Les raisons de l’urbicide d’Alep

La fin du siège d’Alep et l’évacuation des derniers rebelles ainsi que de leurs familles a suscité un déclenchement sans précédent d’indignation médiatique, comme si la fin du siège était aussi la dernière occasion d’afficher sa solidarité avec une cause perdue.

Nuremberg en 1945

 

Alep assassinée, Alep égorgée, massacrée, le pathos n’a pas manqué dans toute une série de prises de parole enflammées dénonçant l’inadmissible carnage, la faiblesse de l’ONU                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                et la lâcheté de l’occident pour nous mettre face à nos responsabilités.

Pourtant cette mobilisation consensuelle s’est avérée très peu efficace s’agissant d’apporter de nouveaux éléments d’analyse à ce qui est en train de se passer en Syrie. Comme si cela ne suffisait pas, elle a contribué à laisser se propager de nombreux contresens dans l’opinion publique, comme par exemple qu’Alep devenue une ville fantôme serait entièrement vidée de ces habitants. Le sort du million d’habitants qui n’ont pas fui la ville, la véritable perspective de paix qui s’ouvre avec ce qui ressemble de plus en plus à une fin des opérations conjointes russo-irano-syriennes, une consolidation du statut quo et une stabilisation des rapports de force. Rien de tout cela n’a vraiment été abordé dans la plupart des « J’accuse » médiatiques de ces dernières semaines.

L’emballement partisan n’a cependant pas empêché les véritables analystes et historiens de donner des clés pour comprendre ce qui se trame en Syrie. A commencer par la convergence entre la Turquie et la Russie, que tout semble vouloir briser mais que l’entente inespérée des deux dirigeants charismatiques et autocrates parvient à maintenir envers et contre tous.

 

Il faudrait aussi commencer à se demander quelle est la position d’Israël face au manège des nouvelles puissances régionales. Le silence de Tel-Aviv et l’absence d’une position stratégique manifeste sur ce conflit témoignent assurément d’une activité par acteurs interposés. Car peut-on vraiment s’imaginer qu’Israël laisse l’Iran, la Russie et la Turquie placer leurs pions à sa frontière sans le moindre plan stratégique ? Quelle est au juste cette position ? Peu de chose font surface à ce sujet.

Pourtant Israël n’a pas toujours été absent de ce conflit et tout laisser à penser qu’il ne l’est pas plus aujourd’hui. Plusieurs indices permettent de l’affirmer, à commencer par le revirement américain autour de l’accord sur le nucléaire iranien. Le lobbying intense pour compromettre l’accord serait sur le point de porter ses fruits avec l’arrivée de l’équipe Trump aux affaires.

Face à l’urbicide d’une des plus belles villes du bassin méditerranéen, il est peut-être bon de rappeler que la mise à feu de la Syrie est en partie imputable à une tentative de briser de ce qui était encore nommé par certains « l’arc chiite» allant de Téhéran à Beyrouth.

Pendant que tous ces acteurs font et défont leurs alliances au fil des conjonctures, la guerre est probablement terminée à Alep et, n’en déplaise à ceux qui souhaitent une victoire de l’insurrection, pour la première fois depuis de début de ce conflit, une véritable perspective de cesser-le-feu durable semble enfin se dessiner.