Le nom RailClean pour désigner le service de nettoyage des CFF était déjà agaçant, comme toutes les innombrables appellations anglicisantes désormais adoptées par les organismes fédéraux ; mais ça restait bénin, juste de quoi faire monter les tours à quelques attardés refusant l’évidence, à savoir que l’anglais, surtout parlé avec un poil de raideur alémanique (sviss au lieu de swiss, si vous voyez ce que je veux dire), est désormais la langue où se dit ce qui importe en Svitzerland. Avec RailFit, le nom choisi (par McKinsey, si ça se trouve) pour le programme d’économies de l’entreprise susmentionnée, c’est beaucoup plus grave, nous touchons à l’anthropologie.
Il n’y aura plus, comme disait l’autre, ni Alémanique, ni Romand (ça casse le rythme de l’envolée, mais ajoutons : ni Tessinois), ni technicienne de surface ni chirurgien cardiaque, ni homme ni femme bien sûr, etc. etc. , car vous serez, toutes et tous, des exemplaires humains fit. Dès lors, les craintes d’un accroissement de la «déshumanisation», exprimées par le syndicat de la branche, ont en réalité quelque chose de pathétique : comme si ça ne faisait pas un bail que la définition de l’«humain» n’a plus grand-chose à voir avec cette vieille lune qu’est l’humanisme. L’«humain», de nos jours, c’est l’efficace, le sans états d’âme, le dégraissé.
Je ne connais rien à la politique des transports, ni aux problèmes particuliers des CFF, dont le patron, Andreas Meyer, semble avoir très peu de ventre, je ne sais pas si vous l’avez vu sur les photos. Mis à part son salaire, qui fait un peu gras, il a l’air d’une publicité vivante pour la fittisation de son entreprise. Mais je m’égare. Point de vue rationalité économique, il est possible que les CFF n’aient pas tout tort. Ce qui me fait dresser les cheveux sur la tête, c’est la conception du monde dont s’inspire leur stratégie de communication. J’en viens presque à éprouver de la sympathie pour Donald Trump, dont le bulletin de santé révèle qu’il a quelques kilos en trop.