Qui entrave la liberté de qui?

Petit frisson de malaise en apprenant que l’Autriche s’apprêterait à confiner les personnes non vaccinées contre le covid. C’est violent, et je me réjouis qu’il ne soit pas question d’une telle mesure en Suisse. En même temps, c’est une occasion pour faire un peu de philosophie politique : en Suisse, entre vacciné.e.s et non vacciné.e.s, ce sont les seconds qui portent atteinte à la liberté des autres. Il faut que cela soit dit, et plus clairement que ce n’est le cas généralement.

L’usage que font les antivax de la notion de liberté est totalement spécieux. Ce sont elles et eux qui, en refusant la vaccination, empêchent ou retardent le retour à une vie sans pass sanitaire – instrument de contrôle qui n’aurait pas lieu d’être dans une société où la circulation du virus aurait été plus ou moins bloquée. Dans un pays démocratique, c’est évidemment impossible d’imposer la vaccination à tout le monde, la refuser est un droit fondamental. Mais c’est un peu fort de café de renverser le raisonnement.

Les vacciné.e.s, majoritaires, doivent accepter que leur propre liberté de mouvement soit entravée par l’exercice d’un droit fondamental de la part d’une minorité. C’est une question de pesée d’intérêts, le droit de ne pas laisser introduire une substance étrangère dans son corps étant plus important que le droit de ne pas devoir s’identifier pour aller manger une pizza. Mais il faut bien voir que, dans la situation actuelle, ces deux droits sont antagonistes et pas complémentaires.  Plus la minorité des antivax exerce son droit  à refuser la vaccination, plus la majorité de la population doit composer avec une limitation de son droit à mener une vie normale.

Notre liberté, ce sont les antivax qui la menacent. La société doit vivre avec, et c’est ce qu’elle fait, pour ne pas se rendre coupable d’une violation de la liberté d’une partie de la population (sous la forme d’une contrainte à la vaccination) qui serait plus grave que celle que cette partie de la population fait endurer à l’autre. Mais la moindre des choses, ce serait que les résistant.e.s à la vaccination remercient les autres de bien vouloir respecter leur choix, et la bouclent, au lieu de s’agiter indécemment en brandissant une conception pervertie du vivre ensemble.