Pour une éthique de la conformité

Dans le civil, La Ligne Claire est responsable d’assurer la conformité (« compliance officer ») au sein d’une institution financière. Si ce type de fonction est née en réponse à l’accroissement de la réglementation visant à mettre fin aux abus et aux conflits d’intérêts au sein du monde de la finance, elle s’applique dans son principe à toute activité humaine. Des exemples récents, le scandale de l’affaire Publifin en Belgique et l’affaire Fillon en France ont révélé au grand jour la nécessité de règles déontologiques dans le monde politique. Pourtant, si à ce jour François Fillon est convoqué par le juge d’instruction, en Belgique au contraire aucun des nombreux bénéficiaires des mandats d’administrateur au sein de la galaxie Publifin n’a été inculpé d’un quelconque comportement contraire à la loi ; il est du reste tout-à-fait possible qu’on en reste là sur le plan pénal.

Ces exemples posent la question de la finalité de la conformité, le respect des lois, celui de la réglementation interne d’une organisation, voire même le respect d’un code de déontologie certes, mais cela suffit-il ? François Fillon a lourdement insisté sur le caractère légal de l’emploi de sa femme tandis qu’aux Etats-Unis les institutions financières qui négocient des amendes avec le Ministère de la Justice et d’autres administrations nient tout autant avoir enfreint la loi : « We deny any wrongdoings » or « We did not break any laws ». Pourquoi donc payer ces amendes dans ce cas ?

La Ligne Claire évoque volontiers son propre dicton selon lequel « toute règle est arbitrable ». Dans le monde de la finance avant la crise, les dérivés de crédit permettaient d’arbitrer les exigences en matière de capital réglementaire, tandis que le dividend ou coupon washing permettait de contourner la fiscalité des revenus financiers alors que par ailleurs Goldman Sachs conseillait le gouvernement grec quant à la manière de satisfaire aux exigences du traité de Maastricht tout en cachant la réalité des faits, à savoir l’endettement excessif du pays. Dans ce dernier cas, il est remarquable que la Grèce, qui était censée être le bénéficiaire de cette astuce, en a en réalité cruellement pâti.

Si donc toute règle peut être contournée sans être enfreinte, il y a lieu de se poser la question de sa finalité. Dans la parabole du jeune homme riche, celui-ci pose à Jésus la question suivante : « Maître, que dois-je faire de bon ?», pas simplement « que dois-je faire ? » mais « que dois-je faire de bon ? ».

La fonction de la conformité, mais aussi en définitive toute action humaine, s’inscrit non seulement dans la légalité bien sûr mais dans un ordre moral. Tout ce qui est légal n’est pas forcément bon mais ce qui est bon doit bénéficier de la protection de la loi. La conformité a pour mission finale de discerner le bon, bon pour l’entreprise, ses clients et ses employés et de prévenir le mauvais.