L’Epiphanie à l’Elysée

L’autre jour vous avez sans doute tiré les rois à l’occasion de la fête de l’Epiphanie. Quelques jours plus tôt La Ligne Claire apprenait au journal parlé qu’au Palais de l’Elysée aussi on mangeait de la galette mais que, par respect strict de la laïcité, la galette ne contenait pas de fève et donc qu’il n’y a pas en ce palais un gagnant susceptible d’être le roi d’un jour ou même d’une heure car en République il n’y a pas de rois.

Peu importe que cette coutume trouve son origine dans les Saturnales romaines, une fête païenne et non pas chrétienne, où on s’adonnait à l’inversion des rôles, peu importe aussi que l’évangéliste saint Matthieu qui relate l’épisode qui nous est connu comme l’Epiphanie ne précise pas que ses protagonistes, des mages venus d’Orient, soient des rois, la simple perspective d’une couronne en papier doré fait se dresser les plus hautes autorités de l’Etat face à cette menace majeure à l’encontre du respect des institutions.

C’est regrettable car non seulement pourrait-on considérer ces mages venus d’Orient comme des migrants, voire des réfugiés, en tout cas des témoins issus de la diversité, mais surtout La Ligne Claire juge que le Palais de l’Elysée fait preuve d’un manque d’imagination. Car pour répondre à l’intrusion du petit Jésus en porcelaine, on pourrait imaginer, comme du reste cela fut le cas semble-t-il sous la Révolution, qu’un bonnet phrygien tienne lieu de fève ou mieux encore, selon la suggestion de l’ancien Premier Ministre, qu’on la remplace par une Marianne aux sein nus.

In vino veritas

En définitive, il n’est jamais venu. En raison des attentats de Paris le 13 novembre dernier le président iranien Hassan Rohani a annulé sa visite en Italie, au Vatican et en France, où il avait été prévu qu’il s’entretienne avec le président François Hollande.

Entretemps une mini polémique avait vu le jour car le président Rohani avait refusé de prendre part à un repas au cours duquel du vin aurait été servi. Si l’attitude de Rohani peut irriter, car il lui aurait suffit de demander un demi de Contrex’, la réplique de l’Elysée, à savoir l’élévation du vin à table au rang des « traditions républicaines » est risible. Ce sont les Romains qui ont introduit la vigne en Gaule au 1er siècle avant Jésus-Christ et l’usage qui consiste à boire du vin à table fait tout simplement partie des coutumes du pays et n’est pas le fait d’un régime politique particulier, républicain ou autre.

Mais personne n’est dupe car derrière cette attitude de l’Elysée se cache le refus de donner l’impression de se plier à un rite religieux, l’interdiction faite par l’islam de consommer de l’alcool.

La Ligne Claire a grandi dans une famille de diplomates où de temps à autre surgissaient de délicates questions de protocole. Une princesse romaine de noblesse pontificale a-t-elle préséance sur la femme de l’ambassadeur de Syldavie ? Le plus souvent, le simple bon sens permettait d’y répondre : on ne sert pas du rôti de porc à l’ambassadeur du Maroc pas plus qu’à l’ambassadeur d’Israël.

Fort de l’expérience de ses parents, la Ligne Claire suggère pour la prochaine fois au service du protocole de la présidence d’offrir du vin mais de recommander à l’hôte de l’Elysée de s’abstenir d’en boire par égard envers son invité. Cela s’appelle la courtoisie, une tradition bien française, avec ou sans république.