Le fantasme de la tour

La toute dernière initiative du Mouvement pour la Défense de Lausanne (MDL) contre le plan de quartier Malley-Gare montre les limites de l’initiative citadine contre le développement urbain. Pour avoir été de ceux qui ont critiqué l’urbanisme des tours, je suis assez réceptif aux aspirations de ce mouvement qui dit promouvoir la qualité urbaine et inciter à construire des lieux agréables à vivre.

Sauf que dans le cas du projet Malley, il y a malheureusement contresens : celui de considérer que la densité est systématiquement synonyme de nuisance, d’environnement dégradé et le déclin de la qualité de vie.

Au lieu de dépenser les cotisations de leurs adhérents à réaliser des études peu crédibles, les acteurs du MDL feraient mieux d’entamer un cycle de promenades dans certains quartier de Zurich pour constater à quel point, dans certains contextes, la densité est le gage d’un environnement urbain de qualité.

Et je ne me réfère pas aux centres historiques dont les taux de densité en font des cas hors normes. Je pense plutôt à ces nouveaux ensembles coopératifs, comme Kraftwerk 2, où la densité entièrement assumée est sciemment employée pour augmenter la qualité de vie des habitants.

Face à ces fourmilières heureuses, le nouveau quartier type des principales cités lémaniques à faible densité fait office de ville dortoir livrée à l’ennui et la monotonie d’un environnement stérile. Malley fait le pari contraire d’un quartier dense, animé et ponctué par quelques repères que sont les bâtiments plus élevés.

S’y opposer relève dans le meilleur des cas de l’ignorance et dans le pire de la mauvaise foi. Dénoncer le « gigantisme » de deux tours de 63 et 77 mètres a toutes les caractéristiques d’une manipulation démagogique.

Le projet de Malley tel qu’il a été élaboré est essentiel au plan de développement de l’Ouest lausannois. Il est surtout au cœur d’un habile échange de terrains entre la Ville et les CFF qui rend possible la réalisation du pôle muséal. S’y attaquer fait preuve d’un aveuglement et d’une irresponsabilité à laquelle le MDL ne s’était pas encore livré.

Europan, au ban de la quinzaine de l’urbanisme genevoise

 

La quinzaine de l’urbanisme qui s’est ouverte lundi au pavillon Sicli à Genève a tous les ingrédients d’un évènement réussi : un conseiller d’Etat charismatique et pertinent pour le discours d’ouverture, une belle exposition itinérante sur les coopératives zurichoises et une autre, venant d’encore plus loin, sur cinq architectes wallons. Le public était au rendez-vous et l’ambiance générale était celle d’une communauté de professionnels et d’habitants enfin disposés à en découdre avec le grand problème qui hante cette ville : le manque chronique de logements. En effet, un tiers des actifs qui contribuent quotidiennement au miracle économique genevois sont des pendulaires transfrontaliers. Le mot d’ordre d’Antonio Hodgers ne pouvait être plus clair : il faut loger cette population à Genève et le faire vite.

 

Programme Quinzaine de l'urbanisme 2016_0-1

Pourtant, le projet lauréat du très prestigieux concours d’idées Europan, alors même qu’il répond à ce défi avec la fraîcheur des trente ans de ses concepteurs, semble mis à l’écart: il propose ni plus ni moins de densifier les zones villas en y appliquant les principes défendus par la LAT, à savoir un développement des zones déjà bâties.

S’appuyant sur des exemples concrets, la proposition du collectif Learning from a-t-elle été jugée trop délicate? Elle est reléguée loin des deux grandes salles d’exposition, au pied d’un escalier, près d’une issue de secours sur un unique panneau de présentation qui n’est autre que le rendu de concours.

Si ce projet a véritablement fait l’objet d’une mise à l’écart afin d’éviter de choquer ceux qui l’interpréteraient comme une stratégie officielle, il démontre par son rejet les risques qu’encourt une institution à trop dépendre d’une ou plusieurs instances officielles. On s’imagine difficilement une institution vouée à promouvoir la culture du bâti attaquer frontalement la politique d’aménagement de la ville ou du canton dont elle dépend financièrement.

Pourtant, c’est bien de cela que Genève ou l’Etat de Vaud auraient véritablement besoin : un “Mamco de l’architecture”, c’est-à-dire une institution indépendante comme celle qui sous l’égide de Christian Bernard a maintenu pendant plusieurs années un cap audacieux, contre tous ceux qui souhaitaient une programmation plus consensuelle.
La maison de l’architecture au pavillon Sicli et demain la CUB à plateforme10 auront-elles les moyens de cette liberté ?