de l’Arménie provoquant l’exil d’une part importante de la population vers la Cilicie, un territoire situé le long de la côte sud de la Turquie actuelle. D’un point de vue religieux, l’importance de ses événements réside dans le déplacement du catholicossat en Cilicie, connu depuis lors sous le nom de Catholicossat de la Grande Maison de Cilicie. A la suite de la prise de ce royaume cilicien par les Turcs en 1375, en 1441 Kirakos Virepatsi fut élu catholicos du Saint-Siège d’Etchmiadzine, situé sur le territoire de l’actuelle République d’Arménie ; c’est ainsi que depuis cette date l’Eglise d’Arménie compte deux catholicoi, sachant que celui d’Etchmiadzine, appelé catholicossat de Tous les Arméniens, jouit d’une primauté d’honneur. Vers la même époque les Turcs absorbaient par ailleurs l’Arménie proprement dite (appelée alors Grande Arménie) au sein de leur empire, mettant fin à tout état arménien jusqu’en 1918.
Plus proche de nous, l’événement marquant de l’Eglise arménienne comme de l’Arménie tout entière est constitué par le génocide perpétré par les Jeunes Turcs à partir de 1915. Les conséquences pour l’Eglise sont triples : tout d’abord une diminution énorme de la population puisqu’on évalue le nombre de victimes de l‘ordre du million, ensuite un exode aux quatre coins du monde et enfin l’exil du catholicos de Cilicie d’abord en Syrie et ensuite au Liban, où il a actuellement son siège.

Organisation

Outre les deux catholicossats évoqués plus haut, l’Eglise apostolique d’Arménie dispose de deux patriarcats, l’un à Jérusalem et l’autre à Constantinople (Istanbul) l’un et l’autre sous la primauté du catholicos d’Etchmiadzine, tout en jouissant de l’indépendance quant à l’organisation de leur Eglise. Si la présence arménienne à Jérusalem est très ancienne puisqu’elle remonte à l’époque byzantine avant la prise de la ville sainte par les Arabes, celle à Constantinople est plus récente et trouve son origine dans le désir du sultan en 1461 d’avoir dans sa capitale un représentant de l’Eglise arménienne puisque cette dernière n’était plus en communion avec le patriarche oeucuménique orthodoxe.

Situation actuelle

De nos jours, l’Eglise d’Arménie jouit du statut d’Eglise nationale en République d’Arménie. Une petite population subsiste à Istanbul et ailleurs en Turquie ainsi qu’en Iran tandis qu’on trouve au Liban une importante communauté réunie autour du catholicossat de Cilicie, aujourd’hui établi en la ville libanaise d’Antelias. Enfin, les massacres de 1915 ont conduit à une migration importante à destination de la France, des Amériques et de l’Australie où leurs descendants sont établis de nos jours.

Relations avec l’Eglise catholique

A l’instar de la déclaration avec les Syriaques, le pape Jean-Paul II et le catholicos Karékine Ier promulguent en 1996 une déclaration où ils soulignent leur foi commune et expriment leur regret pour les controverses et les divisions passées, davantage le fruit de différentes manières d’exprimer la foi que de divergences touchant à la foi elle-même. Tout récemment en mars 2013, Karékine II, Catholicos de Tous les Arméniens, a marqué de sa présence la messe inaugurale du pontificat du pape François à Saint-Pierre de Rome.

Chrétiens d’Orient: l’Eglise syriaque orthodoxe

Origines

Le livre des Actes des Apôtres relate la présence des apôtres Pierre et Paul à Antioche, alors une grande ville de l’empire romain, aujourd’hui Antakya en Turquie, et la fondation de la première communauté chrétienne par saint Pierre en l’an 37, soit à peine sept ans après la mort de Jésus. L’auteur des Actes nous dit en autant de mots que c’est là à Antioche que les disciples reçurent pour la première fois le nom de chrétiens, entendu alors comme les partisans du Christ. L’importance de la ville dans le développement du christianisme amena le Concile de Nicée en 325 à accorder à l’évêque de la ville le rang de patriarche aux côtés de ceux de Rome, d’Alexandrie et de Jérusalem, avec le titre de Patriarche d’Antioche et de Tout l’Orient.

Concile de Chalcédoine

De même qu’en Egypte, la doctrine formulée par le Concile de Chalcédoine en 451 quant à la nature du Christ provoqua de vives querelles entre les partisans des décisions conciliaires (les Chalcédoniens) et leurs opposants (les non-Chalcédoniens). En 511, l’empereur (à Constantinople) envoya à Antioche un moine grec, Sévère, y occuper le siège patriarcal demeuré vacant à la suite de ces querelles. A peine nommé, il s’empressa d’échanger des lettres avec le patriarche d’Alexandrie, adversaire comme lui des décisions du concile. Cependant le triomphe de Sévère fut de courte durée puisqu’en 518, à la suite d’un revirement dans la politique impériale sous Justinien, il dut fuir la ville et se réfugia à Alexandrie, l’autre berceau des églises non-chalcédoniennes ou miaphysites et qui subsiste jusqu’à nos jours sous la forme de l’Eglise copte. Connu depuis comme Saint Sévère le Grand d’Antioche, il est considéré comme l’un des principaux fondateurs de l’Eglise syriaque orthodoxe, une église autocéphale sous l’autorité de son propre patriarche.

