Un lieu consacré à la culture du bâti verra le jour au sein de plateforme10, le pôle muséal en construction à Lausanne.

 

Si le soutien apporté par le Canton de Vaud à la CUB, la nouvelle fondation dédiée à l’architecture, l’ingénierie, l’urbanisme et le paysage, semblait timide, hier matin sur le chantier du pôle muséal lausannois, il n’en était pas moins déterminé, comme en atteste la présence de deux conseillers d’Etat, Pascal Broulis et Anne-Catherine Lyon, venus saluer l’initiative.
Plateforme10 accueillera à terme la toute nouvelle institution dédiée à la culture du bâti.

A ce jour, la CUB représente plus de 17 institutions partenaires , plusieurs mois de travail acharné et une équipe de pilotage d’une grande efficacité, compte tenu des enjeux et de la complexité à réunir tout ce monde autour d’un programme unique.

 

Impression

 

L’objectif est de mettre en place une institution qui porte l’ambition d’être à la fois un lieu de réflexion sur l’architecture et un espace de médiation autour des principaux projets portés par la ville de Lausanne et le canton de Vaud.
Un lieu qui pourra accueillir de grandes expositions d’architecture et des présentations plus pointues sur des sujets d’aménagement susceptibles de faire débat.

A la fois musée d’architecture et lieu de débat, la CUB à vocation à répondre à une aspiration croissante des habitants du canton à prendre part à l’élaboration de leur cadre de vie.

Acte inaugural de cette fondation: une exposition sur deux sites, Archizoom et le F’ar, consacrée à l’architecte suisse Hannes Meyer, membre éminent du Bauhaus.

Un dossier complet tant sur l’exposition que sur la création de la CUB est à consulter dans le numéro spécial de la revue Tracés distribué gratuitement sur les deux sites de l’exposition.

Une page de crowdfunding a été créée pour soutenir cette première exposition. https://wemakeit.com/projects/exposition-co-op

 

les 17 membres fondateurs de la CUB : SIA, USIC, ACM, FAS, ENAC, Archizoom, F’ar, FSAP, FSU, Entrepreneurs, GPA-SO , Interassar, OSA, Patrimoine Suisse, Tracés , UPIAV, Swiss Engineering.

L’art d’infliger la mort, une affaire de design.

 

 

How to kill people. A problem of design, est un étrange film de 24 minutes réalisé en 1960 par le designer américain George Nelson. Destiné à la télévision, ce documentaire propose une lecture anthropologique de l’homicide, de ces outils, et par extension de la guerre. George Nelson est lui même le narrateur de cette brève généalogie de l’humanité à partir de ces artefacts conçus pour tuer. L’art d’infliger la mort, érigé en trait distinctif de l’espèce humaine, sert de trame à ce développement qui va de l’âge des cavernes à la seconde moitié du 20e siècle.

 

Le parvis du Louvre, à Paris, vient d’être équipé d’un dispositif anti voiture-bélier : des cubes en béton coulés à la hâte, disposés de façon à empêcher un attentat comme celui de Nice.
Le parvis du Louvre, à Paris, vient d’être équipé d’un dispositif anti voiture-bélier : des cubes en béton coulés à la hâte, disposés de façon à empêcher un attentat comme celui de Nice.

Pour Nelson, les armes, les parures, les stratégies et autres tactiques militaires font indéniablement partie de la culture humaine. Elles en viennent même à constituer un aspect fondamental de notre rapport aux choses. Contrairement à la doxa qui la voudrait pulsionnelle et étrangère à l’humain, le raisonnement du designer cherche à établir le caractère intrinsèquement culturel de l’action homicide.
La chronologie de Nelson s’achève sur un constat assez pessimiste, visant à évaluer l’actualité de ce penchant et surtout son caractère téléologique, dans sa déclinaison moderne. L’épilogue du court métrage est une succession de plans sur des jouets, modèles réduits d’armes ou des véhicules militaires.

Que la guerre puisse être un moteur de progrès ne faisait déjà aucun doute au moment où Nelson réalise son film. L’humanité venait de connaître, avec la seconde guerre mondiale, l’effort scientifique le plus remarquable de son histoire.

George Nelson (American, 1908-1986). Medieval illustration used in the CBS/Camera Three short film “How to Kill People: A Problem of Design.” 1960. Image courtesy of the George Nelson Foundation/Vitra Design Museum Archives.
George Nelson (American, 1908-1986). Medieval illustration used in the CBS/Camera Three short film “How to Kill People: A Problem of Design.” 1960. Image courtesy of the George Nelson Foundation/Vitra Design Museum Archives.

En pleine guerre, tant les Américains que les Allemands vont mener, chacun de leur côté, un effort techno-scientifique sans précédent pour mettre au point les armes qui allaient leur donner l’avantage stratégique.
Les Allemands, pourtant en pleine débâcle, parviennent à élaborer l’avion à réaction et le missile stratégique ; les Américains la déflagration nucléaire. En 1945, existent déjà les deux ingrédients qui, une fois réunis, vont façonner l’équilibre de la terreur de la seconde moitié du 20e siècle. Le missile stratégique à tête nucléaire est aussi le sommet de la hantise de Nelson.

L'entrée du pavillon de Buckminster Fuller.
L’entrée du pavillon de Buckminster Fuller.

Une année avant la sortie de son film, Nelson avait pris part à ce qui est resté dans l’histoire comme la plus efficace des campagnes de séduction lancée par les Etats-Unis contre l’Union Soviétique. L’exposition nationale américaine fut le fruit d’un accord d’échange culturel entre les deux superpuissances, décidées à entamer un nouveau chapitre dans leurs rapports bilatéraux. Commissaire de cette exposition, Nelson a contribué à un effort de guerre qui ne dit pas son nom. Charles Eames, Buckminster Fuller ont été quelques uns des architectes et designers sollicités pour convaincre les soviétiques, à coup d’aspirateurs et de téléviseurs, que l’american way of life était supérieur à leur propre mode de vie collectiviste.

La signification étendue du terme design

L’effondrement de l’Union Soviétique quelques décennies plus tard, dans une euphorie libérale et consumériste qui ne fera pas long feu, constitue le véritable épilogue de cette opération d’envergure visitée par plusieurs millions de Moscovites.
L’épisode de l’exposition de Moscow apparaît comme la thèse inversée de la lecture anthropologique du film de 1960. Ce ne sont plus les armes qui font l’objet d’un design, mais les objets usuels désignés, les mixers, aspirateurs et autres «chauffe-savates» qui sont mobilisés pour vaincre un empire. Qu’ils puissent se révéler victorieux devraient nous amener à repenser la signification restreinte, quasi cosmétique, attribuée aujourd’hui au terme design.

C’est probablement ce que tenterons de faire Mark Wigley et Beatriz Colomina, tous deux commissaires de la prochaine biennale du design d’Istanbul, qui s’ouvre le 20 octobre dans une ancienne école grecque stambouliote. Leur perception étendue du design, allant des 200 000 ans de l’anthropocene aux 2 secondes de Snapchat, sera une formidable occasion de repolitiser un domaine de la création depuis trop longtemps pris dans l’insignifiance de considérations formelles et spéculatives.

Un entretien réalisé à Bâle le 14 juillet 2016 est à lire dans l’édition de Tracés du 16 septembre 2016.

 

How to kill people. A problem of design avait été mis en ligne sur YouTube dans le cadre d’une exposition au MOMA en 2014. Faisant jouer ses droits sur le programme, la chaine américaine CBS, vouée corps et âme à l’abrutissement de la population, l’a fait retirer en août 2016.