Je suis féministe, préoccupée par le désastre climatique, révoltée par les injustices économiques et sociales, par le racisme. Mais l’idée de la «convergence des luttes» revendiquée, notamment, par la Grève pour l’Avenir vendredi dernier me laisse perplexe.
Il est certain que l’exploitation destructrice des ressources de la planète et celle, tout aussi destructrice, des êtres humains, découlent des mêmes mécanismes, en particulier de la recherche effrénée et sans vergogne du profit. Et elles vont souvent de pair. Il est certain que le système capitaliste et le système patriarcal ont toujours marché main dans la main. Dans notre sensibilité personnelle, au niveau émotionnel, ces causes peuvent «converger». Mais philosophiquement et politiquement, le slogan de la Grève pour l’Avenir est pour le moins approximatif.
Il y a quelques années, j’ai arrêté net de faire des dons à Greenpeace quand cette organisation dont j’appréciais jusque-là le mordant a lancé sa campagne en faveur des mouchoirs en tissu cousus à la maison pour remplacer les mouchoirs en papier qui détruisent les forêts boréales. S’imaginer que Kevin Tartempion, qui déjà renâcle à vider le lave-vaisselle et à emmener la petite dernière chez le coiffeur, va délaisser ses écrans le week-end pour coudre des mouchoirs – trop c’est trop, je préfère mettre mon argent ailleurs.
C’est une anecdote, mais elle est révélatrice des contradictions et des conflits de priorité qui demandent à être pensés avant de se lancer tête baissée dans cette «convergence» fantasmée. Pour donner un autre exemple, l’idée que l’on puisse associer l’antispécisme à l’antiracisme me fait personnellement grimper aux murs. A chacun.e ses opinions, toutes sont respectables et doivent être mises en débat – pas cachées sous une «convergence» de pacotille qui noie la spécificité et parfois l’incompatibilité, en tout cas stratégique, des causes défendues.