Si Justinien avait décidé de mettre en œuvre les décrets du Concile de Chalcédoine, son épouse, l’impératrice Théodora, elle, prodiguait son appui à tous ceux qui à Constantinople les rejetaient et encouraient la répression des autorités impériales. Ce parti des non-Chalcédoniens comptait en ses rangs des personnages influents parmi lesquels figurait le Patriarche de Constantinople, qui ordonna évêque titulaire d’Edesse (sans doute en l’an 541) un moine réputé pour son ascétisme, Jacques Baradée. Le nouvel évêque se révéla être un ardent défenseur de la foi miaphysite parcourant sans relâche l’Asie Mineure, la Mésopotamie et jusqu’aux confins de la Perse, confirmant prêtres et évêques, en marge désormais de l’Eglise impériale.

Présence en Inde

Si le cœur historique de l’Eglise syriaque demeure au Proche-Orient, il y a lieu de noter une présence importante en Inde, dans l’Etat actuel du Kerala, où le christianisme aurait été introduit, selon la Tradition, par l’apôtre saint Thomas dès l’an 52 de notre ère. Cette Eglise indienne se développa de manière autonome jusqu’à l’arrivée des Portugais dans le sud de l’Inde vers la fin du XVe siècle, qui tentèrent de la ramener dans la communion catholique romaine. Ces pressions amenèrent l’Eglise indienne à se révolter contre l’autorité portugaise, à faire appel au Patriarche d’Antioche et finalement à intégrer l’Eglise syriaque orthodoxe et à être connue depuis lors sous le nom d’Eglise syro-malankare orthodoxe

A noter qu’il existe une autre Eglise indienne, l’Eglise malankare orthodoxe mais qui, en dépit de la similitude du nom, n’appartient pas à l’Eglise syriaque orthodoxe mais qui est au contraire une Eglise autocéphale quand bien même de même tradition ; présente principalement dans le sud de l’Inde, cette Eglise sort du cadre de cette série, consacrée aux chrétiens d’Orient.

Présence actuelle

Si le patriarche porte toujours le titre de Patriarche d’Alexandrie (un titre revendiqué par d’autres Eglises), le siège de cette Eglise s’est plusieurs fois déplace au fil des événements qui ont marqué l’histoire de la région, lutte contre les Perses, conquête arabe puis ottomane. Aujourd’hui l’Eglise a son siège dans le quartier de Bar Tuma (« la porte de saint Thomas ») dans la vieille ville de Damas.

On estime à environ 1,5 millions le nombre des fidèles de cette Eglise, dont un million vivent en Inde ou appartiennent à la diaspora indienne. Quant aux autres, installés historiquement en Syrie, en Iraq et dans l’Est de la Turquie, leur nombre est difficile à évaluer en raison de la guerre dans cette région du monde.

En 2014 Ignace Ephrem II Karim fut élu 123e Patriarche d’Antioche et de Tout l’Orient à la tête de l’Eglise syriaque orthodoxe.

Questions doctrinales

En 1984 le pape Jean-Paul II et le patriarche syriaque orthodoxe Ignace Zakka Ier ont promulgué une déclaration commune dans le but de mettre fin aux querelles, il est vrai obscures, nées du Concile du Chalcédoine. Cette déclaration réaffirmait une foi commune et reconnaissait que les mésententes et les schismes passés devaient être attribués à des différences culturelles et de divergence dans la formulation, qui ne portaient pas atteinte à la substance de la foi.

Cathédrale de Lausanne

Pape et empereur à Lausanne

Le Moyen Âge dit central se plaisait dans la construction de cathédrales, dont celle de Lausanne constitue assurément le plus bel édifice de style gothique en Suisse.

Le siège épiscopal de Lausanne remonte aux temps reculés du Royaume de Bourgogne mais l’édifice que nous avons aujourd’hui sous les yeux date lui du XIIIe siècle. Les hommes de cette époque-là ne savaient pas qu’ils vivaient au Moyen Âge ni non plus que, mille ans plus tard, leurs descendants se sentiraient un peu gênés de cette période de leur histoire que les Anglais n’hésitent pas à appeler The Dark Ages. Non, les hommes du XIIIe siècle eux vivaient dans un espace géographique, religieux et culturel qui s’appelait la chrétienté et dont ces cathédrales formaient le témoignage visible. Car ces cathédrales, c’était toute une affaire et c’est pourquoi, à l’occasion de la consécration solennelle de la cathédrale, et le pape, Grégoire X et l’empereur, Rodolphe de Habsbourg, firent le déplacement.

Tebaldo Visconti, archidiacre du puissant évêché de Liège, était réputé pour sa vie austère. Elu pape pour cette raison-là, il prit le nom de Grégoire X et s’empressa de convoquer un concile à Lyon, dans le but notamment d’assurer la réunion des Eglises grecque et latine. C’est de là, qu’en remontant le cours du Rhône, il joignit Lausanne.

Rodolphe, lui, c’était presque un gars du pays. Petit prince possessionné en Argovie, élu précisément pour cette raison-là en qualité de candidat de compromis pour mettre un terme à vingt-trois ans d’interrègne, il allait assurer à sa Maison la destinée que l’on sait.

On imagine la rencontre. « Hi, Greg », « Salü Rudi » non, sans doute pas, plutôt « Sainteté », « Majesté » car au XIIIe siècle, le pape et l’empereur, ce sont les deux faces d’une même médaille ; au premier revient la charge pastorale de l’unique peuple de Dieu, dont le second assure le gouvernement dans le siècle. C’est pourquoi ils président conjointement à la consécration d’une cathédrale. C’était à Lausanne en 1275, là où les observateurs attentifs reconnaissent ce X de la croisée du Camino et de la Via Francigena.

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