Sur l’une des cartes de vœux qui atterrissent ces jours parmi mes mails, cette illustration m’a fascinée. Un ange….une ange ? Difficile de trancher en contemplant ce magnifique portrait d’un être essentiellement indécidable, fille et garçon, corps et esprit, enfant et presque adulte. Mais pourquoi diable (oups…) faudrait-il trancher ? L’expression discuter du sexe des anges ne renvoie-t-elle pas à l’idée d’un pinaillage vain?
D’après le peu que je sais (commentaires bienvenus), l’Eglise catholique a fait des anges des êtres asexués pour ne pas mêler un quelconque érotisme à la mission de médiation entre Dieu et l’humanité. Mais le beau ou la belle ange de l’illustration semble plutôt cumuler les deux sexes avec son éclatante ambigüité charnelle – incarner l’infinité des bonheurs, matériels et spirituels, inscrits dans tous les corps.
Nous vivons à une époque où une partie de l’humanité refuse de s’enfermer dans une seule identité sexuelle, revendiquant, par exemple, la possibilité de ne cocher ni Madame ni Monsieur sur les formulaires administratifs, ou d’utiliser des toilettes non marquées par une jupette ou par un pantalon. C’est ce qu’on appelle l’expérience queer de navigation quotidienne entre la dite féminité et la dite masculinité. A chacune et chacun de s’y reconnaître ou pas du tout, vive la liberté et les chaussettes à licornes roses, quels que soient les petits pieds qui les revêtent. Le moment serait-il venu d’enrichir le sens prêté aux anges, d’en faire les messagères/messagers de tous les possibles ? Peut-être que Dieu, au fond, serait d’accord….
Je me suis renseignée. L’image, reprise sur Wikimedia Commons et appartenant au domaine public (ce qui m’autorise à l’utiliser à mon tour), représente une œuvre de Joanna Mary Boyce, intitulée Bird of God (1861) et figurant en ce moment même dans une exposition à Londres consacrée aux «Sœurs préraphaélites». Je recopie : «170 ans après l’exposition des premiers tableaux par les Frères préraphaélites en 1849, “Sœurs préraphaélites” explore la contribution négligée de douze femmes à ce mouvement artistique emblématique(…)» Haha! Encore du grain à moudre sur la vaste question de l’encagement dans les identités sexuelles. Joyeuse Noëlle !