Bataille autour du Valle de los Caídos

Il a un an, le gouvernement espagnol ordonnait la translation de la dépouille de Francisco Franco du Valle de los Caídos vers un cimetière privé au motif qu’il ne sied pas à une démocratie d’honorer un dictateur. Un an plus tard, ce même gouvernement formé du parti socialiste et de Podemos a dévoilé un projet de loi, dite de « mémoire démocratique » qui vise à réparer ou effacer les marques du franquisme. Certaines dispositions, comme celle qui prévoit de retrouver les victimes inconnues de la guerre et de la répression qui s’ensuivit et de leur donner une sépulture digne et à leur nom, recueilleront sans doute un large assentiment. D’autres qui visent à poursuivre pénalement ceux qui justifient l’époque franquiste le sont assurément déjà moins et enfreignent clairement la liberté d’opinion politique. D’autres encore, qui visent à nommer un procureur spécial chargé d’enquêter sur les réputés crimes contre l’humanité commis à l’époque franquiste, sont futiles tant il est vrai que tous les acteurs de la guerre civile sont désormais décédés. Enfin, le gouvernement entend chasser la communauté bénédictine qui veille sur le Valle de los Caídos depuis 62 ans et ses 34 mille morts, bannir tout symbole religieux chrétien et faire du site un monument civil.

Mais surtout ce projet de loi mémorielle enfreint la règle d’or en la matière puisqu’il est porté par le gouvernement du moment contre l’opposition conservatrice. Au contraire du franquisme, c’est précisément la démocratie espagnole qui permet à ses citoyens de porter un regard contrasté sur la guerre civile, selon que leur grand-père soit tombé dans l’un ou l’autre camp. Effacer de la place publique, de la vie civile, des manuels scolaires toute référence au franquisme, sauf négative bien entendu, relève d’une forme de dictature des esprits que le dictateur n’aurait pas reniée. Y ajouter des mesures à l’encontre de l’Église catholique rappelle douloureusement les violences commises par la Deuxième République à son encontre, et qui avaient contribué au déclenchement de la guerre civile.

L’Italie, qui dans les faits a elle aussi connu une guerre civile qui ne dit pas son nom de 1943 à 1945, offre à cet égard un meilleur exemple. Les témoignages de l’architecture fasciste en Italie sont très nombreux – qu’on songe à la gare de Milano Centrale par exemple -, à telle enseigne que Mussolini dispose d’une obélisque gravée à son nom au Foro Italico à Rome, érigée de son vivant. Quant à sa dépouille, elle repose au mausolée familial de Predappio, où les nostalgiques du fascisme sont libres de lui témoigner leur respect, sans que l’ordre public n’en soit perturbé.

Le gouvernement Sánchez ne ressuscite les morts de la guerre civile que pour les ranger en des camps opposés, les ennemis du peuple et les autres; il ne tolère désormais que ceux qui partagent ses vues, il déloge ses propres citoyens et, à l’instar des régimes totalitaires, politise l’histoire dès lors qu’il vise à effacer Franco de la mémoire collective des Espagnols.

Le fascisme en Italie, le franquisme en Espagne font partie de l’histoire respective de ces deux pays. Ce projet de loi est indigne d’un gouvernement démocratique car, plutôt que de réconcilier le pays, il le divise sur un point essentiel