L’histoire a-t-elle encore une fonction dans l’enseignement?

Cela fait déjà plusieurs mois que l’EPFL et sa faculté d’architecture sont animées par un questionnement sur la place de l’histoire dans l’enseignement. Une véritable polémique qui ne va pas sans rappeler l’état de l’école de Genève dans les années 1990, peu avant sa fermeture.
Le déclencheur aura été un article dans la NZZ sur la succession de Roberto Gargiani et la volonté de faire évoluer sa chaire professorale, en l’ouvrant sur la question du digital. Cette nouvelle orientation s’inscrit plus largement dans la demande de la présidence de l’EPFL de renforcer la recherche sur le numérique. Dans les prises de position parfois polémiques qui ont suivi, cette demande a été interprétée comme une volonté d’affaiblir l’enseignement de l’histoire. Archizoom et sa revue, Archizoom Papers proposent de prendre de la distance de la polémique pour mieux cerner les fondements stratégiques ou idéologiques de la question.
Un débat initié par le directeur d’Archizoom Cyril Veillon et le journaliste et critique Christophe Catsaros s’est tenu en juillet dernier. Y prennent part, dans l’ordre d’apparition : Philip Ursprung, historien de l’art ; Françoise Fromonot, architecte, enseignante et critique ; Jean-Louis Cohen, historien de l’architecture et de l’urbanisme du XXᵉ siècle ; et Fabrizio Gallanti, critique et nouveau directeur d’arc en rêve à Bordeaux — autour de la question et de la place de l’histoire dans l’enseignement architectural. L’intégralité du débat est disponible en ligne sur la page consacrée à Archizoom Papers, sur le site de la revue l’Architecture d’Aujourd’hui. L’entretien est publié en anglais par la plateforme de la revue néerlandaise Volume.

Sur quelques actes héroïques du transport aérien

Avant la pandémie, il y avait déjà le flight shame ou honte de prendre l’avion, ce sentiment éprouvé surtout par les plus jeunes qui, conscients de l’impact environnemental d’un déplacement en avion, choisissent malgré tout d’embarquer. Pour les autres, ceux qui en pleine pandémie se donnaient rendez-vous à Dubaï, nous ne dirons rien. Ils sont de toute façon voués à disparaître. Puis la pandémie a généré le plus violent arrêt des déplacements aériens qu’a jamais connu le monde depuis que ce mode de déplacement est devenu dominant dans le seconde moitié du 20e siècle.
Si on m’avait dit il y a deux ans que la carte du ciel allait se vider en 2020, j’aurais creusé un abri dans mon jardin et commencé à stocker du riz et des pâtes.
Finalement, le monde ne s’est pas arrêté et même si nous ne sommes pas revenus à la quantité de déplacement pré-pandémie, nous avons assisté cet été à un net rebond de la fréquentation, avec certains aspects pour le moins surprenants.
Les Américains visitent massivement l’Europe (10 vols directs quotidiens entre les USA et Athènes cet été, plus qu’il n’y en a jamais eu) par contre les Européens sont toujours bannis du territoire états-unien. Pour le principe de réciprocité, vous repasserez. À la culpabilité environnementale s’est ajoutée la crainte de contribuer, par son choix de prendre l’avion, à la prolifération du virus. Face à ce lent délitement de l’aura aéroportuaire, les images venues de Kaboul ces derniers jours donnent à penser qu’il y a là une occasion inespérée pour redonner du sens à ce mode de déplacement. Certains moments de
l’histoire de l’aviation lui ont donné ses lettres de noblesse.
Le Pont aérien de Berlin en 1949 a partiellement racheté, dans l’inconscient collectif allemand, l’horreur des bombardements de zone et des tempêtes de feu qui ont détruit les principales villes allemandes. La situation à Kaboul présente une occasion similaire. Rendre ses lettres de noblesse au transport aérien en mettant en place un pont aérien digne de ce nom. Une rotation d’avions capable d’exfiltrer les 100 000 Afghans en danger immédiat. Une mobilisation pour aller chercher ceux qui ont cru à la société afghane que l’Occident a essayé de mettre en place.
Voilà ce qui donnerait du sens à un mode de transport en perte de légitimité : un corridor humanitaire aéroporté. Une telle action concertée des pays qui se sont activés en Afghanistan contre les talibans permettrait aussi de surprendre la présomption de xénophobie systémique qui pèse de plus en plus sur les sociétés occidentales, réticentes qu’elles sont d’accueillir comme elles le devraient. Le Pont de Kaboul serait un repère dans l’histoire du 21e siècle. Le rachat symbolique d’une guerre téléguidée, menée par drones et mercenaires privés, parfois contre des populations civiles, au nom d’une lutte contre l’ennemi systémique de nos sociétés : le terrorisme islamiste. L’acte final et rédempteur d’une guerre sans fin.