La question m’a déjà été posée deux ou trois fois, et a même donné lieu, il y a quelques mois, à un embryon de débat : pourquoi les commentateurs de mes chroniques sont-ils si rarement des commentatrices ? Pourtant, j’écris sur des sujets de culture et de société, pas sur les stratégies des entraîneurs de foot, et même, assez souvent, sur les rapports entre les sexes, qui sont censés intéresser tout spécialement les femmes.
Je n’ai pas les moyens de faire des statistiques, mais un coup d’œil approximatif sur les autres blogs du Temps m’a permis de constater que le mien ne fait pas exception : sur n’importe quel sujet, les hommes interviennent beaucoup plus souvent que les femmes. Sont-ils plus nombreux à s’intéresser aux blogs en général ? C’est possible, pour des raisons que les sociologues des médias n’auront certainement pas de peine à expliquer. Mais cela n’infirme pas une autre hypothèse parallèle, à savoir que, même à égalité de nombre, les lecteurs de blogs ouvrent leur bec plus volontiers que les lectrices.
Rien de nouveau sous le soleil. Quand elles ne sont pas interpellées ad personam, les femmes sont souvent réticentes à s’exprimer en public, même si elles en savent long sur la matière débattue, tandis que beaucoup d’ hommes ont tendance à émettre leur précieux avis même quand personne ne l’a spécifiquement sollicité. N’avez-vous jamais remarqué, par exemple, qu’à certaines conférences où le public est aux quatre cinquièmes féminin, ce sont plutôt les rares hommes présents qui, au moment des questions, assurent l’animation ?
Cela vient de très loin, et le volontarisme ciblé ne suffit pas. Le Temps s’est donné du mal pour réaliser une quasi-parité entre blogueurs et blogueuses. Mais qui pourra réparer le déséquilibre archaïque entre deux catégories de la population, dont l’une est encouragée depuis des millénaires à exercer le pouvoir de la parole, poussée par le message social à considérer indispensables ses opinons parfois tout à fait dispensables, et l’autre que l’on a enjointe à «se taire dans l’assemblée» (apôtre Paul) ? L’injonction a beau ne plus être d’actualité, elle laisse apparemment des traces inconscientes même dans les assemblées virtuelles que sont les blogs. Alors, chères lectrices, si vous n’êtes pas d’accord avec mon hypothèse, faites-le savoir !