Le dessin de Chappatte paru en une du Temps le mercredi 16 septembre est hilarant. C’est Blocher qui brandit une des affiches de la campagne en faveur de l’initiative dite de limitation, celle qui dit qu’en Suisse «on est trop serrés», sur la grande terrasse déserte de sa villa donnant sur le lac de Zurich désert, au bord de sa piscine déserte.
Je l’attendais, ce dessin, depuis il y a une quinzaine de jours, quand j’avais vu cette même affiche collée à un tronc d’arbre au bord d’une route de campagne déserte dans l’arrière-pays vaudois, entre deux villages dont la population semblait atteindre péniblement les quatre personnes. Sauf que Chappatte s’est trop fié à son sens de l’orthographe et n’a pas reproduit l’affiche à l’identique.
Sur l’affiche originale, il est écrit «On est trop serré», sans s, et, croyez-le ou pas, bien avant la parution du dessin de Chappatte j’avais été suffisamment intriguée par ce qui me paraissait une anomalie orthographique pour me lancer dans une recherche sur les règles de l’accord du pronom on. D’après l’Académie française, si le on désigne des personnes indéterminées, on n’accorde pas (exemple :« On n’est pas sûr d’y arriver»). Par contre, si les personnes en question sont identifiables, il faut accorder (exemple : «On est arrivés très tôt», où le on est l’équivalent de nous).
Remarquez que je suis loin de prendre pour paroles d’Evangile les règles de l’Académie française, qui continue à confondre le masculin et le neutre et qui, probablement, imagine sans s’émouvoir que les personnes arrivées très tôt, dans son exemple, pourraient être 99 femmes et un chien. Mais tout de même, il y a là-dedans du grain à moudre. Si le on de l’UDC désigne, allez, les Suisses et les Suissesses, l’absence du s est quand même une faute d’orthographe, que Chappatte a rectifiée probablement sans s’en rendre compte.
Curieuse coïncidence, je tombe ces jours sur la même problématique orthographique dans une publication émanant du bord opposé du spectre politique, le texte du mouvement Grève du climat paru dans le livre collectif «Tumulte postcorona. Les crises, en sortir et bifurquer» (éd. d’en bas). Le titre de ce texte reprend un des slogans- phares du mouvement,sous une forme politiquement correcte:«On est plus chaud, plus chauds, plus chaudes que le climat». Grammaticalement, on coupe la poire en deux, et comme titre percutant, on a vu mieux.
Morale de l’histoire : en politique, il vaudrait mieux éviter le on en cas d’incertitude sur qui est le nous que le on prétend remplacer.
“On” n’est pas plus neutre que “homme”, puisque les deux mots dérivent directement du mot latin “homo”, masculin. Comme d’ailleurs le mot “humain”.
J’aime les desseins de Chappatte mais je ne pense pas qu’il a rajouté le “S” innocemment. Ils voulaient rendre l’affiche plus ciblée pour les citoyens et citoyennes (porteurs de la nationalité) or l’affiche s’adresse dans l’anonymat à tous les résidents en Suisse. La mauvaise fois des deux parties est la seule chose qui est sure dans cette affaire. En tout cas, j’ai appris des choses dans votre article, merci.
En langage parlé, comment distinguer entre
“les poules se sont envolées dès qu’on leur avait ouvert la porte”
et
“les poules se sont envolées, des c… leur avaient ouvert la porte”?
(Aucun rapport avec le *on trop serré de Chappatte, bien entendu).
Une fiche S ?
Un débat qui date de quelques années déjà, puisque Ramuz jonglait avec les “nous” et les “on”:
“Nous qu’on est de la vieille espèce…” ou
“Et, quoi qu’il arrive, on garde ses vignes, et on crèvera dessus, nous autres, mais on ne les reniera pas”
et finalement “Nous, on est comme le soldat…”
Pour ceux qui voudraient s’exercer à la discipline, relisez Ramuz.
Si Blocher n’a pas mis le s, c’est peut-être qu’il se croit le seul être intelligent au monde. Narcissisme, quand tu nous tiens.