In Memoriam Georges Abou Jaoude

J’ai reçu de Pierre Frey ce texte en hommage à l’un de ses anciens collègues décédé il y a un an. Je le publie tel qu’il m’a été envoyé.

`
In Memoriam Georges Abou Jaoude, architecte, informaticien et professeur, décédé à Beyrouth il y une année jour pour jour.
Ce matin-là, le palindrome de la date du 22.02.2022, n’aura sans doute pas échappé à un homme qui avait consacré son temps et son talent à une discipline fondée sur des zéro et des un. Ce jour-là, même si sa santé était atteinte, il ne semblait pas a priori, avoir de raison de s’attendre à ce qu’il fût le dernier.
Georges Abou Jaoude a terminé ses études d’architecture à l’EPFL en 1984. Il été l’assistant du professeur Charles Rapin, à une époque où l’informatique était encore subordonnée au département de mathématiques. Ce laboratoire dont l’enseignement et la recherche étaient orientés vers l’intégration et l’implantation de concepts de haut niveau dans les langages de programmation, constituait un environnement particulièrement exigeant où il évoluait à son aise. Il a été nommé professeur extraordinaire à l’EPFL en 1992.

Ce chercheur était un enseignant-né, son ami et collègue au sein de l’école d’architecture de l’EPFL, Arduino Cantafora se souvient d’un homme qui « a réussi à transmettre à des volées très nombreuses d’étudiants le plaisir d’apprendre à bien gérer l’instrument informatique. (…) Quand il touchait son clavier, il avait la légèreté d’un papillon qui connaît très bien son trajet à accomplir. Il m’a toujours donné l’impression d’être un danseur extrêmement raffiné. Sa disponibilité humaine était aussi très grande, magnifique ». Par ailleurs, la valeur scientifique intrinsèque de la démarche de Georges Abou Jaoude et sa fantaisie ont fait de lui un partenaire recherché pour des collaborations transversales.

Comme chacun d’entre nous, Georges avait ses fragilités, le professeur René Vittone en avait perçu la nature et peut-être identifié l’origine, il disait de son collègue, « il est un enfant de guerre, il parie chaque jour sa propre vie. Il ne peut pas s’en empêcher ». Les parieurs mettent tout en jeu, Georges a fini par perdre. Sa carrière s’est terminée en août 2018 par une retraite anticipée. Pour une haute école, la santé de ses enseignants constitue le capital décisif ; l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne n’a su ni détecter ni prévenir ce qui était de nature à mettre ce capital en péril.

Pierre Frey, historien de l’art, Prof. honoraire

Christophe Catsaros

Christophe Catsaros est un critique d'art et d'architecture indépendant. Il a notamment été rédacteur en chef de la revue Tracés de 2011 à 2018. Il est actuellement responsable des éditions du centre d'architecture arc en rêve, à Bordeaux.

5 réponses à “In Memoriam Georges Abou Jaoude

  1. Un être qui avait de belles qualités, un cerveau qui tournait à 200km/h couplé d’une sensibilité d’artiste. Il ne s’est peut-être pas accordé le respect qu’il méritait. Par ricochet, il ne l’a pas toujours accordé aux autres. Cela a toutefois été une vraie chance pour moi de côtoyer un esprit libre, il y en a si peu. Qu’il repose enfin en paix.

    1. Comment ai-je pu le perdre de vue depuis si longtemps et voilà que j’apprends sa disparition avec un an de retard… et une pleine valise de chagrin. Amical, Georges m’avait offert pour quelque temps une charge de cours dans son laboratoire de l’EPFL au moment où une commission de supposés experts fermaient l”EAUG avant de s’y retrouver eux-mêmes nommés professeurs… A Lausanne, sociologue, je ne comprenais pas toujours où le conduisaient ses recherches au sujet de l’informatique, de l’architecture et de l’image, mais nos échanges furent toujours empreints d’un profond respect et d’une curiosité réciproque. Et, surtout, quelle générosité que la sienne, quelle attention à ses étudiants, quel acharnement au travail ! Merci,
      cher Georges, pour ce que tu m’as appris, je ne t’oublierai plus.

  2. Je comprends mieux le silence qui a suivi mes derniers messages et appels, mon pote. Au revoir collègue d’études et de recherche, directeur de thèse, confrère, compagnon d’armes dans les marges de cette existence, ami…

  3. Cher Georges,
    Incroyablement intelligent, profondément gentil et généreux, tellement curieux, loyal, drôle, passionné, fantasque, fier…au point de ne jamais vouloir confier cette fêlure, la guerre peut-être, sûrement…Ta santé déclinait, tu « pariais » de plus en plus gros, comme des appels à l’aide. Bien tristement l’EPFL, à qui tu avais tant apporté, n’a pas su entendre…et tout le monde a perdu.

    Un an déjà cher Georges…continue de danser libre et espiègle sur les nuages et dans nos cœurs

  4. Marhaba Gerges,
    Même en te sachant parti, je ne peux m’empêcher de sourire, tant tu fus unique en tout. Jusqu’à la manière de partir. Toi qui disais si affirmativement et quelque part innocemment avoir compris l’équation mathématiques de Dieu, ou le tout était un et le un tout, te voici dans le un. L’odeur de tes clopes et ton visage qui semblait rire de tout par peur de dévoiler ton chagrin immense resteront gravés dans ma mémoire. Adieu l’ami, le frère de ce pays qui ne se repose jamais.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *