Cela fait déjà plusieurs mois que l’EPFL et sa faculté d’architecture sont animées par un questionnement sur la place de l’histoire dans l’enseignement. Une véritable polémique qui ne va pas sans rappeler l’état de l’école de Genève dans les années 1990, peu avant sa fermeture.
Le déclencheur aura été un article dans la NZZ sur la succession de Roberto Gargiani et la volonté de faire évoluer sa chaire professorale, en l’ouvrant sur la question du digital. Cette nouvelle orientation s’inscrit plus largement dans la demande de la présidence de l’EPFL de renforcer la recherche sur le numérique. Dans les prises de position parfois polémiques qui ont suivi, cette demande a été interprétée comme une volonté d’affaiblir l’enseignement de l’histoire. Archizoom et sa revue, Archizoom Papers proposent de prendre de la distance de la polémique pour mieux cerner les fondements stratégiques ou idéologiques de la question.
Un débat initié par le directeur d’Archizoom Cyril Veillon et le journaliste et critique Christophe Catsaros s’est tenu en juillet dernier. Y prennent part, dans l’ordre d’apparition : Philip Ursprung, historien de l’art ; Françoise Fromonot, architecte, enseignante et critique ; Jean-Louis Cohen, historien de l’architecture et de l’urbanisme du XXᵉ siècle ; et Fabrizio Gallanti, critique et nouveau directeur d’arc en rêve à Bordeaux — autour de la question et de la place de l’histoire dans l’enseignement architectural. L’intégralité du débat est disponible en ligne sur la page consacrée à Archizoom Papers, sur le site de la revue l’Architecture d’Aujourd’hui. L’entretien est publié en anglais par la plateforme de la revue néerlandaise Volume.
Depuis les premières lignes, de ces entretiens, l’axe consistant à s’en prendre aux ingénieurs est très présent. C’est commode, mais n’apporte pas grand chose et le « bashing » de la fin est soit outrancier, soit insuffisant. Je penche pour le second terme. A la faveur de l’essor de l’informatique, les ingénieurs ont repris la main sur le champ de la construction. Ils détiennent désormais les clefs qui rendent possible les pitreries architecturales que réclame la mode et le marché. Les architectes sont devenus leurs obligés et leurs sous-traitants. En ville, leurs échoppes ont pignon sur rue, elles voisinent désormais avec les ongleries, les tatoo, les barbershop et les salons de coiffure; cette proximité spatiale n’est peut-être pas qu’anecdotique. Pourtant les ingénieurs n’ont pas développé une réflexion à la hauteur de la domination qu’ils exercent, sur les circonstances de ce qu’ils tricotent et permettent (aux architectes) de tricoter. Ils se sont mis ainsi dans une parfaite position de boucs émissaires. C’est basique.